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Le mausolée d’un ancien roi de Thaïlande bientôt détruit en Birmanie

Selon des historiens birmans, le tombeau du roi Uthumphon d’Ayuthaya, situé près de Mandalay, va être démantelé pour laisser place à un projet de développement immobilier.

Le mausolée du roi Uthumphon d’Ayuthuya, plus connu par les Thaïlandais sous le nom du roi Dok Dua (fleur de figuier), qui se trouve sur la colline Lin Zin à l’Ouest de Mandalay, va être détruit dans le cadre d’un projet de développement urbain, selon le magazine Irrawaddy. Le site se trouve tout près de l’ancienne capitale royale d’Amarapura. Couronné en 1758, le roi Uthumphon abdiqua en faveur de son frère Suriyamarin après seulement deux mois de règne à cause des interférences constantes de ce dernier dans la direction du royaume. Uthumphon se fit ensuite ordonner bonze et vécut dans un temple jusqu’à la destruction d’Ayuthaya par les Birmans en 1767. Il fut alors emmené en Birmanie comme prisonnier de guerre avec des milliers d’autres membres de la famille royale par le roi birman Hsinbyushin (1736-1776) et mourut en captivité en 1796.

Les historiens locaux déplorent la prochaine destruction de ce mausolée magnifique, d’une taille exceptionnelle et qui ressemble à un stupa. «Les Thaïlandais viennent régulièrement sur cette tombe pour honorer leur ancien roi. Je dois toujours la nettoyer avant leur arrivée. Ils vont être blessés si elle est détruite», indique Nyein Win, un archéologue à Amarapura. Des universitaires à Mandalay se sont aussi plaints de cette probable perte du patrimoine historique et architectural, soulignant que cela n’aiderait pas à faire du pays une destination touristique de premier plan. En 1997, la junte militaire avait détruit le cimetière de Kyandaw à Rangoon, où se trouvaient les cendres ou les sépultures de nombreuses personnes respectées du monde politique, économique et social.

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Thaïlande

L’armée thaïlandaise pointée du doigt dans l’assassinat d’un photographe italien

Un colonel de police laisse entendre que des militaires ont tiré sur le photographe Fabio Polenghi lors des manifestations anti-gouvernementales de mai 2010 à Bangkok.

Le 23 juillet, lors de la première audience de l’enquête judicaire sur le meurtre de Fabio Polenghi, un photographe italien tué à Bangkok le 19 mai 2010 alors qu’il couvrait les manifestations anti-gouvernementales, le colonel de police Seubsak Phansura, chef du comité d’enquête, a déclaré aux juges que le journaliste «avait été tué par des officiels qui étaient en train d’effectuer leur devoir». Lors de son témoignage devant la cour pénale de Bangkok Sud, l’officier de police avait auparavant décrit la situation au moment du meurtre, indiquant que 300 militaires du 3ème Corps de gardes de la reine étaient en position au carrefour de Saladaeng, dans le centre de Bangkok, et progressaient vers le carrefour de Rajprasong pour «reprendre le contrôle de la zone». Une dizaine de milliers de Chemises rouges, partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, et plusieurs dizaines de journalistes thaïlandais et étrangers se trouvaient dans le périmètre au moment de l’opération de nettoyage de l’armée.

Questionné par un procureur, le colonel Seubsak a expliqué que «les soldats venant du carrefour de Saladaeng tiraient» en direction «d’un groupe de manifestants et de journalistes qui fuyaient en direction du carrefour de Rajprasong». «La balle (qui a tué Fabio Polenghi) était une balle à haute vélocité. Elle est entrée par derrière et est ressortie par le côté gauche», a-t-il précisé. Elisabetha Polenghi, la sœur cadette du photographe italien venue en Thaïlande pour participer à l’enquête judiciaire, a également témoigné lors de cette audience, apportant des précisions sur le passé et les activités professionnelles de son frère.

Après l’audience, Karom Polponklang, l’avocat d’Elisabetha Polenghi, a indiqué que la formulation alambiquée rejetant l’assassinat sur «des officiels exerçant leur devoir» s’expliquait par le fait que «des policiers ne veulent pas pointer du doigt directement les militaires, mais tout le monde sait que les militaires étaient les seuls officiels présents dans le périmètre depuis le 13 mai». La seconde audience de l’enquête judicaire, lors de laquelle comparaitront d’autres témoins, se tiendra le 17 septembre prochain.

