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Asie Social Thaïlande

La Thaïlande face au problème croissant de l’opium

La découverte d’un vaste champ d’opium dans le nord du royaume alerte les autorités de la Thaïlande.

Depuis des décennies, la culture du pavot à opium dans le nord de la Thaïlande, près des frontières de la Birmanie et du Laos est considérée comme étant sous contrôle : seuls quelques paysans dans des zones reculées continuaient à cultiver des petites parcelles de pavots, dont l’opium, une fois extrait, était le plus souvent directement consommé par les villageois. Les projets menés par le roi de Thaïlande pour substituer diverses cultures (café, fraises…) à l’opium sont généralement considérés comme des réussites, y compris par l’agence onusienne de lutte contre la drogue (UNDOC). Mais, selon le quotidien de Singapour The Straits Times, la découverte fin décembre par la police thaïlandaise d’un champ d’opium de près de 13 hectares dans le district de Chai Prakan, dans la province de Chiang Mai, a montré la nécessité de renforcer la vigilance dans ce domaine, même si la priorité des autorités de Thaïlande reste la lutte contre le trafic de méthamphétamine. Cela fait plusieurs décennies qu’on n’avait pas trouvé un si vaste espace de culture consacré aux pavots.

The Straits Times cite également un expert de la lutte contre le trafic de drogue, lequel souligne que « la demande d’héroïne augmente », tirée notamment par les consommateurs chinois. En juillet 2011, la police australienne a saisi une cargaison de 306 kilos de méthamphétamine sous forme de cristaux cachée dans des poteries en provenance de Thaïlande. La cargaison contenait aussi 252 kilos d’héroïne. Une fois récoltée, l’opium est envoyé en Birmanie pour être transformé en héroïne dans des «laboratoires» proches de la frontière. L’héroïne est ensuite acheminée vers la Thaïlande, qui constitue un pays de transit alimentant le marché international.

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Social Thaïlande

Bonnet d’âne pour les écoliers du sud de la Thaïlande

Les élèves des écoles de la région déstabilisée par une insurrection sont classés au bas de l’échelle nationale.

Les assassinats d’enseignants dans le sud à majorité musulmane de la Thaïlande font régulièrement les gros titres des journaux. Près de 160 d’entre eux, à 80 % de confession bouddhiste, ont été tués depuis la résurgence de l’insurrection séparatiste en janvier 2004. Selon le Straits Times de Singapour, un des effets de cette violence contre les enseignants dont on parle peu est le mauvais résultat des élèves des écoles du Sud dans le classement national. En 2012, les écoliers des trois provinces frontalières de la Malaisie – Pattani, Yala et Narathiwat – se retrouvent à nouveau dans le bas du tableau national.

Selon Prasit Meksuwan, ancien président de la Confédération des enseignants du sud cité par le quotidien, les assassinats d’enseignants ont un impact psychologique important sur l’état d’esprit des élèves, les décourageant d’apprendre. Toutefois, ce sont surtout les conditions culturelles qui désavantagent les écoliers du sud, lesquels sont dans leur immense majorité issus de familles malaises (qui parlent le jawi, un dialecte malais, à la maison) et donc ne rentrent en contact avec la langue thaïe que lors de leur entrée dans le cycle primaire.

En outre, parallèlement à leur cursus à l’école publique, ces enfants suivent presque toujours une éducation religieuse à l’école coranique, où des textes écrits en arabe sont appris par cœur sans véritable compréhension du contenu. Selon plusieurs experts, cette double éducation les désavantage par rapport à leurs camarades thaïs bouddhistes. Le Straits Times estime que le risque de ces handicaps cumulés est la condamnation des jeunes Malais musulmans “à une vie d’échecs”.

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Analyse Société Thaïlande

Chronique de Thaïlande : recherche silence désespérement

Quelques Thaïlandais se battent pour préserver des espaces de silence dans cet univers de bruit et de fureur qu’est Bangkok.

