Catégories
Indonésie

Entre Batam et Bintan, un nouveau port indonésien

L’Indonésie va entreprendre, en 2013, la construction d’un nouveau port de transbordement. Juste en face de Singapour, le grand concurrent.

L’opération prendra du temps mais, s’appuyant sur une solide expansion économique, l’Indonésie compte aménager à Tanjung Sauh, face à Singapour et entre les îles de Batam et de Bintam, un port en eau profonde affecté au transbordement, afin de faire face aux besoins croissants du vaste archipel.

Les autorités indonésiennes estiment, de leur côté, selon le Straits Times de Singapour, que le port et ses deux km de quais prévus (capables d’accueillir quatre millions de conteneurs) offriront plutôt un «complément», en 2015, aux services offerts par Singapour. Le financement initial devrait s’élever à un demi-milliard d’€. Tanjung Sauh s’inscrirait dans la création d’un «corridor maritime» impliquant les ports de Medan (Sumatra), Jakarta, Surabaya (Java), Makassar (Sulawesi) et Sorong.

A Batam, dont l’économie est «moribonde», les autorités espèrent que le projet entrainera un sursaut, notamment en s’appuyant sur le port déjà en place de Batu Ampar. Le triplement prévu de la capacité de Tanjung Priok, le port de Jakarta, moyennant un investissement de près de deux milliards d’€, devrait jouer dans le même sens. Une société française, CMA-CGM, avait enlevé un contrat en 2005 pour construire à Batu Ampar un terminal pour petits conteneurs, mais le projet ne s’était pas réalisé.

Catégories
Birmanie Politique Thaïlande

Faux pas: le président birman renonce à une visite à Bangkok

Le président Thein Sein a reporté un voyage officiel en Thaïlande et annulé sa participation à un forum à Bangkok à cause de la présence simultanée d’Aung San Suu Kyi.

Il n’est pas facile de comprendre ce qui est passé par la tête des organisateurs du Forum économique mondial sur l’Asie (WEF), qui se tient à Bangkok du 30 mai au 1er juin, lorsqu’ils ont invité en même temps le chef d’Etat birman Thein Sein et la principale dirigeante de l’opposition Aung San Suu Kyi. L’aura de méga-star mondiale de la «Dame de Rangoon», dont la vie est l’objet d’un récent film de Luc Besson, ne pouvait qu’humilier le président birman, dépourvu de légitimité électorale et plutôt moins «sexy» que l’opposante. Inévitablement, un choc s’est produit : Thein Sein a annulé sa participation au Forum et même reporté de quelques jours son voyage officiel en Thaïlande. Celui-ci aura lieu les 4 et 5 juin.

Une certaine confusion règne sur l’ordre du jour de la visite d’Aung San Suu Kyi elle-même. Ce n’est que le 28 mai au soir que la presse a été informée de sa visite le 30 au matin dans un centre de travailleurs migrants birmans à Mahachai, au bord du golfe de Thaïlande, alors qu’on évoquait, quelques heures auparavant, une visite dans un camp de réfugiés karens de la province de Mae Sot. Le voyage d’Aung San Suu Kyi en Thaïlande revêt une importance symbolique considérable car il s’agit de la première fois qu’elle quitte le territoire birman depuis qu’elle était rentrée au chevet de sa mère malade en avril 1988. Dès le mois d’août de cette année, elle avait pris la tête des manifestations contre le régime militaire.

Catégories
Asie Expatriés Politique

Paul Jean-Ortiz, un Asiate nommé sherpa à l’Elysée

François Hollande a nommé son conseiller diplomatique : Paul Jean-Ortiz, qui a effectué une partie de sa carrière en Asie. Il a également été en poste à Madrid.

Le successeur de Jean-David Levitte aux fonctions de sherpa à l’Elysée est une figure familière en Asie de l’Est. Début mars, en tant que directeur d’Asie et d’Océanie (2009-2012) au Quai d’Orsay, il s’était encore rendu à Bangkok pour y présider une réunion des ambassadeurs français en Asie de l’Est. Paul Jean-Ortiz a été également premier conseiller à Hanoi (1995-1997). En outre, licencié ès lettres en chinois et sinologue distingué, il a été à trois reprises en poste en Chine : troisième secrétaire à Pékin (1987-1988), consul général à Canton (1993-1995), ministre-conseiller à Pékin (2000-2005).

