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Philippines Politique Société

Philippines : après la corruption, le contrôle de naissances

L’église catholique philippine menace le président d’excommunication. Mais les bénéfices de la croissance seront perdus sans contrôle des naissances.

Les Philippines comptaient 28 millions d’habitants en 1960. Elles ont franchi le cap des 80 millions en 2003 et atteindront dans quelques années les cent millions. La Thaïlande – une quarantaine de millions d’habitants dans les années 60 – n’en abrite que 65 millions aujourd’hui à la suite d’une efficace campagne de contrôle des naissances. Le Vietnam (près de 90 millions d’habitants de nos jours) est parvenu lui aussi à contrôler les naissances et, selon les projections, entrera même dans une phase de vieillissement en 2017 avec 10% de plus de 60 ans (alors que la moitié de sa population avait 25 ans et moins en 1975).

Depuis quinze ans, à Manille, la Conférence des évêques bloque un projet de loi sur les droits de reproduction qui introduit l’accès universel pour les femmes au contrôle des naissances. 85% des Philippins sont chrétiens, dans leur immense majorité des catholiques dont la moitié vont à la messe chaque semaine. La puissante hiérarchie catholique avait surveillé de très près le président Fidel Ramos (1992-1998), de confession protestante. Elle se méfie aujourd’hui du président Noynoy Aquino, certes catholique mais qui s’est prononcé pour le contrôle des naissances dans sa campagne électorale en 2010.

Noynoy relance son projet, placé un temps dans un placard, en projetant des crédits alloués aux services publics de santé sous forme de crédits à des «fournitures» liées à la planification familiale et destinées à être distribuées à travers l’archipel. Les temps lui sont favorables : l’économie redémarre ; la corruption marque le pas ; les grands projets de développement sont votés. En outre, plus du tiers des Philippines pratiquent déjà la contraception (pilule, stérilet, préservatif, dont l’Eglise condamne la distribution). La lutte s’annonce ardue et de longue haleine.

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Analyse Indonésie Politique

En Indonésie, Aburizal Bakrie et le poids de la continuité

La nomenclature d’ancien régime est encore influente en Indonésie. La candidature à la présidence d’un homme d’affaires controversé en offre la preuve.

Le Golkar a servi, en Indonésie, de relais politique à la dictature de Suharto, lui délivrant, tous les cinq ans, le fort contingent de députés pour peupler sa chambre d’enregistrement. Quatorze ans après le limogeage de l’autocrate, le Golkar se porte plutôt bien et vient de repasser en tête des sondages (15,5%) devant le Parti démocratique du président Susilo Bambang Yudhoyono (SBY), une formation dont la direction est secouée par des scandales de corruption et qui, avec 13,7%, est loin du score réalisé lors des législatives de 2009 (21% des suffrages exprimés).

Parti de pouvoir, bien implanté – et pour cause – dans l’administration, le Golkar va donc tenter de reprendre la présidence, que SBY devra quitter en 2014 à la fin de son deuxième mandat. Le Golkar a nommé le 30 juin un candidat : Aburizal Bakrie, qui a fait fortune sous Suharto, s’est lancé un peu tardivement dans la politique et s’est assuré le contrôle de la machine électorale la plus résistante. Bakrie, 65 ans, partenaire influent de SBY, a été super-ministre pendant quelques années et passe pour l’un des principaux financiers de la coalition gouvernementale.

Il n’a pas, tant s’en faut, que des atouts. Lapindo, la compagnie à l’origine d’un flot de boue aussi désastreux que spectaculaire à Java, lui appartenait. Il est dénué de charisme et n’est guère populaire dans un pays où les médias sont probablement les plus libres de l’Asie du sud-est. Enfin, il n’est pas javanais (les deux tiers de la population) alors que, depuis 1945, tous les chefs d’Etat indonésiens l’ont été à l’exception de B. J. Habibie (qui n’a duré que seize mois après avoir été nommé successeur de Suharto). Bakrie est un Sumatranais d’ethnie malaise et il va lui falloir dénicher un candidat à la vice-présidence à la fois javanais, populaire et influent, profil qui ne court pas les rues.

