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Société Thaïlande

Une prison de Thaïlande au centre d’un vaste trafic de drogue

L’agence gouvernementale thaïlandaise de lutte contre le blanchiment d’argent (Amlo) a révélé que cinq détenus d’une prison située dans le sud du royaume contrôlaient un important trafic de drogue.

Selon une enquête de l’Amlo, cinq détenus de la prison de Nakhon Sri Thammarat, dans la péninsule méridionale de la Thaïlande, ont organisé un vaste trafic de drogue s’élevant à 350 millions de bahts (9,2 millions d’euros) avec la complicité de membres du personnel pénitencier. Le quotidien Bangkok Post a précisé dans un article publié le 16 août que ces détenus possédaient cinq comptes bancaires et qu’ils faisaient des virements à des centaines d’autres comptes dont certains étaient détenus, via des mandataires, par des fonctionnaires. Le colonel Sihanart Prayoonrat, secrétaire-général de l’agence anti-blanchiment, a estimé que cette opération n’était que l’un des nombreux trafics de drogue organisés à partir de cette prison. « Le montant total du trafic pourrait atteindre un milliard de bahts (26 millions d’euros) », a-t-il assuré.

L’enquête est en cours et devrait aboutir rapidement à des inculpations. L’agence anti-blanchiment effectue aussi des contrôles dans les prisons de Bang Kwang et de Klong Prem, à Bangkok, ainsi que dans celles de Rayong, de Khao Bin et de Klong Phai, où elle suspecte l’existence de trafics similaires.

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Sports Thaïlande

Une athlète thaïlandaise accusée de lèse-olympisme

Une plainte pour violation du règlement olympique a été déposée contre l’haltérophile thaïlandaise Pimsiri Sirikaew.

Lorsqu’elle a reçu sa médaille d’argent d’haltérophilie dans la catégorie des 58 kilos le 30 juillet dernier, l’athlète thaïlandaise Pimsiri Sirikaew s’est conformée à une longue tradition chez les médaillés olympiques du royaume : brandir un portrait du roi Bhumibol Adulyadej de Thaïlande lors de la cérémonie de remise des médailles. Habituellement, ces démonstrations de ferveur sont tolérées, mais cette fois-ci, une plainte a été déposée contre la sportive, selon le site spécialisé sur l’Asie du Sud-Est New Mandala. Selon la plainte, le fait de montrer une photo du roi de Thaïlande au public dans l’enceinte olympique pourrait enfreindre l’article 50 de la charte olympique, lequel dispose qu’aucune démonstration de propagande politique, religieuse ou raciale n’est permise dans les sites olympiques.

Le boxeur Somluck Kamsing avait été le premier à brandir un portrait du roi juste après avoir remporté une médaille d’or aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996 – la première médaille d’or thaïlandaise. Par la suite, ce geste avait été reproduit par presque tous les médaillés thaïlandais. Selon Pavin Chachavalpongpun, auteur de l’article sur New Mandala, seuls les sportifs thaïlandais et nord-coréens montrent des photos de leur chef d’Etat lors des événements sportifs. Aux Jeux olympiques de Mexico en 1968, deux athlètes afro-américains, Tommie Smith et John Carlos, avaient levé le poing sur le podium après avoir reçu leur médaille pour la première et la troisième place du 200 mètres dans un geste de protestation contre le racisme aux Etats-Unis. Les deux athlètes furent expulsés des Jeux sur décision du président du Comité international olympique, lequel avait jugé que leur geste était une prise de position politique.

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Thaïlande

En Thaïlande, gare au Uzi

Un sénateur thaïlandais a accidentellement tué son secrétaire quand une décharge est partie de son pistolet-mitrailleur fabriqué en  Israël.

