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Analyse Asie Histoire Viêtnam

Leon Panetta à Cam Ranh: l’accélération de l’histoire

Dans la foulée de la victoire vietnamienne de 1975, le cours de l’histoire a été fort lent entre Washington et Hanoi. Mais, tout à coup, il semble s’accélérer.

Voilà deux ans encore, qui aurait pu penser qu’un chef du Pentagone, de surcroît ancien patron de la CIA, aurait pu aller admirer, au Vietnam, Cam Ranh et ses installations aéroportuaires en se rendant à bord du USNS Richard E. Byrd, navire ravitailleur américain  ancré dans la baie ? Leon Panetta l’a pourtant fait le 3 juin après avoir annoncé, la veille à Singapour, un renforcement de la présence militaire en Asie et avant de se rendre à Hanoi pour s’y entretenir, le lendemain, avec le premier ministre vietnamien Nguyên Tan Dung.

On en oublierait presque que le président Lyndon Johnson était allé à Cam Ranh avant l’offensive du Têt de 1968 pou y prodiguer ses encouragements au contingent américain. A la tribune figuraient alors les deux faucons de service, le général William Westmoreland et le proconsul américain à Saigon Ellsworth Bunker. On en oublierait également le très lent cheminement après la victoire communiste de 1975. A la suite de l’humiliante défaite américaine, deux diplomates clairvoyants se sont efforcés, en vain, de ménager l’avenir, Nguyen Co Thach et Richard Holbrooke. Un combat frustrant qui n’a pas abouti.

En 1978, alors que la Chine avait déjà grignoté les positions vietnamiennes en mer de Chine du Sud et qu’elle appuyait Pol Pot au Cambodge, le bureau politique du PC vietnamien n’a trouvé qu’une porte de sortie : s’en remettre à son seul point d’appui à l’étranger, une Union soviétique à bout de souffle, pour répondre aux débordements incessants des Khmers rouges. Ce fut le pacte de fin 1978 : le financement soviétique de l’intervention militaire vietnamienne au Cambodge ; et, entre autres dispositions, la concession pour vingt-cinq ans aux Soviétiques de l’ancien complexe aéroportuaire américain de Cam Ranh. Quand, après s’être rendu aux Etats-Unis en janvier 1979, Deng Xiaoping a lancé ses troupes à travers la frontière entre la Chine et le Vietnam, les relations de Hanoi se sont retrouvées non seulement au plus bas avec Pékin mais aussi avec Washington.

La pente à remonter a été lente et ardue. Le président Bill Clinton a dû attendre 1994 pour pouvoir lever l’embargo économique imposé en 1975 au Vietnam et l’année suivante pour établir des relations diplomatiques avec Hanoi. Et il a fallu attendre l’admission du Vietnam au sein de l’OMC, en 2007 seulement, pour que les capitaux américains s’intéressent à ce pays ouvert aux investissements étrangers depuis 1986, soit depuis plus de vingt ans. Sur le plan politique, le mouvement a été encore plus lent. Si Bill Clinton s’est rendu au Vietnam en 2000 et George W. Bush en a fait autant en 2007, un engagement américain ne s’est réalisé qu’en 2010, quand Hillary Clinton, de passage à Hanoi, y a manifesté l’«intérêt» de son gouvernement pour des solutions pacifiques aux contentieux en mer de Chine du Sud. En 2011, les Etats-Unis et le Vietnam ont, finalement, signé un Protocole d’accord militaire limité et peu contraignant.

Désormais, l’Histoire a clairement retrouvé sa logique. Le Vietnam, rappelait l’éminent savant Paul Mus, a été le seul pays à avoir barré, au fil des siècles, la route du Sud aux Chinois. Et c’est bien cet aspect des choses que retient aujourd’hui Washington à un moment où il s’agit de contenir la Chine sans le dire. Dans la foulée de la fin des interventions militaires américaines en Irak et en Afghanistan, de nouveaux équilibres apparaissent  dans une immense zone qui comprend l’Océan indien et le Pacifique. Petit voisin de la puissante et débordante Chine, le Vietnam ne saurait l’ignorer. A Leon Panetta et aux autres stratèges de Washington d’imaginer l’avenir en intégrant le rôle que peut jouer ce Vietnam redevenu un pays charnière dans les rééquilibrages en cours. On n’a sûrement pas fini de reparler de Cam Ranh, mais en songeant à l’avenir, non au passé.

