Suite de : Chine : un hôpital construit pour tuer – Deuxième partie
Guerre des nombres
Quels sont les nombres exacts sortant de ce kaléidoscope d’activités ? L’hôpital voudrait nous faire croire que lorsque leur nouveau centre de transplantation a été opérationnel, avec des centaines de lits supplémentaires et beaucoup d’installations plus sophistiquées, il n’y aurait pas eu d’augmentation du taux de transplantation en conséquence.
Les seules données officielles pour la période après 2006 sont un chiffre de 5 000 greffes cumulées en 2010 et 14 000 en 2014 – une augmentation linéaire soignée.
Mais les faits brossent un tableau différent : des témoignages de receveurs d’organes coréens disent que le taux d’occupation était beaucoup plus important que ce que l’hôpital pouvait contenir ; des documents de construction ont montré la nécessité d’une expansion continue des locaux après 2006 ; et l’imposant personnel montre également que des milliers de greffes auraient été réalisées par plus d’une centaine de médecins.
Avec une utilisation proche ou supérieure des 500 lits au Centre oriental de transplantation de Tianjin entre 2007 et fin 2013, le nombre total de transplantations pourrait se situer aux environs de 50 000 en fonction de la durée de séjour des patients. Seules des estimations très approximatives sont possibles étant donné les nombreuses inconnues. Epoch Times a réalisé un tableau avec les totaux potentiels.
Ceci est beaucoup plus élevé que le total cumulé de 10 000 transplantations de foie sur plus de 15 ans, rapportées par les sources officielles. Ce nombre présente déjà un dilemme difficile à démêler, car les chiffres fondés uniquement sur le taux d’utilisation des lits, sont beaucoup plus élevés que les sources connues d’organes en mesure d’être expliquées.
Bien sûr, il n’y a pas moyen de savoir si ces documents de rénovation du bâtiment du personnel hospitalier sont simplement falsifiés. Mais quel intérêt aurait l’hôpital à fabriquer des données sur ses plans de rénovation – informations soumises à une base de données nationale – après que les fonds aient été alloués et la construction terminée par les autorités municipales. La surface au sol ou le nombre de lits sont des infrastructures matérielles qui ne peuvent pas facilement être falsifiées et les ratios d’occupation des lits, venant de deux sources officielles distinctes, montrent la même trajectoire ascendante de leur utilisation entre fin 2006 jusqu’à fin 2013.
Il existe cependant de nombreuses mises en garde dans ces estimations, y compris le fait que le nombre d’exécutions induites par ces taux d’occupation de lits n’est pas clair. Le ratio n’est probablement pas d’une personne tuée pour un lit, étant donné que le don d’un rein unique, à un parent, par exemple, n’est ni fatal, ni contraire à l’éthique.
L’Hôpital central de Tianjin (Tianjin First Central) est pourtant certainement engagé dans cette forme d’activité de transplantation à partir de prisonniers de conscience. En outre, un décès peut donner des organes à transplanter sur plusieurs autres personnes. Dans le même temps, les médias chinois ont rapporté des témoignages sur Shen Zhongyang réalisant plusieurs transplantations de foie pour un seul patient.
Compte tenu des multiples variables et des vastes inconnues, il serait imprudent de proposer une estimation ferme du nombre d’exécutions qui ont pu avoir lieu pour alimenter l’activité du Premier hôpital central de Tianjin. Mais quel que soit ce chiffre, les conséquences sont les mêmes : la nécessité d’une source d’organes mystérieuse et inconnue. Alors, d’où ces organes proviennent-ils ?
Les seuls prisonniers ne peuvent pas en expliquer la source
La seule source d’organes sérieuse en Chine est, selon l’explication officielle, les prisonniers exécutés.
Dans une interview à China Health News en janvier 2015, Huang Jiefu, fonctionnaire porte-parole politique de la transplantation en Chine, a déclaré: « Pendant longtemps, la Chine n’a pas été en mesure d’établir un système national de don… depuis les années 1980 jusqu’en 2009, il n’y avait que 120 cas de dons de citoyens. La Chine est le pays avec le taux de dons le plus bas au monde ».
Le nombre d’exécutions en Chine est un secret d’État, aucun chiffre n’est fourni, mais des estimations ont longtemps été faites par des organismes tiers. Selon Duihua, une organisation des droits de l’homme basée à États-Unis et axée sur la Chine, ceux-ci varient entre 1 200 à 2 400 par an au cours de la période en question.
