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Politique Société Viêtnam

Vietnam : la justice ne fait aucune concession aux dissidents

Arrestation d’un avocat, confirmation de peines sévères infligées à des blogueurs, le PC vietnamien ne fléchit pas à l’heure où la croissance économique marque le pas.

L’avocat Lê Quôc Quan a été arrêté alors qu’il conduisait ses enfants à l’école à Hanoï. Selon Tuoi Tre, l’interpellation a eu lieu le 27 décembre. Les autorités accuseraient Quan, qui est également un blogueur dissident, de «fraude fiscale». Cette accusation avait été lancée contre Diêu Cay, autre blogueur connu, lorsqu’il a été arrêté en 2008. Quan avait été hospitalisé en août 2012 après avoir été tabassé par des inconnus dans la capitale du Vietnam. Il avait accusé les autorités d’avoir envoyé des hommes de main pour lui infliger une correction et s’est plaint, depuis, d’être harcelé de façon continue.

D’autre part, une Cour d’appel de Hochiminh-Ville a confirmé le verdict prononcé en septembre par un tribunal contre deux blogueurs dissidents. Ta Phong Tan, ancienne policière, avait été condamnée à dix ans de prison. Après son arrestation, sa mère s’était immolée par le feu pour protester. La Cour a également maintenue la peine de douze ans d’internement infligée à Diêu Cay. Seul à avoir plaidé coupable en septembre, un troisième blogueur a vu sa peine réduite à trois ans de prison, au lieu de quatre initialement. Ces blogueurs avaient dénoncé, avant leurs arrestations, la corruption, l’injustice ainsi que la politique du Vietnam à l’égard de la Chine, trop souple à leurs yeux.

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Indonésie Politique Société

Indonésie : les musulmans ont souhaité joyeux Noël aux chrétiens

Le Conseil des oulémas (MUI) a eu beau recommander de ne pas le faire, les musulmans ont souhaité une bonne fête de la nativité aux chrétiens. Comme chaque année.

Il y a eu, certes, des fausses notes. L’archevêque de Jakarta, Mgr Ignatius Suharyo, a regretté en chaire, selon le Jakarta Post, que les permis de construire des églises soient rares et lents à venir. A juste titre. A Atjeh, seule province où la charia est officielle, neuf églises chrétiennes et six temples bouddhistes ont reçu l’ordre de fermer en octobre au chef-lieu de district de Banda Atjeh parce qu’ils n’avaient pas de permis de construire. A Bekasi (Java Ouest), des musulmans ont jeté des œufs pourris sur des chrétiens qui voulaient célébrer Noël sur un terrain où ils souhaitent élever un temple.

Toutefois, dans l’ensemble de l’Indonésie, Noël s’est déroulé dans le calme. Les dizaines de milliers de policiers chargés, selon le Jakarta Globe, d’assurer la sécurité de 38.500 églises et temples chrétiens n’ont pas eu à intervenir. Surtout, la plupart des musulmans n’ont pas suivi les conseils du MUI : ils ont adressé leurs vœux aux chrétiens, lesquels représentent un peu moins de 10% des quelque 240 millions d’Indonésiens. Contredisant le MUI, le ministre des affaires religieuses, Suyadharma Ali, a estimé que ces vœux constituaient un geste normal. Le président Susilo Bambang Yudhoyono et le vice-président Boediono devraient en faire davantage en participant à une célébration nationale de Noël le 27 décembre.

Jakarta a donné l’exemple en s’ornant de bannières, de banderoles, de grandes affiches exprimant les vœux de Noël de la municipalité, des banques, des centres commerciaux. Quelques jours auparavant, Jusuf Kalla, président du Conseil indonésien des mosquées et ancien vice-président de la république, a présenté publiquement ses vœux à la population de la province de Nusa Tenggara oriental, à majorité catholique. Les dirigeants des deux plus nombreuses organisations musulmanes de la planète, le Nahdlatul Ulama (NU) et la Muhammadyah, en ont fait autant.

La tolérance ne fait pas pour autant l’unanimité. Selon l’Institut Setara pour la démocratie et la paix, cité par le Jakarta Globe, le nombre de cas recensés d’intolérance religieuse est passé de 135 en 2007 à 264 en 2012.  Des officiels ont été impliqués dans 154 sur ces 264 cas. En outre, dans des dizaines de districts et municipalités, des règlements s’inspirant de la charia continuent d’être adoptées et appliquées.

