Le 20 mars est la journée mondiale de la francophonie. En Asie du Sud-Est, le pays qui demeure le plus marqué par un héritage culturel français est le Vietnam.
Avec son demi-million de francophones, Londres est devenu, pour un jour, la capitale de la francophonie, le samedi 17 mars. Un Paris-sur-Tamise. Mais, pour des journalistes qui viennent de lancer un site d’information francophone sur l’Asie du Sud-Est, comme pour tant d’autres, la francophonie est beaucoup plus qu’une affaire de dimension linguistique. Le Vietnam en offre un bon exemple.
Outre qu’ils ne gardent, en général, que les bons souvenirs, les Vietnamiens affichent une aptitude très aigüe à distinguer le bon grain de l’ivraie. Ils ont rejeté l’occupation française. Toutefois, même les nationalistes les plus ombrageux ont accepté, dès le début du XXème siècle, la romanisation de leur écriture et plusieurs autres influences françaises, à commencer par la littérature.
Le chu nôm pratiqué au XIXème siècle – une apposition de caractères locaux et chinois – serait demeuré longtemps une langue de mandarins, peu accessible à la masse. Le quôc ngu, écriture romanisée initiée au XVIIème siècle par le jésuite Alexandre de Rhodes, s’est rapidement imposé non seulement parce que le pouvoir colonial le souhaitait mais parce que les nationalistes vietnamiens de tous bords ont compris son fabuleux apport politique : une écriture à la portée de tous, l’alphabétisation devenue possible.
Les écrivains et artistes contemporains attribuent un élan « novateur » aux Vietnamiens qui, voilà plus d’un siècle, ont compris l’importance de la romanisation de l’écriture. L’apôtre du quôc ngu, Nguyên Van Vinh, a eu beau mourir relativement jeune (1882-1936), ses traductions de la littérature française sont encore réimprimées de nos jours. Voilà un siècle que les Vietnamiens se sont familiarisés, dans leur propre langue, avec La Fontaine, Perrault, Molière… La littérature française, disent des écrivains comme Bao Ninh ou Nguyên Viêt Ha, est aujourd’hui l’une des inspirations du nouveau roman vietnamien.
Il en va de même dans d’autres domaines : l’architecture et les arts, avec les écoles des Beaux Arts de Hanoi et de Saigon ; l’histoire, avec l’introduction à la Révolution française et à la pensée des philosophes du XVIIIème siècle ; le vêtement avec l’ao dai (tunique moulée pour les femmes, d’origine franco-vietnamienne) ; la gastronomie, le style de vie…
Ces liens durables créent des affinités. Même les visiteurs francophones qui découvrent aujourd’hui le Vietnam seulement par curiosité – et où peu de gens parlent encore la langue de Molière – éprouvent une impression de familiarité.
Jean-Claude Pomonti