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Laos Politique

Le Laos sommé d’éclaircir le sort de Sombath Somphone

Gouvernements, ONG et personnalités réclament des explications sur la disparition du militant laotien.

La pression monte sur les autorités laotiennes pour qu’elles fassent la lumière sur les circonstances de la disparition de Sombath Somphone, directeur d’une ONG, qu’on voit être emmené par la police à Vientiane sur une vidéo CCVT de la police laotienne prise le 15 décembre et diffusée sur le site Youtube. Catherine Ashton, haute représentative de l’Union européenne, a exprimé le 21 décembre sa “profonde inquiétude sur la disparition” de Sombath. A Genève, le Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l’Homme a évoqué une apparente “disparition forcée”. Un collectif de 61 ONG thaïlandaises a lancé un appel pour demander aux autorités du Laos de résoudre ce cas rapidement. Jusqu’à présent, le gouvernement laotien s’est limité à une brève déclaration dans la presse, indiquant qu’il “menait une enquête sérieuse sur l’affaire”. Depuis, son silence est assourdissant.

Lors d’une présentation le 21 décembre au Club des correspondants de Thaïlande, Supalak Ganjanakhundee, journaliste au quotidien The Nation, a estimé que les “arrestations arbitraires et les assassinats liés à la politique” existent au Laos. “Si Sombath a fait quelque chose, il devrait être poursuivi de manière transparente devant un tribunal”, a-t-il dit. Pour sa part, l’intellectuel thaïlandais Sulak Sivaraksa a décrit Sombath Somphone comme étant “une personne formidable qui veut servir son pays”. Sulak a mis en garde contre le fait de vouloir décrire le gouvernement laotien comme un bloc homogène. “Il y a des faucons, qui ne sont pas sous un contrôle total”, a-t-il dit. Sulak a considéré que la façon la plus constructive d’exercer des pressions sur les autorités laotiennes est de parler du “grand crédit” dont elles bénéficieront si elles font réapparaître publiquement Sombath.

Sombath, âgé de 60 ans, a fondé en 1996 une ONG dont l’objectif est la formation. Il en a quitté la direction voilà cinq mois. En 2005, il a reçu le prix Magsaysay, le plus prestigieux en Asie du Sud-Est en ce qui concerne le développement.

 

 

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Culture Histoire Société Viêtnam

Vietnam : le culte imposant d’un prêtre, d’un guérisseur

Assassiné en 1946, le père Diêp fait l’objet d’un culte dans le sud. Les premiers éléments d’une demande de béatification ont été réunis. Reportage.

Sur la route nationale qui relie le chef-lieu de Ca-Mau, pointe méridionale du Vietnam, à celui de Bac Liêu, une couche fraîche de bitume a été posée. En 2007, lors de notre passage, les ponts qui franchissent les canaux sont en réfection. A mi-chemin entre les deux chefs-lieux de province,  en bordure de route, au lieu-dit de Tac Sây, la silhouette d’une église en construction domine le paysage plat du delta du Mékong.

Le chef de chantier ne cache pas sa fierté. «La plus haute et la plus grande du Vietnam», dit-il. Un escalier monumental permet d’accéder à la nef, haute « de plus de trente-deux mètres ». La nef proprement dite, construite au-dessus de salles de prière ou de réunion, atteint vingt-trois mètres de hauteur. L’édifice a la taille et l’allure d’une basilique. Entre le canal et la route rectilignes, un vaste espace a été attribué à cette église et aux grands bâtiments qui l’encadrent : administration, mémorial, dortoirs et chambres à l’intention des pèlerins, salles d’étude, bibliothèque. L’ensemble donne une impression de démesure.