Noël a pourtant été l’occasion, selon l’habitude, de remises de peine de quinze jours à deux mois pour 6.500 condamnés de confession chrétienne. Autre curiosité : le FPI ou Front de défense de l’islam,- groupe islamiste surtout connu pour saccager les débits d’alcool pendant le ramadan -, a détaché deux cents de ses membres pour aider la police à protéger la célébration de Noël à Makassar, la grande ville du sud de Sulawesi.

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Indonésie Société

Indonésie : des chrétiens dans les écoles musulmanes

Le fait est méconnu ou moins rare qu’on le pense : en Indonésie, des enfants chrétiens fréquentent des écoles musulmanes et y sont parfois nombreux.

La Muhammadiyah est la deuxième organisation musulmane de la planète et revendique une trentaine de millions de fidèles. Fondée en 1912, elle a mis en place, en Indonésie, un large réseau dans le domaine de l’éducation, de la crèche à l’université. Et elle accueille des enfants de toutes les confessions. «Dans certaines enclaves chrétiennes, rapporte CGNews (site de Common Ground News Service), elle a établi des écoles où les élèves chretiens, dans quelques cas, forment de 50% à 75% des élèves».

Sur le site CGNews, Izza Rohman, qui enseigne à l’université Uhamka de Jakarta, offre deux exemples : l’un dans la ville à prédominance catholique d’Ende, sur l’île de Florès, et l’autre dans la ville à majorité protestante de Serui, sur la petite île de Yapen. Ces deux îles sont situées en Indonésie de l’est. Florès (fleur en portugais) a été influencée par le catholicisme importé par les Portugais dans l’île voisine de Timor. Yapen a été christianisée par les protestants hollandais.

Des familles chrétiennes envoient leurs enfants dans les écoles de la Muhammadiyah, organisation socio-culturelle réformatrice et surtout présente en milieu urbain, en raison de la qualité d’un enseignement peu coûteux. En outre, des cours de catéchisme y sont donnés aux écoliers chrétiens. Ce qui semble signifier que les parents chrétiens ont à la fois confiance dans ces institutions et dans un dialogue inter-religieux.

85% des 240 millions d’Indonésiens se réclament de l’islam. Le haut du pavé est tenu par de petits groupes extrémistes qui militent, parfois brutalement, en faveur d’un califat. Mais l’immense majorité des musulmans sont plus tolérants. La première association islamique de la planète est également indonésienne : le Nahdlatul Ulama a été fondé à Java en 1926. Revendiquant quarante millions de fidèles, cette association d’oulémas s’appuie davantage sur des villages où se trouvent la majorité de ses écoles coraniques. Elle prêche également un islam modéré, à l’image de la Muhammadiyah.

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Culture Histoire Société Viêtnam

Vietnam : le culte imposant d’un prêtre, d’un guérisseur

Assassiné en 1946, le père Diêp fait l’objet d’un culte dans le sud. Les premiers éléments d’une demande de béatification ont été réunis. Reportage.

Sur la route nationale qui relie le chef-lieu de Ca-Mau, pointe méridionale du Vietnam, à celui de Bac Liêu, une couche fraîche de bitume a été posée. En 2007, lors de notre passage, les ponts qui franchissent les canaux sont en réfection. A mi-chemin entre les deux chefs-lieux de province,  en bordure de route, au lieu-dit de Tac Sây, la silhouette d’une église en construction domine le paysage plat du delta du Mékong.

Le chef de chantier ne cache pas sa fierté. «La plus haute et la plus grande du Vietnam», dit-il. Un escalier monumental permet d’accéder à la nef, haute « de plus de trente-deux mètres ». La nef proprement dite, construite au-dessus de salles de prière ou de réunion, atteint vingt-trois mètres de hauteur. L’édifice a la taille et l’allure d’une basilique. Entre le canal et la route rectilignes, un vaste espace a été attribué à cette église et aux grands bâtiments qui l’encadrent : administration, mémorial, dortoirs et chambres à l’intention des pèlerins, salles d’étude, bibliothèque. L’ensemble donne une impression de démesure.