C’est un petit groupe d’irréductibles qui organise des réunions en catimini dans de discrets restaurants de Bangkok. Universitaires, artistes, étudiants ou membres de professions libérales, ils y tiennent régulièrement des discussions chuchotées pendant une heure ou deux, avant que chacun disparaisse dans le grand brouhaha de la capitale de la Thaïlande. Cette confrérie n’est pas vouée à un culte obscur ni à une passion coupable. Elle milite, sans relâche, avec obstination, pour le droit au silence dans Bangkok, bruyante mégapole d’une douzaine de millions d’habitants, de sept millions de véhicules et de centaines de milliers de méga-sonos visant à abreuver les citoyens d’informations inutiles, de balades sirupeuses et d’insidieux messages publicitaires. Quiet Bangkok, tel qu’est baptisée cette association, a été fondée il y a une dizaine d’années par Ajarn Breen, un scientifique thaïlandais aux yeux bleus et à la barbe blanche dus à son ascendance celtique, et un petit groupe d’amis. Peu à peu, l’association s’est étoffée, regroupant un réseau informel de compagnons de route de la tranquillité. Ils alimentent un blog (http://quietbangkok.blogspot.com) et organisent parfois des excursions lorsque l’un des membres repère – évènement rare – un endroit silencieux dans la grande ville : un temple bouddhique retiré, un voisinage miraculeusement sauvé des ondes sonores ou un parc que le tsunami de décibels n’a pas encore englouti.

Expert dans le domaine de l’acoustique, Ajarn Breen peut parler des heures durant du désamour entre Bangkok et la quiétude. Dans un de ses récents articles sur le blog, il a mesuré le niveau de décibels dans un restaurant au rez-de-chaussée du Centre des fonctionnaires de Chaeng Watthana. Le verdict est sans appel : 75 décibels, soit 20 décibels de plus que le niveau acceptable pour pouvoir tenir “une conversation décontractée”. Mais, de manière intermittente, le niveau saute à 82 décibels, lorsque les clients du restaurant raclent le sol avec les pieds métalliques de leur chaise. Soit “une augmentation de 400 % du niveau de bruit” (l’échelle des décibels étant exponentielle). Les pertes auditives temporaires ou permanentes commencent à apparaître à partir d’un niveau de 90 décibels.

La relation au bruit semble comporter des éléments culturels. Qui n’est pas impressionné par les efforts que les Japonais font pour maintenir des zones de silence dans un environnement ultramoderne ? En me promenant au centre de Siam Square, le “quartier jeune” de Bangkok, je pense avoir localisé un des endroits les plus exposés aux bruits de la ville : à l’intersection de deux écrans géants vociférant leurs musiques et leur propagande, au milieu des bruits de moteur et du fond sonore du métro aérien et parmi les clameurs de la foule. A l’intérieur du métro aérien, vous n’aurez pas davantage droit à un petit repos pour votre ouïe : des hauts parleurs ont été stratégiquement positionnés sur les quais de manière à vous empêcher d’échapper au bruit où que vous vous placiez ; à l’intérieur des voitures, le relatif silence des débuts est désormais brisé par d’omniprésents écrans de télévision qui déversent spots publicitaires et informations cruciales.

Un récent séjour à Rangoon et à Mandalay fait toutefois apprécier un trait sonore de Bangkok : la quasi-absence de coups de klaxon. Paradoxalement, les Bangkokiens qui semblent se repaître dans le bruit et la fureur se montrent d’une patience exemplaire au volant. Piètre consolation. Car, comme le note Ajarn Breen sur le blog de Quiet Bangkok, le drame est que les enfants thaïlandais grandissent dans cet environnement assourdissant et, au fur et à mesure que leur ouïe est détruite, requièrent des stimulations sonores de plus en plus fortes. Le divorce entre Bangkok et le silence semble sur le point d’être consommé.

Max Constant

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Birmanie Social Thaïlande

Thaïlande : prison pour les organisateurs d’un trafic humain

Quatre Thaïlandais ont été condamnés dans l’affaire de la mort par étouffement de 54 Birmans dans un conteneur de camion.

L’affaire remonte à avril 2008 et avait provoqué un choc dans l’opinion publique thaïlandaise et internationale : 54 Birmans avaient été retrouvés étouffés à l’arrière d’un camion-conteneur alors qu’un trafiquant les convoyait du port de Ranong à l’île de Phuket où ils étaient censés trouver un emploi. Le tribunal de Ranong a rendu son jugement le 28 décembre, selon le quotidien The Nation, en condamnant à des peines allant de trois à dix ans de prison quatre personnes impliquées dans l’organisation de ce trafic humain.