Mais Bakrie est confiant. Il est parvenu, au sein de la coalition gouvernementale, à contrer avec succès les partisans des réformes, notamment de la lutte contre la corruption, le thème fructueux des deux campagnes présidentielles de SBY en 2005 et 2009. Ses moyens financiers lui ont également permis de s’assurer que personne, au sein du Golkar qu’il préside, ne pourrait faire obstacle à sa candidature. Une fois nommé, il a défini sa politique comme celle des «quatre points du succès» : les trois premiers sont la «trilogie du développement» de Suharto (forte croissance économique, développement équitable, stabilité) et le quatrième, un rajout de sa part, est le nationalisme…

S’étant placé sur la ligne de départ avec deux ans d’avance, Bakrie compte bien en écarter toute concurrence sérieuse. La tâche est dure mais pas impossible. Elu à deux reprises avec 60% des suffrages, SBY n’a rien fait pour sa succession : il s’est révélé indécis, incapable de nourrir des vocations. Son Parti démocratique, au lieu de se structurer, est en voie de désintégration et risque de ne pas survivre longtemps à une présidence qui n’a pas su ou voulu ancrer les réformes. Le point fort de SBY a été l’économie mais la forte expansion – en moyenne 6% par an – est surtout le résultat de l’exploitation des grandes richesses naturelles de l’archipel. Si jamais il est élu, Bakrie n’aura qu’à s’inscrire dans ce mouvement.

SBY, un général à la retraite qui s’est révélé assez charismatique et bon manœuvrier, est devenu la coqueluche des Occidentaux. Il est l’homme, disent Américains et Australiens, qui a prouvé que démocratie et islam peuvent cohabiter ; il a ancré la démocratie dans un pays qui compte une vaste majorité de musulmans modérés. La réalité est un peu différente : SBY a laissé la société indonésienne s’offrir un bol d’oxygène, avec des médias beaucoup plus libres. Mais cet officier d’ancien régime n’a pas touché au fonctionnement de la bureaucratie indonésienne. Et c’est peut-être ce qui explique pourquoi un profil comme celui d’Aburizal Bakrie – aux affaires douteuses, aux compétences limitées mais aux poches pleines – peut envisager sérieusement de briguer la tête de l’Etat.

Jean-Claude Pomonti

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Indonésie Politique Société

Indonésie : l’adjudication du Coran est sujette à corruption

Nouveau scandale à Jakarta. Un député, qui serait intervenu dans l’attribution du Coran, a été déclaré «suspect» par la KPK (Commission anti-corruption).

Le marché du Coran – environ deux millions de copies par an – représente quelques millions d’euros en Indonésie et les droits de l’imprimer et de le publier sont accordés par le ministère des Affaires religieuses. Zulkarnain Djabar, député du Golkar (parti membre de la coalition au pouvoir), est soupçonné d’avoir favorisé l’adjudication du livre sacré à certaines sociétés, dont l’une dirigée par son propre fils.

Zulkarnain est membre de la Commission des affaires religieuses et sociales ainsi que de la Commission du budget de l’Assemblée nationale. Un rapport de la KPK, publié en 2011, a estimé que le ministère des Affaires religieuses était la plus corrompue parmi les 22 agences gouvernementales soumises à l’époque à enquête. Les irrégularités les plus graves, selon la KPK, ont été relevées fin 2010 dans la gestion, par ce ministère, des pèlerinages à la Mecque, rapporte le Straits Times de Singapour.