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Analyse Chine Philippines Politique Viêtnam

Mer de Chine du Sud : nouveaux bruits de bottes chinoises

L’escalade se poursuit en Mer de Chine du Sud. Pékin a annoncé l’installation formelle d’une garnison aux Paracels et  aux Spratleys.

La toute puissante Commission militaire centrale a «autorisé» l’Armée populaire de libération chinoise à installer une garnison en Mer de Chine du Sud. Son commandement dépendra de la province de Guangzhou et sera situé dans la «ville de Sansha», une unité administrative formée en juin et dont le siège se trouve sur la principale île des Paracels, occupée en 1974 par l’armée chinoise (qui en avait alors chassé une petite garnison sud-vietnamienne)  et qui est dotée d’une piste aérienne réaménagée.

La poussée chinoise en Mer de Chine méridionale se poursuit rapidement. La grande île de Haïnan, au nord, est dotée d’une base de sous-marins et d’un aéroport militaire. Les flotilles de pêche chinoises sont sous la protection de leurs propres bâtiments armés. La marine de guerre chinoise chasse les bateaux de pêche du Vietnam et des Philippines. Pékin exerce de fortes pressions sur les sociétés pétrolières occidentales pour freiner l’exploration (gaz et pétrole)  dans les zones économiques exclusives des autres Etats riverains. Les troupes chinoises qui seront stationnées dans les archipels des Paracels et des Spratleys seront «responsables de la gestion de la mobilisation, des réserves militaires et des opérations militaires» nécessaires à a protection de la «ville de Sansha».

En 1988, dans la partie méridionale de l’archipel des Spratleys, soit à mille km au sud de l’île de Haïnan, Pékin avait établi de force une station d’observation marine et les affrontements entre les marines chinoise et vietnamienne avaient alors fait 64 morts chez les Vietnamiens. Cette fois-ci, dans le même secteur, Pékin a dépêché le 14 juillet trente chalutiers sous la protection d’un bâtiment armé de trois mille tonnes de l’administration chinoise des pêches.

La Chine poursuit la mise en place d’un dispositif de contrôle de la Mer de Chine du Sud dont elle revendique plus de 80% des eaux. Un poids croissant est accordé aux militaires chinois, au nationalisme pariculièrement agressif. Les risques d’incidents ne sont donc plus à écarter car il s’agit, de la part de la Chine, d’une poussée délibérée. Ces trois derniers week-ends, le Vietnam a toléré de petits rassemblements anti-chinois à Hanoi. La Mer de Chine du Sud est en passe de devenir la zone la plus sensible en Asie.

Jean-Claude Pomonti

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Laos Viêtnam

Nouvelle réserve pour espèces en danger au Vietnam central

Une réserve naturelle va être aménagée dans la province centrale de Quang Nam pour protéger le sao la, mammifère en «danger critique», et son habitat naturel.

La réserve sera située sur la frontière laotienne, couvrira 15.800 hectares et inclura une partie des forêts du district de Tay Giang. Le coût de son aménagement est évalué à quelque deux millions d’euros.

Le sao la est un mammifère qui a l’apparence d’une antilope. Il a été découvert seulement en 1992 dans une autre réserve du Vietnam, celle de Vu Quang, sur la frontière avec le Laos. Une équipe du WWF (aujourd’hui, le World Widlife Fund for Nature) avait participé à la découverte, au domicile d’un chasseur, d’un squelette de l’animal. En 1999, des caméras avaient capté quelques clichés de cet animal. Enfin, en 2010, des ruraux avaient capturé un sao la au Laos, dans la province de Bolikhamsai, frontalière du Vietnam. Mais la bête était morte au bout de quelques jours de captivité.

Tout en se félicitant de l’aménagement d’une réserve, le WWF estime le sao lao «au bord de l’extinction». Selon le quotidien vietnamien Thanh Nien, l’animal serait chassé, pour ses cornes allongées, avec l’aide de pièges et de chiens. Il est très difficile à détecter et en évaluer la population est pratiquement impossible. La WWF estime que le nombre d’animaux se situe dans une fourchette de quelques dizaines à deux cents.

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Analyse Thaïlande

Chronique siamoise : qu’est-ce qui fait courir les Démocrates ?

