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Histoire Politique Société Viêtnam

Vietnam : renvoyée de son école pour un pastiche sur la Toile

Pour avoir  imité sur Facebook un célèbre discours de Hô Chi Minh, une lycéenne âgée de 14 ans a été exclue pour un an.

Deux internautes sur trois trouvent la punition trop dure. Le père de l’écolière a décidé de porter plainte auprès des autorités locales. Mais Nguyên Tan Si, directeur du lycée Ly Tu Trong a déclaré qu’il ne reviendrait pas sur la sentence prononcée : un an d’exclusion. «L’obliger à rester à la maison est également un moyen de l’éduquer», a-t-il déclaré selon le site de Thanh Nien. De quoi s’agit-il ?

A la mi-décembre, adoptant le ton d’un appel célèbre de Hô Chi Minh à la résistance au retour des Français en 1946, l’écolière a mis sur la Facebook une «Déclaration des étudiants du lycée Ly Tu Trong» qui proclamait : «A tous les élèves! Comme nous voulons la paix, nous avons fait des concessions. Mais plus nous faisons de concessions, plus les enseignants insistent, car ils sont déterminés à nous faire échouer encore une fois». Son message invitait également «tous les élèves» à utiliser «tous les moyens pour obtenir de bonnes notes aux examens», y compris en «copiant» et en recourant aux «antisèches».

Père du régime actuel, Hô Chi Minh (1890-1969) fait l’objet d’un culte qui se veut unanime au Vietnam et son corps embaumé repose dans un Mausolée à Hanoï, sur la place Ba-Dinh, où il a déclaré l’indépendance le 2 septembre 1945 devant un million de gens. Mais les enseignants du lycée concerné, qui porte le nom d’un révolutionnaire abattu à l’âge de 17 ans par les Français en 1931, se sont sentis humiliés. Et la Toile est une redoutable caisse de résonance.

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Indonésie Politique

Indonésie : Les grands partis demeurent très favorisés

La Commission électorale (KPU) doit confirmer que dix partis seulement pourront participer aux élections générales et à la présidentielle de 2014. Pour le moment.

En Indonésie, pour pouvoir présenter des candidats aux élections, un parti politiques doivent prouver qu’il a au moins mille adhérents dans chacun ou chacune des 560 districts (régences) ou municipalités du vaste archipel. L’idée, au départ, est d’écarter les formations locales qui seraient le reflet des quelque trois cents ethnies du pays, morcelant la vie politique. Le résultat : sur les 34 formations qui voulaient présenter des candidats, dix seulement seront retenues, sauf imprévu.

Le seul nouveau parti autorisé à présenter des candidats est le NasDem, ou Parti national démocratique. La scène demeure donc dominée par trois grandes formations : le Parti démocrate du président Susilo Bambang Yudhoyono (SBY) ; le PDI-P (Parti démocratique indonésien-lutte, de Megawati Sukarnoputri) ; et le Golkar (l’ancien parti de feu Suharto). Parmi les six autres formations figurent trois partis musulmans.

Comme SBY ne peut pas se présenter à un troisième mandat en 2014, qu’il n’a pas de successeur désigné et que son Parti démocrate est affaibli par des scandales de corruption, les élections générales pourraient favoriser deux vieux chevaux, le PDI-P nationaliste, héritier de Sukarno, et le Golkar, héritier de Suharto. A condition que le Golkar cesse d’être miné par la désunion et trouve un candidat acceptable.

La scène politique indonésienne demeure d’autant plus un oligopole de grands partis que tout candidat à l’élection présidentielle doit être présenté par un parti ou une coalition de partis qui a recueilli 25% des voix aux élections législatives, ou a obtenu 20% des sièges au Parlement. Toutefois, cette règle pourrait changer avec la retraite annoncée, le 31 mars 2013, de Maffud M. D., l’actuel président de la Cour constitutionnelle, qui a résisté avec fermeté, depuis 2009, à des campagnes de la société civile en faveur d’un assouplissement de ce règlement. Ces campagnes vont reprendre dès le 31 mars, selon le Jakarta Globe, ce qui favorisera peut-être un élargissement du nombre des candidats représentatif d’une «démocratie plus mure».

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Indonésie Politique Société

Indonésie : 7 terroristes présumés abattus et 2 autres arrêtés

Au cours de deux raids, la police a tué cinq terroristes sur deux îles proches de Bali. Deux autres suspects auraient été abattus à Makassar.

