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Analyse Politique Viêtnam

Plénum exceptionnel du PC au Vietnam : surmonter la crise

Le Comité central du PC vietnamien se réunit à Hanoï du 1er au 15 octobre. Un meeting long et secret en pleine crise financière avec, pour thème, comment en sortir.

Il était grand temps que la direction communiste se réunisse. Voilà deux années encore, le Vietnam affichait le profil d’un futur tigre asiatique. Puis la machine s’est déréglée. La croissance (entre 4% et 5%) n’est plus au rendez-vous. Après s’être calmée, l’inflation reprend. Les investissements étrangers diminuent. De grandes entreprises d’Etat (Vinashin, Vinalines, EVN) sont devenues des gouffres alors qu’elles étaient prioritaires dans l’octroi des crédits. On parle d’une dette globale de plus de 30 milliards d’€ du secteur public. En raison d’une corruption éhontée, des têtes ont fini par tomber, dans le secteur public comme dans le privé, jusque dans l’entourage des puissants.

Dans son discours inaugural, le secrétaire général du parti, Nguyen Phu Trong, qui fait un peu figure d’homme-tampon, a déclaré qu’il fallait accorder de l’importance au projet de «la poursuite de l’arrangement, de la rénovation, de l’amélioration de l’efficacité des entreprises publiques». Il a également évoqué la nécessité de s’attaquer à «certains problèmes urgents en matière d’édification du Parti en la période actuelle», selon le site du PC ( www.cpv.org.vn ). Le plénum a été précédé d’une campagne interne de «critique et autocritique» dont les médias ont donné des échos.

Le site du PC indique que le plénum «se concentrera» également sur «les lois sur le foncier», les expulsions faisant régulièrement l’objet de confrontations. Il devrait aussi évoquer «le renouvellement fondamental et intégral de l’éducation et de la formation», un secteur en désarroi. Enfin, le chapitre «édification du parti» semble annoncer un débat animé sur la politique du premier ministre Nguyên Tân Dung, reconduit dans ses fonctions en 2011, non sans difficulté en raison des déboires de certaines entreprises publiques.

Le Vietnam semble aujourd’hui désorienté. Il dispose pourtant de gros avantages : population jeune, taux important d’alphabétisation, ressources naturelles. Mais, surtout après son admission au sein de l’OMC en 2007, il a éprouvé du mal à digérer un gros flot d’investissements étrangers. Le laxisme financier de ses dirigeants et quelques mauvaises habitudes ont également contribué au dérapage. «Trop et trop tôt», juge un cadre du PC. Durcir son attitude à l’égard des critiques en les sanctionnant vertement – ce qui parait le cas en ce moment – ne résoudra ni les problèmes du PC ni ceux d’un pays qu’il continue à vouloir gouverner seul.

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Analyse Société Thaïlande

Chronique de Thaïlande : petit manuel de la corruption (I)

Présente à tous les niveaux du pays, la corruption est considérée comme bénigne par beaucoup. Mais les exposés dans la presse font quelquefois mouche.

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Analyse Indonésie Politique

Indonésie : avant tout, le vote de l’insatisfaction

Venu de Java central, réputé bon administrateur, le nouveau gouverneur élu de Jakarta a bénéficié, avant tout, d’un ras-le-bol. De quoi spéculer.

Canaux et cours d’eau sont pollués au-delà de l’imaginable, les embouteillages semblent insurmontables. A force de puiser l’eau dans son sous-sol, Jakarta, dix millions d’habitants, s’enfonce et se retrouvera bientôt sous le niveau de la mer. Les administrations successives ont laissé une impression d’impuissance. Maire de Solo à Java central, une ville moyenne qu’il a réorganisée, plutôt charismatique, Joko Widodo, dit Jokowi, s’est imposé le 20 septembre face au gouverneur sortant, Fauzi Bowo, pourtant soutenu par le gouvernement et l’élite politique. 54% des suffrages : une victoire nette.