Sans attendre la fin du chantier ouvert en 2004, soit trois années auparavant, des milliers de gens s’y rendent chaque jour pour s’y recueillir sous un préau provisoire où chacun dépose, après les courbettes d’usage, des baguettes d’encens fumant. Des voyagistes de Hochiminh-Ville organisent même des visites à la demande de Viêt Kiêu, les Vietnamiens d’outre mer, notamment ceux des Etats-Unis. Autobus et minibus se succèdent de l’autre côté d’un mur qui sépare la route du parvis. Les passagers qui en descendent sont assaillis par quelques poignées d’enfants qui tentent de placer cartes postales, portraits, statuettes, boissons fraîches. En face, de l’autre côté de la chaussée, sont alignées chaises pliantes et tables d’une série de débits de boissons improvisés.

Avant de faire un tour de chantier, les pèlerins déposent leurs baguettes d’encens fumantes, en s’inclinant longuement, sous le préau, au pied de deux statues dont les auréoles sont faites d’un tube de néon rouge allumé en permanence. L’une représente la Sainte Vierge et l’autre est la photo d’un prêtre vietnamien, barbu et encore dans la force de l’âge.

Né le 1er janvier 1897, le père François-Xavier Truong Buu Diêp a été assassiné le 12 mars 1946. Les uns disent que le forfait a été commis par la branche locale, à l’époque associée au Vietminh, de l’église caodaïste (Cao Dai Miên Tây và Bac Liêu). De son côté, Eglises d’Asie rapporte qu’en ces temps-là, alors que des troubles avaient gagné la paroisse qu’il administrait depuis seize ans, le curé de Tac Sây avait «refusé» de quitter ses ouailles. «Le 12 mars 1946, avec 70 de ses paroissiens de Tac Sây, il est arrêté par le Vietminh. Tout le groupe est enfermé dans un grenier à riz. C’est là qu’il propose à ses gardiens d’échanger sa vie pour le salut de ses fidèles. On découvrira plus tard son corps nu et affreusement mutilé dans un étang proche du lieu où il avait été détenu», affirme le site des Missions étrangères de Paris.

Toujours est-il que le père Diêp a été également un guérisseur. Son souvenir déborde de la communauté catholique du Sud, qui représente 7% de la population de la région (davantage qu’au Centre, 5%, et au Nord, 3%). Les méridionaux, au Vietnam, s’attachent aux administrateurs ou religieux qui ont donné l’exemple, et ont tendance à en faire des génies tutélaires, ce qui est notamment le cas à Nhatrang où un portrait d’Alexandre Yersin figure dans une pagode parce qu’il avait mis en place, pour les pêcheurs, un système d’alerte aux tempêtes. C’est encore davantage le cas dans un delta du Mékong où les mentalités sont propices au messianisme,- et où les sectes et leurs avatars prolifèrent à nouveau de nos jours.

De nombreux catholiques pensent aujourd’hui que le père Diêp a accompli assez de miracles pour réclamer sa béatification. De premières démarches dans ce sens ont été effectuées auprès de Rome en 2012. En témoignent les centaines, sinon les milliers, de plaques vissées à un long mur derrière l’église. Sur ces plaques sont inscrits des noms de familles accompagnés des montants de leurs dons, une pratique courante au Vietnam. Les dons viennent des quatre coins de la planète et expliquent le financement de gigantesques travaux confiés à des ouvriers recrutés au Vietnam central.

En 2012, les travaux sont depuis longtemps terminés. L’actuel cardinal-archevêque de Saigon, Mgr Pham Minh Mân, a connu l’ancien curé de Tac Sây. Il a confié à Eglises d’Asie que «c’était le père Truong Buu Diêp qui avait conseillé à sa famille de l’orienter vers le sacerdoce dès son très jeune âge».

Texte de Jean-Claude Pomonti, photos de Nicolas Cornet

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Indonésie Société

Indonésie : inondations à Jakarta

Des pluies torrentielles accompagnées de vents puissants ont provoqué des inondations et paralysé plusieurs quartiers de la capitale dans l’après-midi du 22 décembre.

