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Birmanie Politique

Aung San Suu Kyi sommée d’opter pour Myanmar

Les autorités du Myanmar ont demandé à la parlementaire Aung San Suu Kyi de ne plus utiliser le terme Birmanie, ancienne appellation du pays.

Birmanie ou Myanmar ? Depuis que l’appellation du pays a été changée par la junte militaire en 1989, le choix entre les deux termes n’a jamais été une simple question de sémantique mais bien plus l’affirmation de convictions politiques. Aung San Suu Kyi a toujours milité pour le maintien du terme Birmanie, indiquant dans les années 1990 que Myanmar «sonnait horriblement». Lors de sa récente tournée européenne, elle a constamment utilisé le mot Birmanie pour parler de son pays, ce qui a agacé le gouvernement civil du président Thein Sein. Le 29 juin, la Commission électorale s’est donc plainte de cette attitude dans le quotidien gouvernemental New Light of Myanmar. Mme Suu Kyi a été sommée de «respecter la Constitution» et d’utiliser le «mot approprié».

Le mot Myanmar reflète mieux la diversité ethnique du pays (composé à 65 % de Birmans ou Bamars et à 35 % de minorités ethniques) que Birmanie, terme à connotation ethnique qui semble affirmer que le pays appartient aux Bamars. Cette querelle de mots est peut-être unique sur la planète, car contrairement aux autres pays, l’emploi d’un terme ou de l’autre est considéré comme porteur d’une signification politique. Les organisations birmanes (ou myanma) en exil ainsi qu’une bonne partie des gouvernements occidentaux utilisent Birmanie pour signifier leur rejet du régime militaire (devenu gouvernement civil depuis novembre 2011), mais les natifs qui résident à l’intérieur du pays utilisent Myanmar. Parmi les médias, les agences de presse ont relativement rapidement opté pour Myanmar, mais les quotidiens de presse écrite ont conservé leur préférence pour Birmanie. Dans des situations similaires, la pratique a été d’utiliser le terme officiel quel que soit le régime l’ayant imposé. Ainsi, quand le capitaine Thomas Sankara – arrivé au pouvoir par un coup d’Etat – a substitué Burkina-Faso à Haute-Volta, tout le monde a suivi le bouillant militaire. Interrogé, lors de son passage  au Myanmar en janvier 2012, sur la position de la France quant à cette querelle de mots, Alain Juppé, alors ministre français des Affaires étrangères, avait répondu que la France utilisait «l’un ou l’autre terme suivant la situation».

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Birmanie Social

Aung San Suu Kyi aux investisseurs : soyez responsables

Lors de son discours à Genève devant l’Organisation internationale du travail, Aung San Suu Kyi demande aux firmes étrangères d’aider à promouvoir la démocratie.

Lors de la première étape de son périple européen, Aung San Suu Kyi a prononcé un discours au siège de l’Organisation internationale du travail (OIT), le 14 juin. Elle a appelé de ses vœux un développement économique en Birmanie «qui soutienne la démocratie » et qui permette notamment aux jeunes de construire leur avenir. «Nous avons besoin d’investissements liés à la création d’emplois», a-t-elle dit dans l’enceinte du Palais des Nations, réitérant des propos déjà tenus début juin à Bangkok. Parallèlement, elle a plaidé pour le respect des droits et du bien-être des travailleurs dans le cadre des investissements étrangers, estimant que «les opportunités doivent être contrebalancées par la probité si l’on veut éviter l’exploitation des travailleurs». L’OIT a mené une longue campagne en Birmane contre le travail forcé – une pratique que la junte militaire décrivait comme «traditionnelle» – et contre le travail des enfants. C’est pour saluer cet effort qu’Aung San Suu Kyi a choisi de s’arrêter d’abord sur les bords du Lac Léman.

Lors de son discours, la parlementaire birmane a également demandé aux firmes étrangères du secteur de l’énergie de ne pas s’associer dans le cadre de joint-ventures avec la société étatique birmane pétrolière et gazière (MOGE) tant que cette dernière ne soit pas plus transparente. «Le gouvernement (de Birmanie) doit appliquer les standards internationaux reconnus comme le code des bonnes pratiques du Fonds monétaire international (FMI) sur la transparence fiscale. Les autres pays peuvent aider en ne permettant pas à leurs firmes d’entrer en partenariat avec MOGE tant qu’elle n’a pas signé de tels codes», a-t-elle déclaré.

La seule firme occidentale qui est actuellement associée à MOGE est le français Total. Les firmes britannique et américaine Premier et Unocal s’étaient retirées au début des années 2000 du fait des critiques et des menaces de boycottage lancées contre elles en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Les firmes chinoises, indiennes, sud-coréennes, thaïlandaises et singapouriennes dominent le secteur de la production de pétrole et de gaz en Birmanie.

