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Analyse Asie Indonésie

La saga d’Umar Patek, terroriste et démolisseur

Depuis le 13 février, au tribunal de Jakarta ouest, se déroule le procès de celui qui a fabriqué les bombes de l’attentat qui a fait 202 morts à Bali en 2002.

Umar Patek, 42 ans, javanais, est le fils d’un modeste commerçant de viande de chèvre. Il n’a sûrement pas suivi l’exemple de son père. Jeune, il a quitté l’Indonésie pour se rendre en Afghanistan dans des camps d’entrainement d’Al Qaïdah. Devenu expert en explosifs, il a été apparemment impliqué dans une série d’attentats en Indonésie, le soir du réveillon de Noël 2000. Il a admis avoir  fabriqué les deux bombes qui ont explosé dans un bar et une boîte de nuit à Kuta (Bali) le 12 octobre 2002, faisant 202 victimes, dont 88 Australiens, et des douzaines d’invalides à vie.

Ses empreintes digitales ont été retrouvées dans la maison où les bombes ont été assemblées, à Denpasar, chef-lieu de Bali. Toutefois, celui que la presse appelle «Demolition Man»  affirme qu’il n’a pas participé à la pose des bombes. Il a également déclaré n’avoir aucun lien avec Al Qaïdah. Il n’avait, dit-il, aucune ambition de rencontrer Oussama Bin Laden lorsqu’il a été arrêté à Abbottabad (Pakistan) en mars 2011, soit deux mois avant le raid américain contre le domicile du leader d’Al Qaïdah, non loin de là.

Les démentis et les affirmations d’Umar Patek ont été mis à mal, le 19 avril, par la déposition d’un agent de FBI américain, Frank Pellegrino, lequel a affirmé que Patek, lors d’un séjour aux Philippines, avait déclaré à des compagnons qu’il souhaitait retourner en Afghanistan et au Pakistan pour y travailler avec Bin Laden. Patek a été un proche de deux hommes aujourd’hui prisonniers des Américains : Khalid Sheikh Mohammed, l’ancien chef de la propagande d’Al Qaïdah, et Hambali, arrêté en Thaïlande en 2003 et auparavant principal opérateur de la Jemaah Islamiyah, réseau terroriste en Asie du sud-est.

Spécialiste de l’assemblage de bombes, qu’il a enseigné au gré de ses pérégrinations, Patek a séjourné à plusieurs reprises dans le sud des Philippines. Entre 1996 et 1998, il a été un compagnon du Front moro islamique de libération (Fmil) à Mindanao. Après l’attentat de Bali, il y est retourné pour se placer sous la protection du Fmil ou d’Abou Sayyaf. Beaucoup plus tard, en 2009, en compagnie de son beau-frère Dulmatin, il a participé aux attentats contre deux grands hôtels de Jakarta.

A la suite de ces attentats, Dulmatin s’est réfugié dans un camp clandestin d’entrainement à Atjeh, détruit par la police en février 2010. Dulmatin lui-même a été abattu le mois suivant à Jakarta par une unité anti-terroriste indonésiene. De son côté, Umar Patek a réussi à s’enfuir vers le Pakistan, où il a été arrêté et d’où il a été extradé en août 2011. Son procès reprend le 23 avril à Jakarta.

Jean-Claude Pomonti

 

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Analyse Asie Philippines Viêtnam

Loi du plus fort en mer de Chine du Sud

La Chine poursuit son grignotage en mer de Chine du Sud, quelles que soient les objections avancées par les autres pays riverains, beaucoup plus faibles.

Voilà quelques jours, à proximité de Scaborough, petit ensemble de bancs de sable et de récifs situé à proximité de Luçon, donc largement à l’intérieur de la zone économique exclusive des Philippines, un face-à-face s’est terminé de façon édifiante. Huit bateaux de pêche chinois ont pu repartir, leurs soutes pleines de poissons et coquillages, sous la protection de trois bâtiments chinois armés, dépendant officiellement d’un service chinois chargé de l’«application de la loi sur la pêche.» Manille ne fait pas le poids.

La position officielle de Pékin : plus de 80% des eaux de la mer de Chine du Sud nous appartiennent et nos bateaux ont le droit de pêcher où bon leur semble. Résultat : les eaux poissonneuses des Philippines sont pillées ; faute de moyens, un petit voisin de la grande Chine est contraint à une retraite qui n’est pas la première. Ironie de l’affaire : les manœuvres conjointes auxquelles participent ces jours-ci, sur la grande île philippine de Palawan, six mille soldats, dont quatre mille américains, n’ont pas empêché Pékin de poursuivre ses provocations.