Le Détachement 88, unité d’élite de la police formée en 2003 et en charge de la lutte contre le terrorisme en Indonésie, a commencé l’année 2013 avec deux raids dans la province de Nusa Tenggara occidental (NTB), formée par les deux îles juste à l’est de Bali. Deux suspects ont été abattus à Sila, dans le district de Bima lors d’un  échange de coups de feu le 4 février en début de soirée, selon le Jakarta Globe. Trois autres suspects ont été tués le lendemain à l’aube, non loin de là, à Dompu.

L’un des deux hommes tués dans le district de Bima était un local et l’autre était originaire de Sulawesi (Célèbes). Dans le district de Dompu, les terroristes présumés ont été abattus sur un terrain appartenant à Firdaus, est un terroriste tué en 2011 lors d’un échange de coups de feu. Firdaus était le trésorier, dans un village du district de Bima, d’un pensionnat coranique lié au Jemaah Ansharut Tauhid, une organisation extrémiste qu’Abou Bakar Bachir, l’ancien émir de la Jemaah Islamiyah, avait fondée quelque temps avant d’être condamné à 14 ans de prison pour avoir financé un camp d’entrainement militaire clandestin.

Les cinq victimes de ce début d’année seraient liés aux terroristes de Poso, à Sulawesi centre, et se seraient réfugiés à Nusa Tenggara occidental en décembre 2012. Poso a été lé théâtre d’affrontements meurtriers au milieu des années 1990 ainsi qu’une dizaine d’années plus tard. De nouveaux incidents s’y sont produits fin 2012. Le chef de la police Nusa Tengarra occidental a affirmé que «les cinq suspects ont été abattus parce qu’ils ont résisté à leur arrestation». La police a saisi du matériel destiné à la fabrication de bombes ainsi que des explosifs. Selon le Jakarta Post, dans la matinée du 4 janvier, le Détachement 88 aurait également tué deux terroristes présumés qui se cachaient à Makassar (Sulawesi Sud). Deux de leurs complices auraient été arrêtés dans la même ville un peu plus tard dans la journée.

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Tourisme Viêtnam

Vietnam : nuoc mam et splendeur des plages à Phu Quôc

L’île de Phu Quôc, dans le golfe de Thaïlande, a deux mamelles : la saumure de poisson et le tourisme dans un cadre idyllique. Elle s’en porte très bien. Reportage.

Phung Hung est une entreprise familiale nichée dans l’une des rues proches des quais d’An Thoi, le petit port du sud de l’île de Phu Quôc, au large de la côte du Cambodge. Sur les marches de la salle de réception cossue du rez-de-chaussée sont alignées sandales et souliers.

Assis sur des fauteuils et un canapé, des négociants échangent des liasses de billets tout en sirotant une tasse de thé. Dans ce bâtiment neuf, un large escalier conduit aux appartements privés. Au fond, une petite porte donne sur un hangar encombré d’une trentaine de vastes cuves, hautes de plus de deux mètres et de couleur marron-rouge. A l’odeur, le visiteur sait déjà où il se trouve.

Bienvenue dans l’univers du nuoc mam

La scène s’est déroulée voilà quelques années. Bienvenue, donc, dans l’univers du nuoc mam, la fameuse saumure de poisson du Vietnam sans laquelle la cuisine nationale ne serait pas ce qu’elle est. Une cuve en contient douze tonnes.

Au bout d’un an de fermentation, les couches superposées de poisson, les deux tiers du total, et de sel, le tiers restant, ont produit le nuoc mam, précieusement déversé à l’aide d’un tuyau dans des bacs en plastique d’où il est reversé dans des flacons ou, pour le commerce de gros, dans des jerrycans.

Phu Quoc carte de situation Google Map
L’île de Phu Quôc forme, sur le plan géologique, une résurgence de la chaîne des Cardamones, qui occupe l’ouest du Cambodge

Phung Hung dispose de deux fabriques, la deuxième se trouvant en lisière du bourg. Et de deux bateaux de pêche dont les sorties s’étalent sur plusieurs jours. Le nuoc mam est à base de ca com, une sorte locale d’anchois, qui représente 80% de la pêche, le reste étant constitué par les autres petits poissons qui traînent dans les filets. Comme le vin, le nuoc mam vieillit bien. «Un litre de nuoc mam de dix ans d’âge peut atteindre le prix de cent vingt mille dôngs», dit la patronne, soit six € à l’époque, alors que le litre ordinaire se vend entre trois mille et quinze mille dôngs.