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Birmanie Politique

Aung San Suu Kyi entame sa tournée en Europe

Suisse, Norvège, Irlande, Grande-Bretagne et France seront les étapes du premier voyage en Europe d’Aung San Suu Kyi depuis 1988. Elle est arrivée le 13 juin à Genève.

Quand elle est partie d’Oxford pour se rendre en Birmanie au début de 1988, Aung San Suu Kyi devait seulement faire un aller-retour afin de visiter sa mère, Daw Khin Kyi, malade à Rangoon. Ce séjour aura finalement duré près de 24 ans, dont quinze passés par Aung San Suu Kyi comme prisonnière dans sa propre résidence de ce qui était alors la capitale de la Birmanie.

Devenue la principale figure du mouvement démocratique dès l’été 1988, Aung San Suu Kyi n’avait ensuite jamais voulu quitter la Birmanie, même lorsque son mari était atteint d’un cancer en stade terminal. Elle savait que la junte militaire ne lui permettrait pas de revenir.

Avec l’avènement d’un gouvernement civil l’an dernier et l’amorce d’une ouverture politique, la donne a soudainement changé. Aung San Suu Kyi peut de nouveau voyager et elle a franchi une première fois les frontières de la Birmanie début juin pour se rendre en Thaïlande. Chaque étape de son séjour européen sera hautement symbolique.

Sa visite au siège l’Organisation internationale du travail (OIT), à Genève, vise à saluer le travail persistant de cette agence onusienne contre le travail forcé en Birmanie. En Norvège, elle va recevoir le prix Nobel de la paix qui lui avait été attribué en 1991. Elle prononcera à Oslo, avec 21 années de retard, son discours d’acceptation. En Irlande, elle assistera à un concert intitulé «Electric Burma» organisé en son honneur par le chanteur de U2 Bono, un admirateur fervent d’Aung San Suu Kyi.

L’étape la plus émotionnelle sera celle de Grande-Bretagne, où Aung San Suu Kyi a longtemps vécu, à Oxford, aux côtés de son mari Michaël Aris, mort en 1999, et de ses deux enfants. A Londres, elle s’adressera – honneur rare – aux deux chambres réunies du Parlement.

C’est aussi en Grande-Bretagne qu’elle célèbrera le 19 juin, avec sa famille et des amis, son 67ème anniversaire. A Paris, Aung San Suu Kyi, qui apprend le français depuis de nombreuses années, sera l’invitée d’honneur d’un diner offert par le président François Hollande à l’Elysée. Elle rencontrera aussi les représentants de plusieurs organisations françaises militant pour l’instauration de la démocratie en Birmanie.

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Analyse Politique Thaïlande

Chronique siamoise : le principe de relativité

L’image de la Birmane Aung San Suu Kyi discutant, pendant son récent séjour à Bangkok, avec le Thaïlandais Abhisit Vejjajiva inspire des sentiments mélangés. Ces deux brillants politiciens, tous deux diplômés dans la même discipline (Sciences politiques) de l’Université d’Oxford, tous deux des exemples de leaders asiatiques qui ont mûri dans le giron de la vieille Europe,  apparaissent aujourd’hui bien différents l’un de l’autre. Ce qui les sépare n’est pas seulement l’âge – Aung San Suu Kyi a 67 ans et Abhisit 48 ans -, mais aussi le chemin parcouru : Aung San Suu Kyi a émergé dans l’arène politique en prenant la tête, en 1988, d’un mouvement pro-démocratique écrasé sous la mitraille par les militaires birmans ; Abhisit, alors Premier ministre, a fait réprimer dans le sang par l’armée les manifestations de Bangkok en mai 2010. A quoi, il faut peut-être ajouter un parcours personnel et une approche culturelle que le passage par les allées boisées et venteuses de l’Oxfordshire n’a pas effacé.

Aung San Suu Kyi a passé une partie importante de sa jeunesse en Inde, où elle s’est imprégnée des écrits de Gandhi ; elle a fait sa propre synthèse de la philosophie d’action du Mahatma et en a tiré une morale politique basée sur la fidélité à des principes intangibles, posés d’entrée de jeu. Un manque de flexibilité qui, parfois, semble la placer en contradiction avec ses propres partisans. Devenu Premier ministre, Abhisit a, lui, vite tourné le dos aux «principes» pour verser dans les combines et les compromissions qui sont le lot quotidien de la politique thaïlandaise.

