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Analyse Birmanie Politique

Chronique de Birmanie : libération de la parole et petits chefs

L’ouverture en Birmanie se traduit par une transformation des comportements et une nouvelle atmosphère. La prudence reste, toutefois, de rigueur.

J’ai eu l’occasion tout récemment de passer quatre semaines en Birmanie, un pays où je ne m’étais pas rendu depuis longtemps mais sur lequel j’avais lu de nombreux articles évoquant l’«ouverture» et les «réformes» impulsées par le président Thein Sein, général à la retraite devenu chef de l’Etat civil au début de 2011. Sillonner plusieurs régions du pays m’a permis de réunir des éléments concrets sur ce qui, incontestablement, constitue un tournant pour ce pays placé sous la coupe d’un régime militaire sans merci de 1962 à 2011.

La venue du président Barack Obama en novembre a, semble-t-il, constitué un bol d’air frais pour la population de Rangoon. Le soir même de sa visite, l’ambiance dans les restaurants de l’ancienne capitale était joyeuse, on pouvait percevoir un je-ne-sais-quoi dans l’air qui le rendait plus léger. Un vent de libération, en quelque sorte. Cette impression a été confirmée dans les jours suivants. Le tenancier d’un kiosque à journaux, en pleine rue, a expliqué par le menu détail et avec une voix tonitruante en quoi consistait la liberté de la presse, en brandissant, à l’appui de ses propos, les Unes de plusieurs nouvelles publications apparues ces deux dernières années.

Mes incursions en province ont plutôt renforcé ce sentiment, mais avec des réserves. Dans les trains, dans les marchés, personne n’hésitait à commenter à haute voix l’actualité politique, ce qui était impensable il y a encore deux ans. On aurait alors murmuré des propos prudents au fond d’un lobby d’hôtel mal éclairé, en insistant sur l’anonymat.

La parole est donc libérée, la peur brisée. Ce processus paraît difficile à renverser. La liberté produit une accoutumance et les factions dures au sein de l’armée semblent avoir jugé qu’elles avaient davantage à perdre par une réaction d’opposition radicale au mouvement de réformes. Les manifestations près de la mine de cuivre de Monywa dans le nord du pays, l’audace croissante des journalistes ou la relative vigueur des débats parlementaires sont autant de signes : les citoyens birmans sont en train de conquérir progressivement des terres qui leur ont longtemps été interdites.

Mais rien n’est simple, surtout pas dans un pays marqué par des décennies de régime autocratique et où toutes les décisions étaient concentrées au sommet de l’appareil d’Etat, au sein d’un groupe de quelques hommes en uniformes. Le paradoxe est que, si les mesures de terreur lancées par ces galonnés pendant un demi-siècle étaient parfaitement répercutées à tous les échelons par la chaîne de commandement, il n’en est pas de même quand ces mêmes autorités lancent des mots d’ordre de libéralisation. A l’entrée d’une université, une fonctionnaire de l’enseignement indique qu’il “est interdit d’interroger les étudiants à l’intérieur ou à l’extérieur de l’université sans la permission du ministère de l’éducation”. Un agent ferroviaire bougon exige “la permission du ministère des chemins de fer” pour filmer quelques plans dans une gare de campagne. Sous une fine surface, la peur semble latente, car l’Etat de droit n’existe pas et l’uniforme signifie toujours le pouvoir arbitraire.

Généralement, les transformations des comportements n’en sont pas moins époustouflantes de rapidité, même si elles apparaissent beaucoup plus à Rangoon et à Mandalay que dans les zones reculées où le grand problème reste celui de la pauvreté. L’engouement des touristes, particulièrement des touristes français, pour le pays est positif, car il apporte avec lui un vent frais de l’extérieur – en espérant toutefois qu’un tourisme trop massif ne détruise pas les importants atouts naturels et culturels du pays. Le caractère bon enfant et accueillant de la population, un naturel enjoué loin de la fausse sophistication de certains Bangkokois ou de l’arrogance des nouveaux riches de Phnom Penh, une culture d’une richesse étonnante, voilà qui devrait aider le pays à se rebâtir une image positive après avoir été longtemps mis au ban de la communauté des nations. L’avenir ne peut être prédit, et il convient de ne pas se laisser gagner par un enthousiasme aveugle. A tout le moins, les signes que l’on peut observer actuellement sont encourageants.

Max Constant

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Politique Thaïlande

Thaïlande : Abhisit est officiellement inculpé de meurtre

L’ex-chef de gouvernement Abhisit Vejjajiva et son vice-Premier ministre Suthep Thaugsuban sont interrogés en liaison avec la répression des manifestations de 2010.