L’accident s’est déroulé le dimanche 12 août dans une station de vacances de la province de Phrae, dans le nord de la Thaïlande, lors d’un repas familial à l’occasion de la fête des mères. Selon le quotidien Bangkok Post, le sénateur Boonsong Kowawisarat a mortellement blessé son secrétaire et cousin Chanakorn Detkard, âgé de 46 ans, quand il a fait feu sur lui par erreur. Blessé d’une balle au ventre, Chanakorn est décédé lors de son transfert à l’hôpital. Selon la police, Boonsong, âgé de 56 ans et sénateur de la province de Mae Hong Son, va être inculpé d’homicide involontaire et risque une peine maximale de 10 ans de prison.

D’autres compte-rendus de l’accident dans la presse ou par les médias audiovisuels créent toutefois une certaine confusion sur les circonstances exactes du drame. Selon le site internet de la télévision NationChannel, la décharge est partie quand le sénateur a retiré l’Uzi de son sac pour le poser sur la table. Selon la version du quotidien Matichon, le sénateur avait déjà posé le fusil d’assaut sur la table et c’est quand il a voulu, preuve de son savoir-vivre, ranger l’Uzi à la demande des autres convives que le coup est parti. La version de la mère de l’accusé est que l’arme avait été amenée et déposée sur la table par le secrétaire – la future victime. Le sénateur a voulu ranger l’Uzi et pan ! Enfin, selon le quotidien The Nation du 14 août, ce n’est pas le secrétaire du sénateur qui a été tué, mais la femme de ce dernier. Bref, la vérité est en marche, mais elle n’est pas encore arrivée.

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Thaïlande

En Thaïlande, la politique rizicole est dans le collimateur

Le programme de soutien aux prix du riz mis en place par le gouvernement subit un assaut de critiques.

Quand elle a pris la tête du gouvernement en août 2011, Yingluck Shinawatra a relancé le programme de soutien aux prix du riz qu’avait mis en place son frère, Thaksin lorsqu’il était Premier ministre de Thaïlande  entre 2001 et 2006. Dans sa nouvelle version, ce complexe système d’achat du riz par l’Etat directement des mains des paysans fixe des tarifs entre 40 et 50 % supérieurs à ceux du marché : 15.000 bahts (395 euros) la tonne pour le riz paddy et 20.000 bahts (526 euros) la tonne pour le riz jasmin. Après six mois d’application, ce programme a abouti à l’accumulation dans des entrepôts et des silos de la quantité considérable de dix millions de tonnes de riz, lesquelles ne peuvent être vendues sur le marché mondial sous peine de provoquer un effondrement du prix et des pertes colossales pour le gouvernement. Ce schéma de soutien aux prix du riz – en somme un simple programme de subventions, peu différent des subventions, en France, à la production viticole – a coûté jusqu’à présent quelques 260 milliards de bahts (6,8 milliards d’euros) aux contribuables. Dans les conditions actuelles, le gouvernement peut espérer vendre à 470 euros la tonne du riz qu’il a acheté à 570 euros la tonne. Selon le Fonds monétaire international, le programme pourrait coûter à la Thaïlande 1 % de son PIB avant même la prise en compte des frais de stockage et de gestion.

Parmi les critiques, figurent sans surprise les membres du Parti démocrate d’opposition, mais aussi des économistes comme Ammar Siamwalla, un expert respecté des questions agricoles. Quand les Démocrates étaient à la tête du pays, entre décembre 2008 et juillet 2011, ils avaient aussi mis en place un système de garantie des prix du riz, mais celui-ci exigeait que les paysans se fassent rembourser la différence entre un prix garanti et le prix du marché – un système jugé trop compliqué par nombre de riziculteurs. Outre la non rentabilité du nouveau programme, ces critiques mettent en exergue ses nombreuses failles qui permettent notamment aux propriétaires de rizeries (usines de décortiquage du riz) et propriétaires d’entrepôts de s’enrichir sur le dos des paysans. Le Département des enquêtes spéciales (DSI) a lui-même révélé récemment les nombreuses techniques utilisées par ces industriels du riz pour bénéficier indûment du système. Pour autant, le gouvernement reste ferme dans sa volonté de poursuivre ce programme, qui semble lui assurer une large popularité au sein de la population rurale.

