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Histoire Viêtnam

Raymond Aubrac, l’intermédiaire français, l’ami de l’oncle Hô

Le grand résistant français, décédé le 10 avril à l’âge de 97 ans, s’est intéressé de très près au Vietnam et aux guerres qui l’ont ravagé de 1945 à 1975.

En 1945, Raymond Aubrac est nommé Commissaire de la république à Marseille où il intervient en faveur de travailleurs dits indochinois, «en proie à des brimades et à la surexploitation», comme l’écrit l’historien Alain Ruscio. Aussi, quand Hô Chi Minh se rend en France en 1946 pour les négociations de Fontainebleau – qui ne permettront pas d’éviter la guerre – et que les Vietnamiens de France offrent une réception à leur leader au Parc de Bagatelle, Raymond Aubrac et son épouse Lucie sont de la partie.

Ils sympathisent avec le révolutionnaire vietnamien et, quand ils le reçoivent dans leur propriété de Soisy-sous-Montmorency, l’oncle Hô leur demande s’il peut s’installer chez eux, souffrant à l’hôtel de l’absence d’un jardin.  A la naissance d’Elizabeth, enfant unique des Aubrac, Hô Chi Minh décidera qu’il en sera le parrain (hors religion). Depuis et jusqu’à sa mort en 1969, Hô n’a pas manqué de faire parvenir à Babette de petits présents pour son anniversaire.

Le séjour de Hô Chi Minh chez les Aubrac n’est pas fortuit : à l’époque, Raymond et Lucie sont d’actifs sympathisants du PCF. Et ce séjour ne sera pas sans suites. Sous la IV° République, Vincent Auriol, quand il est chef de l’Etat, puis René Mayer, en tant que président du Conseil, demanderont à Aubrac d’aller rencontrer Hô Chi Minh. Ces voyages n’auront pas lieu.

 L’appel de Kissinger

Toutefois, en 1967, Henry Kissinger, alors professeur de sciences politiques et consultant du président Lyndon Johnson, s’ingénie à voir si des négociations peuvent s’engager entre Washington et Hanoï. Le groupe multinational qu’il anime obtient de Raymond Aubrac et du professeur Marcovitch, de l’Institut Pasteur, qu’ils se rendent secrètement à Hanoï. Aubrac est reçu le 24 juillet 1967 par Hô Chi Minh – alors âgé de 77 ans et affaibli – et, le lendemain, par le premier ministre Pham Van Dông. A son retour, Aubrac rencontre à plusieurs reprises, à Paris, Kissinger  et Mai Van Bô, délégué du Nord-Vietnam. Ces entretiens ne débouchent sur rien mais le canal est en place.

En 1968, à la suite de l’offensive du Têt au Sud-Vietnam – un échec militaire mais qui a fait de l’intervention américaine une guerre impopulaire aux Etats-Unis –, Lyndon Johnson annonce, le 31 mars, qu’il ne se représente pas à l’élection présidentielle, en novembre de la même année, et qu’il met fin aux bombardements du Nord afin de pouvoir lancer des négociations avec Hanoï. Elles commencent à Paris le 3 mai mais ne débouchent pas sur un accord avant l’élection présidentielle américaine. Kissinger, dit-on, aurait conseillé en dernier recours à Hanoï d’attendre l’élection de Richard Nixon qui a fait campagne sur le thème «la paix dans l’honneur».

En décembre 1968, alors que Nixon a été élu et que Kissinger a été pressenti pour devenir son conseiller de sécurité, Aubrac rencontre Kissinger à New York. Sans suite. Des contacts se poursuivent – avenue Kléber, une annexe du Quai d’Orsay. Toutefois, les négociations entre Kissinger et Lê Duc Tho, membre du bureau politique du PC vietnamien, ne produiront un accord qu’en janvier 1973, après une nouvelle vague de terribles bombardements aériens américains du Nord-Vietnam. Le 23 janvier, les Etats-Unis s’engagent à retirer leurs troupes des combats et à procéder à des échanges de prisonniers.

