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Culture Histoire Viêtnam

Vietnam: la chanteuse aux pieds nus peut se produire à nouveau

Après 37 ans d’absence, Khanh Ly, la plus connue des interprètes de Trinh Công Son, est autorisée à se produire sur scène au Vietnam. Une page se rouvre.

Les deux noms sont indissociables. Trinh Công Son a été l’auteur-compositeur pacifiste de la deuxième guerre du Vietnam, l’américaine. Khanh Ly a été sa première interprète et la plus émouvante. Elle chantait pieds nus dans un petit cabaret plein de fumée et de mélancolie rue Tu Do, pour Liberté (ancienne rue Catinat, future rue Dong Khoi, pour Insurrection générale). Son vivait entre la maison familiale à Saigon et sa ville natale de Hué.

Les chansons pacifistes de Son, interprétées par Khanh Ly, étaient interdites d’antenne à Saigon comme à Hanoi. De quoi casser le moral des combattants, estimaient les gouvernants des deux bords. Mais elles circulaient à des millions d’exemplaires au nord comme au sud du dix-septième parallèle, ligne de démarcation entre les deux zones. Les guitares des soldats, dans les deux camps, les suivaient au «front». Les Vietnamiens ont la poésie musicale dans le sang.

En 1975, Khanh Ly s’est enfuie aux Etats-Unis. Elle y a poursuivi sa carrière de chanteuse. Trinh Công Son a été en «rééducation» non loin de Hué en attendant l’autorisation de rejoindre son domicile à Saigon. Il s’est remis à écrire, à chanter, et il s’est essayé à la peinture. Et puis, le temps a fait son œuvre, la guerre s’est éloignée, Son s’est éteint en 2001, laissant derrière lui plus de trois cents chansons/poèmes qui ont renouvelé la chanson au Vietnam. Quant à Khanh Ly, elle a refait sa vie aux Etats-Unis. Mais si les Vietnamiens du Vietnam la connaissent moins que Son, ils en repèrent souvent la voix.

A Hanoï, le ministère vietnamien de la Culture, des Sports et du Tourisme a accordé, selon le site Tuoi Tre, une licence à Khanh Ly, aujourd’hui âgée de 67 ans, l’autorisant à donner des représentations d’ici à la fin de l’année. Coïncidence ? 2012 marque les cinquante ans de  carrière de Khanh Ly alors que 2011 a été l’occasion de nombreuses manifestations lors du dixième anniversaire de la mort de Trinh Công Son. Une page qui se rouvre, riche en beauté. Et en nostalgie.

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Histoire Indonésie Politique

Les massacres de 1965 en Indonésie : un ministre les justifie

La polémique sur les massacres de 1965 (un demi-million de victimes) prend de l’ampleur : un membre important du gouvernement estime qu’ils étaient nécessaires.

Djoko Suyanto, 62 ans, maréchal de l’air à la retraite, qui a terminé sa carrière militaire comme commandant en chef des forces armées de l’Indonésie, est depuis 2009 l’un des trois super-ministres du gouvernement, en charge des affaires politiques, légales et de sécurité. Il n’a pas du tout apprécié les résultats de l’enquête de quatre ans de Komnas HAM (Commission nationale des droits de l’homme) qui font valoir que la persécution et les meurtres de membres présumés du PKI (PC indonésien) en 1965-1966 et de leurs familles représentent «une grossière violation des droits de l’homme».

«Définissez une grossière violation des droits de l’homme ? Contre qui ? Et que se serait-il passé si le contraire était intervenu ?», a déclaré Djoko, selon le site du Jakarta Post, en marge d’une réunion avec une Commission parlementaire le 1er octobre. A ses yeux, a-t-il dit, il s’agissait de sauver le pays. «Ce pays ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui si cela ne s’était pas produit. Bien sûr, il y a eu des victimes et nous enquêtons», a-t-il ajouté.  L’enquête de Komnas HAM a rapporté le rôle central joué par l’Etat et les militaires, notamment avec la détention de suspects dans des garnisons où ils ont été interrogés, torturés, assassinés.

Le président Susilo Bambang Yudhoyono, général à la retraite, a ordonné à l’Attorney General de donner suite à l’une des requêtes de Komnas HAM : la formation d’une Commission Réconciliation et Vérité. Sans effet pour le moment. Des députés ont dénoncé le rapport et la polémique ne fait qu’enfler. En 2006, quand il était patron des forces armées, Djoko avait condamné publiquement l’attitude d’ONG indonésiennes qui dénonçaient les exactions commises en Papouasie occidentale, où la situation n’a pas changé depuis.

