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Le Japonais Shinzo Abe en session de rattrapage au Vietnam

Shinzo Abe est attendu à Hanoï le 16 janvier, son premier voyage à l’étranger depuis sa victoire électorale. Il se rendra également en Thaïlande et en Indonésie.

Le premier ministre nippon va-t-il, à l’instar d’Hillary Clinton en 2009, annoncer que le Japon est «de retour»? En tout cas, il n’en sera pas loin. «Le Japon devrait reconnaître ses nouveaux rôles » et «contribuer à la coopération régionale en Asie de l’Est ; faute de quoi, il se retrouvera à la traîne», estiment,  dans une analyse publiée par le RSIS (Rajaratnam School of International Studies, Singapour, www.rsis.edu.sg), deux experts, Mushahid Ali et Hiro Katsumata.

De quels «nouveaux rôles» s’agit-il ? Pendant sa campagne électorale, Shinzo Abe a annoncé «la renaissance de la diplomatie du Japon» et avancé une liste de 38 initiatives. En font partie, écrit Ken Jimbo de l’université Keio sur le site de l’East Asia Forum, le rétablissement du Conseil national de sécurité, le renforcement des «forces d’auto-défense» (l’armée nippone) ainsi que l’installation permanente de fonctionnaires sur les îles Sekaku (Diaoyu), objet d’un contentieux avec la Chine et que le gouvernement japonais vient de racheter à des propriétaires privés.

En Asie du sud-est, le Japon dispose de quelques à-valoir. Il en a été le principal partenaire jusqu’au tournant du siècle et la locomotive du développement du sous-continent. Avant l’émergence de la Chine, le «miracle asiatique» a été le fait du Japon et, dans son sillage, des «quatre tigres» (Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour) suivis par les «trois bébés tigres» : Malaisie, Thaïlande et Indonésie.

L’aide et les investissements japonais dans le sous-continent se sont élevés à des centaines de milliards de dollars et ont contribué à façonner des économies tirées par leurs exportations. Les sociétés japonaises sont encore omniprésentes en Asie du sud-est et c’est l’une des raisons pour lesquelles Tokyo resserre aujourd’hui ses liens avec Hanoï, capitale d’un pays demeuré longtemps en marge du développement économique.

Ken Jimbo rappelle que lors de son précédent passage à la tête du gouvernement, Shinzo Abe avait, en 2006-2007, réussi une percée diplomatique avec la Chine, fondant les relations bilatérales «sur des intérêts stratégiques communs». Cette fois, dit-il, «si le pragmatisme prévaut dans les orientations de la politique étrangère d’Abe, le Japon disposera d’un potentiel important pour rehausser son profil diplomatique». Ce serait un moyen d’effacer deux décennies de stagnation et de diplomatie feutrée dont la Chine a profité pour doubler le Japon. Affaire à suivre.

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Asean : un Vietnamien à la barre en pleine période de crise

Rééquilibrage américain, poussée chinoise, communauté économique en 2015, le Vietnamien Lê Luong Minh, nouveau secrétaire général de l’Asean, ne va pas chômer.

Pour succéder à Surin Pitsuwan, ancien parlementaire et ancien ministre des affaires étrangères de Thaïlande rompu aux négociations, l’Association des nations de l’Asie du sud-est a choisi comme secrétaire général un vétéran de la diplomatie du Vietnam, Lê Luong Minh, 61 ans, formé en Inde (université Jawaharlal Nehru, New Delhi), ambassadeur à l’ONU pendant sept ans (dont un an à la présidence du Conseil de sécurité en 2008-2009), et vice-ministre depuis.

C’est la première fois que le secrétariat général, dont le siège est à Jakarta, est confié à l’un des quatre Etats membres admis au sein de l’Asean après la fin de la Guerre froide (le Vietnam en 1995, la Birmanie et le Laos en 1997, le Cambodge en 1999). En outre, le secrétariat et la présidence annuelle de l’Asean (assurée par Brunei) se retrouvent, en 2013, entre les mains de deux des quatre Etats membres directement impliqués dans le contentieux en mer de Chine du Sud (les deux autres sont les Philippines et la Malaisie).

Lors de sa prise de fonctions le 9 janvier, Minh s’est d’ailleurs empressé de déclarer vital d’accélérer la négociation avec la Chine d’un Code de conduite en mer de Chine du Sud, dont le principe a été adopté voilà dix ans déjà. Cette position, acceptée par les dix Etats membres de l’Asean, aura donc un effet rassurant quand on sait que Pékin continue d’exercer des pressions quotidiennes sur Hanoï dans des eaux que les Vietnamiens appellent la mer de l’Est.