Ce vote a traduit une insatisfaction générale. Rien ne dit pour autant que Jakarta soit gouvernable. Jokowi devra d’abord triompher de l’opposition du Conseil législatif, où il ne dispose que de 17 voix sur 94. Ensuite, ce réformateur qu’on dit insensible aux avantages devra trouver quelques difficiles recettes. Comment transformer les bidonvilles en quartiers où l’on peut vivre ? Où trouver les financements nécessaires pour drainer les canaux, limiter la pollution, mettre de l’ordre dans la circulation ? Tout en contribuant de façon substantielle au PNB de l’Indonésie, Jakarta est souvent une négation de l’urbanisme.

Ce vote est également une réaction à ce qui ne va pas en Indonésie. L’économie est solide mais les promesses des gouvernants ne sont pas tenues. Réélu triomphalement (60% des suffrages) en 2009 pour un deuxième et dernier mandat, le président Susilo Bambang Yudhoyono (SBY) s’est révélé bien mou dans sa lutte contre la corruption, pourtant son cheval de bataille électoral. Il ne s’est guère préoccupé de remettre sur pied son Parti démocrate à la direction discréditée. Il n’a pas davantage organisé sa succession en 2014. Le Parlement, l’une des institutions les plus corrompues avec la police et la justice, légifère à toutes petites doses. La classe politique est passéiste.

Cette fois-ci, l’appel d’air ainsi créé a été capté par un politicien apparemment honnête. Mais il n’est pas seul dans cette affaire : le faiseur de roi – et le financier de l’élection de Jokowi – a été Prabowo Subianto, général rayé des cadres, à la fois controversé et assez populaire pour être, en ce moment, le candidat le mieux placé dans la course à la présidence en 2014. Beaucoup de choses peuvent changer dans les deux années qui viennent. Mais Prabowo, un homme d’autorité et dont les méthodes ont choqué quand il était encore militaire, devrait pouvoir continuer de compter sur une opinion publique découragée par l’attitude de la classe politique actuelle. Renouvellement d’une classe politique ou renaissance de l’autocratie ?

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Analyse Société Thaïlande

Chronique de Thaïlande : la loi du statut

Certains membres de l’élite thaïlandaise brandissent leur richesse, leur rang social et leur influence politique pour échapper aux conséquences de leurs méfaits.

Quand l’actrice Piya Pongkulapa a été arrêtée par un policier au volant de sa voiture à Bangkok le 11 septembre à deux heures du matin, elle lui a lancé : « Je suis une célébrité. Je connais des policiers en haut lieu ». Lorsque le constable a insisté pour lui faire passer un test d’alcoolémie, la starlette a déclaré qu’elle ne le ferait que quand elle serait sobre et s’est enfermée dans sa voiture pour avaler des litres d’eau.

Quand, le 3 septembre, Vorayud Yoovidhya, 27 ans, surnommé « Boss », héritier de l’empire économique Red Bull (quatrième fortune de Thaïlande), a renversé violemment un policier à moto à cinq heures du matin, dans le centre de Bangkok, il ne s’est pas arrêté, mais a poursuivi sa route sur 200 mètres avec le policier agonisant sur le capot. Puis, il est rentré chez lui, demandant à son personnel de refuser l’accès à quiconque, même aux policiers. Quelqu’un de sa famille a contacté un lieutenant-colonel de police de sa connaissance pour lui demander de faire retomber la responsabilité de l’accident sur le chauffeur de la famille ; l’officier en question a exécuté l’ordre sans discuter.

Quand l’actrice vedette Chermarn Boonyasak a été vivement critiquée en août dernier pour avoir fraudé le fisc – elle faisait faire ses déclarations au nom d’un homme de 77 ans pour être taxée selon un barème préférentiel -, elle a placé une photo d’elle et du fils d’un haut-fonctionnaire du ministère des finances sur sa page Facebook, avec la mention : «Ne nous cherchez pas des noises».