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Politique Viêtnam

La règle du PC pour un mariage au Vietnam: pas plus de 50 plats

Crise financière et procès pour corruption ne font pas l’affaire des futurs mariés communistes : pas plus de 300 invités à un banquet d’un maximum de 50 plats.

Au Vietnam, la tradition veut qu’un mariage se célèbre, en famille seulement, au domicile des parents du futur marié, devant l’autel des ancêtres, et que cette cérémonie soit suivie par un banquet, à l’extérieur, offert aux amis et connaissances. Ces dernières décennies, la pénurie avait introduit une habitude qui perdure : les invités déposent à l’entrée une enveloppe de billets de banque, avec enregistrement des «donateurs», afin d’aider les familles du nouveau couple à couvrir les frais de la fête.

Avec le boom économique, chez les riches et les puissants, certains de ces banquets ont pris ces derniers temps des proportions extravagantes dans des restaurants d’hôtels cinq étoiles : plusieurs centaines d’invités, de somptueux festins, des orchestres de première qualité et même, dans le cas des puissants, des enveloppes trop gonflées pour ne pas être celles de courtisans. Un mariage peut également offrir l’occasion, chez les m’as-tu-vu, d’étaler leur fortune, leur succès.

Le comité du PC à Hanoï a décidé de mettre un terme à ces excès, selon le site de Tuoi Tre. Chez les communistes, les banquets de mariage ne devront pas réunir plus de 300 convives et n’afficher pas plus de 50 plats. L’objectif : «entretenir le style de vie civilisé lors des mariages en ville». Le nouveau règlement, en date du 28 septembre, stipule que les membres du PC «doivent se comporter de façon exemplaire et doivent organiser des réceptions de mariage dans un esprit de solennité, de façon saine et économe». Une exception : si deux familles veulent jumeler deux unions, elles peuvent organiser un banquet commun de 600 convives.  Mais la multiplication des réceptions sur plusieurs jours est interdite, au même titre que de les tenir dans un palace ou un restaurant de grand luxe. Une question : les convives passeront-ils leur temps à se compter entre eux et à compter le nombre des plats ?

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Asie Histoire Indonésie Politique

Indonésie : le souvenir de Gus Dur, l’ouléma tolérant

Les Indonésiens gardent le souvenir non du président fantasque mais de l’ouléma tolérant. Abdurrahman Wahid, alias Gus Dur, est de nos jours cité en exemple.

Mille enfants ont participé, fin septembre, à des récitals du Coran à la mémoire d’Abdurrahman Wahid, décédé voilà trois ans, le 30 décembre 2009. Ces manifestations suivies de séances de prière ont eu lieu au pensionnat religieux de Tebuireng, à Jombang (Java Est), qui appartient à la famille de Gus Dur – le nom familier de l’ouléma – et où il a été enterré.

Etonnant destin que celui de cet ouléma polyglotte, cosmopolite, féru de littérature, de football, de cinéma, qui a étudié un peu partout, y compris six mois à Lyon. Gus Dur a également présidé le plus grand mouvement musulman de la planète (le Nahdlatul Ulama, fondé par son grand-père et qui revendique 40 millions de membres).

Mais Gus Dur, né en 1940 sous le signe du Dragon d’or, avait le virus de la politique. Il avait commencé à le manifester pendant les dernières années du règne de Suharto, opposant de plus en plus ouvertement à l’autocrate-kleptocrate une autorité morale. Et, quinze mois après le limogeage de Suharto, Gus Dur s’est arrangé – il était à la fois malin et manœuvrier – pour se faire élire par le Parlement à la présidence de l’Indonésie (la première élection présidentielle au suffrage universel n’aura lieu qu’en 2004).

Il n’est pas resté longtemps chef de l’Etat : dix-huit mois. Le même Parlement et l’armée se sont arrangés pour renvoyer ce président victime de cécité, incapable de gouverner, fantasque, plein d’idées jetées en l’air mais très peu appliquées. Son départ de la politique, sous la risée du grand nombre, a été humiliant.

