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Asie Indonésie Politique

Le terrorisme en Indonésie : jeunes acteurs, mêmes structures

Plusieurs accrochages à Solo signaleraient l’émergence d’une nouvelle génération de terroristes affiliés à des structures en place depuis quelque temps.

Farhan Mujahidin était âgé de 19 ans. Mukhsin Sanny Permady avait 20 ans et Bayu Setiono en a 22. Les deux premiers ont été abattus, le 31 août à Solo (Surakarta, Java central), lors d’un raid du Detachement 88, l’unité d’élite de la police chargée, en Indonésie, de la lutte contre le terrorisme. Le troisième a été arrêté, un peu plus tard, par la même unité. Tous les trois étaient soupçonnés de terrorisme.

L’enquête de la police, ces derniers jours, a confirmé le soupçon : les trois jeunes gens appartenaient à une cellule de formation récente mais affiliée à la Jemaah Ansharut Tauhid, un groupe extrémiste fondé par Abou Bakar Baachir, lequel purge une peine de quinze ans de prison pour avoir financé un camp d’entraînement de terroristes à Atjeh. Prédicateur, Abou Bakar Baachir a également été l’émir de la Jemaah Islamiyaah, le premier réseau terroriste d’Asie du sud-est affilié à Al-Qaïdah.

Mais Baachir a aussi été l’un des fondateurs en 1971 – et demeure le père spirituel – du pensionnat islamiste Al-Mukmin, dans une banlieue de Solo appelée Ngruki, où ont étudié de nombreux terroristes, notamment certains impliqués dans l’attentat qui a fait 202 victimes à Bali en 2002. Or les trois jeunes gens ont fréquenté ce pensionnat et, selon la police, c’est la raison pour laquelle ils ont monté leurs premières opérations à Solo. «Parce qu’ils ont fait leurs études au pensionnat Al-Mukmin Ngruki, ils étaient familiers des lieux et connaissaient des endroits où se cacher. Aussi, ils pouvaient effacer toute trace de leur présence», a déclaré un porte-parole de la police.

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Analyse Thaïlande

Chronique de Thaïlande : le retour de Super-Chalerm

Vétéran de la politique, l’actuel vice-Premier ministre Chalerm Yubamrung tient le haut du pavé malgré une réputation sulfureuse.

Un nouveau soap-opera sur la chaîne 3 de la télévision thaïlandaise captive, depuis plusieurs semaines, l’attention du grand public en Thaïlande. Il s’agit de Hong Sabad Laï (« Le Gang de la Cité », selon une traduction non littérale) qui décrit de manière hautement colorée les péripéties de la vie d’une famille dont le chef est un politicien corrompu et sans scrupules et le fils aime à manier le revolver pour régler ses comptes avec ses rivaux. Plusieurs Thaïlandais m’ont assuré que le vice-Premier ministre actuel Chalerm Yubamrung aurait inspiré en partie le personnage principal de la série, le patriarche véreux. Si cela est vrai, ce serait une consécration pour cet ancien capitaine de police âgé de 64 ans, entré en politique dans les années 1980 et qui a bien failli sombrer dans l’oubli il y a une dizaine d’années.

Chalerm Yubamrung est le prototype du politicien fort en gueule qui anime la scène politique du royaume, une « bombe à retardement ambulante » comme l’a qualifié l’analyste Chris Baker il y a peu. Aux côtés de la cheffe du gouvernement Yingluck Shinawatra, aussi élégante qu’effacée, Chalerm présente un contraste total, avec ses gesticulations et ses coups de gueule, son absence quasi-totale de retenue et ses piques assassines. Mais quels que soient ses travers, force est de reconnaître qu’il joue aujourd’hui un rôle de tout premier plan, cumulant la fonction de Monsieur anti-drogue avec la supervision des opérations de sécurité dans le Sud à majorité musulmane du pays. Sur les écrans et derrière les micros, sur les perrons et dans les salons de réception, on ne voit que lui. D’où lui vient donc cette présence au-delà d’un hyper-activisme qui n’est pas sans rappeler la bougeotte permanente de l’ancien président Sarkozy ?

