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Indonésie

Détroit de la Sonde: le pont nommé désir

Un pont reliant Java à Sumatra fût le rêve jamais réalisé de Sukarno, père de l’indépendance indonésienne. Il pourrait devenir réalité.

Trente kilomètres de longueur, divisé en cinq sections, dont deux suspendues de 2,2 km chacune. 80 mètres de hauteur à son point le plus élevé pour laisser passer les gros tankers. Six voies routières, deux voies ferrées, des conduits d’eau, d’essence, de gaz, des câbles électriques et fibre-optiques. Tel est le projet de pont au-dessus du détroit de la Sonde qui relierait les deux îles les plus peuplées de l’Indonésie, Java et Sumatra, soit 80% des 240 millions d’habitants.

Sans oublier une facture salée : 7 milliards d’€, selon le Jakarta Globe, à la charge de la China Railway Construction Corporation, société d’Etat chinoise déjà responsable de plusieurs projets de voies ferrées en Afrique et au Proche orient. A la suite de la visite du président indonésien à Pékin en février, l’étude de faisabilité a été lancée avec le concours des deux provinces riveraines du détroit et du richissime Tommy Wanata, qui veut déjà doter Jakarta d’une tour de 111 étages. Les travaux prendront dix ans.

L’ouvrage  sera construit pour pouvoir résister à un séisme de 9 sur l’échelle de Richter, notamment en raison de la présence, à 50 km de distance, de l’Anak Krakatau, volcan formé à l’occasion de la dévastatrice éruption du Kakratoa en 1883. Le pont sera situé à 200 km du point sous-marin de rencontre entre les plaques indo-australienne et eurasienne, donc à une distance jugée raisonnable des lieux de formation de tsunamis en cas de frottements entre les deux plaques.

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Laos

Bon démarrage pour l’économie laotienne

Discret et enclavé, le Laos se porte mieux. S’il part de loin, il fait preuve d’un dynamisme assez étonnant ces dernières années.

Le taux d’expansion économique du Laos est l’un des plus élevés de la planète : 7,9% depuis 2006 ; plus de 8% depuis 2011. Les moteurs : l’exploitation des minerais (cuivre, or), le tourisme, l’hydroélectricité, la consommation interne. Dans ce pays de 6,5 millions d’habitants (dont deux tiers d’ethnie lao et un tiers de montagnards), le revenu annuel par tête a plus que doublé depuis 2006, pour franchir la barre des 800€, selon la Banque mondiale. Toutefois, les Occidentaux y investissent peu pour diverses raisons : marché interne réduit, opacité des pratiques, monolithisme politique.

Le Vietnam investit dans l’agro-alimentaire. L’extraction minière (dominée par la Chine) et l’hydroélectricité (la Thaïlande) représentent 80% des investissements directs étrangers. Sous la pression du Vietnam et du Cambodge, les Thaïlandais ont dû provisoirement suspendre la construction d’un barrage sur le Mékong, à Xayaburi (un investissement de 2,5 milliards d’€, dont 70% par deux sociétés thaïlandaises). Mais des dizaines d’autres barrages sont projetés ou en construction, dont la moitié de la production sera orientée vers les pays voisins.

Les signes de la modernisation : un réseau d’une vingtaine de banques commerciales, dix millions de téléphones portables en circulation, l’ouverture d’une bourse en janvier 2011 (avec appui sud-coréen), l’achat par Lao Airlines de deux Airbus 320.

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Analyse Thaïlande

Chronique siamoise : unité, solidarité ou uniformité

La récente censure dont a fait l’objet un film thaïlandais peut être interprétée de différentes façons.

Pour justifier sa décision début avril d’interdire la projection du film « Shakespeare doit mourir » d’Ing Kanjanavanit en Thaïlande, le bureau thaïlandais de la censure a estimé que la diffusion de cette œuvre, un remake de MacBeth à la sauce siamoise, accroitrait les divisions entre Thaïlandais et saperait l’unité du pays. Cette notion d’unité a été maintes fois invoquée par les autorités depuis le coup d’Etat de septembre 2006, et même avant, pour expliquer la nécessité de mesures répressives contre la liberté d’expression. Ce concept d’unité s’exprime par le mot sammaki, dont une traduction plus exacte est « solidarité » ; il est présenté comme une donnée évidente et intangible du pays.

