Dans la foulée des attentats dans le sud à majorité musulmane de la Thaïlande, des politiciens d’opposition dénoncent la tenue de discussions entre les rebelles et l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra. Ce dernier s’en défend…
L’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra a-t-il négocié avec les insurgés du Sud ? Thavee Sodsong, secrétaire-général du Centre administratif des provinces frontalières du Sud (SBPAC), l’agence gouvernementale en charge de l’extrême-sud thaïlandais, a-t-il rencontré en Malaisie certains dirigeants de la rébellion ? Quelques photos postées sur un site séparatiste sur l’internet ont suffi à soulever une tempête d’accusations de la part de l’opposition menée par le Parti démocrate.
Thaksin et Thavee sont accusés d’avoir « violé la position gouvernementale qui est de ne pas négocier avec les rebelles ». Quand a été décrétée cette « position » ? Le cas échéant, quelle en serait la justification ? Nul ne le sait. Après les attentats du 31 mars à Yala et à Hat Yai, la confusion concernant la politique gouvernementale vis-à-vis de l’insurrection malaise du Sud est plus épaisse que jamais.
Quand Abhisit Vejjajiva était aux commandes, de décembre 2008 à juillet 2011, le gouvernement a largement délégué la gestion de la situation dans les trois provinces du Sud à l’armée. Cette stratégie sécuritaire n’a guère payé selon les chiffres publiés par Deep South Watch, une organisation qui tient la macabre comptabilité des violences : 1.084 blessés et 489 tués en 2011 contre 819 blessés et 468 tués en 2008. Toutes les statistiques vont dans le même sens : l’accroissement des effectifs et des pouvoirs des militaires dans le Sud n’a pas freiné le nombre des violences. Comment expliquer dès lors cette apparente réticence à établir des passerelles avec les rebelles ?
Essayer de trouver une motivation d’intérêt public revient probablement à faire fausse route. Le Sud malais apparaît le plus souvent comme un théâtre où sont projetées les ombres déformées des compétitions d’intérêts personnels des milieux du pouvoir politique et financier à Bangkok.
En 2008, l’ancien chef de l’armée de terre et ex-ministre de la défense, Chetta Tanajaro, avait annoncé à la surprise générale un accord de paix avec les rebelles séparatistes. Toutes les chaînes de télévision avaient alors diffusé une séquence tragi-comique où quelques hommes portant des moustaches postiches lisaient un communiqué de reddition avec en fond un drapeau aux couleurs de leur supposé mouvement. L’affaire en était restée là et, dans les heures même qui suivirent le sketch, des attentats ébranlèrent les provinces du sud. Interrogé peu après sur le sens du clip, un journaliste thaïlandais, spécialiste de longue date de l’insurrection sudiste, répondit : « Chetta a eu du mal à convaincre Anupong (Anupong Paochinda, alors chef de l’armée de terre) de faire diffuser la séquence, mais, au final, il a empoché un beau paquet d’argent ». Cette déconnexion entre la rhétorique officielle et la réalité sur le terrain, provoquée par des rivalités d’intérêts, augure mal d’un progrès dans la recherche d’une solution à l’imbroglio du Sud profond.
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