Sans attendre la fin du chantier ouvert en 2004, soit trois années auparavant, des milliers de gens s’y rendent chaque jour pour s’y recueillir sous un préau provisoire où chacun dépose, après les courbettes d’usage, des baguettes d’encens fumant. Des voyagistes de Hochiminh-Ville organisent même des visites à la demande de Viêt Kiêu, les Vietnamiens d’outre mer, notamment ceux des Etats-Unis. Autobus et minibus se succèdent de l’autre côté d’un mur qui sépare la route du parvis. Les passagers qui en descendent sont assaillis par quelques poignées d’enfants qui tentent de placer cartes postales, portraits, statuettes, boissons fraîches. En face, de l’autre côté de la chaussée, sont alignées chaises pliantes et tables d’une série de débits de boissons improvisés.

Avant de faire un tour de chantier, les pèlerins déposent leurs baguettes d’encens fumantes, en s’inclinant longuement, sous le préau, au pied de deux statues dont les auréoles sont faites d’un tube de néon rouge allumé en permanence. L’une représente la Sainte Vierge et l’autre est la photo d’un prêtre vietnamien, barbu et encore dans la force de l’âge.

Né le 1er janvier 1897, le père François-Xavier Truong Buu Diêp a été assassiné le 12 mars 1946. Les uns disent que le forfait a été commis par la branche locale, à l’époque associée au Vietminh, de l’église caodaïste (Cao Dai Miên Tây và Bac Liêu). De son côté, Eglises d’Asie rapporte qu’en ces temps-là, alors que des troubles avaient gagné la paroisse qu’il administrait depuis seize ans, le curé de Tac Sây avait «refusé» de quitter ses ouailles. «Le 12 mars 1946, avec 70 de ses paroissiens de Tac Sây, il est arrêté par le Vietminh. Tout le groupe est enfermé dans un grenier à riz. C’est là qu’il propose à ses gardiens d’échanger sa vie pour le salut de ses fidèles. On découvrira plus tard son corps nu et affreusement mutilé dans un étang proche du lieu où il avait été détenu», affirme le site des Missions étrangères de Paris.

Toujours est-il que le père Diêp a été également un guérisseur. Son souvenir déborde de la communauté catholique du Sud, qui représente 7% de la population de la région (davantage qu’au Centre, 5%, et au Nord, 3%). Les méridionaux, au Vietnam, s’attachent aux administrateurs ou religieux qui ont donné l’exemple, et ont tendance à en faire des génies tutélaires, ce qui est notamment le cas à Nhatrang où un portrait d’Alexandre Yersin figure dans une pagode parce qu’il avait mis en place, pour les pêcheurs, un système d’alerte aux tempêtes. C’est encore davantage le cas dans un delta du Mékong où les mentalités sont propices au messianisme,- et où les sectes et leurs avatars prolifèrent à nouveau de nos jours.

De nombreux catholiques pensent aujourd’hui que le père Diêp a accompli assez de miracles pour réclamer sa béatification. De premières démarches dans ce sens ont été effectuées auprès de Rome en 2012. En témoignent les centaines, sinon les milliers, de plaques vissées à un long mur derrière l’église. Sur ces plaques sont inscrits des noms de familles accompagnés des montants de leurs dons, une pratique courante au Vietnam. Les dons viennent des quatre coins de la planète et expliquent le financement de gigantesques travaux confiés à des ouvriers recrutés au Vietnam central.

En 2012, les travaux sont depuis longtemps terminés. L’actuel cardinal-archevêque de Saigon, Mgr Pham Minh Mân, a connu l’ancien curé de Tac Sây. Il a confié à Eglises d’Asie que «c’était le père Truong Buu Diêp qui avait conseillé à sa famille de l’orienter vers le sacerdoce dès son très jeune âge».

Texte de Jean-Claude Pomonti, photos de Nicolas Cornet

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Indonésie Société

Indonésie : inondations à Jakarta

Des pluies torrentielles accompagnées de vents puissants ont provoqué des inondations et paralysé plusieurs quartiers de la capitale dans l’après-midi du 22 décembre.

Les avenues du centre de Jakarta se sont retrouvées très rapidement inondées en raison des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la capitale de l’Indonésie. La hauteur de l’eau a atteint jusqu’à 80 cm dans certains sections des grandes avenues comme les jalan Thamrin et Sudirman. Des inondations ont également eu lieu à Jakarta-Sud, ainsi que dans l’ouest (Grogol) et le nord (Pluit) d’une mégapole qui compte plus de dix millions d’habitants.