Les avenues du centre de Jakarta se sont retrouvées très rapidement inondées en raison des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la capitale de l’Indonésie. La hauteur de l’eau a atteint jusqu’à 80 cm dans certains sections des grandes avenues comme les jalan Thamrin et Sudirman. Des inondations ont également eu lieu à Jakarta-Sud, ainsi que dans l’ouest (Grogol) et le nord (Pluit) d’une mégapole qui compte plus de dix millions d’habitants.

Des véhicules, en particulier les motos, ont été immobilisés, moteurs noyés, et des arbres ont été déracinés par les forts vents, a rapporté le Jakarta Globe, paralysant le trafic ou multipliant les embouteillages. Les voies ferrées et les gares de la ville ont été également inondées, perturbant pendant de longues heures le trafic ferroviaire.

Joko Widodo, récemment élu gouverneur de la capitale, a expliqué que la brutalité des inondations, en cas de pluies torrentielles, était liée à l’insuffisance du drainage des canaux et des voies d’évacuation de l’eau. Ces canaux sont encombrés d’ordures et la sédimentation les bloque. «Drainer continuellement les canaux des principales rues fait partie de nos devoirs. Si les responsables n’osent pas se rendre dans les canaux souterrains, nous réclamerons l’aide des militaires. J’ai déjà évoqué la question avec la marine et elle a répondu qu’elle était prête à nous assister», a déclaré le gouverneur, selon le Globe.

Pendant la saison des pluies, des pans croissants de Jakarta sont de plus en plus régulièrement inondés. Joko a indiqué que le dragage en cours de trois cours d’eau qui traversent la capitale permettrait déjà de réduire de 62 à 52 les secteurs régulièrement inondés. Il compte affecter 1,2 milliard de dollars à une vingtaine de projets en vue de réduire ces inondations périodiques.

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Analyse Thaïlande

Chronique de Thaïlande : retour sur avril-mai 2010

La mise en cause d’Abhisit Vejjajiva et de Suthep Thaugsuban dans les évènements de 2010 s’inscrit dans le cadre d’un jeu politique opportuniste.

Dans l’histoire récente de la Thaïlande, l’oubli des fautes a souvent prévalu. Les autocrates de l’après-seconde guerre mondiale ont, pour la plupart, coulé une retraite paisible. Les officiers qui ont donné l’ordre d’attaquer les manifestants en 1973, 1976 et 1992 ont dû, pour suprême sanction, abandonner leurs fonctions officielles s’ils en détenaient, sinon se contenter de se faire discret, tout en continuant de siéger au sein des conseils d’administration des plus grandes entreprises du pays. La prise de responsabilité, la reconnaissance des fautes et le bon déroulement du processus judiciaire ont habituellement été du côté des perdants.

La mise en cause d’Abhisit Vejjajiva et de Suthep Thaugsuban, respectivement Premier ministre et vice-Premier ministre au moment de la répression meurtrière des manifestations des Chemises rouges en avril-mai 2010, peut apparaître comme un progrès. Ces deux anciens gouvernants, qui n’en sont pour l’instant qu’au stade de l’interrogatoire, doivent, deux ans après les faits, faire face aux conséquences des décisions qu’ils ont prises alors qu’ils dirigeaient le pays dans une période critique. Dans une récente interview, Abhisit s’est expliqué de manière assez expéditive sur les raisons qui l’avaient poussé à faire intervenir l’armée : “avec des dizaines de milliers de manifestants bloquant le centre de Bangkok, j’aurais bien aimé voir comment vous vous y seriez pris !”. Une réponse quelque peu de mauvaise foi : tout le monde n’a pas choisi de diriger le pays. Mais force est de reconnaître que, du point de vue des gouvernants, une fois les Chemises rouges incrustées dans le centre commercial de la capitale (et vu le manque de capacité de la police anti-émeutes), le recours à la force militaire était la seule voie ouverte pour dégager le centre-ville. Et les militaires thaïlandais étant ce qu’ils sont…