Si la peine de mort à l’échelle nationale était de 6 000 par an – dans le but de notre analyse, le nombre d’exécutions qui auraient eu lieu à Tianjin serait d’environ 42 (compte tenu d’une population d’environ 7 millions de personnes et une répartition proportionnelle des exécutions sur tout le territoire). Si le nombre d’exécutions avait été à l’échelle nationale de 5 000, il n’y aurait eu que 35 exécutions à Tianjin.
Mais beaucoup de prisonniers ne sont pas des donneurs d’organes admissibles en raison de maladies de sang, de la toxicomanie, de l’âge et d’autres maladies disqualifiantes. Les procédures entourant les exécutions impliquent des tribunaux et des prisons locales, qui ont leurs propres relations avec les hôpitaux et les médecins, comme indiqué par des témoignages abondants de fonctionnaires chinois et de transfuges. La nature, dirigée localement, de la bureaucratie chinoise induit que ce n’est pas comme si le Premier hôpital central de Tianjin pouvait avoir le choix parmi toutes les exécutions qui se déroulent en Chine.
En particulier, l’agrandissement de l’hôpital n’était pas un phénomène isolé : des dizaines, voire des centaines d’autres hôpitaux de transplantation en Chine ont établi des programmes de formation pour les chirurgiens, ont construit de nouvelles installations et fait la promotion de leur capacité à fournir des organes frais et à court terme aux bénéficiaires (des semaines ou des mois tout au plus).
En 2014, l’agence Xinhua, porte-parole de l’État, a indiqué que ces dernières années, il y avait eu 6 00 hôpitaux en Chine en lice pour la transplantation d’organes. Tous ces centres de transplantation avaient besoin d’organes.
Et puis, il y a eu des annonces déconcertantes sur le site de l’Hôpital central de Tianjin, qui depuis ont été retirées.
« Il est vrai que les sources d’approvisionnement d’organes sont assez abondantes en Chine par rapport à celles des pays occidentaux » disait allègrement (et en anglais) une page archivée du site en 2008, en ciblant évidemment les touristes de transplantation à l’étranger.
Dans le guide pour les bénéficiaires potentiels étaient décrites les quelques étapes nécessaires pour obtenir un nouvel organe. Il n’y avait pas liste d’attente. Seulement quelques emails en guise de paperasse, un paiement de 500 dollars et l’achat d’un billet d’avion. L’étape 9 était de « rester à l’hôpital pour être soigneusement suivi, être bien traité en attendant un donneur compatible dans les ± 1 mois ».
La page de destination du site en chinois, quant à elle, annonçait un temps d’attente de deux semaines.
Dans une autre section, une question était posée : « Quelles sont les premières procédures en arrivant ? ». La réponse: « Une fois que vos données sont définies, l’hôpital va commencer à chercher dans toute la Chine un organe qui vous correspond ».
« Juste cette phrase est si choquante », a déclaré Maria Singh, professeur à l’Université de Sydney et siégeant au conseil d’administration de Doctors Against Forced Organ Harvesting (DAFOH, Médecins contre les prélèvements forcés d’organes), dans un entretien téléphonique. « Nous allons chercher loin dans le pays pour votre organe » a t-elle poursuivi. « À la recherche de votre organe ? Comment rechercher dans le pays un donneur quand il n’y a pas de registre pour les donneurs ? Qu’est-ce que cela veut dire? Cela signifie simplement qu’ils recherchent la personne qu’ils peuvent tuer pour votre chirurgie. C’est juste scandaleux, c’est juste difficile à croire ».
Dans un récent documentaire intitulé « Hard to Believe » (Ndr. Difficile à croire), Arthur Caplan, directeur fondateur de la division de l’éthique médicale au Centre médical de l’Université de New York, explique le contraste en termes plus crus: « Aux États-Unis, en Europe, vous devez être morts d’abord pour être un donneur d’organes. En Chine, ils vous font d’abord mourir. »
Cette mise en correspondance rapide de ce qui semble être une réserve de donneurs existante et disponible est conforme à la fois à l’utilisation du couloir de la mort des prisonniers et aux prélèvements d’organes sur les prisonniers de conscience.
Mais quand on en vient au volume, le nombre de condamnés à mort ne peut tout simplement pas supporter le genre d’approvisionnement nécessaire à Tianjin. Bien sûr, cela est une preuve indirecte, sauf que les organes doivent bien venir de quelque part.
Reconnaissons que c’est la première étape critique dans toute autre exploration du problème: si les organes ne viennent pas de donneurs volontaires ou de criminels exécutés, alors ils doivent venir d’ailleurs.
