Auteur : José Ma Luis Montesclaros, NTU
Depuis 2013, l’Inde a alloué des céréales subventionnées à ses populations les plus pauvres en vertu de la loi sur la sécurité alimentaire nationale pour un coût d’environ 24 milliards de dollars par an. En avril 2020, le gouvernement a alloué des céréales supplémentaires en tant qu’aide alimentaire COVID-19 pour un coût supplémentaire d’environ 47 milliards de dollars américains, connue sous le nom de Pradhan Mantri Garib Kalyan Anna Yojana (PMGKAY).
Le programme PMGKAY a été salué par un rapport du FMI comme essentiel pour empêcher une augmentation significative de l’extrême pauvreté en Inde. Mais en décembre 2022, le gouvernement indien a décidé de consolider et de faire reculer le PMGKAY compte tenu de la reprise économique régulière du pays après la pandémie de COVID-19. Le renversement de politique est en partie dû au prix élevé du blé, qui a augmenté de 33 % rien qu’en 2022.
La décision récente reflète un délicat exercice d’équilibre de la part du gouvernement, qui est pris entre la prise en compte des intérêts des « plus pauvres parmi les pauvres » et ceux des individus marginalisés qui ont besoin d’acheter de la nourriture sur le marché libre. La loi nationale sur la sécurité alimentaire couvre 75 % de la population rurale et 50 % de la population urbaine sur la base des critères des « plus pauvres parmi les pauvres » définis dans le programme distinct de subventions alimentaires d’Antyodaya Anna Yojana. La suppression des subventions supplémentaires du PMGKAY devrait augmenter la quantité de blé qui peut être mise sur le marché, en maîtrisant ainsi l’inflation des prix alimentaires.
Les prix plus élevés du blé sont normalement le reflet de pénuries intérieures sur les marchés ouverts de l’Inde. Au milieu de la pandémie et de la guerre en Ukraine, les prix intérieurs du blé en Inde ont augmenté alors que les approvisionnements en blé étaient détournés vers les marchés internationaux. En réponse, l’Inde a interdit les exportations de blé en mai 2022 pour freiner l’inflation des prix intérieurs du blé. Mais après avoir chuté brièvement immédiatement après l’interdiction, les prix intérieurs du blé ont encore augmenté.
Cela montrait que l’inflation n’était plus alimentée par le détournement du blé national vers les exportations. Le problème s’était transformé en un problème d’insuffisance de la production nationale. Les défis climatiques sont en partie à blâmer, car les agriculteurs ont vu des températures plus chaudes réduire la quantité et la qualité de la récolte de blé.
Une incertitude clé est la quantité de blé qui sera récoltée en mars 2023, car cela déterminera le niveau des approvisionnements en blé dans le pays pour le reste de l’année. Les récoltes de l’Inde ont traditionnellement suivi un schéma cyclique, certaines années connaissant des récoltes exceptionnellement bonnes. Mais la possibilité d’une pénurie future résultant des incertitudes de production peut inciter les négociants à spéculer sur des prix futurs plus élevés. Cela peut conduire à un comportement de thésaurisation chez les commerçants et les consommateurs ainsi qu’à des attentes auto-réalisatrices d’inflation des prix intérieurs.
À cet égard, le démantèlement du PMGKAY et la mise sur le marché libre du blé peuvent être considérés comme un mécanisme de refroidissement pour étouffer la spéculation dans l’œuf en détournant le blé de la distribution subventionnée vers le marché libre. À court terme, il s’agit d’une mesure préventive tactique pour empêcher une nouvelle contagion de l’inflation résultant de la spéculation sur les prix.
Il reste à voir si l’annulation du PMGKAY se traduira par la libération de plus de céréales sur le marché libre. Quoi qu’il en soit, le démantèlement du PMGKAY par l’Inde ne résout pas le problème central, à savoir l’interdiction d’exporter du blé elle-même. Il est important de reconnaître que l’interdiction d’exporter du blé a contribué à précipiter la pénurie nationale de céréales.
Pour les agriculteurs indiens, la capacité de répondre à la demande internationale de blé à des prix plus élevés signifie des bénéfices plus importants, ce qui incite à investir davantage dans la production de blé. L’interdiction d’exporter du blé a empêché les agriculteurs de tirer profit de la demande internationale, ce qui s’est traduit par l’embauche de moins de travailleurs et l’utilisation de variétés de blé moins chères qui nécessitent moins d’intrants comme les engrais et les pesticides. À long terme, l’Inde doit remédier aux effets négatifs de l’interdiction d’exporter du blé sur les incitations des producteurs de blé.
À l’avenir, le gouvernement indien continuera de jouer un rôle important dans la maîtrise des attentes en matière de prix parmi les commerçants et les agriculteurs, ainsi que dans la stimulation des investissements dans la production de blé. Une approche consisterait à fournir une certaine assurance que l’interdiction d’exporter du blé sera levée plus tard en 2023. Mais l’impact d’une telle annonce pourrait être limité car la majeure partie du blé pour la récolte de mars 2023 aura déjà été semée. Certains agriculteurs ont déjà avancé leurs calendriers agricoles au milieu des craintes de températures plus chaudes.
Mais une telle annonce pourrait encore convaincre les agriculteurs d’investir davantage de ressources dans la dernière partie du cycle de croissance du blé, notamment en utilisant des pesticides pour protéger leur blé des ravageurs et des maladies et en embauchant plus de main-d’œuvre pour soutenir les récoltes en temps opportun et minimiser le gaspillage.
Une autre approche consiste à veiller à ce que les économies réalisées grâce à la consolidation des politiques d’aide alimentaire de l’Inde, qui s’élèveront à environ 20 milliards de dollars américains en 2023, soient investies…
Source : East Asia Forum