Il faudrait aussi rappeler que les hommes et les femmes qui dirigeaient le principal mouvement des Chemises rouges (l’Union pour la Défense de la Démocratie, ou UDD) avaient procédé à la mobilisation de leurs troupes au début de 2010, deux semaines après la confiscation par la justice d’un milliard et demi d’euros de la fortune de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra, dans le cadre d’une stratégie avouée de provocation. Lors d’une conférence de presse au Club des correspondants de Thaïlande, Jaran Dittapichai avait indiqué que l’UDD “rassemblerait un million de Chemises rouges dans les rues et que celles-ci n’en bougeraient plus pour provoquer une réaction du gouvernement”. Un chantage à la force, en quelque sorte. L’attitude du parti pro-Thaksin Peua Thai, lequel a fortement bénéficié du soutien des Chemises rouges pour conquérir le pouvoir en juillet 2011, n’a pas laissé d’être ambiguë après sa victoire. Aussi bien les dirigeants du Peua Thai que ceux des Chemises rouges n’hésitent pas à manipuler les militants de base, souvent des ruraux des provinces ou des migrants travaillant dans les villes, quand cela leur profite. Et parfois, ils ne semblent guère se soucier des déboires des familles des victimes.

Un autre élément pousse à mettre en perspective la mise en cause formelle d’Abhisit et de Suthep : l’acharnement suspect du Département des enquêtes spéciales (DSI) dirigé par Tharit Pengdit, lequel siégait aux côtés des deux anciens gouvernants au sein de l’organisme chargé du “rétablissement de l’ordre” en 2010. Qualifier d’opportunisme le retournement de veste de Tharit, presque immédiatement après le scrutin de juillet 2011, relève de l’euphémisme. La conclusion à en tirer est que les poursuites judiciaires et les invocations morales au nom de la justice découlent de logiques mesquinement politiciennes. Ce qui était vrai lors du procès pour abus de pouvoir de Thaksin en 2008 l’est autant pour les ennuis judiciaires d’Abhisit et de Suthep en 2012.

Enfin, et c’est sans doute le défi principal à relever pour le royaume, les militaires, acteurs directs de la répression de 2010, ne sont pas inquiétés, s’abritant derrière le décret d’urgence mis en vigueur à l’époque et leur accordant une quasi-impunité, mais aussi derrière ce qu’il faut bien appeler la lâcheté des politiciens. Il est facile de lancer l’hallali sur Abhisit et Suthep. Il serait plus utile pour l’avenir d’un pays qui se dit démocratique de mettre à l’index les hommes en uniforme, lesquels continuent à croire qu’ils ont le droit et le devoir de renverser un gouvernement élu et d’utiliser la force contre des civils.

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Asie Chine Histoire Politique Viêtnam

Asie : un francophone chef de la diplomatie américaine

La Maison blanche a confirmé, le 22 décembre, la nomination du sénateur John Kerry au secrétariat d’Etat américain, où il succèdera à Mme Clinton en 2013.

Candidat malheureux à la présidence des Etats-Unis en 2004, John Forbes Kerry a des attaches françaises. Sa mère, Rosemary Forbes, est née à Paris et a grandi en France. Brice Lalonde, membre des gouvernements Rocard puis Cresson (1988-1992), est son cousin germain, la mère de Brice étant la sœur de Rosemary. Les Forbes possèdent toujours une propriété en Bretagne, à Saint-Briac sur Mer, dont Brice Lalonde a été le maire de 1995 à 2008. Dans sa jeunesse, John Kerry a souvent accompagné ses parents pendant l’été à Saint-Briac, où leur propriété, détruite pendant la Deuxième guerre mondiale, a été reconstruite en 1954. Le français est l’une des cinq langues que pratique ce globe-trotter qui s’est souvent rendu, entre autres, en Asie du sud-est.

Aujourd’hui âgé de 69 ans, après quatre années d’études à l’université de Yale, John Kerry a participé à la guerre du Vietnam (1967-1969). Il y a commandé un patrouilleur maritime dans le delta du Mékong. Il a été blessé à plusieurs reprises. Il en est revenu, la poitrine bardée de médailles, pour lancer une vive campagne contre la guerre, son véritable premier combat politique. Il est retourné à plusieurs reprises dans ce pays, notamment en 2000 quand Bill Clinton accompagné de Hillary y a accompli le premier séjour officiel d’un président américain depuis la fin de la guerre en 1975.