Pourtant quand on se tourne vers l’histoire, cette notion d’unité paraît absente. Regardez le film « Suriyothai » de M. C. Chatrichalerm et vous y verrez, six heures durant, des princes et des courtisanes des principautés du Siam s’entredéchirer dans des luttes sanglantes, se repaître d’assassinats vicieux et porter la trahison au sommet du génie politique. L’une des scènes les plus frappantes est celle d’un prince-enfant, enfoui dans un sac de velours rouge, dont la tête est cérémonieusement tranchée sur les ordres d’un de ses oncles. La vingtaine de coup d’Etats qui ont ponctué l’histoire de la Thaïlande depuis le renversement de la monarchie absolue en 1932 suggère aussi une fracturation extrême du paysage politique. Et si l’on se penche sur l’aspect social du pays, il est clair que le développement économique depuis les années 1970 a été beaucoup moins bien réparti qu’en Corée du Sud ou à Taiwan ; les classes moyennes urbaines ont grandement bénéficié, les ruraux des provinces ont stagné.

S’il est un ferment d’unité, c’est sans conteste la personne du roi Bhumibol Adulyadej. Le monarque est un lien entre toutes les classes, toutes les ethnies, le miroir qui reflète l’image de tout un chacun et rassure : «Nous sommes donc bien solidaires». D’où l’angoisse de l’après-Rama IX : que restera-t-il comme ciment de la nation ? La Thainess signifie différentes choses selon les milieux. Le consumérisme effréné, le culte de l’argent, le commercialisme envahissant qui dissout les vieilles valeurs communautaires ne peuvent servir de piliers à la nation. Et cette notion d’unité agitée par les autorités et l’establishment ne fait-elle pas plutôt référence à l’uniformité ? Les divisions dénoncées comme le mal menaçant ne sont-elles pas simplement la diversité de cultures, d’opinions et d’idées qui remuent la société thaïe ? Des esprits chagrins iront jusqu’à affirmer que ce repli constant sur une unité insaisissable est une manière d’imposer un « consensus », tolérable pour la majorité mais qui profite surtout à une minorité. Les idées, incontestablement, divisent la société, mais elles constituent aussi les matériaux qui servent à l’édification de valeurs communes.

Nouvelle chronique du site infoasie, «Chronique siamoise» porte un regard décalé sur l’actualité politique de la Thaïlande, mêlant des récits d’anecdotes et une lecture culturelle des événements.

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Philippines Société

La lutte d’un religieux écologiste aux Philippines

Edwin Gariguez, prêtre philippin, a reçu, le 16 avril à San Francisco, le Goldman Environmental Prize, le «Prix Nobel vert». Mais la partie n’est pas gagnée.

Voilà deux décennies que, sur l’île de Mindoro aux Philippines, le P. Gariguez se bat en faveur des aborigènes mangyans dont le bien-être, le style de vie et la culture sont menacées par les activités d’Intex, société norvégienne autorisée à exploiter une mine de nickel «à ciel ouvert, selon une méthode d’extraction à l’acide, qui aurait produit des millions de tonnes de déchets toxiques», rapporte le site des Missions étrangères de Paris.

Le religieux a fondé Alamin (Alliance Against Mining). Il a obtenu des autorités locales en 2002 un moratoire de vingt-cinq ans sur l’exploitation minière à Mindoro, moratoire qui n’a pas été appliqué. Il s’est rendu en Norvège pour rallier à sa cause le lobby écologiste. En 2009 enfin, il a entrepris, en compagnie d’une vingtaine de militants, une grève de la faim. Au onzième jour, Manille a suspendu les activités d’Intex à Mindoro.

Toutefois, Intex a annoncé le 20 avril un accord avec le groupe chinois MCC8 concernant un investissement de 108 millions d’€, avec le soutien de «la très puissante CITIC-Gem Fund» norvégienne, dans le nickel à Mindoro. Le début de la production aurait lieu en 2015. La guerre continue.

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Indonésie Politique

Le parti du président indonésien en lambeaux

L’ancien trésorier du Parti démocrate (PD), celui du chef de l’Etat indonésien, est condamné pour corruption. Une formation à la dérive.

Susilo Bambang Yudhoyono (SBY), général à la retraite, avait créé le Parti démocrate (PD) pour conquérir la présidence de l’Indonésie. Il a été facilement élu en 2005, puis réélu brillamment en 2009. A cette date, le PD est devenu la première formation du Parlement. Mais, à l’issue d’un procès haut en relief et en dénonciations, la condamnation à quatre ans et dix mois de prison de Muhammad Nazaruddin, le 20 avril, par la Cour anti-corruption de Jakarta, semble marquer l’étouffement des Démocrates.

A la veille de son inculpation, l’ancien trésorier du PD s’est enfui et une gigantesque chasse à l’homme a été organisée jusqu’à son arrestation en Colombie. Pendant sa cavale, le fugitif a utilisé la Toile pour impliquer dans des détournements de fonds publics une partie de la direction du PD ainsi que des membres du gouvernement. «Coupez-moi les oreilles s’ils ne sont pas des corrupteurs», a même dit Nazaruddin de certains membres de la Commission anti-corruption.