Des véhicules, en particulier les motos, ont été immobilisés, moteurs noyés, et des arbres ont été déracinés par les forts vents, a rapporté le Jakarta Globe, paralysant le trafic ou multipliant les embouteillages. Les voies ferrées et les gares de la ville ont été également inondées, perturbant pendant de longues heures le trafic ferroviaire.

Joko Widodo, récemment élu gouverneur de la capitale, a expliqué que la brutalité des inondations, en cas de pluies torrentielles, était liée à l’insuffisance du drainage des canaux et des voies d’évacuation de l’eau. Ces canaux sont encombrés d’ordures et la sédimentation les bloque. «Drainer continuellement les canaux des principales rues fait partie de nos devoirs. Si les responsables n’osent pas se rendre dans les canaux souterrains, nous réclamerons l’aide des militaires. J’ai déjà évoqué la question avec la marine et elle a répondu qu’elle était prête à nous assister», a déclaré le gouverneur, selon le Globe.

Pendant la saison des pluies, des pans croissants de Jakarta sont de plus en plus régulièrement inondés. Joko a indiqué que le dragage en cours de trois cours d’eau qui traversent la capitale permettrait déjà de réduire de 62 à 52 les secteurs régulièrement inondés. Il compte affecter 1,2 milliard de dollars à une vingtaine de projets en vue de réduire ces inondations périodiques.

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Asie Chine Histoire Politique Viêtnam

Asie : un francophone chef de la diplomatie américaine

La Maison blanche a confirmé, le 22 décembre, la nomination du sénateur John Kerry au secrétariat d’Etat américain, où il succèdera à Mme Clinton en 2013.

Candidat malheureux à la présidence des Etats-Unis en 2004, John Forbes Kerry a des attaches françaises. Sa mère, Rosemary Forbes, est née à Paris et a grandi en France. Brice Lalonde, membre des gouvernements Rocard puis Cresson (1988-1992), est son cousin germain, la mère de Brice étant la sœur de Rosemary. Les Forbes possèdent toujours une propriété en Bretagne, à Saint-Briac sur Mer, dont Brice Lalonde a été le maire de 1995 à 2008. Dans sa jeunesse, John Kerry a souvent accompagné ses parents pendant l’été à Saint-Briac, où leur propriété, détruite pendant la Deuxième guerre mondiale, a été reconstruite en 1954. Le français est l’une des cinq langues que pratique ce globe-trotter qui s’est souvent rendu, entre autres, en Asie du sud-est.

Aujourd’hui âgé de 69 ans, après quatre années d’études à l’université de Yale, John Kerry a participé à la guerre du Vietnam (1967-1969). Il y a commandé un patrouilleur maritime dans le delta du Mékong. Il a été blessé à plusieurs reprises. Il en est revenu, la poitrine bardée de médailles, pour lancer une vive campagne contre la guerre, son véritable premier combat politique. Il est retourné à plusieurs reprises dans ce pays, notamment en 2000 quand Bill Clinton accompagné de Hillary y a accompli le premier séjour officiel d’un président américain depuis la fin de la guerre en 1975.

Membre du Sénat depuis 1985, où ce Démocrate représente l’Etat de Massachussetts, John Kerry devrait recevoir sans problème, selon le Washington Post, l’approbation de la Chambre haute dont il préside, depuis 2009, la Commission des affaires étrangères. Il est rompu à l’exercice de la diplomatie et souhaitait prendre la succession de Hillary Clinton. Mais il a dû attendre que Susan Rice, ambassadrice à l’ONU, renonce à tenter sa chance pour être choisi par Barack Obama. Son entrée officielle en fonctions aura lieu le 20 janvier 2013, le jour où Obama entamera son deuxième mandat.

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Laos Politique Société

Laos : qui aurait enlevé Sombath Somphone ?

Inquiétude croissante sur le sort du fondateur laotien d’une ONG, porté disparu après avoir été interpellé par la police le 15 décembre à Vientiane.

Ng Shui Meng, ressortissante de Singapour et épouse de Sombath, a fait état d’un enregistrement de la CCVT de la police laotienne. Le 15 décembre à Vientiane, un policier à motocyclette arrête la jeep que conduit Sombath. Ce dernier en descend et le véhicule est emmené par la police. Le motocycliste est suivi par un pick-up dont les feux de détresse clignotent. Deux hommes en descendent. Sombath se joint à eux et ils montent tous les trois à bord du pick-up qui s’éloigne. Telles sont les images diffusées sur YouTube ( http://www.youtube.com/watch?v=VB29Jr0O748 ) . Depuis, plus de nouvelles.