Le parti démocrate est le seul parti stable en Thaïlande, attaché à la défense des privilèges de l’élite et du statu quo.

Le Parti démocrate, principal parti d’opposition aujourd’hui, est la plus vieille formation politique de Thaïlande. On dit aussi souvent qu’il est le seul véritable parti politique, une formation structurée, organisée autour d’une ligne idéologique et non pas un simple groupe d’intérêts formé autour d’un leader et qui meurt quand celui-ci part. Créé en avril 1946, le Parti démocrate – qui s’est d’abord appelé durant deux ans le Parti progressiste – continue à jouer un rôle central dans la vie politique du pays, alors que des dizaines d’autres formations ont surgi, vécu et disparu. Pour tenter de cerner l’identité de ce parti et sa pertinence actuelle, il est intéressant de remonter aux origines. Deux alliés politiques l’avaient créé pour rassembler leurs partisans, tous deux des aristocrates de haut rang. Le premier, M. R. Seni Pramoj, était un descendant du roi Rama II (règne 1809 – 1824). Le second, Khuang Aphaiwong, appartenait à une branche de la famille royale cambodgienne. Ses ascendants avaient gouverné la province de Battambang durant toute la période où elle était sous la suzeraineté siamoise, de 1795 jusqu’au traité franco-siamois de 1907. Khuang était lui-même né à Battambang et avait dû s’installer avec sa famille au Siam lorsque la province était redevenue cambodgienne.

Plusieurs traits liés à cette origine aristocratique ont perduré. Le Parti démocrate est un parti conservateur et légitimiste. Bien que Khuang Aphaiwong était entré en politique dans le sillage du Parti du Peuple et de Pridi Banomyong, l’un des «promoteurs du changement politique» qui avaient renversé la monarchie absolue en juin 1932, il se tourna progressivement contre son ancien compagnon de route pour adopter une position résolument pro-royaliste. Cette opposition à ce qui peut être considéré comme «la gauche» thaïlandaise se révéla surtout après la mort mystérieuse du roi Ananda ou Rama VIII, retrouvé mort d’une balle dans la tête dans sa chambre le 9 juin 1946. Khuang et Seni multiplièrent les critiques à l’encontre de Pridi Banomyong – alors Premier ministre – pour ne pas éclaircir rapidement l’affaire et laissèrent entendre que celui-ci était impliqué dans cette mort brutale. Pridi ne se remit jamais vraiment de ces accusations, démissionna de son poste de Premier ministre. Le Parti du Peuple, émanation politique de la «révolution» de 1932, s’affaiblit rapidement jusqu’à perdre toute importance à partir de la fin de 1947.

Un autre trait du Parti démocrate est sa défiance vis-à-vis des régimes militaires. Dès après la seconde guerre mondiale, Seni Pramoj s’en prenait régulièrement aux ambitions politiques des militaires. Cette attitude anti-dictatoriale fut consacrée après le coup d’Etat de février 1991 menée par le général Suchinda Kraprayoon. Le leader du Parti démocrate à l’époque, le juriste Chuan Leekpai, critiqua vivement l’interdiction prononcée par la junte de manifestations lors d’une rencontre du FMI à Bangkok en octobre 1991. Le Parti démocrate entra ensuite dans une «alliance démocratique» regroupant plusieurs partis opposés aux militaires. Et en novembre de cette même année, les Démocrates militèrent pour un rejet du projet de Constitution proposé par les alliés des militaires. Dans la classification établie à l’époque par les médias entre les «partis angéliques» et les «partis diaboliques», le Parti démocratique figurait comme le leader de la première catégorie.

