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Indonésie Politique

Indonésie : le président appuie la lutte contre la corruption

Le chef de l’Etat a ordonné à la police de ne plus intervenir dans une enquête sur l’un de ses dirigeants soupçonné de corruption. Une intervention rare et qui s’accompagne d’un bémol.

Le général de police Djoko Susilo est soupçonné d’avoir perçu une commission illicite de quelque 150.000 € sur des fournitures de matériel à la police nationale. La KPK – Commission (officielle) chargée de l’éradication de la corruption en Indonésie – s’est donc saisie du dossier. La police nationale a aussitôt protesté, disant que l’enquête était de son ressort. Ce type de conflit prend mauvaise tournure depuis que la KPK s’est mise à enquêter sur des généraux de police alors que les deux institutions devraient s’entraider dans leurs recherches (et que des officiers de police sont détachés auprès de la KPK pour l’aider dans ses enquêtes).

Mais, cette fois-ci, les policiers y ont été un peu fort. Ils ont monté un raid sur le QG de la KPK pour tenter d’y arrêter, dans la soirée du 5 octobre, un commissaire de police, Novel Baswedan, détaché auprès de l’Agence et qui passe pour l’un de ses meilleurs enquêteurs. L’objectif : arrêter Novel pour son implication supposée dans des tirs, en 2004, sur des voleurs quand il était détective au service de la police. Novel n’a pas été arrêté car, alertés,  des militants, y compris un vice-ministre, se sont interposés.

L’affaire a fait très mauvais effet et des pressions publiques ont été exercées sur le président Susilo Bambang Yudhoyono pour qu’il intervienne. Ce qu’il a fait le 8 octobre après avoir réuni chez lui le chef de la police nationale et le patron de la KPK. «Les récents développements ne sont pas sains», a-t-il dit, en ajoutant : «j’oppose toute action susceptible d’affaiblir la KPK». Le chef de l’Etat a ordonné à la police de ne plus se mêler de l’enquête confiée à la KPK.

Toutefois, tout en condamnant la tentative d’arrestation de Novel, le président a dit que «le moment n’est pas approprié» et que «l’approche n’est pas correcte». Yuntho Emerson, membre d’une ONG qui suit les affaires de corruption, a déclaré au Straits Times de Singapour : «c’est l’une des déclarations les plus fermes du président, mais il n’a pas été jusqu’à donner l’ordre à la police de mettre un terme à son enquête sur Novel ; aussi, il s’agit d’une bombe à retardement en attendant la prochaine saga».

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Culture Histoire Indonésie Politique

Indonésie : un roi pas comme les autres

Le gouverneur de Yogyakarta est le seul non élu d’Indonésie. Le poste est réservé au sultan local. Ainsi en a récemment décidé le Parlement indonésien.

C’est une anomalie. Dans une Indonésie où même les régents (chefs de district) et les maires désormais sont élus, le Parlement de Jakarta a décidé que les fonctions de gouverneur de la ville de Yogyakarta sont «l’héritage» de la famille royale de ce territoire. L’actuel sultan –  Hamengkubuwono X, né en 1946 et couronné en 1989, anglophone, docteur en droit, à l’allure d’un aristocrate moderne – est donc gouverneur à vie, moyennant quoi il a perdu le droit de s’inscrire à un parti politique. Il vient de retourner sa carte de membre au Golkar, l’un des principaux mouvements politiques de l’archipel (la loi ne dit pas, en revanche, s’il peut ou non se présenter à la présidence de la République).

Le Parlement a ainsi mis fin à plus d’une dizaine d’années de négociations et de disputes. En raison du soutien offert par Hamengkubuwono IX, père de l’actuel sultan, au mouvement indépendantiste contre les Néerlandais dès 1945, Sukarno avait décidé que la famille royale de Yogyakarta hériterait du gouvernorat local. Le père de l’indépendance a respecté sa parole. Toutefois, son successeur Suharto (1966-1998) ne l’a pas fait et a confié le poste de gouverneur à un de ses adjoints, le sultan de Paku Alam, petite principauté enclavée dans le territoire de Yogyakarta.

Après le limogeage de Suharto en mai 1998, le gouvernement central a décidé que le gouverneur de Yogyagkarta serait élu. Hamengkubuwono X l’a été sans difficulté. Depuis, la zizanie n’avait pas cessé de se manifester. A Jakarta, un courant voulait que le sultanat de Yogyakarta s’aligne sur les autres sultanats, qui ne bénéficient plus que de rôles honorifiques.

Mais un fort mouvement local s’y opposait. Le sultan, en 1998, est descendu dans la rue pour appuyer les réformes. Et il s’est interposé physiquement quand des voyous ont voulu profiter des manifestations pour saccager le centre. Il a sauvé sa ville.