Entre-temps, le facilitateur français de ces contacts s’est démené comme un beau diable pour faire avancer la paix. Kurt Waldheim, alors secrétaire général de l’ONU, a fait appel à lui. Aubrac se rend au Vatican, le 4 juillet 1972 pour demander à Mgr Casaroli, secrétaire d’Etat, une intervention de Paul VI en faveur de la paix, laquelle aura lieu cinq jours plus tard. Après le 23 janvier 1973, Aubrac continuera de plaider en faveur de crédits à la reconstruction du Vietnam et c’est dans ce cadre qu’il se trouvera  à Hanoï le 30 avril 1975, le jour de l’entrée sans combats des troupes communistes à Saigon.

C’est ainsi que des Français, officiels, spécialistes, ont joué un rôle dans les négociations de règlements bien après la fin de ce que l’on appelait, jusqu’à 1953-1954, l’Indochine française. Aubrac n’en est pas le seul artisan: des diplomates français ont, notamment, joué un rôle important dans la négociation de l’accord de paix au Cambodge signé à Paris en octobre 1991.

Jean-Claude Pomonti

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Birmanie Politique

Birmanie: un ancien Premier ministre interrogé

L’interrogation par des officiels de l’ancien Premier ministre birman Khin Nyunt souligne à quel point la Birmanie demeure en liberté surveillée.

Libéré le 13 janvier, Khin Nyunt a été interrogé par des officiels  pour avoir déclaré au Bangkok Post (8 avril 2012) qu’il avait «sauvé»  Aung San Suu Kyi en 2003, lorsque le convoi dans lequel elle se trouvait avait été attaqué (50 morts).  Chef du renseignement militaire pendant vingt ans, puis assigné à résidence pendant huit ans, Khin Nyunt a démenti avoir tenu de tels propos. Selon l’Irrawaddy , le magazine et site qui rapporte cette information, cette affaire pourrait conduire à une réassignation à résidence de celui qui fût Premier ministre pendant treize mois en 2003-2004.
«Des officiels de haut rang seraient furieux», rapporte l’Irrawaddy, «et disent redouter des représailles de la part de Than Shwe, l’ancien chef de la junte ». Il a «sorti le tigre de son sommeil», aurait déclaré l’un de ces officiels, à propos de la réaction de Than Shwe, qui ne se manifeste plus en public depuis qu’il s’est retiré.

Ce genre d’incident fait l’effet d’un rappel aux réalités. Les prisonniers politiques, y compris d’anciens collaborateurs de Khin Nyunt, se compteraient encore par centaines. Une fraction importante de la caste militaire, qui conserve le pouvoir, surveille de près les pas accomplis par le tandem formé par le président Thein Sein et Mme Suu Kyi, qui se sont de nouveau rencontrés le 11 avril à Naypyidaw. La Birmanie demeure en liberté surveillée.

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Indonésie

Puissant séisme près de Sumatra : 8,5 (Richter)

Un violent séisme a eu lieu le 11 avril au large de Sumatra, une île victime de plusieurs catastrophes naturelles ces dernières années.

Un séisme de 8,5 sur l’échelle de Richter s’est produit, le 11 avril en début d’après-midi, à 33 km sous le fond de l’Océan et à 497 km à l’ouest de la côte d’Atjeh. Une alerte au tsunami a été déclenchée dans 27 pays, dans leur immense majorité riverains de l’Océan indien. La terre a tremblé jusqu’en Inde. A Bangkok, un immeuble au moins a été évacué. Le tremblement a également été très sensible en Indonésie, à Singapour et en Malaisie.

Le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono s’est rendu à la télévision pour déclarer qu’il n’y avait pas de «menace» de tsunami même si l’alerte était maintenue. La province d’Atjeh, nichée au bout de l’île de Sumatra, a été également affectée, quelques heures plus tard, par une réplique de 6,5 sur l’échelle de Richter, selon le Jakarta Globe. L’épicentre de cette réplique s’est trouvé à 42 km à l’ouest de la côte atjehnaise.

La côte ouest de Sumatra, dominée par une chaîne de volcans, longe l’une des principales lignes de faille de la planète, située sous l’Océan. C’est un frottement sur cette ligne de faille qui a provoqué, le 26 décembre 2004, un séisme de 9,1 sur l’échelle de Richter et un tsunami qui ont fait 230 000 victimes sur les côtes de l’Océan indien, dont 170 000 à Atjeh.

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Asie

BAD : les économies renouent avec le beau fixe

La Banque asiatique de développement estime que les économies de l’Asie du sud-est bénéficient en 2012 d’une relance relative.