Forte d’un budget militaire officiellement, cette année, de plus de 70 milliards d’€, la Chine continue son grignotage en mer de Chine du Sud. Le Vietnam est exaspéré : les bâtiments armés du service chinois de la pêche saisissent ses bateaux, avec leurs équipages, et les hommes arrêtés ne sont rendus que «contre rançon». Le 3 mars, la Chine a arraisonné deux bateaux de pêche vietnamiens dans les eaux de l’archipel des Paracels, à la hauteur du port de Da-Nang (Vietnam central), avec 21 hommes à bord, originaires du district de Ly Son, province de Quang Ngai. Les prisonniers ont rejoint dans les geôles chinoises 170 autres pêcheurs, originaires du même district, arrêtés en 2011 à bord de leurs onze bateaux.

Hydrocarbures

La Chine a fait objection à la signature, le 5 avril, d’un contrat entre le géant russe Gazprom et PetroVietnam concernant l’exploration conjointe de deux blocs qui se trouvent dans le bassin de Nam Con Son (Poulo Condore), soit au large du delta du Mékong et entièrement dans la zone économique exclusive du Vietnam. En 2009,  en dépit d’un accord avec Hanoi, British Petroleum avait renoncé à explorer ces deux blocs. Des câbles diplomatiques américains, diffusés par Wikileaks, ont révélé que les compagnies pétrolières occidentales présentes en Chine faisaient l’objet de fortes pressions chinoises pour ne pas intervenir en mer de Chine du Sud à la suite d’un contrat avec le Vietnam. En revanche, l’ONGC, compagnie d’Etat indienne, n’a pas renoncé à l’accord de coopération avec PetroVietnam signé en novembre 2011 et aussitôt dénoncé par Pékin.

La Chine continue de pousser ses pions en mer de Chine du Sud en se contentant de références historiques controversées. En 1974, donc avant la victoire communiste vietnamienne de 1975, l’armée chinoise avait chassé manu militari de l’archipel des Paracels une garnison sud-vietnamienne. Depuis ce raid accueilli par les Vietnamiens comme un coup de poignard dans le dos, Pékin a aménagé les Paracels et, plus récemment, intégré cet archipel dans son administration.

Dans l’archipel des Spratleys, plus au sud, sont présents cinq Etats : Chine, Vietnam, Philippines, Malaisie et Taïwan. Aucun règlement négocié ne se profile à l’horizon : comme l’Asean s’avère incapable d’adopter une position commune sur le différend, notamment en raison des pressions exercées par la Chine sur quelques membres, Pékin poursuit son grignotage. Jusqu’au jour où un incident plus grave que les autres incitera les Etats-Unis, qui ont déjà manifesté leur préoccupation en 2010, à s’intéresser de plus près à ce qui est déjà le plus grave contentieux maritime en Asie du sud-est.

Jean-Claude Pomonti

 

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Analyse Asie Timor Leste

Ceux qui ont porté le poids de l’espérance

Qu’y a-t-il de commun entre l’Etat du Timor Leste, indépendant depuis 2002, et la province indonésienne d’Atjeh, autonome depuis 2005 ? Beaucoup.

Des élections viennent d’avoir lieu dans les deux territoires. Au Timor Leste ou Timor Oriental, un troisième président a été élu le 16 avril, de son nom de guerre Taur Matan Rauk, un ancien chef de guérilla. A Atjeh, c’est un ancien ministre des affaires étrangères d’un gouvernement en exil, Zaini Abdullah, qui a été élu gouverneur le 16 avril. Il appartenait au GAM, une guérilla indépendantiste.

Colonisés par le Portugal, les Timorais de l’est, 1,2 million d’individus aujourd’hui, ont été victimes d’une occupation militaire brutale de l’Indonésie de 1975 à 1999 (200.000 morts à la fin des années 70 ; aucun moyen de s’en débarrasser tant que Suharto était au pouvoir en dépit du fait que l’ONU n’a jamais reconnu cette annexion).