On pourrait multiplier les exemples. Tous témoignent d’un fait socio-culturel qui imprègne la société thaïlandaise et dont profitent à plein certaines « élites » : la puissance du système de patronage, la loi du « qui connait qui ». Quand un membre de ces cercles de la haute société est confronté à un problème grave, le réflexe est souvent de brandir son statut à la face du monde, sur l’air de «savez-vous à qui vous parlez ?».

Le fait que dans ces trois exemples, la réaction de la grande majorité de la population thaïlandaise a été l’indignation montre que ces comportements sont de moins en moins supportés ; l’intérêt des médias pour ces frasques des riches et des puissants joue un rôle crucial dans la prise de conscience du caractère odieux du système deux poids deux mesures dans une société qui se dit démocratique.

Le fonctionnement de l’appareil judiciaire n’est toutefois pas en phase avec cette évolution rapide de la société : les fils de nantis sont le plus souvent libérés sous caution quelle que soit la gravité de leur crime et, quand ils sont condamnés, ils s’en sortent régulièrement avec des peines qui semblent dérisoires par rapport aux méfaits. Ainsi, Orachorn Thephasadin na Ayutthaya, une jeune fille de très bonne famille, âgée de seize ans et roulant sans permis, avait, en 2010, jeté en contrebas de la voie express une camionnette, provoquant la mort de neuf personnes. Elle a été récemment condamnée à deux ans de prison avec sursis et à une interdiction de conduire jusqu’à ce qu’elle atteigne l’âge de 25 ans. Dès après le verdict, qui a provoqué la détresse des familles des victimes, la jeune fille a été envoyée par sa famille pour étudier à l’étranger. Une photo prise immédiatement après l’accident meurtrier avait provoqué la colère de nombreux Thaïlandais : elle la montrait en train d’envoyer des texto sur son téléphone portable avec une attitude apparemment nonchalante.

Les sans-grades, les sans-nom et les sans-fortune subissent eux le poids de la justice dans toute sa rigueur : pas de libération sous caution, pas de sursis, pas de « compréhension » de la part des juges. Cette mentalité de l’exception faite aux privilégiés se retrouve souvent au plus haut niveau du gouvernement. Le ministre thaïlandais des Affaires étrangères Surapong Tokvichakchaikul s’est ainsi vu réprimandé par l’Ombudsman pour avoir, en contradiction avec la réglementation du ministère, restitué son passeport à l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, lequel s’était enfui du pays peu avant sa condamnation à deux ans de prison pour corruption en 2008. Le ministre a simplement rétorqué, sans aucun égard pour les arguments détaillés de l’Ombudsman, qu’il n’avait aucun tort mais qu’on essayait de le faire passer pour coupable. Or le système démocratique et la philosophie d’égalité qui le sous-tend ne sont validés que par leur application aux cas extrêmes, car cette idéologie est née, justement, d’une longue et rude lutte contre les inégalités : appliquer exclusivement les lois à l’encontre des plus faibles a toujours été l’apanage des sociétés à mentalité féodale. Mais la Thaïlande est loin d’être le seul pays de la région à faire preuve de favoritisme envers les privilégiés ; d’autres, comme le Cambodge, présente une situation bien plus consternante.

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Analyse Indonésie Politique

Indonésie : le candidat du changement élu gouverneur de Jakarta

Joko «Jokowi» Widodo a été élu, le 20 septembre, gouverneur de Jakarta contre le candidat du pouvoir, Fauzi Bowo, avec de 53% à 54% des suffrages.

