La lutte pour le renouvellement de la direction du PC chinois en 2013 bat déjà son plein. L’Asie du Sud-Est n’a rien à y gagner.
Le Premier ministre chinois Wen Jiaobao est un habitué des appels pressants aux réformes. Mais pourquoi, le 13 mars, alors qu’il se trouve à un an de la retraite et que son influence au sein du PC est jugée limitée, est-il allé jusqu’à mettre en garde contre un retour aux «erreurs» de la Révolution culturelle ? La réponse ne s’est pas fait attendre. Elle est venue dès le lendemain avec l’annonce du limogeage de Bo Xilai, le patron communiste de Chongqing. Au sein du PC, la crise est donc ouverte à un an du renouvellement de sa direction.
Charismatique et autoritaire, Bo Xilai, 62 ans, fils d’un héros de 1949, est qualifié de néo-maoïste en raison de son opposition à un capitalisme qu’il juge maffieux et débridé. Il est populaire auprès de la trentaine de millions d’administrés de Chongqing. Mais, au sein de la direction chinoise, il l’est beaucoup moins. Elle lui préfère Wang Yang, 56 ans, patron à Guangdong dans le sud, un homme de dialogue, qui fait beaucoup moins peur.
Ces manœuvres sont l’illustration de la lutte intense pour les postes à prendre lors du prochain Congrès du PC, en 2013, qui verra l’accession au pouvoir d’une nouvelle génération de dirigeants. Mais elles sont aussi le reflet d’une querelle d’écoles au sein d’un PC qui conserve le monopole du pouvoir : d’un côté, les nostalgiques d’un pouvoir plus centralisé, aux méthodes plus brutales, comme Bo Xilai ; de l’autre, les héritiers des Quatre modernisations, dans la ligne de la direction sortante.
La bataille continue
Bo Xilai vient de perdre une manche, parce que son ancien adjoint Wang Lijun, affolé à l’idée d’être éliminé pour corruption par son ancien patron, s’est réfugié pendant une nuit en février au Consulat américain de Chongqing (les services de sécurité chinois l’ont escorté dans la foulée à Pékin où il est emprisonné). Mais il ne s’agit, semble-t-il, que d’une première manche. La bataille n’est pas terminée.
A défaut de provoquer une implosion du PC, ces querelles devraient au moins affaiblir la direction de la Chine. Elles n’auront, toutefois, qu’une influence limitée sur une politique étrangère dominée par la poursuite d’une montée en puissance. Le raidissement sensible depuis l’élection de Barack Obama devrait même en être encouragé. Pékin a annoncé, le 4 mars, que son budget de la défense bénéficierait d’une augmentation de 11,2%, conformément à la pratique observée depuis une dizaine d’années (Obama avait indiqué en novembre, que les coupes dans les crédits militaires américains n’affecteraient pas la région Asie-Pacifique).
Pressions croissantes
La priorité de Pékin est la protection de ses zones côtières de production et de ses voies de ravitaillement par mer, à commencer par le contrôle, en Asie du sud-est, des eaux de la Mer de Chine du Sud (la Mer de l’Est, disent les Vietnamiens). Le Vietnam a encore protesté, le 16 mars, contre une violation de ses eaux territoriales par les Chinois : ces derniers ont ouvert l’exploration pétrolière, au sud de l’île chinoise de Hainan, dans les eaux des Paracels, un archipel dont l’armée chinoise a chassé la garnison vietnamienne en 1974 et qui se situe à la hauteur du port de Da-Nang (Vietnam central).
Les Chinois font pression sur le gouvernement birman pour qu’il revienne sur l’abandon, en 2011, de la construction d’un barrage chinois sur l’Irrawaddy. La pénétration chinoise, à la périphérie méridionale de son territoire, est sensible jusqu’au Sri-Lanka, dans l’Océan indien. Quels que soient les résultats de la lutte politique engagée à Pékin, les voisins de la Chine n’ont aucune raison de s’en réjouir, ne serait-ce que parce que aucun dirigeant ne veut être accusé de faiblesse en politique étrangère. Et que, en cas de besoin, la diplomatie est un bon moyen pour reléguer au second plan des tensions internes.
Jean-Claude Pomonti