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Asie Culture

Un nouveau projet de recherche Europe-Asie du Sud-est

Cinq institutions de recherche européennes et quatre universités d’Asie du Sud-Est s’associent pour un ambitieux projet de recherche.

Le projet, financé à hauteur de 2,4 millions d’€ par l’Union européenne, a été baptisé SEATIDE et portera sur la thématique : “Intégration en Asie du sud-est. Trajectoires d’inclusion, dynamiques d’exclusion”. Le coordinateur scientifique en sera l’Ecole française d’extrême orient (EFEO), au travers du directeur de cette institution plus que centenaire, Franciscus Verellen, et d’Yves Goudineau, directeur du centre EFEO à Chiang Mai. Cinq universités ou établissements de recherche européens y participent – l’EFEO, l’université de Cambridge, l’université d’Hambourg, l’Université de Milan-Bicocca et l’université de Tallin (Estonie) – ainsi que quatre universités du Sud-est asiatique – l’université indonésienne de Gadjah Mada, l’Académie vietnamienne des sciences sociales, l’université Sains Malaysia et l’université de Chiang Mai (Thaïlande) – constituent le coeur du réseau de recherches, mais des chercheurs d’autres établissements y participeront également (Institut de recherches sur l’Asie du Sud-est contemporaine, Institut de recherches pour le développement, CNRS).

“C’est un réseau de coopération entre chercheurs qui se met en place, le projet va durer une dizaine d’années”, a précisé à Asie-Info Jérémy Opritesco, conseiller culturel et scientifique de l’ambassade de France à Bangkok. Quatre sous-thèmes seront étudiés avec, pour chacun d’entre eux, une ou plusieurs universités jouant un rôle-leader : l’intégration nationale face à la diversité régionale, les mouvements de populations transfrontaliers et intranationaux, l’analyse des réseaux de connaissance et le rôle qu’y joue l’Europe, et l’analyse des crises historiques et politiques dans le but de voir ce qui distingue l’Asean Way du mode d’intégration propre à l’Union européenne.

Le projet doit être officiellement inauguré le 1er février à Chiang Mai en présence du directeur de l’EFEO et du président de l’Université de Chiang Mai, le professeur Kasem Wattanachai.

 

 

 

 

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Viêtnam

Le Vietnam déclare la guerre aux importations clandestines

La majorité des liqueurs et des cigarettes étrangères au Vietnam sont introduites illégalement dans le pays, selon un officiel.

Le chiffre a été révélé lors d’un séminaire par Vuong Tri Dung, le directeur adjoint du sous-département market management de Hanoï et cité par le site de Tuoi Tre : 60 % des timbres d’importations utilisés sur les bouteilles d’alcool venues de l’étranger sont des timbres contrefaits. Quant aux cigarettes importées clandestinement, elles feraient perdre au fisc vietnamien environ 200 millions de dollars par an, selon le site. Ce trafic augmente particulièrement dans les semaines qui précédent le Têt, ou Nouvel an vietnamien, lequel a lieu le 10 février en 2013.

Pour contrer ce trafic illégal croissant de cigarettes et d’alcool, les autorités vietnamiennes ont décidé de publier les listes de numéros qui seront inscrits sur tous les timbres d’importation imprimés pour une période donnée, de manière à ce que les produits illégaux puissent être repérés. Par ailleurs, les consommateurs qui achètent de grandes quantités de produits clandestins (plus de 1.500 paquets de cigarettes ou plus de 100 bouteilles d’alcool) pourront être l’objet de poursuites pénales.

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Birmanie Politique Social Thaïlande

Thaïlande : des camps de détention pour les Rohingyas

Bangkok ne veut pas que les Rohingyas restent plus de six mois sur le sol thaïlandais.

Après une réunion le 25 janvier des agences de sécurité de la Thaïlande sur la question des Rohingyas se trouvant dans le sud du royaume, le chef du Conseil national de Sécurité (CNS), le général Paradon Pattanathaboot, a indiqué, selon le Bangkok Post, que des camps de détention pour Rohingyas allaient être établis dans les provinces de Songkhla et de Ranong. Environ 1.400 Rohingyas ayant fui l’Etat Rakhine dans l’ouest de la Birmanie après les affrontements intercommunautaires de l’été dernier se trouvent dans les provinces du sud de la Thaïlande. Les Rohingyas, de confession musulmane, et les bouddhistes de l’Etat Rakhine se sont violemment affrontés en juin 2012 ; les heurts ont provoqué près de 200 morts et des milliers de blessés. Après la destruction de leurs villages, beaucoup de Rohingyas ont fui la Birmanie, souvent dans l’objectif de se rendre en Malaisie pour y trouver du travail. Ceux qui, à mi-chemin, manquent de vivres, s’égarent ou sont interceptés par des trafiquants ou des militaires aboutissent en Thaïlande.