Membre du Sénat depuis 1985, où ce Démocrate représente l’Etat de Massachussetts, John Kerry devrait recevoir sans problème, selon le Washington Post, l’approbation de la Chambre haute dont il préside, depuis 2009, la Commission des affaires étrangères. Il est rompu à l’exercice de la diplomatie et souhaitait prendre la succession de Hillary Clinton. Mais il a dû attendre que Susan Rice, ambassadrice à l’ONU, renonce à tenter sa chance pour être choisi par Barack Obama. Son entrée officielle en fonctions aura lieu le 20 janvier 2013, le jour où Obama entamera son deuxième mandat.

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Laos Politique Société

Laos : qui aurait enlevé Sombath Somphone ?

Inquiétude croissante sur le sort du fondateur laotien d’une ONG, porté disparu après avoir été interpellé par la police le 15 décembre à Vientiane.

Ng Shui Meng, ressortissante de Singapour et épouse de Sombath, a fait état d’un enregistrement de la CCVT de la police laotienne. Le 15 décembre à Vientiane, un policier à motocyclette arrête la jeep que conduit Sombath. Ce dernier en descend et le véhicule est emmené par la police. Le motocycliste est suivi par un pick-up dont les feux de détresse clignotent. Deux hommes en descendent. Sombath se joint à eux et ils montent tous les trois à bord du pick-up qui s’éloigne. Telles sont les images diffusées sur YouTube ( http://www.youtube.com/watch?v=VB29Jr0O748 ) . Depuis, plus de nouvelles.

Dans un communiqué diffusé sur le site de l’agence officielle KPL, le ministère des affaires étrangères  du Laos reconnaît avoir reçu une copie de la vidéo ainsi que des appels de Ng Shui Meng. Il ne conteste pas l’enchaînement des faits. Mais il affirme qu’il ne s’agit pas d’un pick-up de la police et que rien n’indique que Sombath ait été conduit de force vers le pick-up et embarqué à bord contre son gré. L’enquête «préliminaire», ajoute le ministère, estime «possible» que «M. Sombath ait été kidnappé peut-être à la suite d’un conflit personnel ou d’affaires».

Sombath, âgé de 60 ans, a fondé en 1996 une ONG dont l’objectif est la formation et dont il a abandonné la direction voilà cinq mois. En 2005, il a reçu le prix Magsaysay, le plus prestigieux en Asie du Sud-Est en ce qui concerne le développement. 31 lauréats du prix Magsasay, selon le Nation de Bangkok, ont lancé un appel aux autorités laotiennes exprimant leur «vive inquiétude» sur le sort de Sombath, auquel on ne connaît pas de conflit d’affaires. Les Etats-Unis ont également fait savoir leur préoccupation.

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Analyse Birmanie Chine Politique Thaïlande

Le pivot américain accepte la Thaïlande telle qu’elle est

Washington a modifié son attitude à l’égard de Bangkok en appuyant le nouveau gouvernement. La raison : la peur de laisser la Thaïlande filer dans le camp chinois.

Lors de son passage à Bangkok le 18 novembre 2012, Barack Obama est allé saluer le roi de Thaïlande qui lui a accordé une audience dans l’hôpital où il séjourne depuis longtemps. Plus surprenant, le chef de l’Etat américain a accordé un appui public à Yingluck  Shinawatra, premier ministre depuis 2011 et sœur cadette de Thaksin. Yingluck est pourtant considérée comme étroitement dépendante de son frère, personnage controversé et qui n’a guère la cote à Washington.