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Analyse Politique Thaïlande

Chronique siamoise : la Thaïlande vit une transition périlleuse

Chris Baker et Thitinan Pongsudhirak, deux des meilleurs experts de la politique thaïlandaise estiment que le pays va traverser de sérieuses turbulences à moyen terme avant d’être radicalement restructuré.

Le thème du débat, qui s’est tenu le 9 août au Club des correspondants étrangers de Thaïlande (FCCT), portait sur le premier anniversaire de l’arrivée de Yingluck Shinawatra à la tête du pays. Mais le nom de l’élégante première ministre n’a presque pas été prononcé de la soirée, animée par deux des plus brillants analystes de la politique thaïlandaise, l’historien et économiste Chris Baker, qui enseigne à l’université de Kyoto, au Japon, et Thitinan Pongsudhirak, directeur de l’Institut des études internationales et stratégiques (ISIS) de l’université Chulalongkorn à Bangkok. L’essentiel de leur présentation a tourné autour du changement drastique que subit depuis plusieurs années la société thaïlandaise, une transition peut-être comparable à la seconde moitié du XIXème siècle quand le « Vieux Siam » s’effondrait et le jeune roi Rama V tentait de mettre sur pied un nouveau modèle pour le pays.

La crise de transition se déroule, selon Chris Baker, à un double niveau : celui des élites, où Thaksin et ses détracteurs s’affrontent, et celui de la masse du peuple, dont une partie importante « a pris conscience de la possibilité de changer son destin ». Pour l’historien, ce dernier élément est nouveau en Thaïlande, mais suit un phénomène qui s’est produit dans nombre de pays, comme par exemple parmi les nations arabes ces deux dernières années. La Thaïlande présente toutefois un trait spécifique : la classe moyenne « au lieu de voir dans ce changement une opportunité pour renverser le vieil ordre aristocratique » s’est opposée de toutes ses forces à la « poussée d’en bas ». Comme élément d’explication, Chris Baker se réfère à l’origine chinoise de la plupart des membres de la classe moyenne urbaine. « Ces Chinois de Thaïlande estiment être des self-made men, avec en corollaire la pensée selon laquelle ceux qui ne réussissaient pas aussi bien qu’eux ne devaient s’en prendre qu’à eux-mêmes, à leur paresse et à leur stupidité », dit-il. L’historien estime aussi que les Sino-Thaïlandais conservent encore le souvenir d’une certaine discrimination qu’ils ont subie jusqu’à la Seconde guerre mondiale.

Thitinan a renforcé cet argument, montrant, par des anecdotes, combien les Chinois de Thaïlande estiment être redevables à la famille royale pour leur intégration très profonde dans la société thaïlandaise. De plus, ajoute Chris Baker, « ces Sino-Thaïlandais se voient surtout comme faisant partie d’une Chine-Asie montante. Ils visiteront plus volontiers Singapour, Hong Kong ou même Boston et Los Angeles qu’un village de la province thaïlandaise ». L’historien a toutefois insisté sur le fait qu’un des traits les plus sains de la Thaïlande était que le ressentiment social ne s’exprimait presque jamais en termes ethniques.

Le triplement du revenu par tête des petites gens de province et des banlieues urbaines en l’espace d’une génération a transformé leur vision du monde. « Ils ont voyagé, en Asie, au Moyen-Orient. C’est l’éducation avec un grand E. En dix ans, ils ont perdu la mentalité du village. Et avec cela, l’attitude de déférence est morte », a expliqué Chris Baker. Parallèlement, la décentralisation politique avec l’organisation d’élections au niveau des sous-districts et des provinces à partir de 1997 a permis aux provinciaux à faibles revenus de se rendre compte que les élections pouvaient être efficaces au niveau local. Thaksin Shinawatra a superbement chevauché cette vague en multipliant les promesses puis, une fois élu en 2001, en les tenant. Lui ou ses représentants ont remporté les élections cinq fois de suite.