Dans un communiqué diffusé sur le site de l’agence officielle KPL, le ministère des affaires étrangères  du Laos reconnaît avoir reçu une copie de la vidéo ainsi que des appels de Ng Shui Meng. Il ne conteste pas l’enchaînement des faits. Mais il affirme qu’il ne s’agit pas d’un pick-up de la police et que rien n’indique que Sombath ait été conduit de force vers le pick-up et embarqué à bord contre son gré. L’enquête «préliminaire», ajoute le ministère, estime «possible» que «M. Sombath ait été kidnappé peut-être à la suite d’un conflit personnel ou d’affaires».

Sombath, âgé de 60 ans, a fondé en 1996 une ONG dont l’objectif est la formation et dont il a abandonné la direction voilà cinq mois. En 2005, il a reçu le prix Magsaysay, le plus prestigieux en Asie du Sud-Est en ce qui concerne le développement. 31 lauréats du prix Magsasay, selon le Nation de Bangkok, ont lancé un appel aux autorités laotiennes exprimant leur «vive inquiétude» sur le sort de Sombath, auquel on ne connaît pas de conflit d’affaires. Les Etats-Unis ont également fait savoir leur préoccupation.

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Analyse Birmanie Chine Politique Thaïlande

Le pivot américain accepte la Thaïlande telle qu’elle est

Washington a modifié son attitude à l’égard de Bangkok en appuyant le nouveau gouvernement. La raison : la peur de laisser la Thaïlande filer dans le camp chinois.

Lors de son passage à Bangkok le 18 novembre 2012, Barack Obama est allé saluer le roi de Thaïlande qui lui a accordé une audience dans l’hôpital où il séjourne depuis longtemps. Plus surprenant, le chef de l’Etat américain a accordé un appui public à Yingluck  Shinawatra, premier ministre depuis 2011 et sœur cadette de Thaksin. Yingluck est pourtant considérée comme étroitement dépendante de son frère, personnage controversé et qui n’a guère la cote à Washington.

Professeur d’histoire de l’Asie du Sud-Est à l’université de Queensland,  Patrick Jory offre une explication sur le site australien de l’East Asia Forum. «Les Etats-Unis, écrit-il, veulent un gouvernement stable, pro-américain en Thaïlande. Aussi est-il possible qu’ils en viennent à accepter que Thaksin et ses gouvernements populairement élus, plutôt que la monarchie, offrent un meilleur pari à long terme en ce qui concerne la stabilité politique, en particulier compte tenu de la succession royale à venir.»

Washington ferait donc le constat suivant : voilà douze ans qu’à l’occasion de chaque vote, Thaksin, ses partisans, ses partenaires et leurs succédanés, emportent les élections. Premier ministre de 2001 à 2006, chassé du pouvoir par l’armée, en exil volontaire en raison d’une condamnation en 2008 pour abus de pouvoir, Thaksin demeure populaire. Dont acte. Barack Obama et Hillary Clinton auraient décidé que, dans le cadre du « pivot » américain vers l’Est, il fallait accepter cette donnée, comme il a fallu encourager le nouveau gouvernement de Birmanie à s’ancrer et à conserver les distances prises dès ses débuts, en 2011, à l’égard de Pékin.

Les Etats-Unis se retrouvent donc assez loin de leur position en 2006, estime Patrick Jory. Des câbles publiés par Wikileaks avaient révélé que l’ambassade américaine à Bangkok avait alors estimé qu’à la suite du coup d’Etat, la nomination annoncée comme premier ministre de Surayud Chulanont, un ancien chef de l’armée de terre, était «un développement très positif » aussi bien pour la Thaïlande que pour les relations bilatérales.

Au fil des décennies, Washington a établi des relations très étroites avec l’élite thaïlandaise. Des générations d’officiers thaïlandais ont été formées dans les académies militaires américaines. La Thaïlande a servi de porte-avions à l’intervention militaire au Vietnam. Aujourd’hui, il est clair que Thaksin demeure toujours assez populaire pour appartenir durablement au paysage politique thaïlandais. «Si les Etats-Unis continuent de soutenir leurs vieux alliés de la Guerre froide en Thaïlande – la monarchie et l’armée – Thaksin n’aurait apparemment que le choix de se retourner vers la Chine», estime Patrick Jory. Washington aurait donc au moins choisi de ménager tout le monde.