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ASEAN Laos Politique

Laos : des députés de l’Asean sur la piste de Sombath Somphone

Trois parlementaires de l’Association des nations de l’Asie du sud-est ont été à Vientiane réclamer des explications  sur la disparition de Sombath Somphone.

Trois parlementaires de l’Asean qui se sont rendus du 13 au 15 janvier à Vientiane pour demander aux autorités laotiennes où en était l’enquête sur la disparition de Sombath Somphone, un travailleur social laotien enlevé le 15 décembre, avouent leur déception. «Nous sommes loin d’être satisfaits des explications  reçues», a indiqué lors d’une conférence de presse à Bangkok le 16 janvier Walden Bello, parlementaire des Philippines  et membre de la délégation. Les deux autres membres étaient Lily Wahid (députée, Indonésie) , et Charles Santiago (parlementaire, Malaisie). «Notre impression est que nos interlocuteurs au Laos lisaient un script qui leur avait été donné par quelqu’un d’autre», a ajouté Charles Santiago.

Malgré cette déconvenue, les parlementaires ont récolté quelques éléments troublants sur les circonstances de la disparition du Laotien, récompensé en 1995 par le prestigieux prix Ramon Magsaysay, décerné pour le  développement social. Sombath Somphone faisait partie du Comité organisateur du Forum du Peuple de l’ASEM, une convention des organisations de la société civile dans le cadre du Sommet Asie-Europe qui s’est tenue à Vientiane les 5 et 6 novembre 2012. Lors de ce Forum, une paysanne laotienne avait publiquement dénoncé les confiscations de terre à Vientiane. « Elle a été intimidée devant tout le monde par les services de renseignements laotiens et a dû quitter la salle de conférence », explique Charles Santiago. Une fois rentrée dans son village, la femme a continué à recevoir des menaces. Par ailleurs, Sombath Somphone et plusieurs ONG laotiennes avaient présenté lors du forum un document intitulé « La vision laotienne », basée sur des enquêtes approfondies de terrain et qui proposait une stratégie pour l’éradication de la pauvreté et le développement du pays. « Il semble que cela a fortement irrité certaines personnes haut placées au sein du parti (le Parti révolutionnaire populaire laotien) », estime Charles Santiago.

Pour sa part, Lily Wahid, députée indonésienne, a indiqué que le secrétaire permanent du ministère laotien des Affaires étrangères, Sakayane Sisouvong, leur avait dit savoir que Sombath était encore vivant et se trouvait dans un lieu « proche du fleuve Mékong ». « Ils savent très bien tout ce qui s’est passé », a-t-elle affirmé. Les parlementaires semblent pencher pour une implication des militaires laotiens en cheville avec certaines factions du parti au pouvoir.

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Thaïlande

Thaïlande : haro sur les criminels étrangers

Le bureau de l’immigration thaïlandais se donne pour objectif d’éradiquer les malfrats étrangers sur le sol national en 2013.

C’est un exemple parmi d’autres, mais il témoigne de ce que les malfaiteurs étrangers se sentent fort à l’aise pour opérer en Thaïlande. La corruptibilité de la police, la facilité de se fondre dans la masse des touristes et l’existence de réseaux communautaires bien protégés des regards curieux font du royaume un paradis pour les hors-la-loi. Un Américain age de 53 ans a été arrété début janvier après avoir été accusé d’avoir subtilisé l’équivalent de deux millions de bahts (50.000 €) en espèces et en biens dans un hôtel de l’île de Koh Samui, dans le sud du pays. Il avait notamment dévalisé 52 coffres gardés par une agence de voyage à l’intérieur d’un hôtel. A l’occasion de l’annonce de cette arrestation, le général de police Panu Kerdlappol, chef du bureau de l’immigration, l’a déclaré haut et clair : le crime étranger ne passera pas.

Selon le Bangkok Post, dix groupes de nationalités activement impliqués dans des activités criminelles ont été identifiés par le Bureau. Les Sud-Américains, notamment les Mexicains, les Colombiens et les Guatémaltèques affectionnent les vols dans les hôtels. Les Russes dominent le proxénétisme. Les Africains, les Iraniens et les Irakiens sévissent dans le trafic de drogue. Les Européens et les Américains brillent dans le secteur des crimes informatiques. Tous ces groupes seront ciblés dans la campagne de nettoyage du Bureau de l’immigration, qui précise que de nombreux autres bandits utilisent la Thaïlande comme une base de repli.