Mais il est également un bon connaisseur des affaires européennes. Il a été ministre-conseiller à Madrid (2005-2009) et membre de deux cabinets ministériels, ceux d’Edwige Avice (coopération, 1991-1992) et d’Hubert Védrine (affaires étrangères, 1997-2000). Il est revenu aux affaires asiatiques en 2009, en occupant la direction d’Asie et d’Océanie au Quai d’Orsay.

Le sherpa, qui dirige la cellule diplomatique de l’Elysée, est traditionnellement un diplomate chargé de conseiller le chef de l’Etat dans le domaine réservé de la politique étrangère. Paul Jean-Ortiz est âgé de 55 ans et, pour le moment, il a pour mission d’assurer la transition jusqu’à la venue du gouvernement qui sera formé après les élections législatives.

Catégories
Indonésie Politique

L’Indonésie sans Lady Gaga

Le concert de la star américaine, le 3 juin à Jakarta, n’aura pas lieu. La raison invoquée : la sécurité. L’image de l’Indonésie n’en sort pas grandie.

Pendant que Lady Gaga se produisait à Singapour, son projet de concert à Jakarta, le 3 juin, est tombé à l’eau, avec promesse de rembourser les 52.000 billets vendus aux «petits monstres» indonésiens. La vedette s’est dite «dévastée» et a admis que les problèmes de sécurité ont mis fin au projet après des semaines de controverse parsemées de rebondissements et de maladresses.

Des groupuscules de miliciens islamistes se réjouissent. La chanteuse accusée de pratiquer «le culte de satan»  et censée être porteuse de valeurs occidentales rejetées ne mettra pas les pieds en Indonésie. Des miliciens avaient même envisagé de lui barrer la route à la sortie de l’aéroport ou de s’introduire dans les rangs du jeune public pour y semer le désordre au cas où la représentation aurait lieu.

Une fois de plus, le gouvernement indonésien n’est pas monté en première ligne. Les milices islamistes ont pris l’habitude de prendre la loi entre leurs mains et de jouer les polices religieuses. La police nationale laisse faire. Le gouvernement préfère, en général, regarder ailleurs. Le message n’est pas clair et la manœuvre consiste à renvoyer la balle dans le camp adverse. Alors qu’aucune décision n’avait été encore prise, Lady Gaga et son équipe ont obtenu leurs visas indonésiens et les billets, pour le concert, ont été mis en vente.  Puis, l’évidence a été annoncée : la police a refusé de s’engager à assurer la sécurité du concert. L’équipe de Lady Gaga a alors pris la décision pour tout le monde : elle a renoncé.

Mais l’Indonésie n’en sort pas grandie. Le Jakarta Post estime, dans un éditorial le 28 mai, que la décision «correcte» a été prise. C’est possible, à ce détail près qu’aucune décision n’a été prise par les autorités indonésiennes. Et c’est cette pusillanimité à répétition qui offre une médiocre image d’un pays que l’on présente comme l’une des grandes démocraties de la planète. Que gagne la liberté quand un gouvernement élu refuse systématiquement de prendre ses responsabilités ?

Jean-Claude Pomonti

Catégories
Culture Thaïlande

Thaïlande : un roi en Suisse, une plongée dans la jeunesse de Bhumibol

Un ouvrage précis décrit l’enfance et l’adolescence helvétiques du roi de Thaïlande et enrichit la connaissance de ce sujet peu traité.

Parmi le très grand nombre d’ouvrages publiés en Thaïlande sur la vie du roi Bhumibol Adulyadej, l’énorme majorité souffre d’un style hagiographique qui empêche de percevoir l’homme derrière le souverain. D’autres livres, parus à l’étranger, adoptent une approche critique, laquelle incommode certains Thaïlandais par leur désacralisation du monarque. Le livre d’Olivier Grivat, écrivain et ancien rédacteur en chef adjoint de «24 heures», se maintient sur un juste milieu entre ces deux rives : respectueux d’un homme dont l’aura et le dévouement pour son pays sont évidents, l’ouvrage n’hésite toutefois pas à montrer que le roi Bhumibol, IXe souverain de la dynastie Chakri, a été, dans sa jeunesse, un «petit écolier suisse», puis un adolescent avec ses passions et ses failles.