Pourtant, il a amorcé la réintégration d’une minorité chinoise brimée ; il a lancé la décentralisation d’un Etat hyper-centralisé alors qu’il est fait de milliers d’îles et de plusieurs archipels peuplés de quelque 300 ethnies ; il a également lancé l’idée d’une défense archipélagique, avec priorité à la marine et à l’aviation et non à une armée de terre politisée et affairiste. Mais surtout, bien avant sa mort, Gus Dur est devenu le symbole d’un islam tolérant, avec ses appels répétés à la cohabitation ethnique et religieuse, avec son admission des terribles exactions commises par des milices musulmanes en 1965-1966, avec ses excuses aux Timorais de l’Est après les massacres commis par les soldats indonésiens sur leur territoire. L’apôtre d’un islam modéré : apparemment, c’est cette image que les Indonésiens veulent conserver.

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Indonésie Société

Indonésie : alerte à la violence dans les lycées

Les établissements secondaires sont le théâtre d’une violence croissante en Indonésie, avec morts d’enfants. Les autorités réagissent mollement.

«Aucun parent ne devrait envoyer son enfant à l’école le matin en se demandant s’il en reviendra en vie». Tel est le cri d’alarme lancé dans un éditorial par le Jakarta Globe. Le 26 septembre un lycéen a été tué dans une bagarre alors qu’un autre était grièvement blessé dans une autre. Quarante-huit heures auparavant, un garçon âgé de quinze ans a été mortellement blessé à coups de couteau au cours d’un affrontement du même genre entre lycéens, rapporte également le quotidien anglophone de Jakarta.

Selon des statistiques officielles, 339 bagarres impliquant collégiens et lycéens ont été rapportées en 2011, dans l’ensemble de l’Indonésie. Bilan : 82 morts. «C’est inacceptable, et nos officiels devraient être mis en cause pour laisser ces incidents se produire et se multiplier», estime le Jakarta Globe. Des experts ont déjà appelé à une refonte de l’enseignement, notamment secondaire, qui «met trop l’accent sur l’apprentissage par cœur et pas assez sur le façonnement du caractère». Le quotidien rapporte également que «la violence en classe est aussi commune, des enseignants frappant, semble-t-il, leurs élèves».

Beaucoup de ces bagarres entre élèves d’institutions différentes se déroulent à l’extérieur, dans la rue, comme c’est d’ailleurs le cas en Thaïlande. Le quotidien note que la police ne se déplace guère pour y mettre un terme et que la non-application de la loi encourage les jeunes à faire ce qu’ils veulent. Il arrive aussi que les agents de police n’osent pas s’interposer, de peur que les lycéens appartiennent à des familles influentes. «Notre système d’éducation tue nos enfants», titre le Jakarta Globe.

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Société Viêtnam

Vietnam : des voleurs prêts à tuer pour un ordinateur

L’ancien Saigon, rebaptisé Hochiminh-Ville en 1975, était le royaume des petits pickpockets. La ville devient le terrain de voleurs brutaux, parfois des tueurs.

Dans la mégapole méridionale du Vietnam, les enfants des rues ont toujours étonné par leur habileté à détrousser les passants, à leur vider les poches, à subtiliser un portefeuille dans une poche revolver à l’aide d’une lame de rasoir ou d’un cutter. Ils se manifestent beaucoup moins de nos jours, pour une raison évidente : avec l’enrichissement général des trois dernières décennies, ils sont beaucoup moins nombreux.

Mais ils semblent remplacés par des voleurs beaucoup plus dangereux. Le site VietnamNet  fait état de « plusieurs cas de vols au cours desquels les voleurs ont agressé, blessé leurs victimes, les ont même tuées à coups de couteaux ; ils ont même attaqué les policiers qui les ont poursuivis». VietnamNet  rapporte l’arrestation, le 17 septembre, d’un certain Cao Xuan Lap, âgé de 28 ans, qui a été inculpé de vol et d’homicide.

Réparateur électronicien, Lap aurait affirmé que son emploi était instable. A court d’argent, il était monté sur sa moto et s’était promené en ville, cherchant des victimes circulant avec leurs ordinateurs portables. A un carrefour, il est tombé sur un couple à motocyclette. Le jeune homme, Hoang Ngoc Tri, âgé de 22 ans, avait posé son laptop dans le porte-bagage accroché au guidon. Tri a hurlé quand Lap s’est emparé de l’ordinateur et l’a poursuivi. Non seulement Lap a tué Tri à coups de couteau mais il a grièvement blessé un agent de police avant d’être arrêté et désarmé.