Les relations entre Atjeh, près de cinq millions d’habitants en 2012, et l’Indonésie sont plus ambigües. Si le GAM, créé en 1979, a été une guérilla indépendantiste, les Atjehnais ont surtout lutté contre «l’impérialisme javanais» (les Javanais forment près des deux tiers de la population indonésienne) et ont finalement accepté, après la catastrophe du tsunami de 2004, un compromis avec Jakarta qui leur accordait une large autonomie, laquelle n’est pas entièrement respectée.

Que les premières autorités élues des deux territoires soient issues des mouvements de résistance est dans la logique des choses, qu’il s’agisse d’anciens guérilleros ou d’anciens exilés. Ils ont été porteurs de l’espérance. José Ramos-Horta (président de 2007 à 2012, réfugié en Australie) a été la voix du Timor Oriental lors de l’occupation indonésienne. Zaini Abdullah a été, de son côté, le ministre des affaires étrangères d’un gouvernement atjehnais en exil et, à ce titre, a négocié l’accord d’Helsinki du 15 août 2005 avec le gouvernement indonésien. Depuis, le premier gouverneur d’Atjeh, Irwandi Yusuf, élu en 2006, a également été un membre du GAM (jeté en prison en 2003, il a pu s’en échapper lors du tsunami).

Toutefois, comme l’a dit et répété Xanana Gusmao, héros de la résistance timoraise, les anciens résistants font rarement de bons gestionnaires. Ainsi expliquait-il, voilà plus de dix ans, ses réticences à l’égard de toute fonction publique, ce qui ne l’a pas empêché d’être président (2002-2007) et d’être encore aujourd’hui chef du gouvernement. Mais, quand une élite est si restreinte, comment faire autrement ?

Les deux territoires regorgent de richesses. Dans le cas d’Atjeh, les bénéfices de leur exploitation ont abouti, jusqu’en 2005 au moins, dans les poches de Jakartanais et de multinationales. Au Timor Oriental, les gens n’ont rien vu venir jusqu’aux premiers deniers rapportés par les hydrocarbures après l’indépendance. Les populations sont pauvres – et même très pauvres dans le cas des Timorais. En outre, des décennies de sacrifices n’empêchent pas, la paix revenue, les divisions de refleurir et la corruption officielle de reprendre ses aises et les silhouettes des porteurs d’espérance de s’estomper.

Jean-Claude Pomonti      

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Asie Laos

Le drame de la sécurité alimentaire

Un milliard d’individus sur sept souffre de l’insécurité alimentaire. Ce problème est d’actualité dans certaines zones de l’Asie du sud-est et la réponse n’est pas facile.

Au Laos, pays pauvre, les investissements étrangers sont les bienvenus car ils peuvent être porteurs de transferts de technologie et de développement des infrastructures. Du coup, «les multinationales élargissent leur champ d’intervention – provisions de nourriture, alimentation animale, biocarburants, bois, minerais», selon le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CFS), organe de la FAO. La défense des intérêts des locaux est alors une «préoccupation-clé».

Ce serait notamment le cas, au Laos, en ce qui concerne les investissements de deux voisins, la Chine et le Vietnam, et au Cambodge, concernant l’acquisition par le Koweït de cinquante mille hectares de terres arables. Les risques d’abus sont évidents : réduction des terres coutumières, compensations insuffisantes en cas d’expulsions, transformation de paysans pauvres en ouvriers agricoles sans terres, etc.

Dans certains cas toutefois, pour des raisons écologiques, des multinationales sont contraintes de renoncer à leurs projets. En 2009, une société saoudienne a dû abandonner le projet de planter du riz sur un demi-million d’hectares en Papouasie indonésienne et les Chinois ont renoncé à planter des palmiers à huile sur un million d’hectares à Kalimantan (partie indonésienne de l’île de Bornéo).

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Asie Indonésie

Le N°2 nord-coréen attendu en juin à Jakarta

Accompagné de plusieurs ministres, Kim Yong-nam devrait se rendre à Jakarta pour s’y entretenir avec le président indonésien de questions de sécurité collective.

Le ministre indonésien des affaires étrangères a confirmé au Jakarta Post que des échanges «intensifs» entre Jakarta et Pyongyang avaient eu lieu «depuis quelque temps». Selon le même quotidien anglophone, une source proche du président Susilo Bambang Yudhoyono (SBY) indique que la rencontre pourrait avoir lieu en juin.