Les 54 Birmans faisaient partie d’un groupe de 121 migrants illégaux qui avaient été embarqués dans le camion à Ranong pour être conduit à Phuket. Ils avaient été “entassés” dans un conteneur de 6 mètres sur 2,2 mètres, dont le système de ventilation était cassé. Quand plusieurs de leurs camarades s’étaient écroulés à cause du manque d’air, les autres migrants s’étaient mis à tambouriner sur la paroi du container pour alerter le chauffeur, Suchon Boonplong, qui, selon le quotidien thaïlandais, les avait ignorés. Quand le chauffeur avait, enfin, stoppé son véhicule et ouvert le conteneur, il avait pris la fuite en voyant les cadavres. Quelques mois plus tard, Suchon s’était livré à la police et avait dénoncé quatre autres personnes, dont le propriétaire du camion et le propriétaire d’un ponton à Ranong où les migrants birmans arrivaient en bateau. Suchon lui-même a été condamné à six ans de prison en août 2008.

Environ deux millions de Birmans travaillent légalement en Thaïlande, dans le secteur de la construction, de l’industrie textile et de l’industrie de transformation des fruits de mer. Des experts estiment qu’il faut ajouter à ce chiffre au moins un million de Birmans travaillant illégalement dans le royaume.

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Politique Thaïlande

Thaïlande : de fausses rumeurs coûtent cher à l’agent de change

Un agent de change thaïlandais a été condamné à quatre ans de prison pour avoir propagé des rumeurs concernant la famille royale sur la Toile.

Un tribunal de Bangkok a condamné le 25 décembre Katha Pajariyapong, agent de change de la firme thaïlandaise KT ZMICO, à quatre ans de prison pour avoir propagé en 2009, par internet, des rumeurs sur la santé de membres de la famille royale de Thaïlande. Ses messages avaient provoqué une chute de la bourse de Bangkok de plus de 8 %. Selon le Bangkok Post, les messages incriminés concernaient la princesse Sirindhorn, seconde fille du roi Bhumibol Adulyadej.

D’autres sources indiquent toutefois qu’il s’agissait plutôt de la propagation de rumeurs sur l’état de santé du monarque lui-même. Les questions touchant à la famille royale sont très sensibles en Thaïlande. Le contenu de propos ou de messages controversés sur cette question ne peut être dévoilé publiquement même devant le tribunal, car le fait d’exposer ou de répéter celui-ci peut lui même faire l’objet de poursuites judiciaires.

Katha Pajariyapong a été condamné au titre de la loi sur les crimes informatiques. Cette loi controversée et dénoncée par les organisations de protection de la liberté d’opinion punit ceux qui propagent des “fausses informations” via internet, lesquelles “nuisent à la sécurité nationale”. Il existe aussi une loi sur les crimes de lèse majesté, régulièrement appliquée, et qui punit de trois à quinze ans de prison toutes critiques du roi, de la reine ou du prince héritier. La Thaïlande est régulièrement critiquée par des ONG et des intellectuels pour la sévérité et l’application fréquente de ces lois.

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Birmanie Politique

Myanmar ou Birmanie : la polémique persiste

Le débat sur l’utilisation des termes Birmanie ou Myanmar pour désigner le pays se poursuit alors même que celui-ci s’ouvre au monde.

Choisissez votre terme et chacun saura dans quel camp vous vous situez. Du moins, c’est la perception qui a prévalu entre le moment où la junte a officiellement changé le nom international du pays de Birmanie à Myanmar en 1989 et le début de l’ouverture politique à la mi-2011. Pour les opposants à la dictature, persister à nommer le pays “Birmanie” était une façon subtile de mettre en cause la légitimité du régime. Le fait que l’opposante Aung San Suu Kyi ait toujours insisté sur sa préférence pour “Birmanie” renforçait le caractère politique de ce choix sémantique.