Le deuxième et dernier mandat présidentiel de SBY, qui avait fait de la lutte contre la corruption sa priorité électorale, se poursuit dans une semi-paralysie. Le PD est en trop mauvais état pour pouvoir trouver, dans ses propres rangs, un candidat valable à une succession qui s’ouvre en 2014.  Après les révélations de Nazaruddin, les procès promettent de se multiplier.

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Analyse Asie Indonésie

La saga d’Umar Patek, terroriste et démolisseur

Depuis le 13 février, au tribunal de Jakarta ouest, se déroule le procès de celui qui a fabriqué les bombes de l’attentat qui a fait 202 morts à Bali en 2002.

Umar Patek, 42 ans, javanais, est le fils d’un modeste commerçant de viande de chèvre. Il n’a sûrement pas suivi l’exemple de son père. Jeune, il a quitté l’Indonésie pour se rendre en Afghanistan dans des camps d’entrainement d’Al Qaïdah. Devenu expert en explosifs, il a été apparemment impliqué dans une série d’attentats en Indonésie, le soir du réveillon de Noël 2000. Il a admis avoir  fabriqué les deux bombes qui ont explosé dans un bar et une boîte de nuit à Kuta (Bali) le 12 octobre 2002, faisant 202 victimes, dont 88 Australiens, et des douzaines d’invalides à vie.

Ses empreintes digitales ont été retrouvées dans la maison où les bombes ont été assemblées, à Denpasar, chef-lieu de Bali. Toutefois, celui que la presse appelle «Demolition Man»  affirme qu’il n’a pas participé à la pose des bombes. Il a également déclaré n’avoir aucun lien avec Al Qaïdah. Il n’avait, dit-il, aucune ambition de rencontrer Oussama Bin Laden lorsqu’il a été arrêté à Abbottabad (Pakistan) en mars 2011, soit deux mois avant le raid américain contre le domicile du leader d’Al Qaïdah, non loin de là.

Les démentis et les affirmations d’Umar Patek ont été mis à mal, le 19 avril, par la déposition d’un agent de FBI américain, Frank Pellegrino, lequel a affirmé que Patek, lors d’un séjour aux Philippines, avait déclaré à des compagnons qu’il souhaitait retourner en Afghanistan et au Pakistan pour y travailler avec Bin Laden. Patek a été un proche de deux hommes aujourd’hui prisonniers des Américains : Khalid Sheikh Mohammed, l’ancien chef de la propagande d’Al Qaïdah, et Hambali, arrêté en Thaïlande en 2003 et auparavant principal opérateur de la Jemaah Islamiyah, réseau terroriste en Asie du sud-est.

Spécialiste de l’assemblage de bombes, qu’il a enseigné au gré de ses pérégrinations, Patek a séjourné à plusieurs reprises dans le sud des Philippines. Entre 1996 et 1998, il a été un compagnon du Front moro islamique de libération (Fmil) à Mindanao. Après l’attentat de Bali, il y est retourné pour se placer sous la protection du Fmil ou d’Abou Sayyaf. Beaucoup plus tard, en 2009, en compagnie de son beau-frère Dulmatin, il a participé aux attentats contre deux grands hôtels de Jakarta.

A la suite de ces attentats, Dulmatin s’est réfugié dans un camp clandestin d’entrainement à Atjeh, détruit par la police en février 2010. Dulmatin lui-même a été abattu le mois suivant à Jakarta par une unité anti-terroriste indonésiene. De son côté, Umar Patek a réussi à s’enfuir vers le Pakistan, où il a été arrêté et d’où il a été extradé en août 2011. Son procès reprend le 23 avril à Jakarta.

Jean-Claude Pomonti

 

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Analyse Asie Philippines Viêtnam

Loi du plus fort en mer de Chine du Sud

La Chine poursuit son grignotage en mer de Chine du Sud, quelles que soient les objections avancées par les autres pays riverains, beaucoup plus faibles.

Voilà quelques jours, à proximité de Scaborough, petit ensemble de bancs de sable et de récifs situé à proximité de Luçon, donc largement à l’intérieur de la zone économique exclusive des Philippines, un face-à-face s’est terminé de façon édifiante. Huit bateaux de pêche chinois ont pu repartir, leurs soutes pleines de poissons et coquillages, sous la protection de trois bâtiments chinois armés, dépendant officiellement d’un service chinois chargé de l’«application de la loi sur la pêche.» Manille ne fait pas le poids.

La position officielle de Pékin : plus de 80% des eaux de la mer de Chine du Sud nous appartiennent et nos bateaux ont le droit de pêcher où bon leur semble. Résultat : les eaux poissonneuses des Philippines sont pillées ; faute de moyens, un petit voisin de la grande Chine est contraint à une retraite qui n’est pas la première. Ironie de l’affaire : les manœuvres conjointes auxquelles participent ces jours-ci, sur la grande île philippine de Palawan, six mille soldats, dont quatre mille américains, n’ont pas empêché Pékin de poursuivre ses provocations.