Agé de 84 ans, Kim Yong-nam est le président de l’Assemblée populaire suprême de Corée du Nord. Il est également le principal émissaire du régime et, à ce titre, s’est déjà rendu à deux reprises en Indonésie depuis le tournant du siècle : en 2002, pour y rencontrer la présidente Megawati Sukarnoputri (dont le père, Sukarno, avait été un ami de Kim Il-sung) ; et en 2005 à l’occasion de la Conférence afro-asiatique. Mais, le cas échéant, une troisième visite pourrait indiquer, dans le contexte actuel, que Pyongyang cherche à reprendre des contacts avec l’extérieur et n’est donc pas entièrement réfractaire à des négociations.

En 2006, SBY avait renoncé à se rendre à Pyongyang à la suite d’un tir de missile nord-coréen. Mais SBY souhaite que, cette fois-ci, la visite de Kim «se matérialise, compte tenu de l’importance de la Corée du Nord pour la sécurité mondiale», a déclaré l’un des porte-parole du chef de l’Etat. Avec la promotion toute récente du jeune Kim Jong-un, le vieux Kim Yong-nam pourrait jouer un rôle plus important.

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Analyse Asie

L’absence de la France

La France en Asie du sud-est ? Question déplacée, en pleine campagne électorale. C’est vrai. Ce qui l’est également : à quoi sert-il encore de la poser ?

Les internautes français inscrits dans un consulat à l’étranger reçoivent une avalanche de courriels envoyés par les équipes des principaux candidats à l’élection présidentielle du 22 avril. A Singapour, à Bangkok ou à Hanoï, tant de sollicitude invite à la mélancolie…  Jamais les résidents français, jamais les touristes français n’ont été si nombreux en Asie du sud-est. Et jamais leur pays – et ce qu’il représente à leurs yeux de culture, de foi et, pourquoi pas, d’intelligence – n’a été si absent.

Certes, en 2012, Alain Juppé s’est rendu à Rangoon pour y saluer Aung San Suu Kyi et Ségolène Royal a assisté à l’ouverture du festival franco-vietnamien de Hué. Certes, les enjeux d’une campagne électorale – présidentielle, puis parlementaire – sont prioritaires et, de toute manière, l’Asie du sud-est ne l’est pas aux côtés, par exemple, de l’Extrême Orient. Certes, avec les contraintes de l’austérité, les budgets, notamment culturels, fondent.

Toutefois, la préoccupation essentielle est autre : c’est la courbe régulièrement ascendante du désintérêt français pour des relations substantielless avec cette région qui compte 600 millions d’habitants, dont l’économie est l’une des plus dynamiques de la planète et avec laquelle la France entretient des liens non-négligeables, ceux qui survivent à la fin des empires et qui sont d’estime.

La relance dans les années 90

Quand il était chef de l’Etat et en dépit de son manque d’atomes crochus avec la région, François Mitterrand s’était rendu à deux reprises en Asie du sud-est. En 1986, il avait visité l’Indonésie. En 1993, en dépit de la maladie qui devait l’emporter deux ans plus tard, il s’était rendu au Viêtnam. Il avait fait saut à Diên Biên Phu («une erreur», avait-il dit), s’était promené dans les rues de Hanoi et avait qualifié d’ «anachronisme» un embargo économique américain encore vigueur (il sera levé en 1994). Dans la foulée, il avait visité le Cambodge. Surtout, c’est sous la présidence de Mitterrand que la coopération française avec les anciens États d’Indochine a été relancée.

Cet effort a été poursuivi par Jacques Chirac qui, lui, était un mordu de l’Asie de l’est. Dès 1996, il s’est rendu à Singapour pour y dire son message à l’Asie et, à Bangkok, pour y créer l’Asem, le forum de dialogue entre l’Europe et l’Asie (également présent, le chancelier allemand Helmut Kohl lui a laissé la vedette). En 1997, Chirac est retourné à Hanoï, pour la énième fois, à l’occasion d’un sommet de la francophonie. Et Chirac s’est rendu une dernière fois à Bangkok, en 2006, à l’invitation du roi Bhumibol.

Il reste que la volonté de rétablir des liens avec l’Asie du sud-est, sensible dans les années 90, s’est émiettée au tournant du siècle. Elle est devenue quasi-inexistante sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Des visites ministérielles ont lieu de temps à autre, rapides et sans passion. Et pourtant ! Quelque dix mille ressortissants français sont aujourd’hui installés à Singapour. Il y en a autant en Thaïlande.