Maintenant que le pays, sous l’égide d’un gouvernement civil issu d’une élection en novembre 2010 contestée par la communauté internationale, se libéralise, le débat sur l’utilisation de l’un ou l’autre terme devient plus complexe. Et les leaders en visite doivent parfois se livrer à des exercices de haute-voltige linguistique pour ménager les différents acteurs politique du pays.

Ainsi, rappelle le quotidien Los Angeles Times, lequel consacre un long article à ce sujet dans son édition du 24 décembre, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a réussi à ne prononcer aucun des deux termes, lors de sa visite historique en 2011, optant pour l’appellation neutre de “ce pays”. Plus hardi, le président Barack Obama a semé quelques “Myanmar” lors de sa venue en novembre 2012, usant toutefois du mot “Birmanie” lors de ses contacts avec Aung San Suu Kyi et les autres membres de l’opposition. Selon le quotidien américain, les deux termes dérivent d’un mot commun, la seule différence véritable étant que “Myanmar” est plus formel et plus littéraire alors que “Birmanie” est un terme vernaculaire. La jeune génération, qui n’a connu que le régime militaire, utilise généralement “Myanmar” (Myanma en birman), alors que quelques anciens et les Birmans exilés tendent à préférer “Birmanie” (Bama en birman). Le quotidien en conclut que les deux termes coexisteront durant de nombreuses années, avant que “Myanmar” finisse par s’imposer.

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Laos Politique

Le Laos sommé d’éclaircir le sort de Sombath Somphone

Gouvernements, ONG et personnalités réclament des explications sur la disparition du militant laotien.

La pression monte sur les autorités laotiennes pour qu’elles fassent la lumière sur les circonstances de la disparition de Sombath Somphone, directeur d’une ONG, qu’on voit être emmené par la police à Vientiane sur une vidéo CCVT de la police laotienne prise le 15 décembre et diffusée sur le site Youtube. Catherine Ashton, haute représentative de l’Union européenne, a exprimé le 21 décembre sa “profonde inquiétude sur la disparition” de Sombath. A Genève, le Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l’Homme a évoqué une apparente “disparition forcée”. Un collectif de 61 ONG thaïlandaises a lancé un appel pour demander aux autorités du Laos de résoudre ce cas rapidement. Jusqu’à présent, le gouvernement laotien s’est limité à une brève déclaration dans la presse, indiquant qu’il “menait une enquête sérieuse sur l’affaire”. Depuis, son silence est assourdissant.

Lors d’une présentation le 21 décembre au Club des correspondants de Thaïlande, Supalak Ganjanakhundee, journaliste au quotidien The Nation, a estimé que les “arrestations arbitraires et les assassinats liés à la politique” existent au Laos. “Si Sombath a fait quelque chose, il devrait être poursuivi de manière transparente devant un tribunal”, a-t-il dit. Pour sa part, l’intellectuel thaïlandais Sulak Sivaraksa a décrit Sombath Somphone comme étant “une personne formidable qui veut servir son pays”. Sulak a mis en garde contre le fait de vouloir décrire le gouvernement laotien comme un bloc homogène. “Il y a des faucons, qui ne sont pas sous un contrôle total”, a-t-il dit. Sulak a considéré que la façon la plus constructive d’exercer des pressions sur les autorités laotiennes est de parler du “grand crédit” dont elles bénéficieront si elles font réapparaître publiquement Sombath.

Sombath, âgé de 60 ans, a fondé en 1996 une ONG dont l’objectif est la formation. Il en a quitté la direction voilà cinq mois. En 2005, il a reçu le prix Magsaysay, le plus prestigieux en Asie du Sud-Est en ce qui concerne le développement.

 

 

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Analyse Thaïlande

Chronique de Thaïlande : retour sur avril-mai 2010

La mise en cause d’Abhisit Vejjajiva et de Suthep Thaugsuban dans les évènements de 2010 s’inscrit dans le cadre d’un jeu politique opportuniste.

Dans l’histoire récente de la Thaïlande, l’oubli des fautes a souvent prévalu. Les autocrates de l’après-seconde guerre mondiale ont, pour la plupart, coulé une retraite paisible. Les officiers qui ont donné l’ordre d’attaquer les manifestants en 1973, 1976 et 1992 ont dû, pour suprême sanction, abandonner leurs fonctions officielles s’ils en détenaient, sinon se contenter de se faire discret, tout en continuant de siéger au sein des conseils d’administration des plus grandes entreprises du pays. La prise de responsabilité, la reconnaissance des fautes et le bon déroulement du processus judiciaire ont habituellement été du côté des perdants.