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Indonésie Politique

Indonésie : Atjeh rouvre ses forêts à l’exploitation commerciale

La province d’Atjeh s’apprête à prendre une mesure radicale : relancer l’exploitation de ses forêts. Le gouvernement indonésien ne s’est pas encore prononcé.

Anwar, président de la Commission du Parlement de la province chargée d’étudier le projet, a annoncé qu’en cas d’application, cette mesure réduirait la couverture forestière de la province de 68% à 45%, selon le Sydney Morning Herald. Les zones concernées sont de superbes forêts de plaine qui abritent orangs-outans, tigres et rhinocéros de Sumatra (Atjeh occupe le nord de la grande île de l’Indonésie), ainsi que d’autres espèces en danger d’extinction.

Ces forêts de plaine avaient été classées «forêts de production» dans les années 1990 mais la présence d’une guérilla irrédentiste – celle du GAM – les avaient protégées contre les incursions des paysans et des forestiers. Plus récemment, après la signature en 2005 d’un accord de paix et l’arrivée au pouvoir des anciens dirigeants du GAM, un moratoire avait été imposé.

Toutefois, toujours selon le Sydney Morning Herald, le nouveau gouverneur élu d’Atjeh, Zaini Abdullah, aurait établi un projet d’exploitation commerciale, ainsi que le Département des forêts atjehnais le souhaite sous forte pression. Ce projet doit, cependant, obtenir le feu vert du gouvernement central. Avec la Papouasie occidentale, Atjeh est l’une des réserves les plus belles de forêts d’Indonésie.

Ailleurs dans le vaste archipel, notamment à Kalimantan (la partie indonésienne de Bornéo), un moratoire de deux ans sur la déforestation, fruit d’un accord financier avec la Norvège, est soumis à de fortes pressions des producteurs d’huile palme. Datant de mai 2011, ce moratoire est soumis à reconduction dans quelques mois. Jakarta n’a pas encore annoncé ses intentions.

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Asie Chine Indonésie Malaisie Singapour Thaïlande Viêtnam

Le Japonais Shinzo Abe en session de rattrapage au Vietnam

Shinzo Abe est attendu à Hanoï le 16 janvier, son premier voyage à l’étranger depuis sa victoire électorale. Il se rendra également en Thaïlande et en Indonésie.

Le premier ministre nippon va-t-il, à l’instar d’Hillary Clinton en 2009, annoncer que le Japon est «de retour»? En tout cas, il n’en sera pas loin. «Le Japon devrait reconnaître ses nouveaux rôles » et «contribuer à la coopération régionale en Asie de l’Est ; faute de quoi, il se retrouvera à la traîne», estiment,  dans une analyse publiée par le RSIS (Rajaratnam School of International Studies, Singapour, www.rsis.edu.sg), deux experts, Mushahid Ali et Hiro Katsumata.

De quels «nouveaux rôles» s’agit-il ? Pendant sa campagne électorale, Shinzo Abe a annoncé «la renaissance de la diplomatie du Japon» et avancé une liste de 38 initiatives. En font partie, écrit Ken Jimbo de l’université Keio sur le site de l’East Asia Forum, le rétablissement du Conseil national de sécurité, le renforcement des «forces d’auto-défense» (l’armée nippone) ainsi que l’installation permanente de fonctionnaires sur les îles Sekaku (Diaoyu), objet d’un contentieux avec la Chine et que le gouvernement japonais vient de racheter à des propriétaires privés.

En Asie du sud-est, le Japon dispose de quelques à-valoir. Il en a été le principal partenaire jusqu’au tournant du siècle et la locomotive du développement du sous-continent. Avant l’émergence de la Chine, le «miracle asiatique» a été le fait du Japon et, dans son sillage, des «quatre tigres» (Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour) suivis par les «trois bébés tigres» : Malaisie, Thaïlande et Indonésie.

L’aide et les investissements japonais dans le sous-continent se sont élevés à des centaines de milliards de dollars et ont contribué à façonner des économies tirées par leurs exportations. Les sociétés japonaises sont encore omniprésentes en Asie du sud-est et c’est l’une des raisons pour lesquelles Tokyo resserre aujourd’hui ses liens avec Hanoï, capitale d’un pays demeuré longtemps en marge du développement économique.