C’est connu, du moins des vrais amateurs de mets vietnamiens : le nuoc mam de Phu Quôc est le plus prisé. La saumure de poisson est également produite dans d’autres ports, notamment à Phan Thiêt, dans le Centre-sud du pays, mais sans bénéficier d’un prestige aussi grand. Sur les étiquettes de leurs fioles, les fabricants de Phu Quôc mentionnent leur AOC, non que l’acronyme soit légal au Vietnam mais avec l’espoir qu’il le deviendra un jour,- «comme les vins français», dit la patronne. Phung Hung a été créée voilà quinze ans seulement et «l’affaire marche bien», ajoute-t-elle.

L’île de Phu Quôc forme, sur le plan géologique, une résurgence de la chaîne des Cardamones, qui occupe l’ouest du Cambodge. Le mont le plus élevé y dépasse les cinq cents mètres et l’île abrite la forêt la mieux préservée du Vietnam pour une raison bien simple : la terre est généralement ingrate et seules quelques plantations, dont celles de poivriers, ont pris racine. Le relais écologique a été assuré par une décision assez récente de décréter cette forêt zone protégée. Les insulaires se sont donc repliés sur la pêche et le produit qu’ils en tirent, la saumure de poisson.

Au centre de l’île, à l’embouchure d’une rivière éponyme, Duong Dong est le bourg le plus important. Il baigne également dans une odeur de nuoc mam, mais moins qu’An Thoi, car les fabriques sont plus éloignées du centre. Sur la rivière, la société Thinh Phat a aménagé, dans la cour de sa fabrique de nuoc mam, un jardin et un pavillon où le visiteur vietnamien teste la saumure à l’aide de minuscules cuillères et peut acheter sa provision de saumure pour l’année. A une condition : regagner le continent par bateau car le transport du nuoc mam est strictement interdit à bord des vols aériens commerciaux.

L’avenir de l’industrie de nuoc mam dépend des réserves de poissons

Sur ce point, les avis sont partagés. Les uns disent qu’il faut désormais aller le pêcher beaucoup plus loin, y compris dans les eaux indonésiennes. D’autres maintiennent que les eaux vietnamiennes demeurent très poissonneuses et que l’avenir est donc assuré. Si le temps et les hommes le permettent, le tourisme assurera rapidement sa part importante de relais.

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Une plage de Phu Quôc. Photo : http://vi.wikipedia.org/wiki/T%E1%BA%ADp_tin:Phu_Quoc_Southern_Islands.jpg

Car, ces dernières années, le tourisme se développe rapidement, notamment au sud de Dong Duong, sur une plage rectiligne de plusieurs km, où se multiplient des hôtels de luxe en majorité à clientèle étrangère. Les étrangers la surnomment déjà Long Beach. A la mi-décembre 2012, le premier ministre Nguyên Tân Dung a demandé que l’île, qui dépend de la province voisine de Kien Giang dans le delta du Mékong, soit transformée en zone économique spéciale. Il souhaite que son vaste potentiel soit exploité : aquaculture, pêche, tourisme, agriculture. Le taux de croissance économique à Phu Quôc est déjà de 22% par an et le nombre des touristes augmente de 13% chaque année.

A Duong To vient d’être posée la première pierre d’un aéroport capable d’accueillir  des gros porteurs. D’une superficie de 900 hectares et d’une capacité de 2,6 millions de passagers, il remplacera celui de Duong Dong, une piste où se posent plusieurs fois par jour les ATR72 de Vietnam Airlines (et, depuis le 15 décembre 2012, des vols de la compagnie à bas coût VietJetAir).

Longue d’une cinquantaine de kilomètres, Phu Quôc a des attraits exceptionnels

Parmi les plages de sable blanc figure également celle de Bai Sau,- la « plage de derrière » -, à une quinzaine de minutes de piste d’An Thoi en motocyclette. Les Vietnamiens y viennent en famille, les jours de congé, déguster des crevettes grillées accompagnées d’une bière. L’électricité est fournie par un générateur ; l’eau et les provisions sont apportées à bord de camionnettes.