L’interrogation dans le cadre d’un meurtre de l’ex-Premier ministre et de l’ancien vice-Premier ministre est une première en Thaïlande. Dans un pays qui a connu une vingtaine de coups d’Etat et plusieurs confrontations meurtrières entre les militaires et la population civile, jamais un dirigeant n’avait été mis juridiquement en cause pour une opération de répression. Les deux politiciens, qui sont actuellement dans l’opposition, sont inculpés pour avoir ordonné à l’armée de « nettoyer » en mai 2010 le quartier commercial de Bangkok occupé depuis plusieurs mois par les Chemises rouges, c’est-à-dire les partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, très populaire auprès des paysans de province. L’opération militaire avait débouché sur la mort de plusieurs dizaines de manifestants. Plus précisément, cette interrogation est une conséquence directe du résultat de l’instruction judiciaire sur la mort d’un chauffeur de taxi, Phan Kamkong, tué par les militaires en mai 2010.

Après avoir entendu la lecture des chefs d’accusation par un officier du Département des enquêtes spéciales (DSI, l’équivalent du FBI), l’ancien Premier ministre Abhisit et l’ex-vice Premier ministre Suthep les ont formellement niés. Ils ont expliqué n’avoir fait que leur devoir en essayant de mettre un terme à la violence illégale dans la capitale. Abhisit Vejjajiva a souligné aussi le caractère, selon lui, politique des poursuites dont il est l’objet, le DSI semblant agir sous l’influence du gouvernement actuel soutenu par les Chemises rouges. Force est de reconnaître qu’il est quelque peu étrange que l’actuel chef du DSI Tarit Pengdith siégeait déjà, en 2010,  aux côtés d’Abhisit et de Suthep au sein de l’organisme officiel qui était chargé en 2010 d’organiser les opérations contre les manifestants.

A la suite de cette interrogation et de l’enquête de la DSI, il appartiendra au bureau du procureur de décider d’inculper ou non les deux politiciens.

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Birmanie Culture

Une antre des nationalistes de Birmanie en voie de destruction

La destruction d’un vieux bâtiment du centre de Rangoon, ancien bureau des nationalistes birmans, a commencé.

Les promoteurs de la préservation du patrimoine architectural de Rangoon essaient de sauver de la démolition un immeuble où se réunissaient les nationalistes birmans sous l’égide d’Aung San – le héros de l’indépendance birmane – situé dans le vieux Rangoon, selon l’hebdomadaire Myanmar Times. Le bâtiment de quatre étages situé au 233-235 rue Pansodan, dans le quartier historique de l’ex-capitale de Birmanie, a été déclaré dangereux par la municipalité de Rangoon et les ouvriers ont commencé la destruction des étages supérieurs. Selon l’hebdomadaire, la firme privée United Construction Company projette de construire un immeuble résidentiel de douze étages une fois la destruction achevée.

Les militants de la protection du vieux Rangoon ne comptent toutefois pas rester inactifs. «Les vieux immeubles de la rue Pansodan ont une valeur historique et architecturale considérable. Ce bâtiment a été utilisé dans les années 30 comme lieu de réunion de la Dobama Asi-ayone [«Association Nous les Birmans»] du général Aung San. Détruire ce bâtiment serait une tragédie», a déclaré au Myanmar Times l’historien Thant Myint-U.

Sous couvert d’anonymat, un représentant de la firme de construction a affirmé que le bâtiment n’avait aucune valeur historique. Les promoteurs de la préservation du patrimoine architectural de Rangoon demandent l’adoption par le gouvernement d’un plan-cadre, lequel protégerait les bâtiments historiques du centre de la ville tout en prenant en compte les intérêts des firmes immobilières et des habitants du quartier.

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Analyse Société Thaïlande

Chronique de Thaïlande : les paysans veulent des sous, pas des têtes

La crise que traverse le royaume est le produit d’une évolution économique de la paysannerie, selon une nouvelle et passionnante étude.

L’opposition entre Chemises jaunes et Chemises rouges en Thaïlande est souvent caractérisée dans les médias comme étant un conflit opposant les “élites urbaines” aux “paysans pauvres des provinces”. Ces derniers, menacés dans leur survie quotidienne, se seraient révoltés contres les abus et les privilèges des riches. En 2010, comme l’avait titré le quotidien Bangkok Post, ces “hordes rurales” seraient descendues sur Bangkok pour mettre à bas le pouvoir des amart (i.e. des privilégiés). Chacun se rend compte que, bien sûr, la réalité est plus complexe.