La victoire de Jokowi ne constitue pas une énorme surprise et Bowo a aussitôt reconnu son échec. Réélu triomphalement maire de Solo en 2010, Jokowi a un profil de ‘Monsieur Propre’. Il a remis un peu d’ordre dans sa ville de Java central. Gouverneur sortant de la capitale de l’Indonésie, Bowo n’a guère fait d’étincelles pendant son mandat. Il a été soutenu par le Parti démocrate du président Susilo Bambang Yudhoyono, une formation rongée par la corruption et qui est en passe de perdre sa figure de proue puisque SBY, qui termine son second mandat, ne peut pas se représenter à la présidence en 2014.

Pour la coalition gouvernementale, en dépit de la bonne santé de l’économie, la situation est plutôt délicate. En réduisant ses efforts dans la lutte contre la corruption – son slogan électoral – SBY a perdu une partie de son audience. Allié de SBY, Aburizal Bakrie, patron du mouvement Golkar et son candidat officiel à l’élection présidentielle dans deux ans, se retrouve, du coup, dans une situation plus difficile. Peu populaire, millionnaire qui a, ces temps-ci, des soucis financiers, Bakrie n’est plus certain que le Golkar, censé être une machine électorale efficace, ne renonce pas à tenter de le porter à la présidence.

En revanche, l’opposition se frotte les mains. Jokowi a bénéficié du soutien du populaire Prabowo Subianto, un général à la retraite ouvertement candidat à la succession de SBY, ainsi que du PDI-P, le parti de Megawati Sukarnoputri, ancienne présidente (2001-2004) et fille aînée du père de l’indépendance. Si Jokowi entame bien son mandat de gouverneur, il pourrait se révéler un atout maître pour Subianto, Megawati ayant apparemment renoncé à se représenter à la présidence.

La campagne a été dure et très suivie, les arguments ethniques ou religieux n’ont pas fait grand effet. Le colistier de Jokowi, donc le futur gouverneur adjoint, est un chrétien d’origine chinoise. Les dix millions d’habitants de Jakarta veulent que les choses bougent un peu. La Commission électorale doit publier les résultats officiels le 3 octobre et la prise de fonctions du nouveau gouverneur a été fixée au 6 octobre.

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Analyse Histoire Philippines Politique

Aux Philippines, 40 ans après, une vraie sortie de tunnel

En 1972, Ferdinand Marcos a proclamé la loi martiale et les Philippines ont amorcé  leur descente aux enfers. 40 ans plus tard, une lueur est au bout du tunnel.

Il aura fallu deux générations pour que les Philippines se remettent du plongeon imposé par Ferdinand Marcos quand, le 22 septembre 1972, il a décrété la loi martiale pour se maintenir au pouvoir au-delà de son deuxième mandat présidentiel. Marcos, mort en exil à Hawaï en 1989, demeurera en place jusqu’à la révolte populaire de 1986, dont l’icône a été Cory Aquino, la «dame en jaune», veuve de Ninoy Aquino, principal adversaire de Marcos, assassiné en 1983 à son retour d’exil.

Il se trouve également que le redressement du vaste archipel s’amorce sous la présidence de Noynoy Aquino, fils de Ninoy et de Cory, élu en 2010 et qui a fait revivre l’espoir, vertu oubliée par ses compatriotes. Et il se trouve également que la richissime Imelda, 83 ans,  veuve de Ferdinand, est membre de la Chambre des Représentants où elle a été triomphalement élue en 2010 au siège détenu par son fils Bongbong, lequel s’est fait élire sénateur. Aux Philippines en particulier, les dynasties politiques ont la vie dure.

Avec la présidence de Noynoy Aquino, la confiance, que onze années de loi martiale avait fait disparaître, refait surface. Entre 2011 et 2012, le taux de l’épargne est passé de 20,1% à 24,6%. Le budget de l’Etat a renoué avec l’équilibre et la dette publique a fondu. Sur l’échelle mondiale de la compétitivité, les Philippines ont gagné vingt places en deux ans. Enfin, pendant le premier trimestre de 2012, le taux d’expansion économique a été de 6,1%, soit le troisième d’Asie derrière la Chine et l’Indonésie, ce qui encourage une reprise des investissements étrangers.