Sa popularité n’explique pas tout. Le Palais du sultan ou Kraton, à Yogyakarta, bénéficie d’un grand prestige car cette ville de Java central est le successeur, ainsi que le rappele l’Economist de Londres, «du sultanat de Mataram, le dernier des grands empires de Java à avoir résisté à la conquête coloniale». Yogykarta est demeurée, autour de son vaste kraton, la capitale de la culture, des lettres et des arts. La présidence et le Parlement indonésiens ont donc dû faire marche arrière. Aujourd’hui âgé de 66 ans, le sultan n’a désormais qu’un vrai problème : le trône – et, donc, le gouvernorat – ne peut être occupé que par un héritier mâle. Or, suivant l’exemple de son propre père, il a renoncé au concubinage et son épouse lui a donné seulement cinq filles…

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Histoire Indonésie Politique

Les massacres de 1965 en Indonésie : un ministre les justifie

La polémique sur les massacres de 1965 (un demi-million de victimes) prend de l’ampleur : un membre important du gouvernement estime qu’ils étaient nécessaires.

Djoko Suyanto, 62 ans, maréchal de l’air à la retraite, qui a terminé sa carrière militaire comme commandant en chef des forces armées de l’Indonésie, est depuis 2009 l’un des trois super-ministres du gouvernement, en charge des affaires politiques, légales et de sécurité. Il n’a pas du tout apprécié les résultats de l’enquête de quatre ans de Komnas HAM (Commission nationale des droits de l’homme) qui font valoir que la persécution et les meurtres de membres présumés du PKI (PC indonésien) en 1965-1966 et de leurs familles représentent «une grossière violation des droits de l’homme».

«Définissez une grossière violation des droits de l’homme ? Contre qui ? Et que se serait-il passé si le contraire était intervenu ?», a déclaré Djoko, selon le site du Jakarta Post, en marge d’une réunion avec une Commission parlementaire le 1er octobre. A ses yeux, a-t-il dit, il s’agissait de sauver le pays. «Ce pays ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui si cela ne s’était pas produit. Bien sûr, il y a eu des victimes et nous enquêtons», a-t-il ajouté.  L’enquête de Komnas HAM a rapporté le rôle central joué par l’Etat et les militaires, notamment avec la détention de suspects dans des garnisons où ils ont été interrogés, torturés, assassinés.

Le président Susilo Bambang Yudhoyono, général à la retraite, a ordonné à l’Attorney General de donner suite à l’une des requêtes de Komnas HAM : la formation d’une Commission Réconciliation et Vérité. Sans effet pour le moment. Des députés ont dénoncé le rapport et la polémique ne fait qu’enfler. En 2006, quand il était patron des forces armées, Djoko avait condamné publiquement l’attitude d’ONG indonésiennes qui dénonçaient les exactions commises en Papouasie occidentale, où la situation n’a pas changé depuis.

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Asie Histoire Indonésie Politique

Indonésie : le souvenir de Gus Dur, l’ouléma tolérant

Les Indonésiens gardent le souvenir non du président fantasque mais de l’ouléma tolérant. Abdurrahman Wahid, alias Gus Dur, est de nos jours cité en exemple.

Mille enfants ont participé, fin septembre, à des récitals du Coran à la mémoire d’Abdurrahman Wahid, décédé voilà trois ans, le 30 décembre 2009. Ces manifestations suivies de séances de prière ont eu lieu au pensionnat religieux de Tebuireng, à Jombang (Java Est), qui appartient à la famille de Gus Dur – le nom familier de l’ouléma – et où il a été enterré.

Etonnant destin que celui de cet ouléma polyglotte, cosmopolite, féru de littérature, de football, de cinéma, qui a étudié un peu partout, y compris six mois à Lyon. Gus Dur a également présidé le plus grand mouvement musulman de la planète (le Nahdlatul Ulama, fondé par son grand-père et qui revendique 40 millions de membres).

Mais Gus Dur, né en 1940 sous le signe du Dragon d’or, avait le virus de la politique. Il avait commencé à le manifester pendant les dernières années du règne de Suharto, opposant de plus en plus ouvertement à l’autocrate-kleptocrate une autorité morale. Et, quinze mois après le limogeage de Suharto, Gus Dur s’est arrangé – il était à la fois malin et manœuvrier – pour se faire élire par le Parlement à la présidence de l’Indonésie (la première élection présidentielle au suffrage universel n’aura lieu qu’en 2004).

Il n’est pas resté longtemps chef de l’Etat : dix-huit mois. Le même Parlement et l’armée se sont arrangés pour renvoyer ce président victime de cécité, incapable de gouverner, fantasque, plein d’idées jetées en l’air mais très peu appliquées. Son départ de la politique, sous la risée du grand nombre, a été humiliant.