Ken Jimbo rappelle que lors de son précédent passage à la tête du gouvernement, Shinzo Abe avait, en 2006-2007, réussi une percée diplomatique avec la Chine, fondant les relations bilatérales «sur des intérêts stratégiques communs». Cette fois, dit-il, «si le pragmatisme prévaut dans les orientations de la politique étrangère d’Abe, le Japon disposera d’un potentiel important pour rehausser son profil diplomatique». Ce serait un moyen d’effacer deux décennies de stagnation et de diplomatie feutrée dont la Chine a profité pour doubler le Japon. Affaire à suivre.

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Politique Société Viêtnam

Vietnam : des blogueurs au secours du Parti communiste

La BBC rapporte sur son site que des officiels ont reconnu avoir engagé des blogueurs pour soutenir le Parti communiste sur Internet.

Ho Quang Loi, directeur du Département de la propagande et de l’éducation a affirmé, rapporte la BBC  le 12 janvier, que les autorités avaient engagé des centaines d’internautes «polémistes» dans la lutte contre «les forces hostiles sur le web».  Ho Quang Loi aurait également révélé que son département gère au moins quatre cents comptes en ligne et vingt microblogs.

La BBC affirme qu’au Vietnam, des internautes ont relevé «depuis longtemps» l’existence d’un nombre de blogueurs favorables au régime et dont les commentaires soutiennent «régulièrement» la politique du PC.  Ces blogueurs prennent part à des discussions en ligne et s’en prennent «férocement» aux critiques du régime, notamment sur Facebook. «Les soi-disant militants de la démocratie et intellectuels deviennent de plus en plus ridicules. Ils ont montré leur vraie couleur : des opportunistes dont l’attitude méprisable est sans limites», écrit l’un de ces commentateurs, selon la BBC.

Fin décembre 2012, l’hebdomadaire américain Time avait rapporté que les différents clans communistes utilisent désormais Internet pour faire valoir leurs positions respectives. Ils contribueraient notamment à alimenter les blogs qui s’interrogent sur la ligne du PC et la politique du gouvernement.

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Social Thaïlande

Thaïlande: l’armée s’attaque aux trafiquants d’esclaves

Une série de raids sur des camps où sont séquestrés des migrants, pour la plupart des Rohingyas venus de Birmanie, a été lancée dans le sud du pays.

Les militaires de Thaïlande ont poursuivi leurs raids sur des camps où des trafiquants retiennent captifs des migrants, dans leur grande majorité des Rohingyas ayant fui l’Etat Rakhine en Birmanie. Ces « camps », parfois des plantations d’hévéas, sont situés dans l’extrême sud de la Thaïlande, non loin de la frontière avec la Malaisie. Selon le webzine Phuketwan, l’armée a libéré 800 d’entre eux, parmi lesquels un grand nombre de femmes et d’enfants, mais a provoqué la dispersion de centaines d’autres dans la nature. Certains de ces camps renfermaient jusqu’à 800 captifs, selon le webzine.

Ces migrants paient des passeurs pour leur permettre d’aller, par voie maritime, en Malaisie, mais ils sont parfois débarqués dans le sud de la Thaïlande, où des trafiquants, en cheville avec certaines autorités locales selon Phuketwan, leur demandent de payer une somme supplémentaire pour pouvoir être transportés en Malaisie. Le statut apatride de ces Rohingyas les rend vulnérables, car ils craignent d’être livrés à la police et renvoyés en Birmanie. Si les migrants sont incapables de payer, ils sont vendus à des employeurs thaïlandais pour travailler sur des chalutiers ou sur des chantiers de construction, parfois sans salaire. L’action vigoureuse de l’armée laisse penser que, peut-être, certains officiers thaïlandais de police et de l’immigration, soupçonnés de tremper dans ce trafic, vont devoir rendre des comptes.

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Analyse Birmanie Politique

Birmanie : la guerre contre les Kachins mène à une impasse

Le conflit entre la guérilla kachin et l’armée birmane s’intensifie, mais une victoire de cette dernière ne résoudra pas l’imbroglio politique.

