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Analyse Thaïlande

Chronique de Thaïlande : une rue de Brest au Siam

L’inauguration d’une rue de Brest à Bangkok évoque quatre cent ans d’amitié entre la France et la Thaïlande.

L’inauguration d’une rue de Brest à Bangkok évoque 330 ans d’amitié entre la France et la Thaïlande.

Les Suisses avaient leur « rue Henri Dunant » à Bangkok, les Français y auront désormais leur « rue de Brest ». En présence de l’ambassadeur de France Thierry Viteau, de l’ancien ambassadeur Gildas Le Lidec et du ministre thaïlandais de la Culture, Sontaya Khunpleum, le Soi 36 de Charoeng Krung, connue jusqu’à présent sous l’appellation Soi Rong Phasi Kao (la rue de la maison des douanes centre) a été rebaptisée le 15 février plus poétiquement « rue de Brest ». Elle donne accès à l’ambassade de France (maintenant en cours de reconstruction) sur la rive du fleuve Chao Phraya. C’est en effet au large de Brest que s’était ancré le 18 juin 1686 le vaisseau des premiers ambassadeurs siamois envoyés par le roi Narai au roi Louis XIV. La ville bretonne avait ensuite baptisée « rue de Siam », la rue où le principal ambassadeur du Siam, Kosa Phan, avait logé, dans la résidence même du roi Soleil près du grand port. Le projet de la rue de Brest avait été initié par Gildas le Lidec, breton d’origine, qui avait quitté ses fonctions d’ambassadeur à Bangkok en avril 2012. La cérémonie, qui a rassemblé de nombreux représentants des médias thaïlandais, a été placée sous le signe des « plus de trois siècles d’amitié entre la France et la Thaïlande ».

En 1685, un an avant l’ambassade siamoise de Kosa Phan,Versailles avait envoyé la célèbre ambassade menée par le Chevalier de Chaumont, qui marqua le début véritable de ces relations. Mais dès 1681, une première ambassade avait déjà été envoyée par Narai vers le royaume de France : elle périt en cours de route, le vaisseau disparaissant corps et biens au large du Cap de bonne espérance en décembre 1681. Aussi l’arrivée de Kosa Phan et de deux autres ambassadeurs de moindre rang à Brest fut le premier contact entre des Thaïlandais et le sol français. Les carnets de l’ambassadeur du Siam, dont seulement une partie est parvenue jusqu’à nous, fourmillent de détails sur son séjour de deux semaines à Brest. Il y décrit avec une précision étonnante son logement, la résidence du roi Soleil, allant jusqu’à mesurer la taille du miroir et énumère longuement les divers mets qui lui ont présenté lors des repas. Beaucoup de ces plats lui sont inconnus ; aussi pour en parler, il « siamise » les noms français. Artichaut devient alors « a-ra-ti-cho », champignon « ka-pe-ra-ya » et prune « pa-ron ». Les choses n’ont pas tant changé en trois siècles et, probablement, si vous dites au moto-taxi que vous allez « thanon brest », il vous regardera avec perplexité pendant quelques instants avant de s’écrier : « Ah ! thanon ba-ret ». Kosa Phan s’intéresse aussi beaucoup à l’arsenal et aux vaisseaux français ancrés dans le port ; il fit un compte rendu scrupuleux de sa visite à destination de son suzerain, le roi Narai.

Certes, les relations franco-siamoises prirent ensuite un tour moins consensuel, avec la crise de 1688 et le départ, la queue entre les jambes, des militaires français de Baan-kok, l’actuelle Bangkok. Mais, comme on sait, tout cela est de la faute d’un aventurier grec, un certain Phaulcon. La récente visite du Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a redonné vigueur aux relations bilatérales, tant sur le plan économique et politique qu’au niveau de l’éducation et de la culture. Il ne reste qu’à espérer qu’un artiste du royaume de Thaïlande évoque un jour la « thanon brest » dans une chanson nostalgique, à l’instar de Jacques Prévert et de sa rue de Siam.

 


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Par Arnaud Dubus

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