Près de 90% des 240 millions d’Indonésiens se réclament de l’islam et sont particulièrement choqués quand la corruption porte sur le domaine du sacré. «Un déchirement», a déclaré Amidhan Shaberah, président du Conseil des oulémas. En revanche, le FPI ou Front de défense de l’islam, milice islamiste qui n’hésite pas à saccager bars et autres lieux de plaisir, ne s’est pas ému outre-mesure. «Ce n’est pas un problème religieux, ce n’est pas le livre sacré qui a été corrompu», a déclaré, selon le Jakarta Globe, son porte-parole à Jakarta.

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Birmanie Culture Histoire

Le patrimoine architectural de Rangoon menacé par l’ouverture

En Birmanie, une organisation non gouvernementale tente de sensibiliser le gouvernement à la préservation des bâtiments historiques de l’ancienne capitale.

Fondée au début de 2012 par des architectes et des historiens birmans et occidentaux, l’ONG Yangon Heritage Trust a établi une liste de 189 bâtiments historiques de Rangoon, pour la plupart des édifices gouvernementaux construits entre les années 1880 et la première guerre mondiale. Ces experts ont entamé des discussions avec des membres du gouvernement birman pour les inciter à adopter une stratégie de préservation du patrimoine. «Dans mes conversations avec des officiels birmans, j’ai essayé de souligner le fait que s’ils voulaient encourager le tourisme, préserver Yangon [nom officiel de Rangoon] et en faire une des villes asiatiques les plus attractives d’ici quinze ans serait un atout considérable. J’ai aussi avancé l’argument selon lequel le paysage urbain de la ville est très important pour comprendre l’histoire birmane», a indiqué l’historien birman Thant Myint-U, lors du lancement du livre «30 Heritage Buildings of Yangon» au Club des correspondants de Bangkok.

Des architectes ont déploré le fait que des «centaines de bâtiments anciens ont été détruits au cours des dernières années». La déliquescence des immeubles et les effets du climat sont l’une des principales menaces, mais l’amorce d’une ouverture politique et économique depuis le début de 2011 a aussi poussé les autorités à vouloir «moderniser» la ville et les promoteurs immobiliers à investir dans de nouveaux complexes commerciaux ou immeubles de bureaux. Ces mêmes experts soulignent toutefois qu’il est nécessaire de trouver un compromis entre préservation et développement économique. «Nous ne vivons pas 52 semaines par an dans ces immeubles. Et la rénovation peut parfois s’avérer très, très chère. Il doit y avoir une forme de compromis», a indiqué Ian Morley, historien de l’urbanisme à l’université de Hong Kong. «Yangon est un exemple unique d’une ville qui a encore l’essentiel de sa structure historique dans un environnement moderne. Cette esthétique de la fin de la période victorienne, où la beauté se voyait assigner un rôle éducatif, a été perdue en Grande-Bretagne», a-t-il ajouté. Selon Thant Myint-U, les discussions avec le gouvernement de la Birmanie ont commencé à porter fruit depuis le début de l’année.

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Analyse Cambodge Politique

Le Cambodge et son détenu français sous les projecteurs

Une grande conférence régionale va se tenir à Phnom Penh avec Hillary Clinton, ses homologues chinois, russe, japonais. Que faire de Patrick Devillers ?

La conférence des ministres des affaires étrangères de l’Asean, dont le Cambodge assure la présidence annuelle, a lieu les 9 et 10 juillet. Le Forum régional sur les questions de sécurité, où sont représentés l’UE ainsi que près d’une trentaine d’Etats, y compris la Corée du Nord, se réunit le 11 juillet, avec un programme substantiel : le nucléaire nord-coréen ; les contentieux maritimes en mer de Chine du Sud ; la démocratie ; les droits de l’homme ; les réactions à l’influence croissante de la Chine et le contrepoids américain. Ces questions feront également l’objet de multiples échanges bilatéraux les 12 et 13 juillet.