Peu à peu, cette concentration de “réfugiés” rohingyas en Thaïlande devient une crise majeure, qui n’est pas sans rappeller l’exode des Cambodgiens durant et après le régime khmer rouge dans les années 70 et 80 ou même celle des “boat people” vietnamiens. Le dernier camp de réfugiés cambodgiens a été fermé en 1992. Le général Paradon souligne ainsi, selon le quotidien thaïlandais, que permettre aux Rohingyas de s’installer “à long terme” en Thaïlande aurait un effet d’aimant qui augmenterait les arrivées de Rohingyas. Pour cette raison, il affirme qu’ils ne pourront pas demeurer dans le pays plus de six mois et semble insinuer que ceux qui arriveront après la fin janvier ne pourront pas débarquer sur le sol thaïlandais. Les 1.400 Rohingyas qui se trouvent déjà dans le pays, dans des centres d’immigration ou des locaux administratifs, seront placés en détention et devront, à l’issue de cette période de six mois, être renvoyés en Birmanie ou dans un pays d’accueil. “Nous devons maintenant contacter les pays qui ont voulu que nous aidions les Rohingyas et leur demander s’ils sont prêts à accepter ces gens chez eux”, a dit le chef du CNS cité par le journal.

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Analyse Thaïlande

Chronique de Thaïlande : où est la justice ?

Le verdict contre Somyot Preuksakasemsuk confirme la dérive de l’appareil judiciaire en Thaïlande.

Quand on ne parvient pas à convaincre par la persuasion, on essaie d’imposer par la force, écrivait le philosophe britannique Bertrand Russel dans son livre Power. Et par la peur, est-on tenté d’ajouter à la lumière du verdict de dix ans de prison prononcé le 23 janvier pour crime de lèse-majesté contre Somyot Preuksakasemsuk, directeur du journal Voice of Taksin. Le verdict de la Cour pénale de Bangkok est remarquable par plusieurs de ses aspects. D’abord, le flou grandissant du champ d’application de l’article 112 du Code pénal qui punit d’une peine de trois à quinze ans de prison ceux qui critiquent ou insultent « le roi, la reine, l’héritier du trône ou le régent ». Selon une dérive déjà notée lors de verdicts précédents, Somyot a été puni pour des articles qu’il n’a pas écrits et où les noms du roi, de la reine ou du prince héritier n’étaient pas directement mentionnés. Lors d’un verdict récent, le militant Chemise rouge et ancien comédien Yossawarit Chuklom avait lui aussi été condamné à plusieurs années de prison pour avoir évoqué lors d’un discours en 2010 « quelqu’un qui s’oppose à la dissolution du gouvernement d’Abhisit Vejjajiva » et avoir ensuite mis les mains devant sa bouche en guise de baillon pour ne pas avoir à prononcer le nom de la personne en question. Les juges se réservent donc le droit de deviner si tel ou tel propos, tel ou tel écrit fait référence indirectement au roi, à la reine ou à l’héritier du trône.

Deuxième aspect : la sévérité extrême de la peine. La vaste disproportion entre le crime commis – un article publié dans un magazine militant et qui ne semble pas avoir provoqué un mouvement de révolte significatif au sein de la population – et la peine massive, « juridiquement folle » pour reprendre les termes d’une représentante de l’Union européenne quelques instants après le verdict. Faut-il rappeler le cas du policier condamné en 2006 à trois ans de prison pour avoir fait « disparaître » l’avocat Somchai Neelapaijit et, qui s’est éclipsé après avoir été libéré sous caution ? Celui du fils de l’actuel vice-Premier ministre Chalerm Yoombarung que plusieurs témoins ont vu tirer sur un policier dans une discothèque, mais acquitté en 2004 pour « absence de preuves » ? Somyot, qui, pendant des décennies, s’est engagé dans la défense des droits des travailleurs, s’est vu refuser à douze reprises la libération sous caution. L’objectif de cette attitude des tribunaux, se permettant une interprétation très large de la loi alors même qu’elle porte atteinte à des droits fondamentaux de liberté d’expression et de liberté de la presse et assénant des peines disproportionnées, semble bien avoir pour but de créer une atmosphère de peur diffuse, mettant chacun sur le qui-vive, cela d’autant plus que personne ne sait exactement ce qui est permis et ce qui ne l’est pas.