Le mandat de quatre ans de Minh correspond à la phase finale – et très délicate – de la mise en place par l’Asean d’une communauté économique rassemblant plus d’un demi-milliard de gens, soit 8% de la population mondiale. «Le flot plus ouvert d’investissements, de capitaux, de travail, de biens et de services vont poser différents défis et vont offrir différentes opportunités aux Etats membres», a-t-il estimé le 9 janvier, selon le Straits Times de Singapour, en prévenant que l’intégration ne sera pas complète sans une réduction des écarts de développement au sein de l’Association.

Face à une Chine voisine et très entreprenante, plusieurs Etats de l’Asean ont accueilli favorablement ce que Barack Obama a d’abord présenté comme le «pivotement» des Etats-Unis vers l’Asie et qu’il définit aujourd’hui comme un «rééquilibrage» dans tous les domaines. Ce face-à-face entre les deux éléphants de l’Asie-Pacifique sera d’autant plus difficile à gérer pour Minh que son secrétariat général dispose de moyens très limités. En passant le relais à Minh, Surin a déclaré que la décennie en cours compte beaucoup plus de défis que la précédente. «Les superpuissances arrivent. Nous sommes le centre de gravité de la planète. Nous ne pouvons écarter personne. Nous pouvons seulement gérer les relations pour contribuer à l’équilibre stratégique que nous souhaitons voir se déployer ici».

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Philippe Picquier lance la collection l’Asie immédiate

L’éditeur d’Arles, spécialiste de l’Asie, enrichit sa gamme de publications avec une nouvelle collection de poche, L’Asie immédiate. L’objet : la géopolitique.

Bonne nouvelle, L’Asie immédiate, collection dirigée par l’historien du Japon Jean-Marie Bouissou, est lancée le 3 janvier. Deux ouvrages collectifs seront en librairie dès le lendemain : Les Géants d’Asie en 2025, de Bouissou, François Godement et Christophe Jaffrelot ; et Internet en Asie, par Karyn Poupée, Séverine Arsène, Alexandra Soulier, Ingrid Therwath et Jean-Marie Bouissou.

L’objectif de cette collection est de mettre «à la disposition des experts comme du grand public une analyse des grands problèmes qui se posent en Asie, particulièrement la Chine, le Japon et l’Inde». Le premier ouvrage est une étude prospective des ces «trois grands», une tentative de savoir où ils en seront  dans une douzaine d’années. Le second porte sur l’effet de la Toile sur un continent où les populations d’internautes sont exponentielles, y compris dans des économies émergentes comme la Malaisie, le Vietnam et l’Indonésie.

Les statistiques, écrivent les auteurs, «ne corroborent pas vraiment l’idée d’une ‘relation naturelle’ entre la pénétration et les avancées de la démocratie, du moins en Asie». Philippe Picquier a donc choisi de créer un pôle de réflexion sur le devenir de ce vaste continent parce que l’Histoire pourrait s’y écrire, en grande partie, au XXIème siècle. Vaste chantier.

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L’Asie à l’honneur, Chine en tête et Sud-Est dans la foulée

Publié le 10 décembre, l’un des rapports les plus crédibles sur l’état du monde donne la vedette à l’Asie, avec la Chine comme locomotive. Prudence…

Les médias internationaux font leurs manchettes de «Global Trends 2030», un rapport américain fourni tous les quatre ans et pour la cinquième fois par les seize agences américaines de renseignements et avec le concours d’experts privés et étrangers, selon la BBC. L’objet de ce rapport, dont la publication coïncide avec un nouveau mandat présidentiel américain, a pour objet non de prédire l’avenir mais d’aider le pensionnaire de la Maison blanche et la classe politique américaine à gérer leur pays.

Cette fois-ci, préparé par le NIC (National Intelligence Council, organe d’analyse de l’Office of the Director of National Intelligence), le rapport annonce tout bonnement que, «quelques années avant 2030», l’économie chinoise sera «probablement» devenue la première de la planète, devant l’américaine. En 2030, «l’Asie disposera d’un pouvoir ‘dans l’ensemble’ supérieur à celui des Etats-Unis et de l’Europe réunie si l’on fait intervenir le nombre d’habitants, le PIB, les dépenses militaires et l’investissement technologique». Bien entendu, dans ce recentrage du pouvoir et compte tenu de leur propre dynamisme, les pays d’Asie du sud-est auront leur place, notamment l’Indonésie, le Vietnam, les Philippines, la Birmanie, la Malaisie et Singapour.