Forte d’un budget militaire officiellement, cette année, de plus de 70 milliards d’€, la Chine continue son grignotage en mer de Chine du Sud. Le Vietnam est exaspéré : les bâtiments armés du service chinois de la pêche saisissent ses bateaux, avec leurs équipages, et les hommes arrêtés ne sont rendus que «contre rançon». Le 3 mars, la Chine a arraisonné deux bateaux de pêche vietnamiens dans les eaux de l’archipel des Paracels, à la hauteur du port de Da-Nang (Vietnam central), avec 21 hommes à bord, originaires du district de Ly Son, province de Quang Ngai. Les prisonniers ont rejoint dans les geôles chinoises 170 autres pêcheurs, originaires du même district, arrêtés en 2011 à bord de leurs onze bateaux.

Hydrocarbures

La Chine a fait objection à la signature, le 5 avril, d’un contrat entre le géant russe Gazprom et PetroVietnam concernant l’exploration conjointe de deux blocs qui se trouvent dans le bassin de Nam Con Son (Poulo Condore), soit au large du delta du Mékong et entièrement dans la zone économique exclusive du Vietnam. En 2009,  en dépit d’un accord avec Hanoi, British Petroleum avait renoncé à explorer ces deux blocs. Des câbles diplomatiques américains, diffusés par Wikileaks, ont révélé que les compagnies pétrolières occidentales présentes en Chine faisaient l’objet de fortes pressions chinoises pour ne pas intervenir en mer de Chine du Sud à la suite d’un contrat avec le Vietnam. En revanche, l’ONGC, compagnie d’Etat indienne, n’a pas renoncé à l’accord de coopération avec PetroVietnam signé en novembre 2011 et aussitôt dénoncé par Pékin.

La Chine continue de pousser ses pions en mer de Chine du Sud en se contentant de références historiques controversées. En 1974, donc avant la victoire communiste vietnamienne de 1975, l’armée chinoise avait chassé manu militari de l’archipel des Paracels une garnison sud-vietnamienne. Depuis ce raid accueilli par les Vietnamiens comme un coup de poignard dans le dos, Pékin a aménagé les Paracels et, plus récemment, intégré cet archipel dans son administration.

Dans l’archipel des Spratleys, plus au sud, sont présents cinq Etats : Chine, Vietnam, Philippines, Malaisie et Taïwan. Aucun règlement négocié ne se profile à l’horizon : comme l’Asean s’avère incapable d’adopter une position commune sur le différend, notamment en raison des pressions exercées par la Chine sur quelques membres, Pékin poursuit son grignotage. Jusqu’au jour où un incident plus grave que les autres incitera les Etats-Unis, qui ont déjà manifesté leur préoccupation en 2010, à s’intéresser de plus près à ce qui est déjà le plus grave contentieux maritime en Asie du sud-est.

Jean-Claude Pomonti

 

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Birmanie Politique

Aung San Suu Kyi va se rendre à l’étranger

Pour la première fois depuis 24 ans, l’ancienne dissidente birmane, va s’absenter de son pays. Aung San Suu Kyi doit, en juin, se rendre en Norvège et en Grande Bretagne.

Initiative impensable voilà encore quelques semaines, Mme Suu Kyi, aujourd’hui âgée de 66 ans, a fait savoir, le 18 avril, qu’elle ira, probablement en juin, à Oslo pour remercier le Comité qui lui a décerné en 1991 le Prix Nobel de la paix, puis au Royaume Uni, où elle a étudié et vécu de longues années.

Revenue en 1988 en Birmanie, au chevet d’une mère mourante, Mme Suu Kyi avait pris la tête à Rangoon de manifestations contre la dictature qui ont été dispersées dans un bain de sang par l’armée. Depuis, assignée à résidence plus de la moitié de son temps, elle n’avait jamais osé quitter la Birmanie (Myanmar), même quand son époux britannique, Michael Aris, est décédé des suites d’un cancer en 1999. Elle n’a pas vu grandir ses deux fils.

Membre d’un Parlement qui se réunit le 23 avril, la fille d’Aung San, héros de l’indépendance, estime qu’elle peut désormais se rendre à l’étranger sans risquer d’être interdite de retour. Cette décision est donc accueillie comme un signe positif. Le 13 avril, lors de son passage à Rangoon, le premier ministre britannique David Cameron l’a invité à retourner notamment à Oxford, où elle a poursuivi des études dans les années 70 et où elle a élevé ses fils lorsqu’ils étaient enfants.