Pourtant, il a amorcé la réintégration d’une minorité chinoise brimée ; il a lancé la décentralisation d’un Etat hyper-centralisé alors qu’il est fait de milliers d’îles et de plusieurs archipels peuplés de quelque 300 ethnies ; il a également lancé l’idée d’une défense archipélagique, avec priorité à la marine et à l’aviation et non à une armée de terre politisée et affairiste. Mais surtout, bien avant sa mort, Gus Dur est devenu le symbole d’un islam tolérant, avec ses appels répétés à la cohabitation ethnique et religieuse, avec son admission des terribles exactions commises par des milices musulmanes en 1965-1966, avec ses excuses aux Timorais de l’Est après les massacres commis par les soldats indonésiens sur leur territoire. L’apôtre d’un islam modéré : apparemment, c’est cette image que les Indonésiens veulent conserver.

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Indonésie Société

Indonésie : alerte à la violence dans les lycées

Les établissements secondaires sont le théâtre d’une violence croissante en Indonésie, avec morts d’enfants. Les autorités réagissent mollement.

«Aucun parent ne devrait envoyer son enfant à l’école le matin en se demandant s’il en reviendra en vie». Tel est le cri d’alarme lancé dans un éditorial par le Jakarta Globe. Le 26 septembre un lycéen a été tué dans une bagarre alors qu’un autre était grièvement blessé dans une autre. Quarante-huit heures auparavant, un garçon âgé de quinze ans a été mortellement blessé à coups de couteau au cours d’un affrontement du même genre entre lycéens, rapporte également le quotidien anglophone de Jakarta.

Selon des statistiques officielles, 339 bagarres impliquant collégiens et lycéens ont été rapportées en 2011, dans l’ensemble de l’Indonésie. Bilan : 82 morts. «C’est inacceptable, et nos officiels devraient être mis en cause pour laisser ces incidents se produire et se multiplier», estime le Jakarta Globe. Des experts ont déjà appelé à une refonte de l’enseignement, notamment secondaire, qui «met trop l’accent sur l’apprentissage par cœur et pas assez sur le façonnement du caractère». Le quotidien rapporte également que «la violence en classe est aussi commune, des enseignants frappant, semble-t-il, leurs élèves».

Beaucoup de ces bagarres entre élèves d’institutions différentes se déroulent à l’extérieur, dans la rue, comme c’est d’ailleurs le cas en Thaïlande. Le quotidien note que la police ne se déplace guère pour y mettre un terme et que la non-application de la loi encourage les jeunes à faire ce qu’ils veulent. Il arrive aussi que les agents de police n’osent pas s’interposer, de peur que les lycéens appartiennent à des familles influentes. «Notre système d’éducation tue nos enfants», titre le Jakarta Globe.

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Asie Indonésie

Indonésie : une importante fracture de la plaque tectonique

Les deux séismes «colossaux» et récents au large de l’Indonésie sont le fruit de «la cassure progressive de la plaque tectonique indo-australienne».

Le site Maxisciences ( www.maxisciences.com ) fait état de travaux rapportés par la revue Nature le 26 septembre et qui estiment que «cette plaque se déchirerait littéralement en deux au large de Sumatra», la grande île du nord de l’Indonésie. Maxisciences poursuit : «Cette fracture serait à l’origine des colossaux séismes qui ont frappé le nord-est de l’océan Indien le 11 avril 2012 ». Ces «séismes jumeaux» ont été d’une magnitude de 8,6 et de 8,2 sur l’échelle de Richter.

Le premier séisme a été causé par «la rupture d’au moins quatre failles sous-marines en l’espace de 2 minutes et 40 secondes». Le second est intervenu «deux heures plus tard, quand une cinquième faille s’est rompue». Maxisciences rapporte que les secousses ont frappé «au cœur-même de la plaque indo-australienne», ce qui est «extrêmement rare», et non à la jonction entre deux plaques, ce qui est habituellement le cas.

Même si le processus doit s’étaler sur des millions d’années, la fracture de la plaque indo-australienne se déroule dans la zone au large de Sumatra où sont intervenus ces dernières années les «mégaséismes» d’Atjeh (une magnitude de 9,3, le 26 décembre 2004, suivi d’un tsunami qui a fait 230.000 victimes autour de l’océan Indien) et de Nias (8,7, l’année suivante). Les deux séismes d’avril 2012 n’ont pas provoqué de tsunami parce que les vagues ont «coulissé horizontalement l’une contre l’autre, sans mouvement vertical suffisamment important pour créer une lame de fond».

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Analyse Indonésie Politique

Indonésie : avant tout, le vote de l’insatisfaction

Venu de Java central, réputé bon administrateur, le nouveau gouverneur élu de Jakarta a bénéficié, avant tout, d’un ras-le-bol. De quoi spéculer.