Le livre Thailand’s Political Peasants, publié par le politologue australien Andrew Walker (1), est la première étude destinée à un large public qui permet de cerner précisément les éléments en jeu. Ce livre à caractère universitaire n’est pas d’une lecture facile. Il est truffé d’expressions telles que “ontologie du pouvoir” ou “contraintes idéologiques sur la mobilisation paysanne”. Mais si l’on fait l’effort de digérer ce jargon, l’ouvrage apporte un éclairage approfondi et pertinent sur les mécanismes qui agitent la société thaïlandaise ces dernières décennies.

L’auteur, qui centre son étude sur le cas du village de Ban Tiam dans la province de Chiang Mai, balaie quelques mythes tenaces. Comme, par exemple, celui selon lequel la paysannerie thaïlandaise est en voie de disparition ou qu’elle est majoritairement miséreuse. S’appuyant sur un flot de statistiques et de graphiques, Andrew Walker, qui a cofondé le site New Mandala, montre que le niveau de revenus des paysans thaïlandais a fortement augmenté depuis la fin des années 1970, et ce dans toutes les régions du royaume. “Avec un revenu moyen équivalent à deux ou trois fois le seuil de pauvreté, la paysannerie thaïlandaise n’est certainement pas aisée, mais le ménage rural moyen dispose maintenant d’une sécurité concernant sa subsistance”, écrit-il. Cette augmentation des revenus des paysans s’est faite grâce à une diversification des types de cultures – non plus seulement du riz, mais des cultures d’exportations comme par exemple les ananas ou des végétaux entrant dans la composition de boissons – ainsi que par l’ajout de revenus non agricoles, tels que le petit commerce ou  le travail saisonnier comme taxi.

L’industrie et le secteur des services, localisés dans les zones urbaines, se sont développés parallèlement à cette montée des revenus des familles rurales, mais à un rythme beaucoup plus rapide. Il en a résulté une baisse de la part de l’agriculture dans l’économie nationale : 12 % du PIB en 2008 contre 36 % au début des années 1960. Et comme cela se produit souvent dans les pays qui évoluent d’un statut de pays à bas revenus vers un statut de pays à revenus intermédiaires, la conversion des paysans en acteurs économiques dans les secteurs industriel et des services n’a pas suivi : 42 % de la main-d’œuvre thaïlandaise était encore employée dans l’agriculture en 2008 contre 83 % au début des années 1960.

Il s’ensuit, selon la démonstration d’Andrew Walker, une perte de productivité dans le secteur agricole par rapport aux autres secteurs de l’économie. “Les rendements des rizières thaïlandaises sont parmi les plus bas du monde”, écrit-il, en précisant que “les rendements rizicoles dans le Laos sous-développé ont dépassé les rendements thaïlandais au milieu des années 1980 et se situent actuellement 15 % au dessus”. L’inégalité sociale et de revenus est la conséquence inévitable de cette très faible productivité agricole, ce dont les gouvernements thaïlandais ont commencé à prendre conscience au cours des années 1980, cessant dès lors de “taxer les agriculteurs”, pour au contraire les subventionner. Ce schéma n’est pas spécifique à la Thaïlande, mais le royaume se distingue par l’extrême disparité entre les familles rurales et les résidents des zones urbaines.

L’investissement de l’Etat dans les zones rurales sous forme de construction d’infrastructures et de soutien à la santé, à l’éducation et aux prix agricoles, a largement contribué à relever le niveau de revenus des paysans, mais aussi celui de leurs attentes. “Le résultat final est que l’Etat thaïlandais a aidé à maintenir une large population rurale qui, malgré une amélioration significative du niveau de vie, est insuffisamment productive pour satisfaire pleinement les aspirations que la croissance économique a éveillées”, écrit l’universitaire. Les efforts gouvernementaux pour réduire l’écart ville-campagne n’a pas suffi à transformer socialement la paysannerie. Et celle-ci, l’appétit aiguisé, consciente des privilèges des habitants des villes, réclame davantage. Thaksin Shinawatra, Premier ministre de 2001 à 2006, n’a pas créé cet état de fait : celui-ci est l’aboutissement d’une évolution sur plusieurs décennies. Mais il a su le reconnaître et en tirer son avantage.

(1) Thailand’s Political Peasants. Power in the Modern Rural Economy, par Andrew Walker, University of Wisconsin Press, Madison, 2012

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Culture Politique Thaïlande

Le roi de Thaïlande fait une apparition pour son anniversaire

Le roi Bhumibol Adulyadej de Thaïlande a prononcé une allocution devant 200.000 Thaïlandais à l’occasion de son 85ème anniversaire.