A la mi-août, rapporte également VietnamNet, la police a arrêté deux voyous, âgés respectivement de 20 et de 19 ans, qui volaient à un carrefour particulièrement encombré le matin, quand les gens se rendent au bureau leur ordinateur sous le bras. Armés de ciseaux très aiguisés, ils coupaient les sangles des sacs à dos, revenus à la mode, avant de s’enfuir avec. Au troisième vol, ils ont été poursuivis par des passants et des policiers. Ils se sont défendus à l’aide de couteaux et, étant parvenus à saisir le revolver de l’un des policiers, ils l’ont déchargé sur leurs poursuivants, blessant deux passants et deux policiers.

Des incidents de cette gravité ne sont pas fréquents. Mais les criminels font preuve de davantage d’audace, semblent prêts à blesser leurs poursuivants et sont confiants dans leur capacité à s’enfuir au milieu de la foule. Il est arrivé à des policiers de les poursuivre dans les égouts de la ville où ils s’étaient réfugiés. La plupart de ceux qui se font arrêter sont des récidivistes.

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Analyse Société Thaïlande

Chronique de Thaïlande : petit manuel de la corruption (I)

Présente à tous les niveaux du pays, la corruption est considérée comme bénigne par beaucoup. Mais les exposés dans la presse font quelquefois mouche.

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Asie Philippines Politique

Philippines: recul du terrorisme dans le Sud

Une décennie de présence militaire américaine a contribué à faire reculer le terrorisme dans les petites îles de l’extrême sud de l’archipel et à Mindanao.

Au tournant du siècle, Zamboanga, à l’extrémité occidentale de Mindanao, la grande île du sud des Philippines, était une ville dangereuse où il ne faisait pas bon traîner dehors après la tombée de la nuit. Sur les îles de Basilan et de Jolo, juste au sud, enlèvements et attentats étaient fréquents. Des dizaines d’étrangers, y compris des journalistes français, avaient été kidnappés. Certains s’étaient échappés, les plus nombreux avaient été libérés contre rançon, d’autres avaient eu la tête tranchée.

De nos jours, rapporte le 28 septembre le site des forces américaines Stars & Stripes ( www.stripes.com ), les rues de Zamboanga «sont pleines de camions de livraison et de SUV flambant neufs». Sur le port, le front de mer rassemble «une collection de restaurants et de bars à la mode». Le soir, sur une place attenante, l’attraction principale est formée par «les eaux dansantes d’une fontaine inaugurée au printemps dernier moyennant un financement d’un demi-million de dollars de la municipalité.»

Un an après les attaques du 9 septembre 2001 contre New York, déclarant l’Asie du Sud-Est le «deuxième front de la guerre contre le terrorisme», le président Bush a envoyé des «conseillers et instructeurs militaires» américains à Mindanao, aidé à reéquiper l’armée philippine et mis en place des services de renseignements. La cible principal : Abu Sayaff, collection locale  de terroristes alliés de la Jemaah Islamiyah dans l’Indonésie voisine et d’Al-Qaïdah. Abu Sayaff se finançait en pratiquant l’enlèvement pour rançon.

Une décennie plus tard, le nombre des terroristes n’est plus estimé qu’à «quelques centaines» d’individus, pour l’essentiel repliés sur «les denses jungles méridionales de Jolo et de Basilan». Les leaders d’Abu Sayaff ont été, pour l’essentiel, éliminés. Le gouvernement est assez confiant pour envisager de transférer dans un délai de quatre ans la responsabilité de la sécurité de l’armée à la police. Le contingent américain sur place a été réduit de 600 à 400 hommes.

Tout n’est pas gagné pour autant et, à l’intérieur du camp militaire philippin de Navarro à Zamboanga, le QG américain ressemble à une forteresse sans fenêtres. Les soldats américains n’ont pas l’autorisation d’aller se promener en ville. En outre, «fin juillet, huit soldats philippins ont été tués à Basilan lors de l’attaque d’un camp d’Abu Sayyaf ; quatre autres sont tombés dans une embuscade et ont été tués sur la route en tentant de rejoindre» le lieu des affrontements, rapporte Stars & Stripes.

En tout état de cause, le recul du terrorisme et l’amélioration de la sécurité ne peuvent pas décourager les négociations de paix en cours entre le gouvernement de Manille et le FMIL (Front moro de libération islamique), mouvement armé le plus représentatif de la minorité musulmane du Sud.