Pour remonter le cours de cette jeunesse helvétique, Olivier Grivat s’est plongé dans les archives, non seulement celles de la presse suisse, qui a largement publié sur la famille royale siamoise entre 1933 et 1951, mais aussi dans les documents de la sûreté du canton de Vaud. Il en résulte un livre précis, souvent empreint d’un humour salutaire et qui remplit son objectif : mettre à jour une foule de faits inconnus sur la jeunesse d’un des grands monarques du XXe siècle. Le roi Bhumibol est une personnalité tout à fait à part dans l’histoire thaïlandaise, ce qui est dû en grande partie à son éducation : esthète, original, curieux de tout, il reflète à la fois la tradition siamoise que lui a inculquée sa mère, la princesse Mahidol, une orpheline roturière élevée dans l’enceinte du Palais royal, et une culture d’ouverture d’esprit apprise sur les bancs de l’Ecole nouvelle de la Suisse romande, puis de l’Université de Lausanne. Six décennies après avoir quitté la Suisse, cette empreinte helvétique reste forte. A ses visiteurs venus de la Confédération, le roi s’enquiert de savoir «comment vont les vins vaudois ?» ou aime à évoquer ses anciens professeurs.

Un roi en Suisse, par Olivier Grivat, Editions Favre, Lausanne, 2011.

Le livre est disponible en Thaïlande à la Librairie Carnets d’Asie.

Catégories
Viêtnam

Au Vietnam, le km de route est l’un des plus chers au monde

La construction routière revient nettement plus cher au Vietnam que chez ses voisins. La raison : la corruption.

Construire une autoroute au Vietnam coûte 1,5 ou 2 fois plus cher qu’en Malaisie, en Indonésie ou en Thaïlande, rapporte le site VietnamNet. Cela revient même plus cher qu’aux Etats-Unis. «Le résultat : le Vietnam éprouve du mal à attirer des investisseurs dans les projets routiers ; les investisseurs doivent attendre longtemps pour recouvrer leur investissement ; ces coûts élevés sont un lourd fardeau pour l’Etat», ajoute-t-il. Le ministère des transports n’a jamais fourni de statistiques concernant les dépenses engagées.

VietnamNet cite le cas de l’axe routier Lang-Hoa Lac au cœur de l’aménagement du Grand Hanoi. Lancé en mars 2005 et évalué à l’époque à 5.379 milliards de dôngs (1€ = 28.000 dôngs), ce projet devait être terminé dans un délai de 30 mois. En octobre 2007, le ministère des transports a décidé d’introduire quelques modifications et a réévalué le coût à 7.520 milliards de dôngs. Le prix du km d’autouroute est donc passé de 179 milliards à 250 milliards de dôngs. Pourtant, le coût du travail n’est pas élevé, les ouvriers sont qualifiés et les matériaux ne manquent pas

L’économiste Bui Kiênh Thanh, selon VietnamNet, fait valoir que les entrepreneurs doivent «offrir des enveloppes» aux investisseurs qui représentent au moins 10% de la valeur du projet. Une fois les contrats obtenus, les entrepreneurs s’arrangent pour gonfler leurs bénéfices, qui peuvent représenter 30% de la valeur du projet. La qualité des projets s’en ressent et il arrive que les nids de poule apparaissent dès la mise en service des routes.

Catégories
Histoire Indonésie

Au cœur de Jakarta, rue Cendana, le souvenir de Suharto

Quatorze ans après la démission de Suharto et quatre ans après sa mort, Cendana est redevenue une rue comme les autres.

Voilà encore quatre ans, dans le quartier résidentiel de Menteng à Jakarta, à proximité de la grande place centrale de Monas, la rue Cendana était encombrée de rouleaux de barbelés et de chevaux de frise. Policiers et soldats étaient omniprésents. Les visiteurs de marque se succédaient pour aller saluer Suharto, le deuxième président de l’Indonésie (1966-1998), qui y occupait trois villas, aux numéros 6,8 & 10, dont les jardins communiquent.

Aujourd’hui, rapporte le Jakarta Post, les uniformes ont disparu, la rue est rouverte à la circulation et seuls quelques gardes et serviteurs demeurent sur place. Suharto (1921-2008) n’a jamais quitté cette demeure et aimait bien y recevoir des hôtes officiels pendant ses trente-deux années de règne et sa retraite. Certains de ses enfants continuent d’habiter dans les parages et envisagent de transformer en musée le domicile de leur père. La seule animation a lieu lors de la fête musulmane de l’Idul Fitri (Aïd el Fitr), quand Tutut, fille aînée de Suharto, y reçoit, selon la tradition des portes ouvertes, en particulier les anciens associés encore en vie de l’ancien autocrate.