« Toute personne qui est un peu familière avec les pratiques de dons d’organes dans le monde entier ne peut confondre une source d’organes miraculeusement immense et à disposition immédiatement avec des organes donnés volontairement » a déclaré le Dr Jacob Lavee, président de la Israel Transplantation Society et directeur de l’unité de transplantation cardiaque au centre médical de l’Université de Tel Aviv, dans un courriel.
Le Dr Lavee poursuit: « En effet, si l’utilisation d’organes de prisonniers formellement exécutés a diminué, le grand nombre de transplantations d’organes qui, apparemment, continuent à être effectuées à Tianjin et ailleurs en Chine, doit disposer d’une source d’organes de remplacement, qui doit être expliquée ».
De cette brèche inexpliquée, des chercheurs ont soulevé des allégations d’un massacre de masse largement caché et négligé. En couplant les volumes de transplantation avec d’autres éléments de preuve, ils décrivent un crime contre l’humanité dans lequel les médecins côtoient les meurtriers ; la cause de la mort étant la chirurgie elle-même, les organes étant vidés de leur sang et pompés avec des produits chimiques de conservation à froid.
David Matas, le co-auteur d’un rapport majeur sur les prélèvements d’organes sur les pratiquants de Falun Gong, a déclaré dans un entretien téléphonique: « Cette étude ne fait que poser la question ; elle n’y répond pas directement. Mais elle met en doute les réponses établies qui ont été données ».
La question interdite
Il y a un indice potentiel sur la source des organes avec l’un des nombreux chapeaux du Dr Shen Zhongyang : il apparaît sur le site de l’Hôpital des Forces armées de la police générale de Pékin, en tenue de cérémonie paramilitaire complète, où il sert en tant que directeur du département de la transplantation d’organes. La Police armée du peuple est une armée permanente interne de 1,2 million d’hommes, déployés à travers le pays et mobilisée pour réprimer les émeutes.
L’obstacle le plus fondamental dans la réalisation d’un grand nombre de transplantations d’organes est la source des donneurs. Étant donné que la Chine n’a pas de système volontaire et ouvert à la greffe, les relations politiques, souvent entremises par des courtiers, sont la seule façon d’obtenir des organes.
Comme Huang Jiefu l’a fait remarquer dans une interview au début de 2015: « Notre pays est très grand. Cette source d’organes de prisonniers utilisables, ce genre de situation amènerait avec elle naturellement toutes sortes de problèmes obscurs et difficiles. Vous savez ce que je veux dire ? C’est devenu salissant. C’est devenu trouble et difficile à régler. C’est devenu un domaine extrêmement sensible, extrêmement compliqué ; essentiellement une zone interdite. ». Il a ensuite blâmer les abus de transplantation d’organes en Chine sous Zhou Yongkang, l’ancien tsar de la sécurité déchu.
Les théories, sur la façon dont le Premier hôpital central de Tianjin a pu ouvrir le robinet des organes, tournent ainsi autour des liens politiques, y compris ceux de Shen Zhongyang, qui est devenu membre en 2013 du comité consultatif du Parti communiste, la Conférence politique et consultative du peuple chinois. Shen Zhongyang est aussi membre du comité permanent du Parti démocratique paysan et ouvrier de Chine, l’un des huit partis politiques légaux donnant l’illusion d’une fenêtre de démocratie en Chine tout en suivant la ligne dure du Parti.
Mais c’est son titre paramilitaire qui est le plus important pour l’approvisionnement d’organes, étant donné que les hôpitaux militaires et paramilitaires sont branchés sur l’appareil de sécurité qui détient des centaines de milliers de prisonniers politiques et qu’ils sont soupçonnés d’être impliqués dans une grande partie du trafic illégal d’organes humains en Chine.
Une poignée d’enquêteurs ont traqué le lien entre l’armée et les organes pendant des années. Dans son livre publié en 2014, « The Slaughter: Mass Killings, Organ Harvesting, and China’s Secret Solution to Its Dissident Problem » (Ndr. Le massacre: meurtres, prélèvement d’organes et solution secrète de la Chine à son problème de dissidents), le journaliste américain Ethan Gutmann mobilise une quantité de preuves, recueillies sur près d’une décennie, pour montrer que les pratiquants de Falun Gong, une discipline spirituelle traditionnelle, ont été les principales cibles du prélèvement d’organes forcés en Chine.