Professeur d’histoire de l’Asie du Sud-Est à l’université de Queensland,  Patrick Jory offre une explication sur le site australien de l’East Asia Forum. «Les Etats-Unis, écrit-il, veulent un gouvernement stable, pro-américain en Thaïlande. Aussi est-il possible qu’ils en viennent à accepter que Thaksin et ses gouvernements populairement élus, plutôt que la monarchie, offrent un meilleur pari à long terme en ce qui concerne la stabilité politique, en particulier compte tenu de la succession royale à venir.»

Washington ferait donc le constat suivant : voilà douze ans qu’à l’occasion de chaque vote, Thaksin, ses partisans, ses partenaires et leurs succédanés, emportent les élections. Premier ministre de 2001 à 2006, chassé du pouvoir par l’armée, en exil volontaire en raison d’une condamnation en 2008 pour abus de pouvoir, Thaksin demeure populaire. Dont acte. Barack Obama et Hillary Clinton auraient décidé que, dans le cadre du « pivot » américain vers l’Est, il fallait accepter cette donnée, comme il a fallu encourager le nouveau gouvernement de Birmanie à s’ancrer et à conserver les distances prises dès ses débuts, en 2011, à l’égard de Pékin.

Les Etats-Unis se retrouvent donc assez loin de leur position en 2006, estime Patrick Jory. Des câbles publiés par Wikileaks avaient révélé que l’ambassade américaine à Bangkok avait alors estimé qu’à la suite du coup d’Etat, la nomination annoncée comme premier ministre de Surayud Chulanont, un ancien chef de l’armée de terre, était «un développement très positif » aussi bien pour la Thaïlande que pour les relations bilatérales.

Au fil des décennies, Washington a établi des relations très étroites avec l’élite thaïlandaise. Des générations d’officiers thaïlandais ont été formées dans les académies militaires américaines. La Thaïlande a servi de porte-avions à l’intervention militaire au Vietnam. Aujourd’hui, il est clair que Thaksin demeure toujours assez populaire pour appartenir durablement au paysage politique thaïlandais. «Si les Etats-Unis continuent de soutenir leurs vieux alliés de la Guerre froide en Thaïlande – la monarchie et l’armée – Thaksin n’aurait apparemment que le choix de se retourner vers la Chine», estime Patrick Jory. Washington aurait donc au moins choisi de ménager tout le monde.

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Laos

Laos : le directeur d’une ONG aurait été arrêté à Vientiane

Sombath Somphone, qui dirige une ONG consacrée au développement, aurait été interpellé par la police. Il était porté disparu depuis le 15 décembre.

C’est le Straits Times de Singapour qui a rapporté l’information le 19 décembre. Dans un communiqué, 61 ONG de Thaïlande ont affirmé que Sombath a disparu quatre jours auparavant à Vientiane, la capitale du Laos. Des amis l’ont vu pour la dernière fois lorsqu’il est monté à bord de sa voiture en quittant le bureau de l’agence de développement qu’il  a fondée pour regagner son domicile. L’un de ses collègues a affirmé avoir la preuve que la police l’a interpellé.

L’ONG de Sombath s’occupe essentiellement de formation, une activité qui ne semble pas, a priori, pouvoir inquiéter les autorités, même dans un pays dirigé par un parti communiste qui ne tolère pas les dissidents. Le Laos, en outre, traverse une phase de forte expansion économique, avec un taux d’expansion supérieur à 8% en 2012, le plus élevé de la région. Il a lancé une politique de grands travaux, avec la construction d’un premier barrage hydroélectrique sur le Mékong (entreprise thaïlandaise) et deux voies ferrées, l’une qui traversera le Nord et le Centre (aide de la Chine) et l’autre le Sud (coopération avec le Vietnam).

Le 9 décembre, la responsable de l’organisation de coopération suisse Helvetas avait été expulsée, officiellement  en raison de son «comportement inapproprié» et de son «attitude non-constructive» à l’égard du Laos. Dans un courrier qu’elle avait adressé aux pays donateurs et à d’autres organisations à la veille d’une réunion sur l’aide internationale, elle avait reproché au gouvernement laotien de créer un  environnement hostile au développement et à la société civile en étouffant la liberté d’expression et d’association.