Le gouverneur de Yogyakarta est le seul non élu d’Indonésie. Le poste est réservé au sultan local. Ainsi en a récemment décidé le Parlement indonésien.
C’est une anomalie. Dans une Indonésie où même les régents (chefs de district) et les maires désormais sont élus, le Parlement de Jakarta a décidé que les fonctions de gouverneur de la ville de Yogyakarta sont «l’héritage» de la famille royale de ce territoire. L’actuel sultan – Hamengkubuwono X, né en 1946 et couronné en 1989, anglophone, docteur en droit, à l’allure d’un aristocrate moderne – est donc gouverneur à vie, moyennant quoi il a perdu le droit de s’inscrire à un parti politique. Il vient de retourner sa carte de membre au Golkar, l’un des principaux mouvements politiques de l’archipel (la loi ne dit pas, en revanche, s’il peut ou non se présenter à la présidence de la République).
Le Parlement a ainsi mis fin à plus d’une dizaine d’années de négociations et de disputes. En raison du soutien offert par Hamengkubuwono IX, père de l’actuel sultan, au mouvement indépendantiste contre les Néerlandais dès 1945, Sukarno avait décidé que la famille royale de Yogyakarta hériterait du gouvernorat local. Le père de l’indépendance a respecté sa parole. Toutefois, son successeur Suharto (1966-1998) ne l’a pas fait et a confié le poste de gouverneur à un de ses adjoints, le sultan de Paku Alam, petite principauté enclavée dans le territoire de Yogyakarta.
Après le limogeage de Suharto en mai 1998, le gouvernement central a décidé que le gouverneur de Yogyagkarta serait élu. Hamengkubuwono X l’a été sans difficulté. Depuis, la zizanie n’avait pas cessé de se manifester. A Jakarta, un courant voulait que le sultanat de Yogyakarta s’aligne sur les autres sultanats, qui ne bénéficient plus que de rôles honorifiques.
Mais un fort mouvement local s’y opposait. Le sultan, en 1998, est descendu dans la rue pour appuyer les réformes. Et il s’est interposé physiquement quand des voyous ont voulu profiter des manifestations pour saccager le centre. Il a sauvé sa ville.
Sa popularité n’explique pas tout. Le Palais du sultan ou Kraton, à Yogyakarta, bénéficie d’un grand prestige car cette ville de Java central est le successeur, ainsi que le rappele l’Economist de Londres, «du sultanat de Mataram, le dernier des grands empires de Java à avoir résisté à la conquête coloniale». Yogykarta est demeurée, autour de son vaste kraton, la capitale de la culture, des lettres et des arts. La présidence et le Parlement indonésiens ont donc dû faire marche arrière. Aujourd’hui âgé de 66 ans, le sultan n’a désormais qu’un vrai problème : le trône – et, donc, le gouvernorat – ne peut être occupé que par un héritier mâle. Or, suivant l’exemple de son propre père, il a renoncé au concubinage et son épouse lui a donné seulement cinq filles…
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