D’autres plages aussi belles se retrouvent dans des zones militaires, reliquat de l’époque où les Khmers rouges gouvernaient le Cambodge et réclamaient agressivement la rétrocession de cette île qui fît partie de l’empire khmer avant son rattachement au Vietnam voilà deux siècles.

Le tourisme est attiré par un potentiel important, y compris des promenades jusqu’au pied de cascades dans la forêt haute. Des bateaux de pêche se sont déjà reconvertis pour transporter des visiteurs, surtout vietnamiens, attirés par les excursions sur les sept îles ou îlots au sud d’An Thoi. Long Beach prend l’allure d’une riviera. Qu’était Phuket, dans le sud de la Thaïlande, voilà un demi-siècle ?

A dix minutes en moto d’An Thoi, sur la route qui mène à Duong Dong, les baraquements en tôle rouillée – murs et toiture – de la « prison des cocotiers » s’alignent entre deux camps militaires. Pendant la guerre, les Américains y avaient interné, jusqu’en 1973, une partie des quelque quarante mille Vietcongs qu’ils avaient fait prisonniers. Par ce biais, la guerre avait gagné Phu Quôc, que l’insularité protégeait. De nos jours, les ferry «à grande vitesse» relient, en trois heures, l’île au port continental de Rach Gia. Quelques navettes rapides existent également entre celui de Ha Tiên, deux fois plus proche, et An Thoi. En attendant l’atterrissage des Dreamliners qui, dans quelques années, viendront directement de l’étranger.

Texte de Jean-Claude Pomonti, Photos de Nicolas Cornet

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Analyse Histoire Indonésie Politique

Indonésie : la dynastie Sukarno toujours en vie

Le dégel est bien avancé entre l’actuel président et les descendants du père de l’indépendance. La famille de Sukarno entend continuer de jouer un rôle politique.

Le Parti démocrate, fondé par l’actuel président Susilo Bambang Yudhoyono (SBY), appuie l’entrée au gouvernement de Puan Maharani, petite fille de Sukarno (1901-1970), premier président de l’Indonésie. Le parti estime qu’elle «dispose des qualités nécessaires» à l’exercice des fonctions de ministre, a déclaré le 28 décembre Nurhayati Ali Assegaf, président du groupe parlementaire des Démocrates à l’Assemblée. Il s’agit de remplacer le ministre de la Jeunesse et des Sports, Andi Mallarangeng, un favori de SBY qui a dû démissionner de ses fonctions pour faire face à des accusations de corruption.

Ainsi donc, la «dynastie Sukarno» se porte moins mal qu’on ne le pense. Comme ses deux frères ne s’intéressant pas à la politique, du moins pour l’instant, Puan est l’héritière de Megawati Sukarnoputri, fille aînée du père de l’indépendance et présidente de 2001 à 2004. Agée de 40 ans, elle n’est pas une novice : élue à la chambre basse (DPR), elle y préside depuis janvier 2012 le groupe parlementaire du PDI-P (Parti démocratique indonésien-lutte), la formation présidée par Megawati. Le père de Puan, Taufiq Kiemas, troisième mari de Megawati, a été élu (avec l’aide de SBY) président de l’Assemblée consultative du peuple (MPR), qui rassemble députés et représentants des régions.

Mais les ambitions de Puan se sont longtemps heurtées à la rancune de sa mère à l’égard de SBY, son ancien super-ministre de la sécurité. SBY, général à la retraite et qui a fait sa carrière sous Suharto, a fait l’affront de se présenter contre Megawati en 2004 lors de la première élection présidentielle au suffrage universel. Et il l’a écrasée au deuxième tour (60%). Ce scénario s’est reproduit en 2009, lorsque SBY a glané son deuxième et dernier mandat présidentiel.

Depuis des années, Taufiq a tenté d’amorcer une réconciliation mais Megawati n’a salué SBY qu’à deux reprises. Elle n’a pas refusé une invitation à un banquet présidentiel en 2011, lors de la visite de Barack Obama. En novembre 2012, elle s’est rendue une deuxième fois à la présidence pour participer à la cérémonie d’attribution à son père de la dignité de «héros national». Le 26 décembre, enfin, Taufiq a été remettre à SBY un exemplaire de sa biographie. Il s’est fait accompagner par sa fille et la rencontre a ouvert le débat sur une éventuelle participation au gouvernement de Puan.