Jean-Claude Pomonti

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Indonésie Politique

Violences en Papouasie indonésienne : 13 morts

La Papouasie occidentale est sous la coupe des militaires et, quand ces derniers s’énervent, une pluie de mauvais coups s’abat sur les civils.

Les nouvelles de Papouasie occidentale, la moitié de la grande île rattachée à l’Indonésie en 1969 à l’occasion d’un référendum honteux, sont à prendre au conditionnel car le territoire est interdit aux journalistes étrangers. Cette fois-ci, le 6 juin, dans un village proche du chef-lieu de district de Wamena, alors que se déroulaient des funérailles, deux soldats sur une motocyclette ont heurté un petit garçon, qui serait mort. La foule se serait jetée sur les deux soldats et les aurait lynchés, selon Radio Australia, qui précise que ces informations ne peuvent être vérifiées de façon indépendante.

La réaction du bataillon 757, en garnison à Wamena, aurait été brutale. Les soldats se seraient répandus en ville, où ils auraient brûlé, saccagé, tué. On compterait plus d’une dizaine de morts parmi la population civile, selon Radio Australia. Le Jakarta Post n’a pas, sur le moment fait état de victimes. Un porte-parole militaire a démenti tout acte de vandalisme de la part des soldats.

La Papouasie occidentale, ex-Irian Jaya, compte environ deux millions d’habitants, dont la moitié est désormais constituée de migrants venus des autres îles de l’Indonésie. Les Papous sont en passe de devenir la minorité. Ancien territoire hollandais, très riche (minerais, gaz, pétrole, plantations), elle est occupée militairement par les Indonésiens depuis 1963. Elle est le théâtre d’une insurrection indépendantiste sporadique mais tenace. Divisée en deux provinces, elle est censée bénéficier d’une autonomie spéciale mais qui a été bafouée à plusieurs reprises.

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Philippines Politique

L’époux de l’ex-présidente philippine : inculpé et arrêté

Jose Miguel «Mike» Arroyo est à son tour rattrapé par la justice. Arrêté, il est accusé de corruption en compagnie d’une demi-douzaine de complices.

Fin 2003, afin de faciliter la campagne de son épouse Gloria Macapagal-Arroyo, candidate en 2004 à la présidence des Philippines (et élue), Mike Arroyo avait acheté deux hélicoptères. Il est accusé de les avoir revendus à la police en 2009 comme neufs, alors qu’ils étaient d’occasion. Parmi ses complices figurent un ancien chef de la police ainsi qu’une douzaine d’officiers.

Mike Arroyo est également accusé d’avoir perçu des millions d’euros de pots-de-vin pour obtenir la signature en 2007 d’un contrat avec une entreprise chinoise de télécommunications d’un montant de 330 millions de dollars, alors qu’il était de 130 millions au départ. Mme Arroyo avait approuvé ce contrat sur le moment mais avait été contrainte de le dénoncer par la suite en raison d’une enquête du Congrès et d’un tollé général.

Nommée présidente en 2001 à la suite du limogeage de Joseph Estrada pour corruption et élue en 2004 lors d’un scrutin très controversé, Gloria Arroyo est actuellement sous arrestation dans un hôpital où elle est soignée. Mike Arroyo est en état d’arrestation en attendant une réponse à sa demande de libération sous caution. Le couple plaide non-coupable. L’arrestation de Mike Arroyo est intervenue une semaine après le limogeage de Renato Corona, ancien président de la Cour suprême de justice, nommé par Mme Arroyo et lui-même accusé de s’être enrichi de façon abusive.

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Indonésie Société

L’islamisation légale se renforce en Indonésie

Atjeh est la seule province indonésienne où la charia est légale. Mais des éléments de la loi islamique sont adoptés un peu partout à travers l’archipel.