Le tableau brossé par les deux analystes est celui d’un changement rapide, animé par de nombreux mouvements souterrains, et qui provoque « une peur qui confine à la paranoïa » et « un niveau très élevé d’anxiété ». L’avantage est, selon eux, du côté des Chemises rouges, les partisans du changement social, auxquels ne font face que des forces relativement disparates : un mouvement conservateur des Chemises jaunes en pleine déconfiture, une armée angoissée qui se concentre sur la protection de ses intérêts et des Démocrates qui paraissent incapables de se regrouper pour remporter une élection. Tous deux aussi estiment que l’opportunité récente d’un compromis n’a pas été saisie et est désormais perdue, la classe moyenne souhaitant le retour « à une situation pré-1997 où chacun connaissait sa place ». Enfin en termes voilés, le Britannique et le Thaïlandais ont évoqué le « crépuscule du système », qui, selon Thitinan, ne peut être que « sens dessus dessous » et « déplaisant ».

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Politique Thaïlande

En Thaïlande, le verdict sur les Chemises rouges est reporté

Le cas des accusés qui sont parlementaires sera jugé en novembre. Le verdict pour les dix-neuf autres sera prononcé le 22 août.

Le procès des 24 leaders des Chemises rouges accusés d’avoir violé les conditions de leur libération sous caution a débuté le 9 août à Bangkok dans une enceinte protégée par plusieurs centaines de policiers anti-émeute. Les juges de la Cour pénale ont d’abord décidé de reporter au 22 novembre l’examen du cas des cinq accusés – Weng Tojirakan, Korkaew Pikulthong, Wiphuthalaeng Pattanaphumthai et Karun Hosakul – qui occupent des sièges au sein de l’Assemblée nationale et pourraient bénéficier d’une immunité juridique.

Les juges ont ensuite procédé à l’audition des dix-neuf autres accusés et des témoins. Ces 24 dirigeants des Chemises rouges avaient été accusés de terrorisme après les manifestations d’avril-mai 2010 et emprisonnés. Ils avaient ensuite été libérés sous caution, mais des recours ont été déposés auprès du tribunal affirmant qu’ils avaient violé les conditions de leur libération sous caution, le mois dernier, en critiquant vivement la Cour constitutionnelle alors qu’elle rendait un arrêt sur des projets de loi visant à permettre une réforme constitutionnelle. Parmi les 24 accusés, deux s’étaient distingués : Korkaew Pikulthong, qui avait parlé d’une possible guerre civile si la Cour constitutionnelle prononçait un arrêt défavorable aux Chemises rouges, et surtout l’acteur Jeng Dokjik, qui avait distribué les numéros de téléphone personnels des juges constitutionnels en demandant aux militants de les harceler.

Durant l’audience, Jeng Dokjik a justifié son acte en disant qu’en tant que comédien, il se devait «d’attirer l’attention du public», ajoutant qu’il considérait son geste comme inapproprié. L’audience terminée, le tribunal a fixé la date du verdict au 22 août. Environ 1.000 militants Chemises rouges étaient venus soutenir leurs leaders, mais ils ont été cantonnés en dehors de l’enceinte de la Cour.

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Politique Thaïlande

Thaïlande : la reine Sirikit donne 20 millions de bahts aux victimes de 2010

L’aide de camp adjoint de la reine de Thaïlande a indiqué que celle-ci avait donné 20 millions de bahts aux victimes des affrontements de 2010 dans le quartier de Bon Kai, à Bangkok.