Chalerm n’a jamais bien été considéré quand il faisait carrière dans la police. Lors d’un entretien en 1994, le général de police Seri Temiyavej (qui deviendra plus tard chef de la police royale) l’avait qualifié d’«officier de très basse qualité». C’est son entrée en politique en 1988 dans le gouvernement de Chatichai Choonhavan qui lui donna un profil national. Nommé ministre auprès du Premier ministre, il fut chargé de superviser le secteur des médias. Déjà, il se distinguait par ses interférences dans la couverture par les journalistes. C’est à cette époque qu’il rencontra Thaksin Shinawatra, alors un homme d’affaires sur la pente ascendante et qui souhaitait mettre un pied dans le secteur audiovisuel. Chalerm s’entendit bien avec cet homme de sa génération qui était aussi un ancien officier de police. Comme Chalerm avait autorité sur l’Autorité Thaïlandaise de Communication de Masse (MCOT), il fit en sorte que cette agence gouvernementale octroie une licence pour une chaîne de télévision câblée à Thaksin. L’amitié était scellée et ne se démentira jamais.

Mais la carrière politique de Chalerm, souvent accusé d’être propriétaire de casinos clandestins, allait connaître des tournants imprévus. Et comme il s’était fait un certain nombre d’ennemis par ses embardées – qualifiant par exemple l’épouse de l’ex-Premier ministre Chaovalit Yongchaiyud de «boîte à bijoux ambulante» -, ceux-ci ne se prièrent pas pour lui savonner la planche. En 2001, l’un des deux fils de Chalerm, Duangchalerm, jeune officier de police, est impliqué dans le meurtre d’un autre officier de police dans une discothèque. L’accusation est grave : des témoins affirment l’avoir vu tirer une balle dans la tête du policier à bout portant après une querelle. Duangchalerm s’enfuit au Cambodge et son père, alors ministre dans le gouvernement de Thaksin, essaie de temporiser. Après un an de cavale, Duangchalerm rentre au pays et, surprise !, la totalité des témoins refusent de témoigner ou reviennent sur leurs premières déclarations. La cour acquitte Duangchalerm en 2004, alors que de forts soupçons d’ingérences au sein de l’appareil judicaire pèsent sur son père. Chalerm entame une longue traversée du désert, qui ne se terminera qu’en 2011 lorsqu’il entrera au gouvernement de Yingluck Shinawatra.

On peut légitimement se demander comment un politicien qui traine autant de casseroles derrière lui puisse occuper un rôle aussi important dans le gouvernement. Peut-être parce que chaque gouvernement – et particulièrement celui de Yingluck – a besoin d’un « franc-tireur » pour faire reculer les critiques trop agressifs, mais aussi, comme le confie un analyste, simplement parce que personne n’ose s’en prendre à l’ancien capitaine de police qui «connait trop de choses sur trop de monde».

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Malaisie Politique

L’Allemagne accusée d’ingérence en Malaisie

Le scandale de la vente des sous-marins français en Malaisie s’épaissit et touche, par ricochet, l’Allemagne.

Le gouvernement de Malaisie a convoqué l’ambassadeur d’Allemagne à Kuala Lumpur après avoir appris que celle-ci avait financé en 2010 un projet de l’organisation malaisienne de protection des droits de l’Homme, Suaram. Selon un communiqué du ministère malaisien des Affaires étrangères, « l’action de l’ambassade d’Allemagne (…) peut être considérée comme une ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat souverain ». Cette étrange intervention du gouvernement malaisien s’éclaire si l’on rappelle que Suaram a déposé l’an dernier une plainte devant la justice française pour corruption contre le premier ministre Najib Razak dans l’affaire de l’achat de deux sous-marins français Scorpène en 2002. Lors de cette affaire d’une grande complexité, 114 millions d’euros ont été versés par la Direction des Chantiers Navals (DCN) à des sociétés intermédiaires dirigées par Abdul Razak Baginda, un conseiller proche de Najib, lequel était à l’époque ministre de la Défense.

Ajoutant une touche de roman noir à cette saga, l’amante d’Abdul Razak Baginda, l’interprète mongole Altantuya Shaariibuu, avait été horriblement assassinée par deux policiers employés par les services du ministère de la Défense en 2006 après qu’elle eut réclamé sa part de la commission. Depuis le dépôt de la plainte, les comptes de Suaram sont passés au crible par plusieurs agences gouvernementales, lesquelles l’ont même accusée de blanchiment d’argent. La publication par le site Asia Sentinel de nombreux documents saisis par la justice française semble avoir poussé le gouvernement malaisien à lancer cette campagne à l’encontre de Suaram.

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Société Viêtnam

Vietnam: un nouveau type de virus de la grippe aviaire

Dans le centre et le nord du Vietnam, un virus de la grippe aviaire, nouveau et puissant, est apparu. Les autorités luttent pour s’en débarrasser.

