La Chine poursuit son grignotage en mer de Chine du Sud, quelles que soient les objections avancées par les autres pays riverains, beaucoup plus faibles.
Voilà quelques jours, à proximité de Scaborough, petit ensemble de bancs de sable et de récifs situé à proximité de Luçon, donc largement à l’intérieur de la zone économique exclusive des Philippines, un face-à-face s’est terminé de façon édifiante. Huit bateaux de pêche chinois ont pu repartir, leurs soutes pleines de poissons et coquillages, sous la protection de trois bâtiments chinois armés, dépendant officiellement d’un service chinois chargé de l’«application de la loi sur la pêche.» Manille ne fait pas le poids.
La position officielle de Pékin : plus de 80% des eaux de la mer de Chine du Sud nous appartiennent et nos bateaux ont le droit de pêcher où bon leur semble. Résultat : les eaux poissonneuses des Philippines sont pillées ; faute de moyens, un petit voisin de la grande Chine est contraint à une retraite qui n’est pas la première. Ironie de l’affaire : les manœuvres conjointes auxquelles participent ces jours-ci, sur la grande île philippine de Palawan, six mille soldats, dont quatre mille américains, n’ont pas empêché Pékin de poursuivre ses provocations.
Forte d’un budget militaire officiellement, cette année, de plus de 70 milliards d’€, la Chine continue son grignotage en mer de Chine du Sud. Le Vietnam est exaspéré : les bâtiments armés du service chinois de la pêche saisissent ses bateaux, avec leurs équipages, et les hommes arrêtés ne sont rendus que «contre rançon». Le 3 mars, la Chine a arraisonné deux bateaux de pêche vietnamiens dans les eaux de l’archipel des Paracels, à la hauteur du port de Da-Nang (Vietnam central), avec 21 hommes à bord, originaires du district de Ly Son, province de Quang Ngai. Les prisonniers ont rejoint dans les geôles chinoises 170 autres pêcheurs, originaires du même district, arrêtés en 2011 à bord de leurs onze bateaux.
Hydrocarbures
La Chine a fait objection à la signature, le 5 avril, d’un contrat entre le géant russe Gazprom et PetroVietnam concernant l’exploration conjointe de deux blocs qui se trouvent dans le bassin de Nam Con Son (Poulo Condore), soit au large du delta du Mékong et entièrement dans la zone économique exclusive du Vietnam. En 2009, en dépit d’un accord avec Hanoi, British Petroleum avait renoncé à explorer ces deux blocs. Des câbles diplomatiques américains, diffusés par Wikileaks, ont révélé que les compagnies pétrolières occidentales présentes en Chine faisaient l’objet de fortes pressions chinoises pour ne pas intervenir en mer de Chine du Sud à la suite d’un contrat avec le Vietnam. En revanche, l’ONGC, compagnie d’Etat indienne, n’a pas renoncé à l’accord de coopération avec PetroVietnam signé en novembre 2011 et aussitôt dénoncé par Pékin.
La Chine continue de pousser ses pions en mer de Chine du Sud en se contentant de références historiques controversées. En 1974, donc avant la victoire communiste vietnamienne de 1975, l’armée chinoise avait chassé manu militari de l’archipel des Paracels une garnison sud-vietnamienne. Depuis ce raid accueilli par les Vietnamiens comme un coup de poignard dans le dos, Pékin a aménagé les Paracels et, plus récemment, intégré cet archipel dans son administration.
Dans l’archipel des Spratleys, plus au sud, sont présents cinq Etats : Chine, Vietnam, Philippines, Malaisie et Taïwan. Aucun règlement négocié ne se profile à l’horizon : comme l’Asean s’avère incapable d’adopter une position commune sur le différend, notamment en raison des pressions exercées par la Chine sur quelques membres, Pékin poursuit son grignotage. Jusqu’au jour où un incident plus grave que les autres incitera les Etats-Unis, qui ont déjà manifesté leur préoccupation en 2010, à s’intéresser de plus près à ce qui est déjà le plus grave contentieux maritime en Asie du sud-est.
Jean-Claude Pomonti
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