Non pas que les principes n’ont pas droit de cité dans le discours politique thaïlandais. Depuis son éviction du pouvoir par un coup d’Etat en septembre 2006, l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra a ainsi maintes fois invoqué la démocratie et la justice pour fustiger ses ennemis politiques. Mais ces principes sont le plus souvent invoqués a posteriori : c’est le même Thaksin qui, alors au pouvoir, déclarait en 2004 que la «démocratie n’était pas une fin en soi». Ils semblent être plus des instruments rangés et ressortis au gré des circonstances que des règles du jeu.

L’actuelle impasse de la politique thaïlandaise, rendue manifeste par les très fortes tensions autour du projet de loi de réconciliation, illustre ce point. Les mêmes politiciens, comme Abhisit et les autres dirigeants du Parti démocrate, qui ont profité du coup d’Etat de 2006 pour s’emparer du pouvoir, invoquent aujourd’hui l’inconstitutionnalité d’un projet de loi visant à permettre une réforme de la constitution. Mais les militaires, soutenus par les Chemises jaunes et alliés d’Abhisit n’ont-ils pas, en 2006, commis l’acte le plus grave qui soit contre un gouvernement élu et constitutionnel ? N’ont-ils pas d’un trait de plume aboli la constitution, saluée comme la plus démocratique de l’histoire de la Thaïlande, de 1997 ? Abhisit n’a-t-il pas été, tout au long, complice de ce viol éhonté de la légitimité constitutionnelle ? Il suffit d’ajouter que l’initiateur de ce projet de loi de réconciliation est celui-là même qui avait mené le coup de 2006 (le général Sonthi Boonyaratklin) pour compléter ce tableau surréaliste.

De combines en compromissions, la situation est devenue inextricable. Aucune voie de sortie n’est visible. Même les juges sont décrédibilisés, ayant trop longtemps préféré choisir l’option facile des «jugements politiques». La décision de la Cour constitutionnelle, juste après l’élection triomphale de Thaksin en 2001, de l’acquitter de l’accusation de fausse déclaration de patrimoine et de souscrire à son explication «d’erreur honnête» avait lancé la mécanique infernale qui continue aujourd’hui à tourner.

 

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Birmanie Politique

Aung San Suu Kyi demande une réforme judiciaire

Lors de son premier discours devant une audience internationale, la parlementaire a insisté sur la nécessité d’assainir l’appareil judiciaire en Birmanie.

Son intervention était sans doute la plus attendue du Forum économique mondial sur l’Asie qui s’est tenu à Bangkok, en Thaïlande, le 30 mai et le 1er juin. La prestation de celle qui figure, par son long combat pour la démocratie, aux côtés du Dalai Lama, de feu Vaclav Havel et de Nelson Mandela, n’a pas déçu. Pétillante d’intelligence, souriante, Aung San Suu Kyi a lancé à un appel aux hommes d’affaires et aux leaders politiques de la région pour qu’ils fassent preuve d’un «scepticisme sain» dans leur évaluation des changements en cours en Birmanie. Elle a notamment insisté sur l’importance d’une refonte du système judiciaire dans son pays, lequel est totalement sous l’influence de l’armée et du pouvoir politique. «Nous avons déjà de bonnes lois en Birmanie, mais nous n’avons pas un système judiciaire propre et indépendant. Sans un tel système, les meilleures lois du monde ne servent à rien», a-t-elle déclaré devant une salle bondée dans l’hôtel Shangri-La de Bangkok.

Aung San Suu Kyi, qui a longtemps soutenu les sanctions économiques occidentales contre la Birmanie (dont la plupart ont été récemment suspendues), a aussi demandé aux investisseurs de ne pas penser uniquement à leurs bénéfices, mais d’agir de manière éthique en prenant garde de ne pas «renforcer la corruption et les inégalités». Qualifiant le chômage parmi les jeunes Birmans de «bombe à retardement», elle a insisté sur le fait que les investissements devaient viser à la création du «plus grand nombre possible d’emplois». Sur une note plus légère, Aung San Suu Kyi a dit qu’elle avait été impressionnée, lors de l’atterrissage de son avion, par «les lumières de Bangkok», alors qu’elle venait d’un pays où les coupures de courant sont une calamité quotidienne.

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Birmanie Politique

Aung San Suu Kyi rend visite aux ouvriers birmans en Thaïlande

La figure charismatique de l’opposition birmane a réservé sa première visite à l’étranger depuis 24 ans à ses concitoyens immigrés en Thaïlande.