Le 9 janvier 2013, la reprise du conflit entre l’Armée kachin pour l’indépendance (KIA), guérilla e dans le nord-est de la Birmanie, et l’armée gouvernementale est entrée dans son vingtième mois. Si l’on en juge par les moyens militaires déployés – avions, hélicoptères munis de mitrailleuses -, l’objectif de l’armée birmane est de capturer le quartier général de la KIA, à Laiza, près de la frontière avec la Chine, et de réduire par la force la  guérilla de la minorité ethnique kachin. Les combats ont provoqué le déplacement de 100.000 civils dont un tiers vit dans des camps dans les zones contrôlées par le gouvernement et le reste dans des zones de la KIA. Leur accès à une assistance humanitaire est des plus limités. L’intensité des combats a été telle que Pékin a décidé, selon l’édition du 11 janvier du quotidien officiel chinois Global Times, l’envoi de militaires à la frontière birmane pour «comprendre la situation». Quelques obus ont atterri ces derniers jours sur le sol chinois.

Il est probable que l’armée birmane va se saisir bientôt du quartier général de Laiza. Mais cette « victoire » militaire ne réglera pas le problème, qui repose sur une solution négociée pour intégrer les Kachins, qui représentent officiellement 1,5 % de la population et sont en majorité de confession chrétienne, à l’ensemble politique birman. Bien des questions restent en suspens. La première vient de l’apparente discordance entre le gouvernement civil de Thein Sein et le commandement militaire. Par deux fois, Thein Sein a demandé à l’armée «d’arrêter l’offensive» mais celle-ci n’a pas obtempéré, invoquant un droit d’auto-défense. Selon Khin Zaw Win, un conseiller du président Thein Sein interviewé par Asie-Info, « les militaires ont subi des pertes importantes. Arrêter l’offensive maintenant équivaudrait à une défaite militaire. C’est une question de prestige ».

Selon une analyse de Bertil Lintner publiée le 11 janvier sur le site Asia Times, les approches respectives du gouvernement et de la KIO (l’organe politique de la guérilla) pour mettre en place une solution politique sont incompatibles. Le journaliste suédois, auteur de nombreux ouvrages sur la Birmanie, cite des leaders kachins qu’il a rencontrés à Laiza ; ceux-ci considérent la Constitution de 2008 comme « inacceptable », car tournant le dos à un système fédéral et embrassant un système de gouvernement centralisé. Il estime aussi que le gouvernement n’est pas prêt à changer de façon significative la Constitution pour arriver à un compromis. Il est vrai que la Constitution, élaborée par une Convention nationale étroitement contrôlée par la junte de l’époque et approuvée par un référendum non crédible, contient des dispositions qui entravent un dialogue constructif, comme par exemple le fait de devoir faire approuver toutes les modifications à la structure de l’Etat par une majorité de 75 % dans les deux assemblées législatives, au sein desquelles 25 % des sièges sont réservés de droit aux militaires.

Mais réclamer un changement total de Constitution est irréaliste dans les circonstances actuelles. Cela ne veut pas dire que le concept de décentralisation, qui existe au sein de la Constitution – laquelle institue 14 gouvernements régionaux – ne peut pas être développé. Actuellement, les 14 gouvernements régionaux (Etats ou Régions) sont dirigés par des militaires ou des membres de l’USDP, le parti du président Thein Sein. Faire en sorte qu’une partie de ces gouvernements soient contrôlés par des politiciens d’opposition ou des politiciens indépendants représentant les minorités ethniques serait déjà un progrès important. Parallèlement, la répartition du budget national – 94 % pour l’Etat central, 6 % pour les régions – reflète la volonté centralisatrice. Mais, là aussi, cela peut être modifié. Aux députés de se lever et de réclamer ces changements. Comme l’écrivait le philosophe Alain en 1930 : « Une idée que je crois fausse et à laquelle s’attachent souvent les partis les plus opposés, c’est qu’il faudrait changer beaucoup les institutions et même les hommes, si l’on voulait un état politique passable. (…) Or nous vivons de demi-mesures ».

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Analyse Politique Thaïlande

Chronique de Thaïlande : la grande bavarde

Face aux critiques, l’armée thaïlandaise réagit par la menace de la force. Une attitude inchangée depuis des décennies.

Vendredi 12 janvier, 50 soldats thaïlandais de la 1ère région militaire (région centre) se sont livrés à un exercice classique : l’intimidation par encerclement. La cible était, cette fois-ci, les locaux du journal Manager, dont le propriétaire est Sondhi Limthongkul, un des leaders de l’Alliance populaire pour la démocratie (PAD) qui regroupe les partisans de l’establishment conservateur, souvent identifiés comme les Chemises jaunes. Sondhi, qui a le sens de la formule, avait comparé dans un éditorial sur le site de son journal le général Prayuth Chan-Ocha, commandant de l’armée de terre, à « une femme ayant ses règles ».