En mai 2010, le quartier de Bon Kai (littéralement, la fosse des coqs de combat) avait été l’un des endroits de Bangkok où les affrontements entre Chemises rouges, partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, et les militaires avaient été les plus intenses. Positionnés sur l’avenue Rama IV à hauteur du pont Thai-Belgium, les militaires armés de fusils d’assaut Tavor et de M-16 avaient fait face plusieurs jours durant aux Chemises rouges, qui s’étaient regroupés en dessous du pont de Bon Kai. Beaucoup d’entre eux, y compris des enfants, étaient venus du bidonville voisin de Klong Toey. Pour la plupart, ils étaient armés de lance-pierres et de bombinettes artisanales, sortes de pétards modifiés. Plusieurs de ces manifestants ont été tués par l’armée.

Selon le quotidien Bangkok Post, l’aide de camp adjoint de la reine, le général Naphon Buntup, a indiqué le 4 août que celle-ci avait donné vingt millions de bahts (512.284 €) pour compenser les pertes matérielles occasionnées lors des affrontements aux habitants de Bon Kai. Pour la plupart, ceux-ci sont des vendeurs ambulants ou tiennent de petites échoppes et n’ont pas enregistré officiellement leur activité commerciale. Selon le général Naphon, les habitants de Bon Kai « ont été submergés de joie quand (il leur a) dit que Sa Majesté connaissait leurs difficultés et avait donné cet argent pour qu’ils achètent de nouveaux équipements ». La reine Sirikit est impopulaire auprès des Chemises rouges car elle est perçue comme ayant pris parti pour les Chemises jaunes (partisans de l’establishment conservateur) en octobre 2008, lorsqu’elle s’est rendue aux funérailles d’Angkhana Radappanyawut, une militante Chemise jaune tuée par la police. Le 80ème anniversaire de la reine tombe le 12 août prochain.

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Analyse Politique Thaïlande

Chronique siamoise : au bonheur des militaires

Le budget de l’armée thaïlandaise a fortement augmenté depuis le coup d’Etat de 2006 alors même que les menaces extérieures sont presque inexistantes. C’est en partie pour préserver ce trésor de guerre que les militaires veulent être partie prenante du jeu politique.

Face à l’intensification des violences dans l’extrême Sud à majorité musulmane de la Thaïlande, le gouvernement a décidé de renforcer le dispositif de sécurité et l’armée a déployé des hélicoptères de combat pour protéger les patrouilles. Comme souvent depuis la résurgence de l’insurrection séparatiste en janvier 2004, l’augmentation du nombre de victimes se traduit par une augmentation du budget des militaires pour faire face à la situation dans les trois provinces, Pattani, Yala et Narathiwat. Depuis 2004, l’armée a reçu 180 milliards de bahts (4,7 milliards d’euros) à ce titre. Mais en termes de sécurité, aucune amélioration n’est visible. Au contraire, les insurgés sont mieux organisés, font des attentats plus ciblés et plus efficaces et semblent toujours avoir un temps d’avance sur les « forces de sécurité » – militaires, rangers et policiers.

Le général Prayuth Chan-ocha, chef de l’armée de terre, a piqué récemment une colère contre les journalistes qui insinuent que les militaires ont intérêt à faire durer l’insécurité dans le Sud pour des raisons budgétaires. Il n’a de cesse de souligner qu’en pourcentage du PIB, le budget militaire est parmi les plus bas de la région. Peut-être serait-ce, de fait, outrancier d’accuser l’armée de faire perdurer l’insurrection, mais il est clair que les demandes de rallonge budgétaire doivent être justifiées. Et l’intensification de la menace est la meilleure des justifications. On a rarement entendu des chefs militaires demander une réduction de leur quote-part parce qu’ils avaient réussi à pacifier une région en proie à la violence. La difficulté d’extirper l’armée indonésienne d’Atjeh après les accords de paix de 2005 l’a illustré.

