Neuf lieux de prière chrétiens et quatre temples bouddhistes ont été contraints de suspendre leurs activités à Atjeh, seule province où la charia est légale.
La mesure a été prise à Banda Atjeh, chef-lieu de la province, à la suite de pressions d’islamistes, notamment du FPI (Front de défense de l’islam), qui font valoir que ces lieux de culte n’ont pas de permis officiel, rapporte le site de Radio-Australia. Dans une province de quelque 5 millions d’habitants, les fidèles de ces deux religions ne se comptent que par milliers.
Connue sous le nom de «véranda de la Mecque» à la pointe nord de Sumatra, où l’islam a pénétré dès le XIII° siècle, Atjeh est une communauté musulmane très pieuse et dont les dirigeants avaient, au siècle dernier, réclamé l’application locale de la charia pour conforter leur identité culturelle. Depuis la fin des années 1970, le GAM, mouvement armé irrédentiste mais aux moyens limités, a pris la relève jusqu’au désastre provoqué par le tsunami de décembre 2004 (170.000 morts ou disparus) et la conclusion d’un accord de paix, en août 2005, avec Jakarta sur la base d’une large autonomie interne. Entre-temps, l’Indonésie avait concédé aux Atjehnais l’application d’une charia que leurs leaders ne réclamaient plus.
La peur de petits groupes islamistes comme le FPI, lequel a notamment saccagé à Jakarta des débits d’alcool, explique la pusillanimité des autorités et le dynamisme de la police religieuse en place dans la province. Ce qui provoque des frictions, ainsi que le rapporte le 24 octobre le Jakarta Globe : lors d’une petite fête organisée dans un bourg atjehnais pour célébrer l’incorporation d’un jeune conscrit, la police religieuse a dispersé l’assemblée en faisant valoir que les rassemblements étaient interdits l’après-midi. Elle a été accueillie par des jets de pierres et des quolibets, l’un de ses membres a été grièvement blessé, et il fallu appeler la police civile, qui est armée, pour disperser l’assemblée.
Chrétiens et bouddhistes vont faire appel de la décision, faisant valoir que leurs lieux de culte à Banda Atjeh sont privés et que la Constitution indonésienne garantit la liberté religieuse. Le ministre de l’intérieur a déjà fait savoir qu’il n’interviendrait pas dans le différend.