La décision de la Cour constitutionnelle du 13 juillet, rejetant les accusations de renversement de la monarchie absolue à l’encontre du parti Peua Thaï au pouvoir en Thaïlande, n’a fait qu’apporter un répit.
Selon une première approche, la décision de la Cour constitutionnelle du 13 juillet suit le modèle thaïlandais classique de l’évitement des conflits, une attitude mi-figue mi-raisin qui ne satisfait vraiment personne mais apaise les tensions à court terme. Le nœud n’est pas tranché, ni même dénoué, mais il a été un peu desserré et personne n’a été étranglé. L’arrêt de la Cour devrait constituer un sujet de réflexion pour les étudiants en droit public, tant il est perclus d’ambiguïtés. La déclaration de compétence de la Cour est plus que douteuse.
L’exigence d’un référendum préalable à la convocation d’une assemblée constituante est sans doute une première dans l’histoire constitutionnelle mondiale (même les Suisses pourraient s’en étonner). C’est comme de demander aux électeurs de voter sur la nécessité d’organiser des élections anticipées.
Si l’on essaie de dépasser les arguties, manœuvres et fausses justifications, on peut esquisser un tableau plus net. L’enjeu est le retour de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra, condamné à deux ans de prison en 2008 pour abus de pouvoir dans le cadre d’un procès jugé être un «procès politique» par la grande majorité de la communauté internationale. Thaksin est un politicien thaïlandais cynique, corrompu comme la plupart des autres, qui se soucie des droits de l’Homme comme d’une guigne et qui s’épanouit dans l’exercice du pouvoir.
Mais il est celui qui a été élu – lui ou ses représentants – cinq fois de suite par les Thaïlandais, en 2001, 2005, 2006, 2008 et 2011. L’élite conservatrice ne lui reproche pas son mépris des droits de l’Homme – elle n’a pas levé le petit doigt quand les militaires sous les ordres de Thaksin ont massacré les musulmans Malais à Tak Bai en octobre 2004, ni lors de la meurtrière «guerre contre la drogue» au début de 2003 -, mais plutôt de ne plus partager le gâteau en parts égales et de déstabiliser le statu quo centré autour de la monarchie. Les intérêts économiques derrière ce statu quo sont énormes.
D’où le dilemme dans lequel se débat la Thaïlande depuis des années : l’homme qui semble être le passage obligé pour une société plus démocratique est lui-même un politicien aux tendances autocratiques, une sorte de Juan Peron asiatique, dont l’Evita a préféré s’éloigner. Retirer Thaksin de l’équation la rend-elle plus simple à résoudre ?
Pas forcément, car la querelle entre divers groupes de l’élite a donné naissance à un phénomène nouveau en Thaïlande, l’émergence d’un vaste mouvement populaire qui remet en question les fondements de cette société fortement hiérarchisée : monarchie intouchable, droit des militaires d’intervenir en politique, arrogance de l’appareil judiciaire et de nombreux corporatismes d’élite, comme par exemple celui des médecins ou des hauts fonctionnaires. Ce mouvement a été au départ manipulé par le clan Thaksin, mais il commence, au moins en partie, à échapper à son contrôle et même au contrôle de la direction de l’Union pour le Développement de la Démocratie (UDD).
Il reste informe et sans leader réel, mais la direction est nette : une courbe de collision se dessine avec les forces de l’establishment, paniquées par la rapidité des changements d’attitude. Le peu d’affluence aux dernières manifestations royales – et la nécessité d’organiser des convois de Chemises roses (royalistes) – est un signe. Les réactions du public lors de plusieurs séminaires et colloques sur la monarchie ont été parlantes. Si les tensions et la menace de violence deviennent telles qu’un coup d’Etat apparaît nécessaire aux conservateurs, cette tendance de fond, qui cherche confusément à donner de nouvelles bases à une société bloquée, n’en serait que ralentie.
En savoir plus sur Info Asie
Subscribe to get the latest posts sent to your email.