Selon l’Agence vétérinaire, organe gouvernemental, sept provinces du Vietnam sont actuellement affectées par un virus très toxique de la grippe aviaire. Plus de 180.000 volailles ont été abattues ou sont en voie de l’être. Le site VietnamNet rapporte que ce nouveau virus est apparu en juillet et qu’il s’est répandu rapidement dans le centre et le nord du pays le mois suivant.

L’un des dirigeants de l’Agence chargée de la gestion animalière estime que ce virus a peut-être été transmis par de la volaille infectée importée de Chine en traversant la frontière terrestre entre les deux pays. «Chaque fois que des volailles non conformes sont importées de Chine, le nouveau virus apparaît et attaque à la fois poules et canards», a rapporté le directeur adjoint de l’Agence.

Le Bureau chargé de la prévention contre la grippe aviaire et la fièvre aphteuse a déclaré que le nouveau virus était similaire au H5N1 chinois. Il a réclamé un contrôle très strict des importations, licites et illicites, de volailles de Chine.

Le Centre vétérinaire de diagnostic vietnamien commence à tester les vaccins actuellement disponibles sur le nouveau virus. Le ministre de l’agriculture et du développement rural a ordonné que la priorité soit donnée aux vaccins fabriqués au Vietnam. A ce jour, aucune nouvelle victime humaine n’a été rapportée. Neuf morts de la grippe aviaire ont été enregistrés en 2012 en Indonésie. Dans le monde, le total des victimes humaines, depuis 2003, est de 359 (dont 61 au Vietnam). Compte tenu de la promiscuité entre hommes et volailles dans les bourgs et les villages de la région, ces résultats semblent indiquer que le virus se propage difficilement parmi les êtres humains.

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Birmanie

Total renforce sa position en Birmanie

En acquérant 40 % dans un bloc gazier, Total, longtemps vilipendé pour ses investissements en Birmanie, consolide ses positions.

La firme Total S.A. continue à avancer ses pions en Birmanie en acquérant 40% du bloc gazier M 11, opéré par le Thaïlandais PTTEP, au large des côtes sud-est de Birmanie, non loin du gisement de Yadana dont la firme française est l’opératrice depuis les années 90. Le troisième partenaire du bloc M 11 est le Japonais JX Nippon Oil and Gas Exploration Corp avec 15% des parts. En 2011, Total avait atteint une production cumulée en Birmanie de 15.000 barils équivalent pétrole par jour.

Selon la firme d’analyse économique Zacks Investment Research, la décision de la firme française semble motivée par la possibilité de découverte de nouveaux gisements dans la zone et par le fait que les pays de la région deviennent des consommateurs d’énergie de plus en plus importants. La grande majorité du gaz extrait du gisement de Yadana alimente les centrales électriques de Thaïlande.

Total a été longtemps critiqué pour ses investissements en Birmanie, initiés dès le début des années 1990, et pour certaines violations alléguées des droits de l’Homme notamment aux alentours du gazoduc reliant le gisement de Yadana à la Thaïlande. Un règlement à l’amiable avait mis un terme à une action judiciaire concernant l’emploi de travail forcé sur le chantier du gazoduc.

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Politique Société Viêtnam

Vietnam : le crime d’une faute professionnelle de journaliste

En prouvant la corruption d’un agent de police, un journaliste s’est retrouvé accusé lui-même de corruption. Verdict : 4 ans de prison (et 5 ans pour le policier).

L’affaire remonte à juin 2011 à Hochiminh-Ville. Hoang Khuong, aujourd’hui âgé de 37 ans, réputé et primé pour la pugnacité de ses reportages sur la corruption des flics au Vietnam, a appris qu’un agent de la circulation, Huynh Minh Duc, s’est laissé soudoyer (plus de cent €) par un ami de Khuong, Tôn That Hoa, pour rendre un camion semi-remorque pris en faute.

Quand un autre ami du journaliste, Trân Minh Hoa, voit sa moto confisquée à la suite d’une violation du code de la route par Duc, Khuong décide de prouver la corruption du policier : Hoa, qui connaît Duc, accepte de jouer une deuxième fois les intermédiaires et remet à Duc la somme demandée (l’équivalent, cette fois, de plus de 500 €) pour récupérer la moto.

La suite : un article de Hoang Khuong, le 10 juillet, dans le quotidien de langue vietnamienne Tuoi Tre, pour lequel il travaille, repris par le site anglophone tuoitrenews.vn. Le résultat : les acteurs de ce scénario et leurs complices vont finir par se retrouver au trou en attendant de passer devant le juge au cours du procès qui a eu lieu les 6 et 7 septembre à Hochiminh-Ville.