Où sont partis ces dizaines de milliards de bahts versés à l’armée pour reprendre en main le contrôle du « Sud profond » ? Il est légitime de se poser la question au moment où le FBI thaïlandais indique que des centaines de détecteurs de bombes inefficaces ont été achetés dans des conditions non transparentes et à des prix exorbitants. On se rappelle aussi la campagne extensive du général Pichet Wisaijorn, commandant jusqu’en 2010 de la 4ème armée basée dans le Sud, pour exalter les vertus d’un engrais organique qui résoudrait le « problème du Sud ». On pourrait ajouter à la liste le dirigeable à 350 millions de bahts (9 millions d’euros) qui n’a volé qu’une fois ainsi que bien d’autres exemples.

Il y a de bonne raisons pour les militaires de s’agacer de la surveillance plus étroite de leurs dépenses. Depuis le coup d’Etat de 2006, le budget militaire a rapidement augmenté, même lorsque l’économie s’est ralentie du fait du contexte mondial dépressif en 2008 : 3,2 milliards de dollars en 2006, 3,6 en 2007, 4,1 en 2008, 4,5 en 2009 et 5,1 en 2010. Le graphique ci-dessous montre cette escalade des dépenses, qui fait écho à une augmentation similaire après le coup d’Etat de 1991 (et une forte chute après le renversement du général Suchinda Kraprayoon en mai 1992). En termes de pourcentage du PIB, la Thaïlande, avec 1,44 % en 2011, se trouve derrière Singapour (4 %), mais bien au-dessus de l’Indonésie (1 %). Toutefois si la cité-Etat, dont l’armée bien entraînée a la responsabilité de protéger le détroit de Malacca et de contrer les éventuelles menaces d’une Malaisie hostile, peut justifier son important budget par les menaces extérieures, il n’en est pas de même pour l’armée thaïlandaise.

La seule menace extérieure de ces dernières années, liée aux tensions avec le Cambodge sur la zone contestée autour du temple de Preah Vihear, semble plus une menace inventée qu’un danger réel : la crise aurait pu être calmée de manière diplomatique si les politiciens thaïlandais, au premier rang desquels les membres du parti Démocrate (au pouvoir entre décembre 2008 et juillet 2011), n’avaient pas constamment jeté de l’huile sur le feu. En proportion du PIB, le budget militaire thaïlandais converge vers le niveau de la très aguerrie armée vietnamienne, forte d’environ un million d’hommes dans les années 1990, et qui est passée d’un niveau budgétaire de 8 % du PIB en 2001 à 2,1 % en 2011 (à titre de comparaison, l’armée thaïlandaise comprend 190.000 hommes). Il est vrai que cette augmentation budgétaire en Thaïlande s’explique en partie par la nécessité de remettre à neuf des équipements usagés, tels que les hélicoptères UH-1 Huey.

La corruption est présente au sein de l’appareil militaire thaïlandais comme au sein de nombreuses administrations du pays. En revanche, si l’on sait en gros comment les pots-de-vin circulent et sont redistribués au sein de la police, les circuits financiers sont beaucoup plus opaques au sein de l’armée. Un élément ne fait guère de doute : ces pots-de-vin sont surtout versés à très haut niveau et consistent avant tout en commissions lors des achats d’armements, selon une pratique répandue dans de nombreux pays, ce qui explique que l’armée thaïlandaise se retrouve avec un porte-avions qui reste en rade, des dirigeables qui ne volent pas et des chars d’assaut dont les tourelles se fissurent après quelques coups de canon.

Ces combines s’expliquent en partie par les faibles salaires des officiers supérieurs – des salaires totalement en inadéquation avec le prestige social de leur fonction. Un général de brigade thaïlandais gagne 62.000 bahts par mois (1.600 euros), mais il lui faudra au moins dépenser le double pour mener un train de vie qui lui permettra de « conserver la face ». Outre les possibilités d’arrondir les fins de mois avec des commissions, un autre avantage des officiers thaïlandais est d’appartenir à un sous-ensemble social bénéficiant de multiples privilèges, des clubs de golf militaires aux stations balnéaires réservées en passant par une quasi-immunité juridique. L’armée en Thaïlande demeure un Etat dans l’Etat et est bien décidée à se battre bec et ongles pour que cela reste ainsi.