Hospitalisé depuis septembre 2009, le roi Bhumbol Adulyadej ne fait plus que de très rares apparitions publiques hors de l’hôpital Siriraj où il est soigné. Aussi, sa brève apparition au balcon du bâtiment de la Salle du trône Ananta Samakhom, l’ancien parlement, face à environ 200.000 Thaïlandais vêtus de jaune (une couleur associée au roi) constitue-t-elle un événement important. A cette occasion, le monarque, qui détient le record du règne le plus long des souverains actuels (66 ans), a prononcé une brève allocution dans laquelle il a déclaré qu’il “croyait que la bonne volonté et la compassion (des Thaïlandais) étaient cruciales pour le développement de l’harmonie entre les différents groupes de personnes”. Cet appel à l’unité, fréquent dans les interventions royales, est lancé alors que le pays ne parvient pas à résoudre les conflits politiques qui opposent l’establishment conservateur aux partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, souvent issus des provinces rurales.

Les membres de la famille royale entouraient le souverain, dont la santé est déclinante, à l’exception de la reine Sirikit, laquelle a été traitée en juillet dernier pour une petite “perte de sang” dans le cerveau. Un communiqué du palais a indiqué que la reine était encore “trop faible” pour pouvoir assister à la célèbration de l’anniversaire de son mari. La dernière apparition du roi Bhumibol au balcon de la Salle du trône Ananta Samakhom était en juin 2006, quand le roi a célèbré le soixantième anniversaire de son règne devant environ un million de personnes.

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Birmanie Politique Social

Birmanie : des manifestants contre une mine chinoise inculpés

Huit leaders des manifestations contre une mine chinoise dans le nord-ouest de la Birmanie sont jugés à Rangoon.

Selon la BBC, huit personnes impliquées dans les manifestations de la fin novembre pour s’opposer à l’extension de la mine de cuivre de Monywa, dans la division de Sagaing, ont comparu le 4 décembre devant le tribunal de Rangoon. Ils ont été inculpés d’incitation à émeutes et de manifestation illégale. Le 29 novembre, la police anti-émeutes avait donné l’assaut contre les camps des manifestants, intallés autour de la mine, à coup d’engins incendiaires et de grenades lacrymogène. Environ 70 personnes avaient été blessées dont au moins une vingtaine de bonzes. Les images de certains d’entre eux, sérieusement brûlés, ont été répercutées à travers tous le pays par l’internet et les réseaux sociaux.

La mine de Wethmay, près de Monywa, est exploitée dans le cadre d’une opération conjointe entre le conglomérat militaire birman Myanmar Economic Holdings et la firme d’armements chinoise Norinco. Les manifestants dénoncent les impacts négatifs sur l’environnement du projet et affirment que leurs terres leur ont été confisquées sans indemnisation adéquate. La firme chinoise dit avoir négocié les questions sociales et environnementales avec les autorités birmanes et avoir versé des compensations financières via le gouvernement birman.

Selon la BBC, la controverse autour de mine de Wethmay est devenue une cause nationale, suivie de près par la presse birmane en pleine floraison. Tant du point de vue de la population birmane que de celui de la communauté internationale, elle est considérée comme le premier test sérieux de la volonté d’ouverture politique du gouvernement du président Thein Sein.

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Analyse Société Thaïlande Tourisme

Chronique de Thaïlande : où est l’Asie qui grouille ?

L’Agence touristique nationale promeut une Thaïlande aussi enchanteresse que virtuelle au détriment des entrailles du royaume.

J’ai récemment participé à l’organisation du tournage d’un programme de télévision française en Thaïlande portant sur les aspects culturels du royaume. Ce programme adopte une tonalité positive pour mettre en valeur des aspects insolites, étonnants ou amusants d’un pays que l’on sillonne dans des trains. Des autorisations officielles de tournage avaient été requises et une accompagnatrice ainsi qu’un guide-interprète de l’Agence thaïlandaise du tourisme (TAT) nous ont surveillés d’un oeil diligent pendant les deux semaines de tournage. L’expérience fut éprouvante, à la fois pour nous, les journalistes français, ainsi que pour nos anges-gardien. Au gré du tournage, deux expressions revenaient sans cesse dans leur bouche : “c’est interdit” et “ce n’est pas approprié”.