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Analyse Thaïlande

Chronique de Thaïlande : vents du Sud

Plusieurs événements récents peuvent donner l’impression que les choses bougent concernant le sud à majorité musulmane, mais ces mouvements restent superficiels.

Entre 1961 et l’accord de «Good Friday» en 1998, le conflit entre nationalistes et unionistes en Irlande du Nord a provoqué la mort de 3.500 personnes lors d’attentats en série et de campagnes féroces de répression, devenant le dossier prioritaire pour tous les Premiers ministres britanniques de cette période. Entre 2004 et 2012, le conflit entre les séparatistes malais musulmans du Sud thaïlandais et l’Etat central a causé la mort de 5.200 victimes de part et d’autre, lors d’embuscades, de décapitations, d’attentats à la bombe ou de raids meurtriers par des paramilitaires sur des mosquées. Si l’on s’en tient à une arithmétique macabre, le conflit du Sud thaïlandais est sept fois plus meurtrier en moyenne annuelle que n’a été celui d’Ulster. Lors d’un récent colloque, Duncan McCargo, professeur à l’université de Leeds et auteur de plusieurs ouvrages sur les trois provinces du sud du royaume, a expliqué que les troubles de Pattani, Yala et Narathiwat constituent le conflit le plus meurtrier à l’heure actuelle après ceux d’Irak et d’Afghanistan. Et pourtant, la situation du Sud profond n’éveille presqu’aucun intérêt international, si ce n’est une visite occasionnelle d’une délégation de l’Organisation du Conseil Islamique (OCI) ou de la Ligue arabe.

Plus incompréhensible encore : elle semble reléguée au dernier rang des préoccupations du gouvernement thaïlandais actuel. Depuis quatorze mois qu’elle a accédé au pouvoir, la cheffe du gouvernement Yingluck Shinawatra ne s’est rendue qu’à deux occasions dans le Sud – les deux fois pour une seule journée. Cette absence de politique gouvernementale sur un problème crucial pour le royaume n’est pas dans la lignée de l’attitude des gouvernements précédents. Tous les gouvernements, depuis le coup d’Etat de septembre 2006, ont tenté, tant bien que mal, de chercher une solution au conflit inextricable qui a enflammé de nouveau, en 2004, les vieilles tensions entre l’Etat central et les populations locales. Le général Surayudh Chulanont, Premier ministre nommé par les putschistes, avait reconnu «l’injustice historique» faite par l’Etat central aux Malais musulmans du Sud et rétabli certains des organes – notamment le Southern Border Provincial Areas Council ou SBPAC – abolis par Thaksin Shinawatra (le Premier ministre renversé par le Coup). Abhisit Vejjajiva, chef du gouvernement de décembre 2008 à juillet 2011, s’était concentré sur le développement économique de la région et sur une meilleure application de la justice. Quant à Yingluck Shinawatra, on serait bien en mal de définir sa politique pour le Sud, au-delà de références à «l’approche adoptée par le roi de Thaïlande» et de la carte blanche laissée à l’armée.

C’est dans ce contexte que sont intervenus, coup sur coup, deux petits événements, au début de septembre. Le 7, l’imprévisible vice-Premier ministre Chalerm Yoobamrung a soudainement lancé l’idée d’instaurer un système électif pour les gouverneurs des trois provinces, dérogeant ainsi au rigide système bureaucratique selon lequel le ministre de l’intérieur désigne les gouverneurs. Trois jours après, 93 «séparatistes» se rendaient lors d’une cérémonie officielle à Narathiwat présidée par le général Udomchai Thammasarorach, ayant découvert que leurs objectifs «étaient trop ambitieux» et manifestant la volonté «d’obtenir un travail et de mener une vie paisible». Ce type de reddition est un processus employé à plusieurs reprises par l’armée dans le passé pour mettre un terme à des insurrections, qu’il s’agisse de la rébellion du Parti communiste thaïlandais éteinte au début des années 80 ou du mouvement séparatiste du Sud.