Avec un taux prévu de croissance de 5,2% en 2012, l’Asie du sud-est renverse la vapeur. La Thaïlande se remet des «désastreuses inondations» de 2011. Catastrophes naturelles (les Philippines n’ont pas été épargnées) et faiblesse des marchés à l’exportation ont expliqué pourquoi le taux d’expansion n’a été que de 4,6% en 2011. Cette tendance s’est retournée, estime la BAD dans son rapport annuel publié le 11 avril.

Dans l’ensemble de l’Asie émergente, la croissance sera de 6,9% en 2012, prévoit la BAD. La demande mondiale de biens de consommation asiatiques a été «anémique» et le commerce intra-asiatique n’a compensé que dans une certaine mesure la chute de la demande des économies occidentales. Toutefois, avec la reprise attendue de la consommation mondiale, elle devrait être de 7,3% en 2013.

Le rapport annuel de la BAD attire également l’attention sur les inégalités croissantes de revenus en Asie, en particulier en Chine. Les Etats devraient consacrer davantage de fonds vers l’éducation et l’aide aux plus démunies, afin d’encourager la sortie de la pauvreté. La Bad pense que la Chine, en dépit du ralentissement relatif de sa croissance, demeurera la locomotive de l’Asie, avec un taux de croissance de 8,5% en 2012 (contre 9,2% en 2011).

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Analyse Thaïlande

Confusion dans le Sud thaïlandais

Dans la foulée des attentats dans le sud à majorité musulmane de la Thaïlande, des politiciens d’opposition dénoncent la tenue de discussions entre les rebelles et l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra. Ce dernier s’en défend…

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Indonésie Politique

La province d’Atjeh a élu une nouvelle direction

Les Atjehnais ont profité du deuxième vote depuis l’accord de paix de 2005 pour renouveler l’équipe qui dirige la province indonésienne autonome.

L’élection d’un gouverneur et de son adjoint, le 9 avril à Atjeh, aurait été remportée par le ticket formé par Zaini Abdullah et Muzakir Manaf, qui ont l’appui du Parti Atjeh, formation politique issue de la guérilla qui s’est battue pendant un quart de siècle contre Jakarta. Ils auraient obtenu, selon le Jakarta Globe, 54% des suffrages au cours d’un scrutin qui s’est déroulé dans le calme et auquel la participation a été massive (78,38% des quelque trois millions d’électeurs).

Elu gouverneur en 2007, lors du premier vote depuis l’accord de paix signé en août 2005 à Helsinki, Irwandi Yusuf, également issu de la résistance, et son coéquipier se retrouveraient en deuxième position mais loin derrière, avec seulement 29% des suffrages exprimés. Les électeurs ont également choisi dix-sept chefs de district et leurs adjoints. Atjeh, province autonome, est la seule en Indonésie où la charia est appliquée. Irwandi, le gouverneur sortant, a refusé d’avaliser les dispositions les plus sévères de la charia. Atjeh a bénéficié d’une aide massive pour se reconstruire après le désastre de décembre 2004, quand un tremblement de terre et un tsunami y avaient fait 170 000 victimes. Depuis, une administration sans relief et parfois controversée paraît avoir encouragé un vote pour le changement.

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Cambodge

Un retour au Cambodge

Voilà vingt-deux ans, sans attendre l’accord de paix, la France et la francophonie ont repris pied au Cambodge.

C’était en 1990, donc après la chute du Mur de Berlin. Le Vietnam avait fini de retirer ses troupes du Cambodge, même s’il avait laissé traîner derrière quelques généraux. A Phnom Penh, le cercle des ONG étrangères s’était déjà élargi. Tout en continuant de faire payer au Vietnam le prix de son intervention militaire au Cambodge, la Chine semblait se faire à l’idée d’un règlement cambodgien, lequel aurait lieu plus tard à Paris, en octobre 1991.

Le Quai d’Orsay avait décidé de ne pas attendre l’accord de paix pour rétablir une présence culturelle française au Cambodge. De Pékin, Norodom Sihanouk, alors consulté, n’avait pas émis d’objection pour peu que la délégation demeure culturelle et ne devienne pas diplomatique en l’absence d’un accord de paix. Un universitaire, Xavier Rose, futur ambassadeur au Laos, avait été chargé de mettre en place une Alliance française. L’opération était d’autant plus compliquée que tout manquait, y compris les banques ou les liaisons aériennes, puisqu’il fallait encore transiter par Ho Chi Minh Ville, l’ancien Saigon, pour gagner la capitale du Cambodge.