Le Falun Gong, une pratique de cultivation interne qui implique des exercices et des enseignements moraux, est persécutée en Chine depuis 1999, après que le chef du Parti de l’époque, Jiang Zemin, l’ait déclaré comme un défi à la domination du Parti. À la fin des années 1990, le nombre de personnes le pratiquant semblait dépasser les membres du Parti communiste.
Des centaines d’hôpitaux à travers la Chine, comme celui de Tianjin ont connu une hausse spectaculaire des transplantations d’organes à partir de 2000, un an après que la persécution ait commencé en juillet de 1999.
« Il n’y avait pas de distribution nationale d’organes à cette époque. Il n’y avait pas de système de don d’organes. La réponse officielle était la peine de mort », a dit David Matas. « Et après, vous avez la question de la compatibilité avec la taille des organes et le sang, les problèmes d’hépatite en prison ; mais les temps d’attente étaient très courts malgré cela. »
Sans aucune explication officielle à cette batterie de questions, de soupçons et de preuves circonstancielles, « cela nous amène à ce que moi-même, David Kilgour, et Ethan Gutmann avons tiré comme conclusion » a dit Matas : « Ce sont des prisonniers de conscience ». « Plus l’échelle est grande, plus le besoin d’une explication est grand aussi, mais cette explication ne vient pas. Il n’y a pas d’autres sources d’organes évidentes » a-t-il poursuivi.
Dans un entretien téléphonique, il a été demandé à Ethan Gutmann ce qu’il pensait de l’origine probable des organes à Tianjin. Il a déclaré: « Je pense que la majorité de ces organes provient des pratiquants de Falun Gong. » Il a ajouté : « Il y a eu une grande population de pratiquants de Falun Gong, comprise entre un demi-million à un million, qui a été emprisonnée dans le système de laogaï pendant cette période » – en utilisant le terme chinois « laogaï » qui fait référence au système de camps de travaux chinois.
« C’est la seule source potentielle, en terme de quantité et dans laquelle ils auraient pu se servir. Il peut y avoir certains musulmans ouïghours et des Tibétains dans ce nombre, même si les taux de disparition ne sont pas aussi élevés dans ces communautés ».
Les interviews réalisées par Gutmann sur des centaines de réfugiés ont apporté le constat qu’une personne sur cinq et parfois deux sur cinq parmi les détenus de Falun Gong avaient été soumis à des tests sanguins en captivité. Les personnes libérées des camps de travaux forcés décrivent également des disparitions de personnes testées.
Des appels téléphoniques des enquêteurs ont été secrètement enregistrés depuis 2006. Il s’agissait d’appels à des médecins et des infirmières en Chine qui pensaient parler à un collègue médecin ou au parent d’un individu dans le besoin urgent d’un nouveau foie. Ils ont reconnu au téléphone qu’ils se procuraient les organes sur les prisonniers du Falun Gong .
Dans son livre, Gutmann décrit les examens que son interlocuteur, un réfugié du Falun Gong, a subi. « Ce qu’elle a décrit était terrifiant et inexplicable – le médecin plutôt que d’administrer un examen physique normal, était déjà en train de l’examiner comme un cadavre frais … Je me souviens d’avoir senti passer un froid inhabituel dans le dos et le manteau de mon scepticisme est tombé pendant un moment. »
Les examens sanguins de Tianjin
Comme dans les prisons et camps de travaux à travers le pays, il y a eu plusieurs témoignages de prisonniers de conscience à Tianjin pointant du doigt des tests sanguins et d’urine, au cours de la période pendant laquelle le Premier hôpital central de Tianjin était à l’apogée de ses opérations.
Ces comptes-rendus ont été établis à partir du site Minghui.org, un centre d’échange d’informations de première main au sujet du Falun Gong en Chine. Les articles sur le site sont généralement créés par des pratiquants de Falun Gong, des amis ou membres de la famille, souvent afin de documenter leurs expériences sous la persécution. Le site est largement utilisé par les universitaires et les chercheurs en droits de l’homme qui étudient la pratique ou sa répression. Il est considéré comme une source fiable pour un aperçu de la communauté du Falun Gong en Chine.
Une simple recherche sur Minghui.org avec les termes « test sanguins » et « Tianjin » révèle 9 720 résultats. Beaucoup d’entre eux sont probablement des doublons ou ne font pas référence à des expériences personnelles de test sanguin à Tianjin, mais un grand nombre semblent le faire.