Ils étaient des milliers à l’attendre depuis tôt dans la matinée : des femmes aux joues poudrées de tanaka brandissant des portraits de la Dame de Rangoon et de son père, le héros de l’indépendance birmane Aung San, des hommes en sarong une rose à la main, tous hurlant «Daw Suu» (Madame Suu) et chantant. Compressés dans une ruelle de Mahachai, une ville au bord du golfe de Thaïlande où sont implantées de nombreuses usines qui emploient des dizaines de milliers de Birmans, ils voulaient tous apercevoir leur héroïne, celle dont ils entendent parler depuis un quart de siècle mais qu’ils n’ont jamais vue. «Tout le monde l’aime ici. Elle est un peu comme notre mère. Nous sommes très contents qu’elle ait pu sortir du pays», indique, frémissante d’émotion, Zarchi Htike, une interprète qui travaille dans une usine de la ville.

Quand le cortège transportant Aung San Suu Kyi arrive, l’ambiance devient chaotique. Des cameramen tombent de leur perchoir, poussés par la pression de la foule. Les policiers thaïlandais sont débordés. Aung San Suu Kyi, vêtue d’un chemisier à fleurs et d’un foulard blanc apparaît au balcon de l’immeuble d’un compartiment chinois. «Je vois tellement de Birmans que j’ai l’impression d’être en Birmanie», dit-elle dans un micro. Quelques-uns dans la foule ne peuvent retenir leurs larmes. Pour ces ouvriers birmans, souvent considérés comme des citoyens de seconde classe en Thaïlande, la décision d’Aung San Suu Kyi de leur rendre visite en priorité leur procure joie et fierté.

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Birmanie Politique Thaïlande

Faux pas: le président birman renonce à une visite à Bangkok

Le président Thein Sein a reporté un voyage officiel en Thaïlande et annulé sa participation à un forum à Bangkok à cause de la présence simultanée d’Aung San Suu Kyi.

Il n’est pas facile de comprendre ce qui est passé par la tête des organisateurs du Forum économique mondial sur l’Asie (WEF), qui se tient à Bangkok du 30 mai au 1er juin, lorsqu’ils ont invité en même temps le chef d’Etat birman Thein Sein et la principale dirigeante de l’opposition Aung San Suu Kyi. L’aura de méga-star mondiale de la «Dame de Rangoon», dont la vie est l’objet d’un récent film de Luc Besson, ne pouvait qu’humilier le président birman, dépourvu de légitimité électorale et plutôt moins «sexy» que l’opposante. Inévitablement, un choc s’est produit : Thein Sein a annulé sa participation au Forum et même reporté de quelques jours son voyage officiel en Thaïlande. Celui-ci aura lieu les 4 et 5 juin.

Une certaine confusion règne sur l’ordre du jour de la visite d’Aung San Suu Kyi elle-même. Ce n’est que le 28 mai au soir que la presse a été informée de sa visite le 30 au matin dans un centre de travailleurs migrants birmans à Mahachai, au bord du golfe de Thaïlande, alors qu’on évoquait, quelques heures auparavant, une visite dans un camp de réfugiés karens de la province de Mae Sot. Le voyage d’Aung San Suu Kyi en Thaïlande revêt une importance symbolique considérable car il s’agit de la première fois qu’elle quitte le territoire birman depuis qu’elle était rentrée au chevet de sa mère malade en avril 1988. Dès le mois d’août de cette année, elle avait pris la tête des manifestations contre le régime militaire.

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Birmanie Politique

Le Président de Birmanie consolide son pouvoir

Le départ d’un dur du régime indique que les réformistes menés par le président Thein Sein renforcent leurs positions.

Tin Aung Myint Oo, l’un des deux vice-présidents de Birmanie (Myanmar) et le principal leader des partisans de la ligne dure au sein du gouvernement civil, a démissionné, selon le programme en birman de la BBC, après plusieurs semaines de spéculations sur des fortes tensions entre les réformistes et les conservateurs du régime. Ce  général à la retraite, âgé de 61 ans et proche de l’ex-chef de la junte Than Shwe, aurait remis sa démission le 3 mai pour « raisons de santé » – une justification fréquemment invoquée lors des changements de personnel politique en Birmanie. Ce départ, non encore confirmé officiellement, renforcerait la main du président Thein Sein, arrivé au pouvoir en mars 2011 après des élections législatives condamnées par l’Occident en novembre 2010.

Bien que les informations précises à ce sujet soient rares, la série de réformes initiées depuis environ un an par Thein Sein – libération de prisonniers politiques, dialogue avec l’opposante Aung San Suu Kyi, levée partielle de la censure de la presse – semble avoir entrainé le mécontentement de certains militaires d’active et d’officiers à la retraite, notamment ceux qui bénéficiaient des contrats passés avec la Chine. L’un des effets les plus spectaculaires de ces réformes a été l’entrée au Parlement, en avril, d’Aung San Suu Kyi et de 42 membres de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie, élus lors des élections partielles du 1er avril.

Henri Emanglon