Lors d’un débat au Club des correspondants de Thaïlande, un documentariste français évoque la responsabilité de l’ancien chef d’Etat dans la tragédie khmère rouge.
« La responsabilité de Sihanouk est énorme. Sans doute devrait-il être jugé. Il est responsable de l’avènement des Khmers rouges, il s’est allié à eux par deux fois (1) dans le seul but de reprendre le pouvoir après le coup d’Etat de 1970 », a estimé Bruno Carette, lors d’un débat qui suivait la projection de son documentaire « Khmers Rouges Amers » au Club des correspondants étrangers de Thaïlande (FCCT). Ce film d’une heure et demie, réalisé avec Sien Meta, témoigne de la perspective des Khmers rouges, des hauts dirigeants aux simples soldats, sur la tragédie qui a provoqué la mort de près de deux millions de Cambodgiens (un quart de la population de l’époque) entre la chute de Phnom Penh, le 17 avril 1975, et l’invasion vietnamienne qui a provoqué l’effondrement du régime totalitaire en janvier 1979.
Le documentaire inclut de nombreux extraits d’entretiens avec deux des anciens dirigeants du Kampuchea démocratique, l’ex-numéro deux du régime Nuon Chea et l’ex-chef d’Etat Khieu Samphan, actuellement en cours de jugement devant un tribunal composé de juges cambodgiens et internationaux à Phnom Penh. Il présente aussi de rares témoignages comme celui de Suong Sikoeun, un proche de l’ex-chef de la diplomatie Ieng Sary, et de son épouse française de l’époque, Laurence Picq, la seule Occidentale à avoir vécu durant toute la durée du régime khmer rouge au Cambodge.
Sceptique mais tempérant les nombreuses critiques faites à l’encontre du « procès à caractère international » en cours à Phnom Penh, Bruno Carette a souligné le fait que le premier procès, lequel a abouti en février 2012 à la condamnation de Kaing Guek Ieuv, alias Duch, l’ex-chef du centre de torture S- 21 à la prison à perpétuité, avait permis « à quelques victimes et parents des victimes de s’exprimer ». « Depuis un an des livrets retraçant l’histoire de la tragédie khmère rouge sont aussi distribués dans toutes les écoles du pays », une période de l’histoire auparavant occultée a-t-il ajouté.
(1) Le 23 mars 1970 Sihanouk, renversé par un coup d’Etat cinq jours plus tôt, appelle le petit peuple à soutenir les Khmers rouges dans leur lutte pour le pouvoir ; en 1982, Sihanouk préside à la formation d’une « coalition de résistance anti-vietnamienne » qui inclut les Sihanoukistes, les partisans de Son Sann et les Khmers rouges.