Tout en évoquant la croyance en un seul dieu, la Constitution indonésienne est séculière. L’Indonésie n’est pas un Etat religieux et la seule province où la charia est légale est, depuis 1999, celle d’Atjeh, à l’extrémité nord de l’île de Sumatra, qui bénéficie d’une autonomie spéciale. Toutefois, depuis le début du siècle, les arrêtés des municipalités et des régences (districts) introduisent des éléments de la loi islamique : port du voile, interdiction d’alcool, autorisation de sortie, etc.

En-dehors d’Atjeh, qui ne regroupe que 5 millions sur les 240 millions d’Indonésiens, le Jakarta Post a recensé, dans ses éditions du 5 juin 2012, 79 de ces arrêtés islamiques, essentiellement sur les grandes îles de Java et de Sumatra. Mais certains ont également été décrétés à Kalimantan (partie indonésienne de l’île de Bornéo),  à Sulawesi (Célèbes) ou dans l’est de l’archipel.

Le gouvernement et le Parlement de Jakarta manifestant une grande passivité, les administrations locales continuent de prendre des mesures contraires à la Constitution. Leur application est plus problématique dans un pays à forte majorité musulmane mais qui compte des minorités religieuses (entre 10% et 15% de la population) dont les aspirations sont de moins en moins respectées. La police évite également d’intervenir.

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Société Viêtnam

Prostitution haut de gamme à Ho-Chi-Minh-Ville

La police a réussi, ces derniers jours, deux coups de filet contre des réseaux de prostituées de luxe dans la mégapole méridionale du Vietnam et dans la capitale.

Reines de beauté, mannequins et jeunes femmes particulièrement sexy faisaient partie d’un réseau de prostituées que la police a démantelé à Ho-Chi-Minh-Ville le 2 juin à l’occasion d’un raid «dans un grand hôtel du 1er arrondissement», selon le quotidien Tuoi Tre. C’est dans ce quartier que se trouvent les cinq étoiles du principal centre économique du Vietnam. Le réseau était dirigé par une femme âgée de 40 ans, Trân Quang Mai, censée avoir également fourni à un «riche client» une ancienne reine de beauté du delta du Mékong, âgée de 27 ans, Vo Thi My Xuân. Le prix de la passe se serait élevé à 2 000 dollars (1 500€), la moitié de la somme revenant à la prostituée.

Xuân avait été couronnée Miss Mékong du Sud en 2009. Dans la foulée, elle avait participé à des défilés de mannequins et posé pour des magazines. Elle travaillait pour une compagnie de marketing. La police de Ho-Chi-Minh-Ville a également arrêté, le même jour, une prostituée de luxe fournie par Mai (2 500 dollars la passe) ainsi qu’une étudiante (250 dollars la passe).

A Hanoi, dans un hôtel du district de Ba Dinh, la police a pris sur les faits deux couples. Parmi les détenues figurerait Hong Ha, une actrice et mannequin, supposée se faire payer de 1 000 à 1500 dollars la passe. Elle a joué dans plusieurs films au Vietnam et à l’étranger.

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Philippines Politique

Des servantes victimes de la crise entre Manille et Pékin

La dispute concernant le récif de Scarborough en mer de Chine du Sud ne fait pas l’affaire des employées de maison philippines en Chine. Elles se terrent.

Selon les statistiques officielles philippines, elles étaient un peu plus de douze mille en Chine en 2011. En fait, elles sont plus nombreuses. Les nouveaux riches chinois apprécient leurs services et afficher une domestique philippine est affaire de statut social, même si elle coûte deux fois plus chère qu’une chinoise. En outre, les Philippines parlent l’anglais et acceptent à la fois de faire le ménage et de s’occuper des enfants (contrairement à la plupart des domestiques chinoises).

Mais, en raison de la crise entre Pékin et Manille à propos de la souveraineté sur les eaux de la mer de Chine du Sud, les servantes philippines en Chine se cachent, surtout quand leurs papiers ne sont pas en règle. Selon le Straits Times de Singapour, un règlement chinois en date de 1996 interdit l’emploi de travailleurs étrangers par des individus ou des foyers à domicile. Les domestiques étrangers sont donc souvent déclarés comme employés de sociétés.