Canaux et cours d’eau sont pollués au-delà de l’imaginable, les embouteillages semblent insurmontables. A force de puiser l’eau dans son sous-sol, Jakarta, dix millions d’habitants, s’enfonce et se retrouvera bientôt sous le niveau de la mer. Les administrations successives ont laissé une impression d’impuissance. Maire de Solo à Java central, une ville moyenne qu’il a réorganisée, plutôt charismatique, Joko Widodo, dit Jokowi, s’est imposé le 20 septembre face au gouverneur sortant, Fauzi Bowo, pourtant soutenu par le gouvernement et l’élite politique. 54% des suffrages : une victoire nette.

Ce vote a traduit une insatisfaction générale. Rien ne dit pour autant que Jakarta soit gouvernable. Jokowi devra d’abord triompher de l’opposition du Conseil législatif, où il ne dispose que de 17 voix sur 94. Ensuite, ce réformateur qu’on dit insensible aux avantages devra trouver quelques difficiles recettes. Comment transformer les bidonvilles en quartiers où l’on peut vivre ? Où trouver les financements nécessaires pour drainer les canaux, limiter la pollution, mettre de l’ordre dans la circulation ? Tout en contribuant de façon substantielle au PNB de l’Indonésie, Jakarta est souvent une négation de l’urbanisme.

Ce vote est également une réaction à ce qui ne va pas en Indonésie. L’économie est solide mais les promesses des gouvernants ne sont pas tenues. Réélu triomphalement (60% des suffrages) en 2009 pour un deuxième et dernier mandat, le président Susilo Bambang Yudhoyono (SBY) s’est révélé bien mou dans sa lutte contre la corruption, pourtant son cheval de bataille électoral. Il ne s’est guère préoccupé de remettre sur pied son Parti démocrate à la direction discréditée. Il n’a pas davantage organisé sa succession en 2014. Le Parlement, l’une des institutions les plus corrompues avec la police et la justice, légifère à toutes petites doses. La classe politique est passéiste.

Cette fois-ci, l’appel d’air ainsi créé a été capté par un politicien apparemment honnête. Mais il n’est pas seul dans cette affaire : le faiseur de roi – et le financier de l’élection de Jokowi – a été Prabowo Subianto, général rayé des cadres, à la fois controversé et assez populaire pour être, en ce moment, le candidat le mieux placé dans la course à la présidence en 2014. Beaucoup de choses peuvent changer dans les deux années qui viennent. Mais Prabowo, un homme d’autorité et dont les méthodes ont choqué quand il était encore militaire, devrait pouvoir continuer de compter sur une opinion publique découragée par l’attitude de la classe politique actuelle. Renouvellement d’une classe politique ou renaissance de l’autocratie ?

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Indonésie

Le terrorisme en Indonésie: multiplication des arrestations

La police a arrêté neuf individus soupçonnés de terrorisme en l’espace de 48 heures. Le démantèlement de réseaux clandestins semble se poursuivre.

Huit suspects ont été interpellés le 21 septembre dans divers endroits dans la ville de Solo (Surakarta, Java central) par le Détachement 88, l’unité de police chargée de la lutte contre le terrorisme en Indonésie. Ils auraient été en train de préparer un attentat contre la police, laquelle a récupéré trois bombes artisanales, des dizaines de détonateurs et du matériel pour fabriquer des bombes. Selon le Jakarta Post, le neuvième, âgé de 19 ans et également originaire de Solo, a été arrêté le lendemain à Melawi, un bourg de la province de Kalimantan Ouest, sur l’île de Bornéo.

Ces arrestations interviennent à la suite d’affrontements, début septembre à Solo, au cours desquels deux suspects et un membre du Détachement 88 ont été tués. Depuis, deux autres suspects ont été grièvement blessés et un troisième tué le 8 septembre par l’explosion accidentelle d’une bombe qu’ils étaient en train de fabriquer à Depok, près de Jakarta, dans un bâtiment déguisé en orphelinat. Deux suspects se sont rendus à la police à la suite de cette explosion : Muhammad Toriq, le 9 septembre, et Yusuf Rizaldi, le 12 septembre.

Yusuf appartenait à un groupe extrémiste fondé par Abou Bakar Baachir, l’ancien émir de la Jemaay Islamiyah, mouvement terrorise clandestin. Baachir purge une peine de quinze ans de prison pour avoir financé un camp d’entrainement de terroristes à Atjeh. En l’espace de six mois, plus d’une trentaine de terroristes présumés ont été arrêtés dans l’archipel et sept autres ont été tués. L’explosion accidentelle de Depok, les redditions et la qualité des renseignements obtenus par la police laissent penser que de nombreux militants jeunes et non-aguerris ont été recrutés par les terroristes.