La mise en cause d’Abhisit Vejjajiva et de Suthep Thaugsuban, respectivement Premier ministre et vice-Premier ministre au moment de la répression meurtrière des manifestations des Chemises rouges en avril-mai 2010, peut apparaître comme un progrès. Ces deux anciens gouvernants, qui n’en sont pour l’instant qu’au stade de l’interrogatoire, doivent, deux ans après les faits, faire face aux conséquences des décisions qu’ils ont prises alors qu’ils dirigeaient le pays dans une période critique. Dans une récente interview, Abhisit s’est expliqué de manière assez expéditive sur les raisons qui l’avaient poussé à faire intervenir l’armée : “avec des dizaines de milliers de manifestants bloquant le centre de Bangkok, j’aurais bien aimé voir comment vous vous y seriez pris !”. Une réponse quelque peu de mauvaise foi : tout le monde n’a pas choisi de diriger le pays. Mais force est de reconnaître que, du point de vue des gouvernants, une fois les Chemises rouges incrustées dans le centre commercial de la capitale (et vu le manque de capacité de la police anti-émeutes), le recours à la force militaire était la seule voie ouverte pour dégager le centre-ville. Et les militaires thaïlandais étant ce qu’ils sont…

Il faudrait aussi rappeler que les hommes et les femmes qui dirigeaient le principal mouvement des Chemises rouges (l’Union pour la Défense de la Démocratie, ou UDD) avaient procédé à la mobilisation de leurs troupes au début de 2010, deux semaines après la confiscation par la justice d’un milliard et demi d’euros de la fortune de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra, dans le cadre d’une stratégie avouée de provocation. Lors d’une conférence de presse au Club des correspondants de Thaïlande, Jaran Dittapichai avait indiqué que l’UDD “rassemblerait un million de Chemises rouges dans les rues et que celles-ci n’en bougeraient plus pour provoquer une réaction du gouvernement”. Un chantage à la force, en quelque sorte. L’attitude du parti pro-Thaksin Peua Thai, lequel a fortement bénéficié du soutien des Chemises rouges pour conquérir le pouvoir en juillet 2011, n’a pas laissé d’être ambiguë après sa victoire. Aussi bien les dirigeants du Peua Thai que ceux des Chemises rouges n’hésitent pas à manipuler les militants de base, souvent des ruraux des provinces ou des migrants travaillant dans les villes, quand cela leur profite. Et parfois, ils ne semblent guère se soucier des déboires des familles des victimes.

Un autre élément pousse à mettre en perspective la mise en cause formelle d’Abhisit et de Suthep : l’acharnement suspect du Département des enquêtes spéciales (DSI) dirigé par Tharit Pengdit, lequel siégait aux côtés des deux anciens gouvernants au sein de l’organisme chargé du “rétablissement de l’ordre” en 2010. Qualifier d’opportunisme le retournement de veste de Tharit, presque immédiatement après le scrutin de juillet 2011, relève de l’euphémisme. La conclusion à en tirer est que les poursuites judiciaires et les invocations morales au nom de la justice découlent de logiques mesquinement politiciennes. Ce qui était vrai lors du procès pour abus de pouvoir de Thaksin en 2008 l’est autant pour les ennuis judiciaires d’Abhisit et de Suthep en 2012.

Enfin, et c’est sans doute le défi principal à relever pour le royaume, les militaires, acteurs directs de la répression de 2010, ne sont pas inquiétés, s’abritant derrière le décret d’urgence mis en vigueur à l’époque et leur accordant une quasi-impunité, mais aussi derrière ce qu’il faut bien appeler la lâcheté des politiciens. Il est facile de lancer l’hallali sur Abhisit et Suthep. Il serait plus utile pour l’avenir d’un pays qui se dit démocratique de mettre à l’index les hommes en uniforme, lesquels continuent à croire qu’ils ont le droit et le devoir de renverser un gouvernement élu et d’utiliser la force contre des civils.