Puan affiche des ambitions présidentielles. Elle ne s’en cache plus depuis octobre 2011 mais  subordonne ses propres choix aux décisions de Megawati. Si celle-ci décide de se représenter en 2014, donc à l’âge de 67 ans, Puan fera campagne pour elle. Quant à Megawati, elle hésite. D’un côté, elle a subi deux graves revers électoraux face à SBY et le PDI-P a perdu une sérieuse partie de son audience. D’une autre, le Parti démocrate risque de demeurer dans l’histoire le parti d’une présidence : sa direction est discréditée par des scandales de corruption et SBY n’a pas réussi à organiser sa succession.

Une multitude de scénarios peuvent donc se dérouler d’ici à 2014. Mais, même sur le recul, le PDI-P «sukarniste» demeure une formation dont il faut tenir compte.  Il a un atout : avec Puan Maharani,  la succession de Megawati semble assurée.

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Philippe Picquier lance la collection l’Asie immédiate

L’éditeur d’Arles, spécialiste de l’Asie, enrichit sa gamme de publications avec une nouvelle collection de poche, L’Asie immédiate. L’objet : la géopolitique.

Bonne nouvelle, L’Asie immédiate, collection dirigée par l’historien du Japon Jean-Marie Bouissou, est lancée le 3 janvier. Deux ouvrages collectifs seront en librairie dès le lendemain : Les Géants d’Asie en 2025, de Bouissou, François Godement et Christophe Jaffrelot ; et Internet en Asie, par Karyn Poupée, Séverine Arsène, Alexandra Soulier, Ingrid Therwath et Jean-Marie Bouissou.

L’objectif de cette collection est de mettre «à la disposition des experts comme du grand public une analyse des grands problèmes qui se posent en Asie, particulièrement la Chine, le Japon et l’Inde». Le premier ouvrage est une étude prospective des ces «trois grands», une tentative de savoir où ils en seront  dans une douzaine d’années. Le second porte sur l’effet de la Toile sur un continent où les populations d’internautes sont exponentielles, y compris dans des économies émergentes comme la Malaisie, le Vietnam et l’Indonésie.

Les statistiques, écrivent les auteurs, «ne corroborent pas vraiment l’idée d’une ‘relation naturelle’ entre la pénétration et les avancées de la démocratie, du moins en Asie». Philippe Picquier a donc choisi de créer un pôle de réflexion sur le devenir de ce vaste continent parce que l’Histoire pourrait s’y écrire, en grande partie, au XXIème siècle. Vaste chantier.

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Analyse Politique Viêtnam

Vietnam : guerre des clans communistes sur Internet

Selon l’hebdomadaire américain Time, les factions adverses au sein du PC vietnamien utilisent la Toile comme un champ de bataille.

L’économie va mal avec un taux d’expansion de 5% en 2012, le plus bas en treize ans. Le Vietnam, en outre, plonge selon l’index de perception de la corruption de Transparency International. 112ème en 2011, 123ème en 2012, relève le site de Time Magazine. Entre-temps, l’extension de la Toile bat tous les records. Ces six derniers mois, près d’un million de Vietnamiens s’inscrivent chaque mois sur Facebook. Fin 2012, on en compte dix millions, soit 9% de la population.

L’un d’entre eux est Huy Duc, journaliste qui est actuellement boursier Nieman à Harvard. Il affiche, sur Facebook, cinq mille amis et treize mille fidèles. Il commente la vie politique vietnamienne, notamment le conflit en cours entre le président Truong Tan Sang et le premier ministre Nguyên Tan Dung. «Des gens comme moi ne retourneront pas dans les rangs des médias officiels aussi longtemps que nous pourrons débattre en ligne». Huy Duc n’est pas un dissident, c’est un enquêteur qui vient de consacrer beaucoup de temps à des recherches sur la fin de la guerre en 1975.

Mais la Toile peut être également le théâtre de règlements de comptes entre dirigeants. Au milieu de l’année 2012, le premier ministre Dung a été l’objet de violentes attaques. Sa fille, consultante en investissements, a été contrainte de démentir «avec véhémence» avoir entretenu des relations d’affaires avec un riche banquier placé derrière les barreaux. Ces attaques ont été si virulentes qu’elles ont dû être «lancées par une faction ou des intérêts qui veulent que le premier ministre se retire», a déclaré à Time le professeur Tuong Vu, qui enseigne à l’université d’Oregon.