Outre le fait qu’il porte sur un nombre très limité de personnes dont le rôle dans l’insurrection n’est pas clair, ce processus est purement pragmatique : les insurgés déposent les armes et obtiennent une certaine forme de pardon pour leurs crimes. La question de fond – la revendication politique, identitaire et culturelle des Malais musulmans du Sud, produit de décennies de marginalisation par Bangkok – est ignorée. Pourtant, des propositions existent pour engager un processus de résolution du conflit : statut administratif spécial, décentralisation, reconnaissance des droits culturels, promotion du jawi (la langue locale, issue du malais mais écrite avec l’alphabet arabe) comme langue officielle parallèlement avec le thaï… Un processus qui, certes, est complexe et prendra du temps à aboutir, mais, comme à Belfast, à Atjeh ou à Mindanao, il faut bien commencer quelque part.

La proposition de Chalerm va dans le bon sens, mais elle semble formulée d’une manière improvisée, sans même que les autres membres du gouvernement ou du parti gouvernemental Peua Thai aient été consultés, comme un ballon d’essai lancé sur un coup de tête. En tous les cas, l’élection des gouverneurs n’est pas une recette miracle et ne peut-être, au mieux, qu’un élément d’une réforme plus vaste. Il n’est pas à écarter non plus que les rivalités entre politiciens du Peua Thai et militaires expliquent en partie ces coups d’éclat. Engager un processus pour s’attaquer efficacement au «problème du Sud» nécessite un nouvel état d’esprit de la part des autorités de Bangkok. Celui-ci n’est pas encore apparu.

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Analyse Indonésie Politique

Indonésie : l’élection cruciale du gouverneur de Jakarta

Le 20 septembre a lieu l’élection du gouverneur de Jakarta. Un ‘Monsieur propre’, soutenu par un général à la retraite ambitieux, est capable de l’emporter.

Fauzi Bowo, le sortant, soutenu par le gouvernement, se retrouve au deuxième tour de l’élection du gouverneur de Jakarta face à Joko ‘Jokowi’ Widodo. Jokowi est appuyé par l’opposition, notamment par Prabowo Subianto, général à la retraite et au passé sulfureux mais qui figure dans les sondages en tête des candidats à la présidentielle de 2014.

De prime abord, Jokowi ne semblait avoir aucune chance : il est maire de la ville de Solo (Surakarta) à Java central alors que Bowo est un Betawi, un natif de Jakarta. Le colistier de Jokowi est un chrétien d’origine chinoise. Les Indonésiens d’origine chinoise ne représentent que 5% de la population d’une capitale dont 85% des dix millions d’habitants sont musulmans.

Pourtant, lors du premier tour en juillet, à la surprise générale, Jokowi a obtenu 43% des suffrages contre 34% seulement à Bowo.  «Sauf miracle, estime l’Economist, le sortant est fini.» Car Jokowi, 52 ans, est un candidat redoutable : il a été réélu par un raz de marée en 2010 à la mairie de Solo pour avoir promu les affaires et la lutte contre la corruption. Il est généralement reconnu comme le meilleur maire d’Indonésie. Il propose aujourd’hui ses services à Jakarta, capitale apparemment ingouvernable et seule mégapole d’Asie du Sud-Est à ne pratiquement pas disposer de transports en commun.

Si Jokowi est élu, et s’il parvient à réduire la corruption à Jakarta – ce qu’il a fait à Solo – la configuration politique en Indonésie pourrait changer. Comme le président Susilo Bambang Yudhoyono ne peut pas se représenter et que, de toute façon, sa popularité est en baisse, la coalition gouvernementale actuelle devra trouver un candidat de qualité pour faire face à l’éventuelle candidature à la présidence en 2014 de Prabowo Subianto, dont Jokowi pourrait être le colistier.