Une image floue

L’Ecole française d’Extrême Orient, présente de Hanoï à Jakarta, de Chiang Mai à Angkor, de Bangkok à Phnom Penh – et demain, pour la première fois depuis 1975, à Hô-Chi-Minh-Ville –, conserve un rôle culturel important dans la région. La France demeure, à l’étranger, le principal centre de diffusion d’une littérature contemporaine vietnamienne de qualité. Les Français sont considérés, en Asie du sud-est, comme les meilleurs financiers, les meilleurs voyagistes. Les produits de luxe français connaissent, comme ailleurs, un franc succès auprès des élites enrichies de la région.

Au lieu de stimuler ces efforts, les pouvoirs publics français semblent s’en désintéresser comme si l’Asie du sud-est ne figurait plus dans leur champ d’optique. Huit ans après la débâcle de Diên Biên Phu, de Gaulle avait renoué avec l’Asie en rétablissant le lien avec Pékin. Au lendemain de la chute du Mur de Berlin, Paris avait joué un rôle dans l’ouverture des ex-Etats indochinois. Qu’en reste-t-il ? C’est difficile à dire. Peut-être, une image floue. De plus en plus floue ?

Jean-Claude Pomonti

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Asie Politique

Corée du Nord: l’humiliation et l’aveu

Le pétard mouillé du 13 avril est une humiliation pour Kim Jong-Un à noyer dans les fastueuses célébrations du centième anniversaire de Kim Il-Sung.

 Contrairement à ce qui s’est passé en 2009, Pyongyang a dû admettre, cette fois-ci, l’échec du lancement d’une roquette en raison de la présence de dizaines de journalistes étrangers. Un échec chiffré à près d’un milliard d’€, si l’on inclut la facture de la mise en place de l’aire de lancement. On peut ajouter à la note les 240 000 tonnes d’aide alimentaire dont Washington a suspendu l’envoi dès l’annonce du lancement de ce que la Corée du Nord présente comme une roquette chargée de placer en orbite un satellite et qui, selon les Américains, est un missile intercontinental susceptible de transporter, à terme, l’arme nuclaire.

 Pour le jeune Kim Jong-Un, qui vient d’être nommé président la puissante Commission de la défense nationale, la pente à remonter s’annonce dure : perte de face, démonstration d’incompétence, signaux négatifs envoyés non seulement au Conseil de sécurité de l’ONU et aux Etats-Unis mais également au protecteur chinois. Pour le régime nord-coréen, dont la culture n’est faite que d’éblouissants succès, l’admission d’un échec est plus désastreux que l’échec lui-même.

 Le petit-fils du fondateur du régime va tenter de noyer l’humiliation dans les fastes prévus le 15 avril. Le soulagement général, y compris en Asie du sud-est, souligne l’isolement croissant du régime nord-coréen au moment où le jeune Kim Jong-Un tente de consolider son pouvoir. Ce qui, à moyen terme, n’est guère rassurant.

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Asie Politique

Le fiasco nord-coréen

Le missile lancé par la Corée du nord, tôt dans la matinée du 13 avril 2012, s’est aussitôt abimé, selon Séoul, Tokyo et Washington.

L’annonce d’un tir nord-coréen avait inquiété l’Asie et contraint au détournement d’une vingtaine de vols commerciaux. Toutefois, selon un porte-parole du ministère sud-coréen de la défense, la roquette – de type Unha-3 et lancée à Sohea, près de la frontière chinoise – «s’est désintégrée en plusieurs morceaux et a plongé plusieurs minutes après son décollage». Washington et Tokyo ont également évoqué un échec et confirmé qu’il s’agissait d’un missile de portée intercontinental et susceptible, à terme, de transporter une tête nucléaire. Pyongyang affirme que l’essai avait pour objet de placer en orbite un satellite (les deux essais précédents, en 1998 et en 2009, ont également échoués).

Pour la première fois, plus d’une centaine de journalistes étrangers ont été invités à assister au lancement ainsi qu’à la célébration, le 15 avril, du centième anniversaire de la naissance de Kim Il-Sung, fondateur du régime et grand-père de Kim Jong-Un, l’actuel leader nord-coréen. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir rapidement pour réagir à ce que beaucoup considèrent comme une violation d’une résolution adoptée en 2009, après le deuxième essai nord-coréen. Les Etats-Unis, qui ont menacé de suspendre leur aide alimentaire à la Corée du Nord, estiment que le fiasco prouve l’efficacité de sanctions qui ont empêché Pyongyang de compléter son programme.