De ce survol rapide, on peut conclure que ce parti défend généralement le statu quo contre les défis qu’ils viennent de la «gauche» ou des militaires. C’est un parti urbain, conservateur et généralement pro-démocratique, un parti de cadres et non pas un parti de masse. L’opposition du Parti démocrate à Thaksin Shinawatra, politicien affairiste et populiste menaçant le système établi, s’inscrit dans cette perspective. Abhisit Vejjajiva (dont le prénom signifie «privilège»), qui a été formé dès son adolescence par Chuan Leekpai pour prendre la tête du parti, a poursuivi cette ligne, avec quelques écarts (notamment le boycottage des élections d’avril 2006) et l’utilisation des militaires contre les manifestants Chemises rouges, partisans de Thaksin, en avril-mai 2010. La virulence avec laquelle il a défendu, quand il était au pouvoir entre décembre 2008 et juillet 2011, l’application de la loi contre le crime de lèse-majesté reflète sans doute la tradition de «sang bleu» qui définit le parti. L’apparente obsession du Parti démocrate concernant la question du site controversé de Preah Vihear sur la frontière khméro-thaïlandaise peut aussi s’expliquer par le souvenir du fondateur, un Cambodgien qui avait fait allégeance au Siam. Seni Pramoj, quant à lui, a été l’avocat malheureux de la partie thaïlandaise dans l’affaire de Preah Vihear devant la Cour internationale de justice de La Haye en 1962.

 

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L’Asean face à la Chine : sauver la face, non le consensus

L’Asean a lancé un appel à la retenue et au dialogue pour régler les contentieux en Mer de Chine du Sud.  Mais ses divisions face à Pékin restent sans réponse.

Le 13 juillet, une conference de l’Asean s’était terminée à Phnom Penh sans accord sur un communiqué conjoint, fait sans précédent depuis la fondation de l’Association en 1967. Quatre jours de démarches, notamment de Marty Natalegawa, chef de la diplomatie de l’Indonésie, ont débouché sur la publication d’une déclaration par la présidence de l’Asean, assurée cette année par le Cambodge, qui fait abstraction des principaux désaccords.

Le ministre cambodgien des affaires étrangères Hor Namhong a communiqué, le 17 juillet à Phnom Penh, une déclaration en six points appelant notamment à la retenue et à l’application d’un «Code de conduite» défini en 2002 avec l’accord de la Chine. Surtout, Hor Namhong a nié fermement que le Cambodge, un proche allié de la Chine, ait pris le parti de Pékin.

«Le Cambodge, a-t-il dit au cours d’une conférence de presse, n’est pas du tout fautif» et la responsabilité de l’échec d’un consensus incombe à «deux pays» qu’il n’a pas nommé mais qui sont, de toute évidence, les Philippines et le Vietnam, les deux Etats les plus affectés par les revendications chinoises en Mer de Chine du Sud et l’agressivité de la marine de guerre chinoise dans ces eaux.

Pékin ne veut pas de négociations de ces contentieux avec l’Asean mais seulement sur le plan bilatéral. La Chine avait donc fait pression pour que les disputes en Mer de Chine du Sud ne figurent pas au menu de la conférence de l’Asean.  Manille, en particulier, souhaitait que les incidents avec la marine de guerre chinoise soient rapportés.

Les allusions de Hor Namhong risquent d’accentuer les divisions au sein de l’Asean.  Hanoi et Manille, en première ligne face à l’agressivité chinoise, ne se sentent guère soutenues. L’Asean en arrive au point où elle parvient à un consensus par omission, ce qui n’est pas forcément un signe de bonne santé.

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Economie Philippines Thaïlande

Philippines : la fermeture de Ford, un mauvais point

La fermeture fin 2012 de la chaîne d’assemblage de Ford représente un revers pour la relance de l’industrie aux Philippines. Raison avancée : un marché trop étroit.

Les jeux sont faits. Selon le Philippine Daily Inquirer, la chaîne d’assemblage de Ford à Santa Rosa (province de Laguna, île de Luçon) sera fermée à la fin de l’année,  ce qui représentera une perte de 250 emplois.  Ford avait déjà fermé ses portes aux Philippines en 1983 pour les rouvrir en 1999 en investissant 270 millions de dollars dans la chaîne de Santa Rosa, d’une capacité de 36.000 véhicules par an.

Depuis 2002, la compagnie a exporté 80.000 véhicules, d’une valeur de plus d’un milliard de dollars, principalement en Thaïlande, Malaisie et Indonésie. Mais les ventes locales sont demeurées médiocres en dépit de l’extension du marché. La chaîne de Santa Rosa utilise des pièces fabriquées en Thaïlande et en Chine. En outre, en mai dernier, Ford a procédé à l’inauguration d’une nouvelle chaîne (un investissement de 450 millions de dollars) à Rayong, en Thaïlande.