Toutefois, lors de la présentation du rapport à la presse, Matthew Burrows, qui en est le principal auteur, a précisé, à propos de la Chine, que «disposer de la plus importante économie ne signifie pas forcément être la superpuissance». Selon Bruce Jones, directeur du projet Managing Global Order (Brookings Institution, Washington), cité par ABC,  «l’inquiétude n’est pas de se retrouver avec une Chine forte, une Asie forte, mais plutôt d’avoir une Chine faible et ce que cela signifierait si elle ne pouvait pas accomplir la transition vers une économie avancée».

« Si les choses se passent mal, se demande-t-il, de quelle façon cela influencera le comportement de la Chine à l’égard de ses voisins ?». Pendant sa période de première puissance, soit pendant au moins les 70 dernières années, les Etats-Unis ont eu l’avantage d’avoir des voisins peu compliqués. L’Asie ajoute Jones, est «une région très compliquée pour la Chine».

Le rapport souligne que les principales tendances qu’il dessine peuvent connaître des dérapages : l’effondrement de l’euro et de l’Europe ; une «pandémie» de guerres nucléaires; un effondrement de l’économie chinoise. Et il ne doute guère de l’intervention d’une cyber-guerre, les pays cherchant à protéger leurs infrastructures. Il calcule également que, dans deux décennies, les Etats-Unis auront atteint leur indépendance énergétique, que la population urbaine va continuer de grimper rapidement et que la planète deviendra une somme de sociétés vieillissantes, dotées de classes moyennes croissantes et de ressources naturelles plus limitées.

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Indonésie : l’aviation a perdu son bonnet d’âne

Après de graves déboires, le transport aérien reprend nettement le dessus. Commandes, nouvelles compagnies, nouveaux aéroports.

En 2007, donc voilà cinq ans seulement, l’Europe et les Etats-Unis avaient coiffé d’un bonnet d’âne l’aviation en Indonésie en interdisant l’accès de leurs aéroports à la plupart des compagnies aériennes indonésiennes, à commencer par la compagnie nationale Garuda. Les raisons : la multiplication des accidents aériens, au sol comme en l’air.

Ce désastre est en train de devenir un mauvais souvenir. En 2010, l’Europe a de nouveau autorisé la plupart des vols indonésiens. L’Amérique en fera autant en 2013, selon le Straits Times de Singapour. Le transport aérien est à l’image de l’économie de l’archipel de 240 millions d’habitants : en pleine expansion. Le trafic aérien intérieur a augmenté de 13% en 2012, un record. «Or, seulement le tiers de la population vole aujourd’hui, ce qui indique le potentiel d’une croissance massive», souligne le quotidien singapourien en annonçant que 130 nouveaux parcours intérieurs sont à l’étude et que quatre nouvelles compagnies seront lancées en 2013 : Batik Air (filiale de Lion Air), Nam Air, Kartika et Jatayu.

Les achats d’avions se multiplient auprès de Boeing et d’Airbus. Pour sa part, Lion Air, la compagnie à bas coût favorite des Indonésiens, a commandé 230 avions à Boeing en 2011 (22 milliards de dollars). Parallèlement, les infrastructures aéroportuaires sont mises à jour : construction de 24 nouveaux aéroports, qui devraient être opérationnels en 2017 ; relocation et construction de 21 aéroports supplémentaires qui seront disponibles en 2022. Enfin, des experts de Boeing et d’Airbus ont été engagés pour former les contrôleurs aériens, les services de pompiers et la formation continue des pilotes.

Il reste que l’Indonésie n’est pas sortie du bois, selon la formule de Gerry Soejatman, un analyste interrogé par le Straits Times. Il y a eu des cas de pilotes recourant à des drogues, ou celui d’un avion de ligne qui a atterri sans dommage mais sur un aéroport  situé à douze km de sa destination. «La culture de sécurité doit s’améliorer», a ajouté Gerry.

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Bopha : Un quart de million de sans-abri aux Philippines

Le typhon Bopha remontait, le 7 décembre, la mer de Chine du sud, laissant dans sa traîne près de 500 morts et un quart de million de sans-abri à Mindanao.