Khuong a été sanctionné sur-le-champ par la direction de Tuoi Tre pour faute professionnelle. Toutefois, le procureur l’a accusé de corruption, un «crime», pour avoir tenté et réussi à faire refiler un pot-de-vin à un policier (et Hoa, un chef d’entreprise, a été accusé de complicité). Le procureur a réclamé de 6 à 7 ans de prison contre le journaliste. Verdict : 4 ans de prison pour le journaliste ; 2 ans pour son complice Hoa ; 5 ans pour le policier Duc ; 5 ans pour le propriétaire de la moto ; 4 ans pour un beau-frère de Khuong, jugé également complice. En ce qui concerne Khuong, la faute professionnelle, donc non criminelle, n’a pas été retenue.

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Société Thaïlande

Thaïlande : l’héritier Red Bull dans de sales draps

Poursuivi pour avoir tué un policier au volant de sa Ferrari, le petit-fils du créateur du Red Bull était sous l’emprise de l’alcool.

La famille héritière de l’empire Red Bull va vivre des semaines difficiles. Le petit-fils, Worrayuth Yoovidhya, risque gros. Il a déjà été inculpé pour avoir renversé et tué un policier le 3 septembre à l’aube au volant de sa Ferrari noire dans le centre de Bangkok. Mais, selon le Nation qui cite le colonel de police Chumpol Phumphuang, il avait un taux anormalement élevé d’alcool dans le sang au moment des faits. En ajoutant à son dossier la conduite en état d’ivresse, il risque un minimum de 3 ans de prison, une amende de 200 000 bahts (5000 euros) et le retrait de son permis de conduire pendant une longue période.

De plus, le Bangkok Post rapporte une analyse de Sathon Wicharnwannalak, expert interrogé par la police pour déterminer la vitesse du véhicule au moment de l’accident. En scrutant la bande vidéo d’une caméra de surveillance proche des lieux du drame, il a conclu que le jeune conducteur devait rouler à au moins 100 kilomètres/heure. Certains avaient initialement évoqué une vitesse de 200 km/h. Worrayuth Yoovidhya pouvait difficilement faire pire que cumuler une vitesse excessive en ville, l’état d’ébriété, le fauchage d’un policier sur sa moto qui entraîne la mort et la fuite de la scène de l’accident.

L’affaire ne s’arrête pas là. Un lieutenant-colonel de police, Pannaphon Nammueng, en ayant voulu couvrir le chauffard en tentant d’interpeller un innocent, s’est lui aussi mis dans de sales draps. Supérieur direct de la victime et entretenant des relations proches avec la famille Yoovidhya, il a  été suspendu de ses fonctions  et risque des sanctions disciplinaires et des poursuites pénales. Chalerm Yoovidhya, le père du suspect, est la quatrième fortune de Thaïlande.

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Birmanie Politique

Crise institutionnelle en Birmanie

La Birmanie a connu, avec la démission le 6 septembre des neufs juges constitutionnels, sa première crise institutionnelle depuis l’ouverture politique au début de 2011.

C’était une première épreuve pour la démocratie embryonnaire de la Birmanie. Le fait qu’elle ait pu la surmonter sans répercussions négatives majeures est un signe rassurant. Un arrêt de la Cour constitutionnelle saisie par le président Thein Sein et statuant que les comités parlementaires n’ont pas le droit de remettre en cause les amendements aux lois effectués par l’exécutif, ni de convoquer les ministres pour les questionner, est à l’origine du conflit. Jeudi 6 septembre, les deux tiers des députés de la Chambre basse du parlement – ceux de la Ligne nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi, comme ceux du Parti de la solidarité et du développement de l’union (USDP) majoritaire – ont voté la destitution des neuf juges constitutionnels. Ceux-ci ont démissionné dans la soirée du même jour après avoir consulté Thein Sein. Seuls les députés militaires, qui occupent de droit 25 % des sièges de la Chambre basse, avaient voté contre la destitution ou s’étaient abstenus.

Cette mini-crise montre qu’un véritable jeu institutionnel existe et que les députés du parti majoritaire n’obéissent pas au doigt et à l’œil du gouvernement. Elle témoigne aussi des tensions entre le président Thein Sein et celui qui apparaît comme son principal rival dans le camp des anciens de la junte, l’ex-général Thura Shwe Mann, président de la Chambre basse. Réputé ambitieux et corrompu, il viserait à se porter candidat à la succession de Thein Sein aux élections de 2015 – ou même avant si ce dernier a un accident de santé. Ce chassé-croisé constitutionnel lui a permis de se positionner comme défenseur des libertés parlementaires, tout en montrant que le nouveau système birman était capable de gérer une crise sans à-coups majeurs.