Suharto avait ordonné l’éloignement de la chancellerie soviétique, qu’il estimait trop proche de sa demeure, et le site avait été transformé en QG de Paspampres (Force de sécurité présidentielle). Paspampres a déménagé depuis longtemps et Tommy, fils cadet de feu le président, y aménagerait son nouveau domicile. Cendana, l’adresse de «la famille», ainsi qu’on appelait le clan Suharto, a été la rue la plus célèbre d’Indonésie. Musée ou pas, elle appartient à l’Histoire.

Catégories
Analyse Société Thaïlande

Chronique siamoise : le pavé dans la Chao Phraya de Lady Gaga

La chanteuse américaine, en tournée en Asie, a choqué de nombreux Thaïlandais en parlant des fausses montres vendues à Bangkok.

La saga Lady Gaga va-t-elle rendre les Thaïlandais gogo ? Ou faut-il se gausser tout de go des dégâts provoqués par Lady Gaga ? La réponse à cette question demande que l’on se penche sur le rapport des Thaïlandais à l’image extérieure de leur pays. Car ce qui a choqué en Thaïlande ne sont pas, comme en Corée du Sud, aux Philippines ou en Indonésie, les tenues ultra-sexy de la méga-star, mais le fait qu’elle ait annoncé, sur son compte twitter, qu’elle allait acheter une fausse Rolex, puis qu’elle ait visité un cabaret de spectacles transgenres lors de sa première soirée bangkokienne. Que les fausses montres et les transgenres abondent à Bangkok relève de l’évidence. Que les spectacles de cabaret et les concours de beauté transgenres fascinent les Thaïs (et bien sûr les étrangers de passage) est bien connu. Les médias thaïlandais consacrent régulièrement de longs articles à ces phénomènes économiques, culturels et sociaux. La littérature universitaire sur la transsexualité et l’homosexualité en Thaïlande est d’une richesse étonnante. Ce n’est donc pas la réalité de ce qu’a mis en relief Lady Gaga – l’ambiguïté sexuelle et intellectuelle – qui est en cause, ni même le fait que cette réalité soit largement exposée. Mais le fait qu’à cause de la renommée mondiale de la chanteuse et des 25 millions d’abonnés à son compte twitter, cette exposition ait eu immédiatement un retentissement mondial.

La firme britannique de dictionnaires Longman s’était heurtée au même écueil en 1993 quand elle avait défini dans son dictionnaire de la langue et de la culture anglaises le mot Bangkok comme suit : «Ville réputée pour ses pagodes bouddhistes et où il y a beaucoup de prostituées». Tous les exemplaires du dictionnaire impie avaient été immédiatement retirés des librairies du royaume et le gouvernement avait menacé d’interdire l’ensemble des publications de la firme.

En Thaïlande, la valeur de la vérité est souvent relative à sa coloration négative ou positive. Une vérité qui renforce une image positive est une vérité bonne à propager. Une vérité qui met le doigt sur certaines faiblesses est à proscrire. Une vérité n’est pas «bonne» en soi, en tant que calque fidèle de la réalité. Il y a une certaine sagesse dans cette attitude qui évite de mettre sur un piédestal une perspective sur la réalité qui n’en est qu’une parmi une infinité d’autres possibles. Comme l’authenticité des montres et l’identité sexuelle, la vérité est un concept à géométrie variable selon les circonstances. Bien sûr, cette discrimination existe partout : qui apprécie qu’on lui jette ses «quatre vérités» à la figure ? Mais le phénomène de remise en question, l’effort pour corriger ses fautes, lié à l’éthique chrétienne, n’est pas enraciné dans un environnement culturel bouddhiste où, stricto sensu, il n’est pas possible de se réformer au cours de l’existence présente.

Cette obsession de l’apparence se fonde aussi sur l’importance de la face. Celle-ci n’est pas une projection de la personnalité intérieure, qui reste dans le domaine privé, mais une sorte de masque plaisant dont l’objectif est de préserver l’harmonie de l’ensemble social. Par ses commentaires et son attitude, Lady Gaga a troublé cette surface paisible. En quelques mots, elle a condensé sa vision – la vision d’une star internationale et donc, pour les Thaïlandais, représentative de celle de l’Occident – de la Thaïlande : «le pays des fausses Rolex et des transsexuels». Le paradoxe est que la séduction qu’exerce Lady Gaga sur ses fans, lesquels sont très nombreux en Thaïlande, vient de ce mélange savamment dosé de provocation, de brutale sincérité et d’irrespect des formes. En somme, d’une certaine fraîcheur. Lady Gaga n’est sûrement pas reap roy (convenable, d’une conduite appropriée), mais elle est sans conteste sanouk (délurée), voire ding-dong (fofolle).

Max Constant