Il n’est toutefois pas évident que cette stratégie soit payante. Pour un lourd verdict contre un vieil homme malade qui aurait envoyé des texto insultant la famille royale, des dizaines de milliers de personnes s’insurgent sur la Toile et se mobilisent. Pour un jugement déraisonnable contre un patron de journal qui aurait laissé publier deux articles critiques envers la monarchie, des dizaines de milliers de défenseurs des libertés fondamentales, y compris des gouvernements étrangers et des organisations internationales, s’interrogent sur les engagements démocratiques de la Thaïlande, dont le roi est le chef d’Etat.

Alors pourquoi une partie des juges s’enferrent-ils dans cette logique destructrice ? Peut-être simplement parce qu’ils ont l’impression que, s’ils laissaient « s’ouvrir le débat », ils ne parviendraient plus à le contrôler. Et ils sentent bien aussi que ce débat remettrait aussi en cause leur propre position dans la société (les juges étant protégés par des lois similaires dans leur fonctionnement aux lois contre le crime de lèse-majesté). Dans leur vision, il s’agit de réprimer encore et toujours, d’une manière qui ressemble de plus en plus aux comportements des systèmes judiciaires des régimes autocratiques. Peut-être par anticipation d’un prochain règne qui sera immanquablement chahuté, mais sans s’apercevoir que par leur étroitesse d’esprit ils sont en train de contribuer à la destruction de l’institution qu’ils s’imaginent défendre.

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Birmanie Politique

Birmanie : un ancien ministre accusé de corruption

Une enquête officielle a été ouverte sur les agissements de l’ancien ministre des Télécommunications.

Les détails sont rares mais l’enquête pour corruption dont est l’objet l’ancien ministre Thein Tun apparaît comme une première en Birmanie (nom officiel : Myanmar). Le ministre qui détenait le portefeuille des Télécommunications, du Télégraphe et des Postes sous la junte birmane jusqu’en mars 2011, puis dans le gouvernement civil du président Thein Sein, a dû, selon le webzine Irrawaddy, démissionner à la mi-janvier. Des officiels ont confirmé à l’Irrawaddy qu’une enquête était ouverte à l’encontre de Thein Tun et d’une douzaine d’employés du ministère, parmi lesquels des ingénieurs. Des documents indiquant des transferts financiers importants sur des comptes bancaires apparemment détenus par l’ancien ministre ont fait leur apparition ces derniers jours sur plusieurs sites internet, sans que l’on sache si ces documents sont authentiques et qui les a postés.

Thein Tun apparaît ainsi comme la première cible de l’équipe anti-corruption mise en place par le président Thein Sein début janvier 2013. Dans le classement de l’organisation anti-corruption Transparency International, la Birmanie arrive au 172ème rang en termes de corruption sur une liste de 176 pays. Thein Sein, qui a engagé des réformes pour ouvrir l’économie du pays aux investisseurs étrangers, veut améliorer la réputation du pays. En décembre dernier, il a fustigé l’inefficacité de la bureaucratie et la corruption rampante qui règne dans  ses rangs.

Le secteur des télécommunications, où les monopoles étaient la règle jusqu’à tout récemment, constituait un secteur particulièrement lucratif pour les hommes d’affaires proches des militaires. A la fin des années 1990, rappelle l’Irrawaddy, une firme liée à la famille de l’ex-dictateur Ne Win avait mis en place un réseau GSM dans le pays et vendait des cartes SIM au prix astronomique de 3.300 dollars. A l’heure actuelle, les cartes SIM sont vendues au prix de 250 dollars, ce qui reste très supérieur aux prix pratiqués dans les pays voisins. Fin 2011, Thein Sein a annoncé le lancement d’un projet visant à vendre 30 millions de cartes SIM à bas prix entre 2011 et 2016. Parmi les 23 firmes impliquées dans le projet, plusieurs étaient étroitement liées à l’ancienne junte, comme E-Lite Tech, dirigée par le « crony » Tay Za, et la société IGE, dirigée par les fils du ministre de l’Industrie Aung Thaung. A la mi-janvier 2013, le gouvernement a invité les investisseurs locaux et étrangers à faire des propositions pour mettre en place des services de télécommunications à travers le pays.