Il voulait expliquer ainsi la mauvaise humeur de l’officier quand il est houspillé par les reporters sur la question du conflit khmèro-thaïlandais concernant le terrain autour du temple de Preah Vihear. Cela n’a pas fait rire les braves soldats qui sont accourus à la rescousse de la réputation de leur chef. Le leader du groupe en uniforme a demandé aux journalistes de Manager d’arrêter « d’insulter » celui-ci. L’idée d’intenter un recours devant un tribunal n’a apparemment pas traversé l’idée de ces militaires.

La méthode a été utilisée à maintes reprises ces dernières décennies. Lors d’un exemple resté fameux, le général Chaovalit Yongchaiyudh, alors chef de l’armée de terre, avait envoyé 300 soldats pour encercler en avril 1987 la maison de l’ancien Premier ministre Kukrit Pramoj, journaliste à la plume acerbe, lequel avait insinué que Chaovalit voulait instaurer « une sorte de communisme avec le roi à la tête ». Cette «logique de cour de récré» s’explique aisément. Les militaires parviennent rarement à gagner un débat par la persuasion. Ils recourent donc à l’outil qu’ils savent le moins mal utiliser : la menace de la force. Il semble que la Thaïlande soit bloquée dans ce jeu puéril et qu’il n’y a guère eu d’évolution au fil des décennies.

Les arguments des militaires n’ont pas varié. Ils sont les « garants » de la sécurité nationale, du « système démocratique avec le roi à sa tête », voire de la moralité publique. Et bien sûr, ce sont ces vaillants guerriers qui définissent à leur gré ce que ces expressions recouvrent, ce qui leur permet de perpétrer quand l’envie les en démange des coups d’Etat (systématiquement justifiés par «la lutte contre la corruption» et la «protection de la monarchie»), de tirer dans la foule des civils ou d’éliminer des personnes gênantes.

Entre 1971 et 1973, selon un rapport établi l’an dernier par l’organisation Action for People’s Democracy in Thailand, l’armée aurait tué 3.000 paysans  dans la province de Pattalung, certains ayant été brûlés vivants dans des barils de tôle et d’autres jetés d’hélicoptères en vol (1).

Les militaires restent un Etat dans l’Etat. Ils continuent à contrôler une grande partie des médias du pays malgré la mise en place d’une Commission nationale de diffusion et de communication. Ils lancent des menaces de coups d’Etat quand bon leur semble. En un mot, ils sont très loin de se cantonner au rôle d’une armée dans un système démocratique, c’est-à-dire une force militaire sous l’autorité du gouvernement civil issu des élections pour défendre l’intégrité territoriale en cas d’agression extérieure. A quand remonte la dernière «glorieuse défense» de l’armée thaïlandaise ?

A plus loin que beaucoup de personnes encore vivantes puissent se souvenir. En revanche, l’armée s’est impliquée dans une campagne de « reverdissement » de l’Isan, dans la rééducation des musulmans du Sud, dans d’innombrables projets d’aide sociale et dans les secours en cas d’inondation. Est-ce bien là leur rôle ? Cela n’atténue-t-il pas leur capacité, déjà douteuse, de combat ? Cette implication sociale n’est-elle pas aussi un facteur de leur politisation, leur donnant l’impression qu’ils peuvent se mêler de tout.

Jusqu’à présent, aucun politicien de Thaïlande, à l’exception notoire d’Anand Panyarachun (2), n’a apparemment eu le courage de mettre l’armée au pas, comme un de Gaulle en 1962 ou un Abdurrahman Wahid, en Indonésie, en 1999. De surcroît, les grandes corporations économiques, lesquelles détiennent sans doute l’essentiel du pouvoir réel en Thaïlande, ont soutenu ce système en accueillant des militaires de haut rang dans leurs conseils d’administration en échange de faveurs. Beaucoup de gens haut placés semblent s’y retrouver dans cet arrangement dont la principale victime est le progrès démocratique. Comment expliquer autrement que, dans ce pays supposé démocratique depuis quarante ans, les coups d’Etat sont encore un moyen accepté de changement de pouvoir ? Si un changement, forcément progressif, intervient, l’impulsion ne pourrait venir que d’en bas, tant une grande partie de l’élite semble se pâmer à la vue d’un uniforme.

(1) http://www.scribd.com/doc/73855188/60-Years-of-Oppression-in-Thailand

(2) Premier ministre en 1991-1992