Dung a réagi en ordonnant de prendre des mesures contre les blogs incriminés. Il a également ordonné aux officiels de ne pas consulter les blogs sur la Toile. Tuong Vu en conclut que «des factions rivales au sein du parti ont essayé d’exploiter les blogs  pour faire face à d’autres factions» et que, «désormais, la blogosphère est hors du contrôle du gouvernement». Carlyle Thayer, analyste australien reconnu, a déclaré à Time que les nouveaux blogs ont mis «le feu à la maison et sont lus par tout le monde». Danlambao (les gens qui font du journalisme), l’un des blogs les plus populaires, a déclaré, dans une lettre ouverte et anonyme : «nos contributeurs comprennent non seulement des enquêteurs indépendants et des freelance, mais également des reporters employés par les médias officiels et des informateurs qui font partie de l’administration».

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Analyse ASEAN Asie Brunei Timor Leste

Quand 2012 tire sa révérence et que 2013 assure la relève

Chaque année est une somme de joies et de malheurs. En Asie du sud-est, comme ailleurs, embellies et nuages ont cohabité en 2012 et les attentes pour 2013 sont prudentes.

Une bonne nouvelle a été l’ancrage du changement en Birmanie (Myanmar) après un demi-siècle de dictature militaire et de gabegie. La partie qui s’y joue est à la fois dure et complexe, en raison des intérêts en jeu. Elle n’en est que plus passionnante. Une autre société semble également opérer un démarrage, celle des Philippines. Le vaste archipel paraît, enfin, sorti de l’impasse créée par Ferdinand Marcos (1965-1986) et trouver un équilibre. Son économie en est relancée.

L’Indonésie semble avoir atteint son rythme de croisière quatorze ans après la chute de Suharto : bon taux de croissance (plus de 6% en moyenne), chômage sur le recul, relative stabilité politique avant les élections de 2014, menace terroriste qui diminue, confiance qui s’affirme et pourrait refaire de Jakarta le leader de l’Asie du sud-est. Niché à proximité, le Timor Leste paraît avoir pris, douze ans après son indépendance, son destin en mains : l’ONU y a plié bagages dans une atmosphère de paix civile encore fragile.

Singapour et la Malaisie continuent de prospérer dans le cadre de systèmes de partis dominants. Il reste à voir, en effet, si les élections de 2013 en Malaisie modifieront quelque peu cette équation. Quant à la Thaïlande, dont l’économie semble remise des dévastations causées par les inondations de 2011, elle continue de s’accommoder de la cohabitation entre la monarchie, l’armée et le gouvernement élu, avec le risque inhérent à ce genre de situation qui tient dans l’absence de contrat.

La péninsule indochinoise continue, lentement, de se remettre de ses guerres. Le Laos, qui part de loin, connaît un boom économique et paraît tenté par de grands travaux – barrages, voies ferrées, routes – qui ne font pas l’unanimité. Le Cambodge, endeuillé par la disparition de Norodom Sihanouk, si présent pendant près de sept décennies, se sent un peu orphelin. Quant au Vietnam, il n’est toujours pas sorti de la crise politique et financière qui le mine depuis au moins trois ans.

L’amoncellement de nuages, en ce qui le concerne, se trouve  à la périphérie septentrionale de l’Asie du sud-est. Il y a d’abord l’intransigeance de la Chine en mer de Chine du sud, des eaux que Pékin s’est appropriées et où sa flotte de guerre est de plus en plus présente. Un dérapage est de moins en moins à exclure, surtout compte tenu du fait que tous les Etats riverains, à l’exception du petit sultanat de Brunei, s’arment à leur tour. L’attitude de la Chine a déjà exacerbé la désunion au sein de l’Asean (Association des nations de l’Asie du sud-est) qui ne parvient pas à exprimer une position commune sur ce grave contentieux.

En toile de fond, la mise en place (Chine) ou l’élection (Japon), fin 2012, de deux directions conservatrices et nationalistes n’augure rien de bon. Elle pourrait contribuer à créer un climat de guerre froide en Asie de l’Est, surtout si les relations entre Washington, qui «pivote» vers la région, et Pékin continuent de se tendre. Quoi qu’il arrive, l’Asie du sud-est se trouve, malheureusement, en première ligne.