Un cas typique, déposé le 9 novembre 2007, est intitulé « La persécution j’ai vu et vécu à la prison pour femmes de Tianjin ». Comme beaucoup d’observations sur Minghui, le rapport est anonyme, pour des raisons évidentes. Il y est dit: « Le troisième escadron dans la prison ciblait spécifiquement le Falun Gong … le chef d’escadron de chaque section du Troisième Escadron de la prison appelait les pratiquants de Falun Gong un par un et leur faisait subir des analyses de sang et d’urine. Ils ne le faisaient pas pour les prisonniers de droit commun. Le chef d’escadron disait que c’était parce qu’ils voulaient s’occuper des prisonniers du Falun Gong ». La prison est à un peu plus de 30 minutes de l’hôpital.
L’auteur, repensant à son expérience, écrit : « Je me demande encore où ces pratiquants disparus ont fini. »
D’autres cas de tests sanguins sont rapportés dans le camp de rééducation par le travail de Qingbowa. Qingbowa est à 23 minutes de route du Premier hôpital central de Tianjin. Le camp de rééducation par le travail Shuangkou est un autre camp dans lequel, selon les rapports de Minghui, les pratiquants de Falun Gong disent avoir eu leur sang testé en détention. Shuangkou est également à environ 30 minutes de route de l’Hôpital central de Tianjin, rapporte le pratiquant de Falun Gong Hua Lianyou, après avoir subi une prise de sang en juin 2013 dans la prison de Binhai, qui est à environ 45 minutes de l’hôpital central de Tianjin. Selon le rapport de Xu Haitang, un autre pratiquant de Falun Gong, son sang a été prélevé en juin 2006 dans le camp de travail pour femmes de Banqiao, qui est à environ 90 minutes de route de Tianjin.
DAFOH (Médecins contre les prélèvements forcés d’organes), un groupe de défense médicale basé à Washington, a mené sa propre analyse préliminaire sur ces rapports de tests sanguins de Minghui. Il écrit: « En suivant les rapports des survivants, il a été noté que les examens médicaux ne sont pas des consultations uniques. Bien que certains cas pourraient manquer d’éléments, ces données révèlent un grand nombre de victimes qui ne sont pas des cas isolés et suggère un usage systématique de divers examens médicaux imposées aux pratiquants de Falun Gong détenus ».
Bien sûr, rien de tout cela ne constitue la preuve que les tests sanguins avaient pour but de vérifier la compatibilité de sang pour la transplantation d’organes.
Mais il est également vrai que la raison réelle de ces tests de sang et d’urine n’est pas claire, voir même confuse : les personnes incarcérées sont, après tout, en prison en raison d’une campagne conduite au plus haut niveau du Parti communiste, pour éradiquer leur croyance. Ils sont généralement soumis à la torture, aux chocs électriques et aux coups en détention pour tenter de les faire renoncer à leur croyance. Le Falun Gong a été calomnié par la presse d’État et ses pratiquants ont été déshumanisés, moqués et déclarés ennemis de l’État. Des milliers de morts par torture ont été signalés et aucune enquête ou peine de prison n’a eu lieu en raison de la nature de la campagne d’éradication de parti communiste. Alors, pour quel profit les responsables des prisons allaient-ils extraire du sang de ces captifs ?
C’est ce contexte qui a conduit les enquêteurs à croire que les analyses de sang, les disparitions en captivité de pratiquants de Falun Gong et le boom de la transplantation qui a eu lieu peu de temps après le début de la persécution, sont probablement expliqués par un prélèvement d’organes de masse.
Le silence gênant
Même si la communauté médicale internationale ne souhaite pas conclure de manière préventive à un crime massif contre l’humanité, on pourrait au moins espérer une plus grande attention et une enquête sur la provenance des organes ainsi que sur l’ampleur à laquelle les prisonniers de conscience ont été ciblés. Il s’agirait, après tout, de l’un des crimes de masse les plus inquiétants du 21e siècle.
En effet, un certain nombre d’organisations et d’individus respectés ont clairement fait savoir qu’ils y voyaient un problème sérieux et que l’idée de prélèvements de masse sur le Falun Gong ne devait pas être reléguée au domaine de la théorie du complot de science-fiction. Le Comité des Nations Unies contre la torture en 2008 a déclaré: « Le parti-État chinois devrait immédiatement effectuer ou faire effectuer une enquête indépendante sur les allégations selon lesquelles des pratiquants de Falun Gong ont été… utilisés pour des greffes d’organes et prendre des mesures, le cas échéant, pour assurer que les responsables de tels abus soient poursuivis et punis ».