Les officiels ont affirmé, le 6 décembre au soir, que le décompte des victimes de Bopha (Pablo aux Philippines) était de 477 morts, selon le Manila Times. Mais des recherches se poursuivaient le lendemain pour retrouver 380 personnes portées disparues, selon le Philippine Daily Inquirer. L’immense majorité des morts et disparus datent du 4 décembre, quand le typhon a ravagé la côte orientale de la grande île de Mindanao ainsi que la province de Compostela Valley, dont la principale agglomération, New Bataan, a été en grande partie détruite.

Le nombre des sans-abri est, depuis, évalué à un quart de million. Trois villes et de nombreux villages de la côte orientale (150.000 personnes en tout) commencent à recevoir des secours par bateau, routes et ponts ayant été coupés par des éboulements de terrain et de puissants flots de boue capables de traîner des habitations sur des km. Parmi les morts figurent un bon nombre de pauvres, ouvriers agricoles et mineurs employés dans des situations souvent irrégulières. Le quart de la récolte de bananes a été détruit.

Manille a fait appel à l’aide internationale. Le gouvernement philippin a notamment demandé à l’Organisation internationale des migrations (OIM) de Genève de lui faire parvenir des abris afin de réduire la pression sur les centres d’hébergement provisoires. Les Etats-Unis, le Japon et Singapour ont été les premiers à envoyer une aide d’urgence. Le 7 décembre, Bopha avait légèrement modifié son parcours vers l’est, laissant l’archipel des Paracels sur sa gauche et épargnant totalement la côte du Vietnam. Il avait ralenti sa progression mais des vents puissants continuaient de l’accompagner.

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Les intérêts stratégiques croissants de la Chine en Birmanie

Le site Irrawaddy relate l’importance stratégique croissante de la Birmanie pour Pékin et pourquoi le président Thein Sein est contraint de composer avec la Chine.

L’AIE (Agence internationale de l’énergie, basée à Paris et créée en 1974 par l’OCDE), a calculé que les importations de pétrole irakien par la Chine pourraient passer de 275.000 barils/jour en 2011 (ils ne représentaient alors que 5% des importations de Pékin) à 8 millions de barils/jour en 2035. La CNPC (China National Offshore Oil Corporation) investit des milliards de dollars dans les champs de pétrole irakiens. Si des problèmes d’insécurité ne s’en mêlent pas, l’Irak pourrait devenir le premier producteur mondial de pétrole, devant l’Arabie saoudite, avec, pour comme plus gros client, la Chine.

Pour alimenter ses raffineries, Pékin construit donc actuellement un oéloduc à travers la Birmanie (Myanmar) afin de rattacher l’océan Indien au Yunnan chinois. Cet oléoduc sera opérationnel à partir de la mi-2013. En incluant la construction d’un terminal de transbordement dans le port birman de Kyaukphyu (Etat Rakhine), la CNPC évalue le coût global de l’oléoduc à 4,7 milliards de dollars. Sa capacité sera de 23 millions tonnes/an, ce qui est limité, et il traversera, dans le nord birman, des régions où sont installées des minorités ethniques encore armées. Toutefois, si l’expérience est jugée satisfaisante, «il est fort probable que les compagnies pétrolières chinoises voudront construire d’autres oléoducs à travers le pays», estime Collin Reynolds, un analyste indépendant, dans un entretien publié par l’Irrawaddy.

Le problème de la Chine n’est pas de réduire le coût du transport. Dans l’objectif d’une augmentation drastique des importations de pétrole du Proche-Orient, il s’agit pour Pékin d’éviter de passer par le Détroit de Malacca, très encombré, très étroit, qui pourrait être bloqué, en cas de crise politique ou régionale, par l’un des Etats riverains qui sont l’Indonésie, la Malaisie et Singapour.

La production chinoise de pétrole devrait culminer à 220 millions de tonnes/an en 2020. Et si le taux d’expansion de l’économie continue d’être égal ou supérieur à 7%, les besoins chinois en pétrole s’élèveront alors à 650 millions de tonnes/an. La Chine se rend donc compte qu’elle risque d’être de plus en plus dépendante de ses importations du Proche-Orient et de leur transfert via la Birmanie, un pays où son image est impopulaire.