La détention de Patrick Devillers, l’architecte français, par les services d’immigration cambodgiens jusqu’au terme de l’enquête le concernant, est gênante pour un gouvernement qui a reconnu que rien ne lui est reproché au Cambodge, où il s’est installé il y a une demi-douzaine d’années et où il vivait tranquillement avec sa compagne locale et leurs deux enfants. Il peut être détenu sans motif, selon la loi, pendant 60 jours, soit jusqu’au 13 août.

Mais garder en prison à Phnom Penh l’ancien compagnon de route du couple chinois aujourd’hui pestiféré, Bo Xilai et son épouse, est du plus mauvais effet pour le Cambodge au moment où il est censé présider des négociations cruciales pour la région. Le mieux – et le plus juste, faute de preuves – serait donc de le relâcher sans attendre, quitte à faire de la peine aux Chinois. En prend-on le chemin ? Le chef de la diplomatie cambodgienne a dit qu’il ne serait pas extradé pour le moment. Le ministre cambodgien de l’information a mentionné, de son côté, la possibilité d’une participation d’un juge chinois à l’enquête sur le détenu dans le cadre d’Interpol. Mais il n’a pas été encore question de sa libération.

Ces déclarations donnent même l’impression de manœuvres dilatoires qui seraient une façon de tenter de rattraper ce qui aurait été un vrai pataquès. Chinois et Cambodgiens se seraient pris les pieds dans le tapis moins d’un mois avant le débarquement de ministres et des journalistes qui les accompagnent. Le 13 juin, jour où le premier ministre Hun Sen recevait He Guoquiang, membre du politburo du PC Chinois, Devillers a été arrêté. A la demande des Chinois, a dit la police cambodgienne, lesquels auraient réclamé l’extradition. Pékin, une fois l’arrestation publique, a choisi de démentir toute interférence. Le Cambodge pourrait quand même être contraint de tenter de faire le dos rond jusqu’à la présentation, par son allié chinois, de «preuves» d’une culpabilité de Devillers.

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Birmanie Politique

Aung San Suu Kyi sommée d’opter pour Myanmar

Les autorités du Myanmar ont demandé à la parlementaire Aung San Suu Kyi de ne plus utiliser le terme Birmanie, ancienne appellation du pays.

Birmanie ou Myanmar ? Depuis que l’appellation du pays a été changée par la junte militaire en 1989, le choix entre les deux termes n’a jamais été une simple question de sémantique mais bien plus l’affirmation de convictions politiques. Aung San Suu Kyi a toujours milité pour le maintien du terme Birmanie, indiquant dans les années 1990 que Myanmar «sonnait horriblement». Lors de sa récente tournée européenne, elle a constamment utilisé le mot Birmanie pour parler de son pays, ce qui a agacé le gouvernement civil du président Thein Sein. Le 29 juin, la Commission électorale s’est donc plainte de cette attitude dans le quotidien gouvernemental New Light of Myanmar. Mme Suu Kyi a été sommée de «respecter la Constitution» et d’utiliser le «mot approprié».

Le mot Myanmar reflète mieux la diversité ethnique du pays (composé à 65 % de Birmans ou Bamars et à 35 % de minorités ethniques) que Birmanie, terme à connotation ethnique qui semble affirmer que le pays appartient aux Bamars. Cette querelle de mots est peut-être unique sur la planète, car contrairement aux autres pays, l’emploi d’un terme ou de l’autre est considéré comme porteur d’une signification politique. Les organisations birmanes (ou myanma) en exil ainsi qu’une bonne partie des gouvernements occidentaux utilisent Birmanie pour signifier leur rejet du régime militaire (devenu gouvernement civil depuis novembre 2011), mais les natifs qui résident à l’intérieur du pays utilisent Myanmar. Parmi les médias, les agences de presse ont relativement rapidement opté pour Myanmar, mais les quotidiens de presse écrite ont conservé leur préférence pour Birmanie. Dans des situations similaires, la pratique a été d’utiliser le terme officiel quel que soit le régime l’ayant imposé. Ainsi, quand le capitaine Thomas Sankara – arrivé au pouvoir par un coup d’Etat – a substitué Burkina-Faso à Haute-Volta, tout le monde a suivi le bouillant militaire. Interrogé, lors de son passage  au Myanmar en janvier 2012, sur la position de la France quant à cette querelle de mots, Alain Juppé, alors ministre français des Affaires étrangères, avait répondu que la France utilisait «l’un ou l’autre terme suivant la situation».