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Cambodge Politique Thaïlande

Thaïlande-Cambodge : guerre des mots entre Abhisit et Hun Sen

Les échanges verbaux acerbes entre le Premier ministre du Cambodge et l’ancien chef du gouvernement de Thaïlande tendent les relations bilatérales.

Les deux hommes ne se sont jamais appréciés, peut-être simplement parce qu’ils sont trop différents : Abhisit Vejjajiva, l’enfant des beaux quartiers de Londres, propre sur lui, mais qui se révèle aussi politicien rusé et tenace, et Hun Sen, l’ex-enfant de pagode, chef de guerre endimanché qui se complaît dans sa propre éloquence. L’un converse allègrement avec le président des Etats-Unis Barack Obama, l’autre pas. Lors d’une nouvelle passe d’armes verbale fin janvier, Hun Sen a mis au défi Abhisit Vejjajiva d’appuyer par des preuves ses propos alléguant que l’ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra avait négocié secrètement des avantages économiques pour lui-même dans le cadre de la future exploitation de la zone riche en hydrocarbures à la limite des eaux territoriales entre le Cambodge et la Thaïlande.

Selon le quotidien thaïlandais The Nation, Abhisit a immédiatement rétorqué qu’il possédait un faisceau de preuves, citant notamment des télégrammes diplomatiques révélés par Wikileaks, ainsi que les propres propos de Thaksin et de Hun Sen. Avec un rien de perfidie, l’ex-Premier ministre thaïlandais Abhisit a ajouté, à propos de l’attitude changeante de Hun Sen à son égard – courtois lorsqu’il est en face de lui, désagréable sinon -, que le public «était bien conscient de quel type de personne était Hun Sen». Le gouvernement thaïlandais, alors dirigé par Abhisit Vejjajiva, avait annulé en novembre 2009 un mémorandum bilatéral sur la zone maritime revendiquée par les deux pays.

Le 24 janvier dernier, l’actuelle cheffe du gouvernement de Thaïlande, Yingluck Shinawatra, sœur cadette de Thaksin, est intervenue pour la première fois afin d’essayer de calmer la polémique. Selon le quotidien Bangkok Post, elle a demandé à Abhisit d’arrêter de répondre du tac au tac aux déclarations de Hun Sen, afin de ne pas compromettre les relations entre les deux pays. Beaucoup d’observateurs s’inquiètent de même des conséquences de cette guerre verbale. Le Nation a estimé, dans un éditorial publié le 25 janvier, que si le Cambodge continuait à miser uniquement sur Thaksin, les liens bilatéraux risquaient une déstabilisation permanente, mais a également reproché à l’opposition thaïlandaise de se complaire dans un jeu stérile de distribution des blâmes.

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Malaisie Politique

Appel à brûler des bibles en Malaisie

Un groupuscule pro-malais veut organiser un autodafé de bibles.

Le tract a été placé dans la boîte aux lettres d’une église de Penang, un Etat du nord de la fédération de Malaisie, avec pour titre : « Brûlons ! Autodafé de bibles en langue malaise ». Ce « festival », organisé par un mystérieux groupe nommé le Groupe d’action contre les bibles en malais, doit se tenir le 27 janvier dans un lieu du nord de la Malaisie dont le nom n’a pas été révélé par la presse. Combien de tracts similaires ont été distribués ?

Quelle est l’influence de ce groupuscule ? Impossible de répondre. Mais, selon le quotidien de Singapour The Straits Times, cette campagne contre les bibles en malais n’est pas un épiphénomène. Une décision de la Haute cour de justice avait autorisé en décembre 2009 un journal chrétien en malais à utiliser le mot « Allah » pour désigner le Dieu chrétien.

Ce jugement avait immédiatement provoqué la fureur de certains groupes malais musulmans et une église dans la banlieue de Kuala Lumpur avait été incendiée. 60 % des 29 millions de Malaisiens sont d’ethnie malaise et de religion musulmane.

Les chrétiens, dont une grande majorité sont d’origine chinoise, constituent 9 % de la population

Le gouvernement de Penang a demandé à la police de mener une enquête sur cet autodafé annoncé. Le chef de l’opposition en Malaisie, Anwar Ibrahim, a aussi condamné l’appel à brûler des bibles lors d’une conférence de presse, déclarant, selon le Straits Times, qu’il s’agissait d’un « acte extrême qui doit être rejeté par tous les Malaisiens, y compris les musulmans ».