Les ONG locales se plaignent des méthodes chinoises (déplacements forcés de populations, droits de transit peu élevés). Selon l’Irrawaddy, les Chinois ont pris leurs précautions en signant des «contrats secrets» avec les Birmans qui leur accordent de fortes compensations en cas d’abandon d’un projet. Ce serait notamment le cas à propos de la mine de cuivre de Monya où des manifestants, qui en refusaient l’expansion, ont été brutalement dispersés. Cette mine est la copropriété d’une compagnie birmane et de la firme chinoise Wanbao. Aung Min, un ministre birman, aurait reconnu devant les manifestants que son gouvernement hésitait à toucher aux intérêts économiques des Chinois en raison de possibles «conséquences financières». Cela avait également été le cas en ce qui concerne le barrage hydroélectrique de Myitsone, un chantier dont le président Thein Sein avait néanmoins décidé la fermeture en 2011.

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Mer de Chine du Sud : la phase dépassée du Code de conduite

En 2002, la Chine et l’Asean s’étaient mises d’accord sur le principe d’un Code de conduite en mer de Chine du Sud. Rien n’a été fait. Y aurait-il une solution ?

Voilà dix ans, face aux conflits de souveraineté en mer de Chine du Sud, la Chine et l’Asean ont admis le principe d’un Code de conduite commun. Depuis, Pékin a fait marche arrière : le Code de conduite interviendra au «moment opportun», disent les Chinois, et seules des négociations bilatérales sont concevables. Entre-temps, la Chine a profité de sa supériorité militaire pour faire la police maritime, y compris dans les zones économiques exclusives des Philippines et du Vietnam. De leur côté, les Etats-Unis sont entrés dans la danse en affirmant, depuis 2010, que des négociations globales doivent avoir lieu entre la Chine et l’Asean. Aujourd’hui, plus rien ne bouge et l’impasse semble totale. Mais l’est-elle vraiment?

L’une des raisons de la paralysie est la désunion au sein de l’Asean, dont la moitié des dix membres n’est pas directement concernée par la volonté chinoise de contrôler 80% des eaux de la mer de Chine du Sud. Les altercations de 2012, au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, laissent penser qu’aucun consensus ne peut se dégager. La Birmanie, même si elle a pris ses distances à l’égard de la Chine, croule sous ses propres problèmes. Le Cambodge privilégie ses relations avec Pékin. Ni le Laos ni la Thaïlande ni même Singapour ne monteront au créneau pour inviter la Chine à davantage de souplesse en mer de Chine du Sud.

Les pays directement concernés sont le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et Brunei, auxquels peut s’ajouter l’Indonésie, dont les gisements de gaz off-shore de Natuna se trouvent à la limite des eaux revendiquées par Pékin. Ancien directeur de la Far Eastern Economic Review et observateur averti de la région, Philip Bowring suggère que ces cinq Etats, au lieu de tenter en vain de rallier à leur cause d’autre Etats indifférents de l’Asean, forment un groupe de travail «lié de façon informelle à l’Asean» et susceptible de proposer «un consensus sur la négociation avec la Chine». La présence de l’Indonésie, estime-t-il dans les colonnes du Wall Street Journal, serait indispensable pour renforcer la présence du monde malais et donner plus d’autorité au groupe aux yeux des Chinois.

La première tâche de ce groupe serait de s’entendre sur l’histoire de la région antérieure à l’arrivée des Occidentaux et à l’expansion chinoise (les Chinois n’ont, par exemple, colonisé Taïwan qu’en 1650 ; ils ont été chassés du Vietnam en l’an 969). Dans une deuxième phase, poursuit Bowring, les cinq pays devraient régler les contentieux maritimes qui les opposent entre eux (notamment en ce qui concerne la zone très disputée de l’archipel des Spratleys), quitte à s’en remettre à une juridiction internationale pour régler le sort de zones qui se chevauchent.

Bowring estime que la formation de ce nouveau groupe, qui représenterait les deux tiers des côtes de la mer de Chine du Sud, renforcerait la main des pays qui le forment dans une négociation avec Pékin et ramènerait un peu de sérénité dans les rangs de l’Asean où la question de la mer de Chine du Sud a suscité quelques amertumes, encore plus prononcées que celles, autrefois, à propos de la Birmanie. De toute manière, écrit-il, ce développement contribuerait à remettre sur les rails une Asean «qui paraît de plus en plus sans prise sur une agression chinoise».

Que Brunei ait pris la relève du Cambodge à la présidence de l’Asean, jusqu’à la fin 2013, pourrait faciliter les choses. Les Philippines ont déjà annoncé une réunion, le 12 décembre à Manille, des vice-ministres de la Défense des quatre Etats directement impliqués en mer de Chine du Sud. On verra alors ce qu’ils comptent faire et comment réagit Jakarta.