En 2002, la Chine et l’Asean s’étaient mises d’accord sur le principe d’un Code de conduite en mer de Chine du Sud. Rien n’a été fait. Y aurait-il une solution ?
Voilà dix ans, face aux conflits de souveraineté en mer de Chine du Sud, la Chine et l’Asean ont admis le principe d’un Code de conduite commun. Depuis, Pékin a fait marche arrière : le Code de conduite interviendra au «moment opportun», disent les Chinois, et seules des négociations bilatérales sont concevables. Entre-temps, la Chine a profité de sa supériorité militaire pour faire la police maritime, y compris dans les zones économiques exclusives des Philippines et du Vietnam. De leur côté, les Etats-Unis sont entrés dans la danse en affirmant, depuis 2010, que des négociations globales doivent avoir lieu entre la Chine et l’Asean. Aujourd’hui, plus rien ne bouge et l’impasse semble totale. Mais l’est-elle vraiment?
L’une des raisons de la paralysie est la désunion au sein de l’Asean, dont la moitié des dix membres n’est pas directement concernée par la volonté chinoise de contrôler 80% des eaux de la mer de Chine du Sud. Les altercations de 2012, au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, laissent penser qu’aucun consensus ne peut se dégager. La Birmanie, même si elle a pris ses distances à l’égard de la Chine, croule sous ses propres problèmes. Le Cambodge privilégie ses relations avec Pékin. Ni le Laos ni la Thaïlande ni même Singapour ne monteront au créneau pour inviter la Chine à davantage de souplesse en mer de Chine du Sud.
Les pays directement concernés sont le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et Brunei, auxquels peut s’ajouter l’Indonésie, dont les gisements de gaz off-shore de Natuna se trouvent à la limite des eaux revendiquées par Pékin. Ancien directeur de la Far Eastern Economic Review et observateur averti de la région, Philip Bowring suggère que ces cinq Etats, au lieu de tenter en vain de rallier à leur cause d’autre Etats indifférents de l’Asean, forment un groupe de travail «lié de façon informelle à l’Asean» et susceptible de proposer «un consensus sur la négociation avec la Chine». La présence de l’Indonésie, estime-t-il dans les colonnes du Wall Street Journal, serait indispensable pour renforcer la présence du monde malais et donner plus d’autorité au groupe aux yeux des Chinois.
La première tâche de ce groupe serait de s’entendre sur l’histoire de la région antérieure à l’arrivée des Occidentaux et à l’expansion chinoise (les Chinois n’ont, par exemple, colonisé Taïwan qu’en 1650 ; ils ont été chassés du Vietnam en l’an 969). Dans une deuxième phase, poursuit Bowring, les cinq pays devraient régler les contentieux maritimes qui les opposent entre eux (notamment en ce qui concerne la zone très disputée de l’archipel des Spratleys), quitte à s’en remettre à une juridiction internationale pour régler le sort de zones qui se chevauchent.
Bowring estime que la formation de ce nouveau groupe, qui représenterait les deux tiers des côtes de la mer de Chine du Sud, renforcerait la main des pays qui le forment dans une négociation avec Pékin et ramènerait un peu de sérénité dans les rangs de l’Asean où la question de la mer de Chine du Sud a suscité quelques amertumes, encore plus prononcées que celles, autrefois, à propos de la Birmanie. De toute manière, écrit-il, ce développement contribuerait à remettre sur les rails une Asean «qui paraît de plus en plus sans prise sur une agression chinoise».
Que Brunei ait pris la relève du Cambodge à la présidence de l’Asean, jusqu’à la fin 2013, pourrait faciliter les choses. Les Philippines ont déjà annoncé une réunion, le 12 décembre à Manille, des vice-ministres de la Défense des quatre Etats directement impliqués en mer de Chine du Sud. On verra alors ce qu’ils comptent faire et comment réagit Jakarta.