Le tract a d’autant plus inquiété certaines parties de la population que sa distribution intervient peu après qu’un parlementaire, leader d’un groupe extrémiste pro-malais nommé Perkasa, a appelé à l’organisation d’un autodafé massif des bibles en malais utilisant le mot « Allah ». Lim Chee Wee, président du Barreau de Malaisie, a estimé que cet incident montrait que « Perkasa se sentait libre d’agir en toute impunité » et qu’il fallait entamer des poursuites judiciaires contre cette organisation.

Perkasa est proche du parti malais UMNO, élément central de la coalition Front national (BN) au pouvoir. Des sondages, à l’approche des élections générales du printemps prochain qui s’annoncent particulièrement serrées, ont montré que l’UMNO avait perdu une grande partie du soutien des Malaisiens d’origine chinoise, lesquels constituent 25 % de la population, et devra s’appuyer sur l’électorat malais pour conserver sa majorité.

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Politique Thaïlande

Thaïlande : verdict cinglant contre la presse rouge

Le directeur d’un magazine supportant les Chemises rouges est condamné à dix ans de prison pour lèse-majesté.

C’est un coup de massue pour les amis et les parents de Somyot Preuksakasemsuk, ainsi que plus largement pour la liberté de la presse en Thaïlande. Le directeur du magazine Voice of Taksin, une publication surtout lue par les Chemises rouges, c’est-à-dire les partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, a été condamné le 23 janvier par la cour pénale de Bangkok à 10 ans de prison pour deux articles considérés par les juges comme insultant envers le roi Bhumibol, auxquels s’est ajoutée une année de prison pour violation de la loi sur la presse. Somyot, qui n’a rien dit pendant toute l’audience, est reparti encadré par des policiers, chaînes aux pieds et en brandissant le point.

Le premier article, écrit en 2010 par l’ancien porte-parole du gouvernement Jakrapob Penkair, est une longue description historique de la façon dont Rama I, alors général, a éliminé en 1782 le roi Taksin, avant de prendre sa place sur le trône et de fonder la dynastie Chakri, dont le roi actuel Bhumibol ou Rama IX est le descendant. Les deux personnages historiques ne sont pas nommés dans l’article, ni le roi Bhumibol. Le second article, aussi écrit par Jakrapob, évoque un personnage fictif et sanguinaire, Luang Narubal, qui met en œuvre des noirs desseins, comme l’attaque contre l’université Thammasat en octobre 1976, de nombreux coups d’Etat et la répression meurtrière des manifestations des Chemises rouges en mai 2010. Les juges ont estimé que le premier article violait l’article 112 du code pénal qui punit le crime de lèse-majesté d’une peine entre 3 et 15 ans de prison, car il était diffamatoire envers la dynastie Chakri dont le roi actuel est le descendant. “Le second article fait clairement référence au roi Bhumibol sous les traits de Luang Narubal”, a déclaré l’un des juges.

Les juges ont aussi estimé que l’argument avancé par Somyot selon lequel il n’était pas l’auteur de ces articles, mais simplement le directeur du magazine n’était pas recevable, car celui-ci relisait les articles et en autorisait la publication. Les juges ont prononcé une peine de cinq ans pour chaque article incriminé, plus une année pour violation de la loi sur la presse.

A la sortie du tribunal, beaucoup de Chemises rouges étaient sous le choc et pleuraient. Des représentants d’organisations de défense des droits de l’Homme exprimaient aussi leur indignation. “C’est un terrible jugement. Même si l’on admet qu’il y a eu une faute, il doit y avoir une certaine proportion entre la faute et la peine”, s’est exclamé Danthong Breen, président de l’Union for Civil Liberties. L’organisation Human Rights Watch a publié un communiqué estimant que “les tribunaux (thaïlandais) ont adopté un rôle de protecteur de la monarchie au détriment de la liberté d’expression”. La délégation de l’Union européenne à Bangkok a aussi réagi dans l’heure qui a suivi le verdict en déplorant un jugement qui “mine sérieusement le droit de la liberté d’expression et la liberté de la presse”. Outre une représentante de l’Union européenne, des diplomates français, américain, britannique, allemand, danois, finlandais et luxembourgeois étaient présents à l’audience.