Mais le délégué Xavier Rose avait tenu le pari et, pour inaugurer cette Alliance, Paris avait décidé d’envoyer une délégation dirigée par l’écrivain Thierry de Beaucé, alors secrétaire d’Etat en charge des relations culturelles internationales. Il était accompagné de Claude Martin, directeur d’Asie au Quai d’Orsay et de quelques autres fonctionnaires, dont Brigitte Pellegrini, à l’époque membre du cabinet de Roland Dumas.

Hun Sen, premier ministre de l’Etat du Cambodge (la monarchie ne sera restaurée qu’en 1993), était l’invité d’honneur. Il n’y avait pas encore de princes à la ronde, ils ne débarqueraient qu’en novembre 1991. Un pot avait été organisé sur le toit de cette Alliance, au bout d’un escalier en colimaçon dont on se demandait pourquoi il avait été aménagé à l’extérieur en pleine Asie des moussons. C’est sur cette terrasse que Hun Sen avait accordé un long entretien aux deux journalistes qui accompagnaient la délégation française, en l’occurrence James Burnet et l’auteur de ces lignes. François Bizot, futur auteur du Portail, avait eu l’extrême gentillesse d’assurer l’interprétariat, et peu de gens auraient pu le faire aussi bien que lui.

C’est ainsi que la francophonie officielle a fait son retour au Cambodge, dont elle avait été brutalement massacrée et chassée, comme tout ce qui était étranger, par les Khmers rouges en 1975. L’Alliance est devenue un Centre culturel, puis un Institut. Ce dernier occupe désormais des bâtiments des deux côtés de la petite rue sur laquelle il donne. C’est également là que s’est installée la belle librairie francophone Carnets d’Asie, d’Olivier Jeandel, un passionné apprécié de tous.

Revenue sans fanfare dans une capitale cambodgienne dont les rues et les immeubles étaient défoncés, où 80% des gens vivaient dans la misère, la présence française, acceptée, a refait son chemin. Plutôt gentiment, à quelques dérapages près. Si elle ne s’épanouit guère depuis, c’est pour d’autres raisons : le resserrement drastique des crédits culturels et de coopération français ; le peu de cas que l’élite francophone cambodgienne, à l’exception notoire du Palais royal, a manifesté à l’égard de cette présence.

Jean-Claude Pomonti

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Asie Politique Viêtnam

Un Vietnamien probable secrétaire général de l’Asean

Un diplomate vietnamien devrait prendre en main la gestion de l’Association des nations de l’Asie du sud-est. Une première.

Lê Luong Minh, vice-ministre vietnamien des Affaires étrangères, devrait succéder à la fin de l’année à Surin Pitsuwan (Thaïlande) au secrétariat général de l’Asean. Jusqu’ici, le secrétariat de l’Association avait été occupé par des ressortissants des cinq pays qui ont fondé l’Asean en 1967 (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande) et une fois par Brunei (1986-1989). La nomination de Lê Luong Minh, laquelle est du ressort du prochain sommet prévu en novembre 2012 au Cambodge, constituerait une première : le Vietnam, admis au sein de l’Asean en 1995, est le premier Etat d’une deuxième vague d’adhésions (Laos et Birmanie/Myanmar en 1997, Cambodge en 1999).

Né en 1952, Minh a fait toute sa carrière dans la diplomatie. Ancien ambassadeur auprès de l’ONU, il a présidé le Conseil de sécurité de l’organisation internationale de juillet 2008 à octobre 2009, lorsque le Vietnam était membre non-permanent de cet organe. Son nom, pour occuper le secrétariat général de l’Asean, a commencé à être cité en marge du sommet de Phnom Penh, les 3 et 4 avril 2012. Il succèderait à Surin (2008-2012), ancien chef de la diplomatie thaïlandaise (1997-2001), qui a contribué à renforcer la structure et l’autorité du secrétariat de l’Association, lequel est installé à Jakarta. Le secrétaire général de l’Asean dispose d’un mandat unique de cinq ans. Il est nommé par consensus lors d’un sommet.