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Analyse Thaïlande

Chronique siamoise : la Nasa jette l’éponge en Thaïlande

L’agence spatiale américaine a décidé le 28 juin d’annuler une série d’études scientifiques sur le climat en Thaïlande devant les controverses politiques provoquées par son programme.

En Thaïlande, le mot Nasa renvoie un écho familier. Le terme évoque dans les esprits une célèbre discothèque de la rue Ramkhamhaeng, rendue sulfureuse par une rumeur selon laquelle le propriétaire en serait un membre de la famille royale thaïlandaise. Mais ces dernières semaines, une autre Nasa, moins délurée, plus austère, a envahi les discours des politiciens et la Une des journaux. La vraie, l’Agence spatiale américaine, celle des navettes et des cosmonautes. Au départ, la situation est simple.

La Nasa souhaite mettre en place un projet d’études climatiques sur la région qui serait basé à l’aéroport militaire d’U-Tapao, à 140 kilomètres au sud-est de Bangkok. Plus spécifiquement l’agence spatiale américaine souhaite étudier l’influence des émissions de gaz sur les nuages, le climat et la qualité de l’air en Asie – un projet baptisé de l’acronyme un peu barbare SEAC4RS. La Thaïlande a été choisie du fait de sa localisation centrale en Asie du Sud-Est. SEAC4RS est un projet scientifique qui doit apporter des données précieuses pour la communauté des climatologues thaïlandais, et, bien sûr, un peu d’argent pour les militaires. La demande a été faite il y a un an par l’agence américaine.

Comment ce projet sain a-t-il pu provoquer une tempête telle qu’elle a abouti à l’annulation pure et simple par la Nasa du SEAC4RS ? Il y a fallu tout le savoir-faire du monde politique thaïlandais combiné à la grande compétence des hommes en uniforme dans la création et l’entretien de rideaux de fumée. Les premiers signes étaient apparus début juin : le chef de l’armée de terre, le général Prayuth Chan-Ocha avait marmonné que ce projet risquait d’inquiéter «les pays voisins» ; pire, il risquait d’affecter la «souveraineté thaïlandaise».

Quels pays voisins ? La Chine prendrait-elle ombrage de quelques avions mesurant le taux d’humidité des nuages au-dessus de Pattaya ? Quelle souveraineté ?

La Nasa aurait-elle trouvé le moyen de prendre des clichés du précieux territoire thaïlandais avec une meilleure définition que celle de Google Earth ? Quelles sombres manœuvres avaient germé dans ces cerveaux d’outre-Pacifique ? Ne seraient-ils pas en train de projeter l’établissement de relevés du temple controversé de Preah Vihear avec quelque noir dessein en tête ?

En «bons politiques», les dirigeants du Parti démocrate d’opposition ont sauté à pieds joints sur l’occasion, en en rajoutant sur le thème, toujours porteur, de la souveraineté menacée. Oubliez les hordes birmanes et les guerriers Khmers, la Nasa est à nos portes, prêtes à avaler notre territoire ! Après avoir observé pendant trois semaines ces enfantillages, la Nasa a décidé d’annuler le projet, alors même que le gouvernement a prévu en août un débat au parlement pour «discuter la requête (de l’agence américaine) dans l’intérêt du pays».