Arthur Caplan, éthicien au Centre médical de l’Université de New York, a prêté son nom à une pétition en 2012 appelant la Maison Blanche à « enquêter et condamner publiquement les prélèvements d’organes sur les croyants du Falun Gong en Chine ». Dans une interview à l’époque, il disait : « Je pense qu’on ne peut pas rester tranquille face aux meurtres pour des organes. C’est trop odieux. C’est tout simplement trop mauvais. Cela viole toutes les idées des droits de l’homme ».
Le récent film documentaire « Human Harvest » (Ndr. Prélèvement humain), qui aborde directement la question des prélèvements sur les pratiquants de Falun Gong, a remporté un prestigieux Peabody Award en 2014, l’équivalent dans la diffusion d’un prix Pulitzer. L’attribution d’un Peabody nécessite le soutien unanime des 17 membres du conseil d’administration, qui, dans leur résumé du documentaire ont décrit un « monstrueux système très rentable du don d’organes forcés ».
Certains pays, dont Israël et Taiwan, ont adopté une législation visant à empêcher leurs citoyens voyageant en Chine de recevoir des organes, après que des rapports sur les prélèvements d’organes sur les pratiquants de Falun Gong aient émergé.
Tout cela fait de la réaction de certains des acteurs clés de la transplantation sur la scène internationale – ce genre d’individus dont l’affirmation publique de l’inexistence de ces allégations provoque une censure internationale plus large plutôt qu’une demande d’enquête – est d’autant plus choquante. Ils sont pour la plupart aveugles à la question des crimes contre l’humanité, adoptant plutôt une position complaisante, à la manière de Kissinger – disant qu’il faut aider le projet de la réforme de la transplantation d’organes en Chine.
Le Dr Francis Delmonico, ancien chef de la Transplantation Society et auparavant au poste clé de la liaison internationale avec la Chine sur les questions de la transplantation, a écrit dans un courriel: « Mon commentaire est seulement d’encourager l’Hôpital central de Tianjin à communiquer des données vérifiables. ». Le mot « seulement » avait été mis en gras.
Des médecins comme Jeremy Chapman, ancien chef de la Transplantation Society basée à Sydney et le Dr Michael Millis, chirurgien du foie à l’Université de l’école de médecine de Chicago, ayant travaillé en étroite collaboration avec les autorités chinoises, ont également manifesté peu d’intérêt à poursuivre sur ces questions difficiles. Lorsque l’on a appuyé sur le potentiel d’approvisionnement d’organes venant des pratiquants de Falun Gong, le Dr Millis a fait remarquer dans une interview à Martina Keller, journaliste au magazine allemand Die Zeit, « Cela n’est pas dans ma sphère d’influence. Il y a beaucoup de choses dans le monde qui ne suscitent pas mon attention ou mon intérêt. »
L’actuel chef de la Transplantation Society, le Dr Philip O’Connell et l’agent de liaison de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Chine sur les questions de transplantation d’organes, le Dr Jose Nuñez, n’ont pas répondu aux courriels. Les principes directeurs de l’OMS sur la transplantation d’organes exigent que l’ensemble du processus de la transplantation d’organes soit transparent et ouvert à l’examen, mais pourtant les responsables de l’OMS ont fait peu pour faire de telles demandes publiques concernant la Chine.
En réponse au peu d’attention des médecins relative à la question des sources d’organes manquantes, Kirk Allison, directeur du Programme de droits de l’homme et de la santé à l’Université du Minnesota, a écrit dans un courriel: « Ce genre de questions importe. Tout d’abord, parce que la vérité importe ; le risque moral importe ; les droits de l’homme importe ; et les vies exploitées, même mortes, importent. Ils ont un droit moral sur nous ».
Dr. Lavee, respecté chirurgien cardiaque israélien, a écrit dans un courriel: « Je me sens gêné que mes collègues du monde entier ne se sentent pas comme moi, le devoir moral de demander à la Chine d’ouvrir ses portes pour une inspection approfondie indépendante de son système actuel de greffe, par la communauté internationale de la transplantation »
Il a ajouté: « En tant que fils d’un survivant de l’Holocauste, je me sens obligé de ne pas répéter l’erreur terrible faite par la visite de la Croix-Rouge internationale au camp nazi de concentration de Theresienstadt en 1944, lequel avait été signalé comme un camp de loisirs agréable. »
Version anglaise : Investigative Report: A Hospital Built for Murder
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