Ford a beau affirmer que la fermeture de Santa Rosa n’est pas un acte de défiance, le géant de l’automobile rejoint les rangs des multinationales qui, comme Intel, s’éloignent des Philippines pour plusieurs raisons non avouées : problèmes de transports, coûts, corruption. Santa Rosa ne tournait qu’à moitié de sa capacité avant de réduire progressivement ses activités en 2012. Sa fermeture est une mauvaise nouvelle pour le président Noynoy Aquino au moment où l’économie reprend.

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Analyse ASEAN Asie Chine Indonésie Politique

L’Asean après le couac de Phnom Penh : trouver des rails

L’incapacité des Dix de l’Asean à adopter, face à Pékin, une position commune sur la mer de Chine du Sud annonce une phase de sérieuse introspection.

Quand cinq ministres anticommunistes des affaires étrangères (Thaïlande, Malaisie, Singapour, Indonésie, Philippines) ont en 1967, en pleine intervention militaire américaine en Indochine, dessiné les contours de l’Association des nations de l’Asie du sud-est, ils avaient de relativement modestes ambitions. Empêcher une répétition de la konfrontasi quand, en 1963, Sukarno, évincé depuis lors, avait failli envahir la Malaisie naissante. S’assurer que Singapour et la Malaisie, qui venaient de divorcer, n’en viendraient pas aux mains. Tenir à distance les avant-postes du bloc soviétique.

Ils ont mis en place et géré, à la demande de fortes personnalités – Suharto,  Mahathir, Lee Kuan Yew – une organisation intergouvernementale. Ce n’est qu’après la chute de Berlin en 1989 et la fin de la Guerre froide qu’ils ont amorcé une redifinition de leurs relations avec leurs voisins. Que faire, en particulier,  des anciens Etats indochinois, tout à coup privés de leur point d’appui soviétique et donc en mal d’ouverture sur le reste de la planète et d’investissements étrangers ?

L’idée de transformer le Sud-est asiatique en zone de libre-échange est née à cette époque-là, au début des années 90 (et pourrait aboutir – c’est l’objectif affiché – à un marché unique en 2015). L’intégration des voisins a procédé de la même ambition : en 1999,  soit au tournant du siècle, tout le monde s’est retrouvé à bord, à l’exception, encore en cours aujourd’hui, du Timor-Leste.

Mais, si le monde bouge, c’est moins le cas de l’Asean. Elle demeure une association intergouvernementale, sans Parlement, dotée d’un secrétariat aux moyens limités et d’une Charte qui n’engage guère. Surtout, l’Asean continue de s’en tenir à la gestion par consensus, ce qui ne l’a guère servie, au cours de la précédente décennie, dans le cas de la Birmanie. Et qui ne lui réussit pas davantage, aujourd’hui, dans celui des contentieux en mer de Chine du Sud. Il aura suffi que le Cambodge,  président en exercice de l’Association, s’y oppose pour que – première dans l’histoire de l’Asean – une conférence se termine sans communiqué conjoint.

L’Asean a ses faiblesses : elle n’est pas une alliance politique (et encore moins militaire). C’est la règle du bénévolat ; tout est volontaire.  Le Vietnam et les Philippines ne peuvent guère tabler sur une solidarité à l’intérieur de l’Asean quand leurs ressources off-shore (pêche, gaz, pétrole) et leurs zones économiques maritimes exclusives sont menacées par la cupidité et les moyens de Pékin.  Jusqu’ici, seuls les Etats-Unis sont intervenus en rappelant qu’ils n’accepteraient pas que ces contentieux se règlent par la force.

L’Indonésie, qui n’est pas directement impliquée dans cette dispute, va tenter de trouver un moyen de ressouder l’Association, sans doute avec l’appui de Singapour (car la Malaisie, noyée dans des crises internes, semble prendre quelques distances). Comment définir des règles du jeu avec la Chine ? Telle semble être la seule question, même si, pour le moment, Pékin n’est pas preneur. Il en va de l’avenir de l’Association et, peut-être, de la tranquillité de la région. Ni Pékin ni Washington n’ont intérêt à ce que la situation dégénère.  En partant de cette réalité, Jakarta semble la capitale la mieux placée pour mettre, enfin, l’Asean sur des rails solides. Encore faudra-t-il surmonter cette règle du consensus qui paralyse l’Association et facilite les manipulations de Pékin.

Jean-Claude Pomonti