Amateurisme, manque de fiabilité, opportunisme déconcertant sont les mots qui viennent à l’esprit pour qualifier ce fiasco. On ne peut être que frappé par une sorte de déconnection entre les propos échangés sur la scène politique et la réalité, un peu comme si l’on écoutait des enfants qui se glissent par jeu dans des rôles d’adulte. Cette déconnection n’est pas flagrante si on la voit à partir d’un environnement thaïlandais, mais elle le devient dès qu’il y a confrontation avec le monde extérieur.

Une étude climatique ne nécessite pas habituellement d’être approuvée par une session conjointe des deux chambres du Parlement, sauf, peut-être, s’il s’agit de simuler un tsunami qui pourrait engloutir le sous-continent. La cheffe du gouvernement Yingluck Shinawatra a insisté sur le fait qu’il fallait «tout expliquer à la société».

L’armée craint une «mauvaise compréhension du public». Le Conseil national de sécurité évoque la période de la guerre du Vietnam et le possible retour en force des Etats-Unis dans la région. D’une étude scientifique sur les effets des émissions sur le climat, on est passé à la réémergence d’un ogre américain avide de reconquête. Le communiqué de la Nasa, laquelle justifie l’annulation par «l’absence des approbations nécessaires de la part des autorités régionales dans le cadre du calendrier nécessaire pour soutenir la mission de déploiement prévu et la fenêtre d’observation scientifique» est comme la claque sèche d’une maman fâchée qui ramène son bambin à la dure réalité.

Une autre leçon à tirer pourrait être celle portant sur les limites de l’opportunisme politique. Le cynisme des politiciens du Parti démocrate à cet égard vaut son pesant de riz gluant. Tout ce qui alimente le feu est bon à brûler et advienne que pourra. La grande perdante de ces petits calculs politiciens est la Thaïlande et notamment la communauté scientifique. On peut gager que la Nasa va désormais se tourner vers d’autres pays de la région jugés plus fiables. Les Thaïlandais paient, une nouvelle fois, pour l’immaturité de leurs «élites».

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Asie Chine Politique Viêtnam

Nouvelles complications en mer de Chine du Sud

Le Vietnam a vigoureusement protesté contre la mise aux enchères, par la Chine, de neuf blocs (pétrole, gaz) qu’il juge dans sa Zone économique exclusive.

Une violation «sérieuse» de la souveraineté du Vietnam, a affirmé un porte-parole vietnamien à propos de l’annonce par la CNOOC, entreprise publique chinoise, de la mise aux enchères internationales de neuf blocs que Hanoï situe dans sa Zone économique exclusive de 200 miles marins, conformément à la Convention de 1982 de l’ONU sur la loi de la mer (dont la Chine est signataire). Les neufs blocs proposés à l’exploration par Pékin se trouvent entre la côte vietnamienne et l’archipel méridional des Spratleys, dont les îlots ou récifs sont disputés et occupés par le Vietnam, la Chine, la Malaisie, Taïwan ou Bruneï.

Pékin continue donc d’avancer ses pions en mer de Chine du Sud. Le porte-parole vietnamien a souligné, selon le quotidien Thanh Nien, que les blocs étaient situés dans une zone qui n’est pas disputée et que la juridiction et les intérêts nationaux du Vietnam sont également en jeu.

Ce nouveau contentieux est une source d’inquiétude supplémentaire, si l’on en croit les conclusions d’un séminaire réuni dans la foulée, le 28 juin à Washington, par le CSIS américain (Center for Strategic and International Studies), sur le thème de «la gestion des disputes» en mer de l’Est et en Asie-Pacifique. Carlyle Thayer, expert australien, a rappelé que les neuf blocs se trouvaient sur le plateau continental vietnamien, selon le site VietnamNet. Bonnie Glaser, experte américaine, a mis en garde les sociétés pétrolières contre les risques évidents d’une participation aux enchères. Quant au secrétaire d’Etat adjoint américain pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, il s’est contenté de rappeler que Washington s’opposera au recours à la force pour régler ce genre de dispute maritime.