Filmer une statue du Bouddha dans le quartier chinois, c’est interdit. De même que de filmer un portrait du roi Bhumibol dans une gare. Tourner une séquence sur un bonze thaï qui entraîne des enfants des rues à la boxe thaïlandaise pour leur donner plus d’espoir en l’avenir n’est pas approprié. Et filmer un médium investi d’un esprit dans son antre de sorcier-tatoueur est strictement interdit. Que peut-on faire alors ? Filmer les projets sociaux du roi et des princesses est vivement conseillé. De même que les divers festivals qui ponctuent le calendrier thaïlandais : loi krathong, notamment, dont les innocentes corbeilles de feuilles de bananiers échappent à la sourcilleuse censure du TAT. Ce qui n’est pas le cas du nouvel an thaï ou songkhran, dont les agressions à coup de seau d’eau et – horreur suprême ! – les jeunes filles en tenue ultra-serrée ont provoqué le bannissement.

Ces officiels et beaucoup des fonctionnaires travaillant dans les ministères estiment de leur mission de présenter au monde une image de la “belle Thaïlande” où des femmes soumises et chastes confectionnent des guirlandes de fleurs au bord d’étangs parsemés de fleurs de lotus et où les hommes, guerriers valeureux d’antan, assurent la paix et la sécurité. La Thaïlande réelle, celle des sorciers-tatoueurs et des bonzes excentriques mi-médium mi-maître de cérémonies, celle des billards enfumés et des rizières en voie d’urbanisation n’est pas jugée valorisante. Et on peut le comprendre. Chaque pays essaie de promouvoir les facettes qu’il juge les plus attractives, encore que j’ai rarement vu le ministère du tourisme français mener campagne pour chanter les louages des pavés de Paris.

Ce qui frappe dans le cas thaïlandais est que la “belle Thaïlande” promue par le TAT est une Thaïlande qui n’existe pas et n’a jamais existé. Elle a germé dans les esprits bureaucratiques des préposés à la beauté nationale, puis a été ajustée et polie dans les officines d’organismes tels que le Bureau national de la commission culturelle et le Bureau de l’identité nationale. C’est une Thaïlande virtuelle, entre plages paradisiaques et temples immaculés, mais qui, une fois conçue, est bien utile dans le cadre d’une propagande commerciale et idéologique : “ce n’est pas approprié” signifie “ce n’est pas en conformité avec le modèle élaboré”.

Au final, faut-il s’en plaindre ? La vaste majorité des touristes sera parfaitement contente de passer d’un décor à l’autre sans chercher à regarder derrière le carton-pâte, guidée par les bons conseils de TAT repris par les agences de voyage. Le tourisme est un business et le client est roi. Seuls des originaux, éternels insatisfaits, continueront à rechercher ce qu’un ami parisien qualifie “d’Asie qui grouille”.

 Max Constant

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Culture Thaïlande

Le festival du loi krathong en Thaïlande

Ce charmant festival, dont l’origine remonte au XIIIème siècle, va être observé par des millions de Thaïlandais le 28 novembre.

Le 28 novembre prochain, jour de la pleine lune du douzième mois, des millions de Thaïlandais vont se rendre près d’une étendue d’eau : lac, fleuve, rivière ou bassin pour s’adonner au rite du loi krathong. Le krathong est une corbeille faite d’une section de tronc de bananier et décorée de feuilles de bananiers et de fleurs et sur laquelle on fiche trois bâtons d’encens et une bougie. Loi signifie « faire flotter » ou « laisser dériver ». Le rite consiste donc à faire flotter ces petites corbeilles et à les regarder s’éloigner tout en formulant un vœu. C’est aussi une manière symbolique de se débarasser des choses négatives accumulées durant l’année qui a précédé le festival.

Selon le Dictionnaire insolite de la Thaïlande, de Jean Baffie et Thanida Boonwanno (1), il s’agit également de « remercier la déesse de l’eau, Phra Mae Khongkra, qui offre le précieux liquide aux hommes pour leur consommation et pour s’excuser de jeter les ordures à la rivière ». La fête trouverait son origine dans l’ancien royaume de Sukhotaï au XIIIème siècle.

Phya Anuman Rajadhon, un expert de la culture thaïlandaise, précisait, dans un de ses livres, que, dans le passé, il était coutumier de déposer des piécettes ou un morceau de noix de bétel sur la corbeille flottante. Mais cette pratique n’est plus que rarement observée. Dans les villes, les krathong tendent à être plus sophistiqués que dans les campagnes et peuvent prendre la forme d’oiseaux ou de bateaux.

(1) Editions Cosmopole