Catholiques pratiquantes, les Philippines renoncent même à fréquenter l’église le dimanche. Elles ont peur qu’un contrôle les contraigne à prendre l’avion de Manille. En outre, des Chinois ont affirmé qu’ils avaient, par nationalisme, renvoyé leur personnel philippin.

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Birmanie Politique

Tensions inter-religieuses en Birmanie

Après des violences meurtrières contre des musulmans dans le nord-ouest de la Birmanie, le gouvernement tente d’apaiser les tensions.

Le gouvernement birman a mis en garde contre tous «débordements anarchiques» après des incidents violents le 3 juin qui ont causé la mort de dix musulmans dans l’Etat Rakhine, où les relations entre bouddhistes et musulmans sont traditionnellement mauvaises. La télévision d’Etat a averti que ceux qui enfreignent la loi seraient sévèrement punis. Le 3 juin, 300 bouddhistes, enflammés par un cas de viol et de meurtre d’une des leurs, ont stoppé un autocar transportant des pèlerins musulmans près de la ville de Taunggoke, à 300 km au nord de Rangoon, puis ont battu à mort neuf passagers ainsi qu’un dixième qui accompagnait l’autocar en voiture.

Parallèlement, une douzaine de bouddhistes parmi plusieurs centaines qui encerclaient un poste de police ont été blessés le même jour, à Sittwe, la capitale de l’Etat Rakhine, après que les forces de l’ordre eurent lancé des grenades lacrymogènes et tiré en l’air. Les tensions entre les Arakanais bouddhistes et les musulmans locaux, appelés les Rohingyas, existent depuis des décennies. Les Rohingyas, descendants d’Indiens musulmans amenés en Birmanie par les Britanniques à l’époque coloniale, sont dépourvus de nombreux droits et se voient refuser la nationalité birmane. Selon un militant des droits de l’Homme dans l’Etat Rakhine, aucun des musulmans tués le 3 juin n’était un Rohingya. Ces confrontations sont les premières à avoir lieu depuis que le gouvernement du président Thein Sein a autorisé sous certaines conditions – notamment l’obtention d’une autorisation cinq jours à l’avance – les manifestations publiques.

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Viêtnam

Vietnam: détournement de l’aide danoise

Le Danemark a suspendu le financement de trois projets de recherche sur le changement climatique à la suite de fraudes. Hanoi enquête et promet des sanctions.

Pham Vinh Binh, ministre des affaires étrangères du Vietnam, a promis, le 4 juin, de punir sévèrement, s’il y a lieu, les fonctionnaires impliqués dans le détournement de l’aide officielle danoise. Trois jours auparavant, selon le quotidien Thanh Nien, le ministère danois des affaires étrangères avait publié un audit de Price Waterhouse Coopers (PWC) faisant état de l’utilisation inappropriée de 547 000 dollars d’aide danoise à la recherche concernant le changement climatique. Le Vietnam est l’un des pays les plus exposés à ce changement. Les deux ministères vietnamiens en charge de ces projets sont celui de la Science et de la Technologie et celui de l’Agriculture et du Développement rural.

Selon PWC, les irrégularités affecteraient 23% du budget total des projets  et auraient été commises par des participants vietnamiens. La plupart des impropriétés concerneraient des salaires, des bonus et des remboursements de frais. L’un des cas les plus flagrants aurait été l’octroi d’une bourse à la fille du coordinateur d’un projet, avec l’accord du directeur du projet.

Le précédent le plus récent concernant l’aide étrangère au Vietnam avait été la condamnation à la prison à vie de Huynh Ngoc Si, un haut fonctionnaire de la municipalité de Ho-Chi-Minh-Ville, qui avait accepté un pot-de-vin de 262 000 $ (environ 200 000€). Cette affaire avait conduit Tokyo a suspendre son aide au développement de décembre 2008 à février 2009.