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Analyse Asie

L’absence de la France

La France en Asie du sud-est ? Question déplacée, en pleine campagne électorale. C’est vrai. Ce qui l’est également : à quoi sert-il encore de la poser ?

Les internautes français inscrits dans un consulat à l’étranger reçoivent une avalanche de courriels envoyés par les équipes des principaux candidats à l’élection présidentielle du 22 avril. A Singapour, à Bangkok ou à Hanoï, tant de sollicitude invite à la mélancolie…  Jamais les résidents français, jamais les touristes français n’ont été si nombreux en Asie du sud-est. Et jamais leur pays – et ce qu’il représente à leurs yeux de culture, de foi et, pourquoi pas, d’intelligence – n’a été si absent.

Certes, en 2012, Alain Juppé s’est rendu à Rangoon pour y saluer Aung San Suu Kyi et Ségolène Royal a assisté à l’ouverture du festival franco-vietnamien de Hué. Certes, les enjeux d’une campagne électorale – présidentielle, puis parlementaire – sont prioritaires et, de toute manière, l’Asie du sud-est ne l’est pas aux côtés, par exemple, de l’Extrême Orient. Certes, avec les contraintes de l’austérité, les budgets, notamment culturels, fondent.

Toutefois, la préoccupation essentielle est autre : c’est la courbe régulièrement ascendante du désintérêt français pour des relations substantielless avec cette région qui compte 600 millions d’habitants, dont l’économie est l’une des plus dynamiques de la planète et avec laquelle la France entretient des liens non-négligeables, ceux qui survivent à la fin des empires et qui sont d’estime.

La relance dans les années 90

Quand il était chef de l’Etat et en dépit de son manque d’atomes crochus avec la région, François Mitterrand s’était rendu à deux reprises en Asie du sud-est. En 1986, il avait visité l’Indonésie. En 1993, en dépit de la maladie qui devait l’emporter deux ans plus tard, il s’était rendu au Viêtnam. Il avait fait saut à Diên Biên Phu («une erreur», avait-il dit), s’était promené dans les rues de Hanoi et avait qualifié d’ «anachronisme» un embargo économique américain encore vigueur (il sera levé en 1994). Dans la foulée, il avait visité le Cambodge. Surtout, c’est sous la présidence de Mitterrand que la coopération française avec les anciens États d’Indochine a été relancée.

Cet effort a été poursuivi par Jacques Chirac qui, lui, était un mordu de l’Asie de l’est. Dès 1996, il s’est rendu à Singapour pour y dire son message à l’Asie et, à Bangkok, pour y créer l’Asem, le forum de dialogue entre l’Europe et l’Asie (également présent, le chancelier allemand Helmut Kohl lui a laissé la vedette). En 1997, Chirac est retourné à Hanoï, pour la énième fois, à l’occasion d’un sommet de la francophonie. Et Chirac s’est rendu une dernière fois à Bangkok, en 2006, à l’invitation du roi Bhumibol.

Il reste que la volonté de rétablir des liens avec l’Asie du sud-est, sensible dans les années 90, s’est émiettée au tournant du siècle. Elle est devenue quasi-inexistante sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Des visites ministérielles ont lieu de temps à autre, rapides et sans passion. Et pourtant ! Quelque dix mille ressortissants français sont aujourd’hui installés à Singapour. Il y en a autant en Thaïlande.

Une image floue

L’Ecole française d’Extrême Orient, présente de Hanoï à Jakarta, de Chiang Mai à Angkor, de Bangkok à Phnom Penh – et demain, pour la première fois depuis 1975, à Hô-Chi-Minh-Ville –, conserve un rôle culturel important dans la région. La France demeure, à l’étranger, le principal centre de diffusion d’une littérature contemporaine vietnamienne de qualité. Les Français sont considérés, en Asie du sud-est, comme les meilleurs financiers, les meilleurs voyagistes. Les produits de luxe français connaissent, comme ailleurs, un franc succès auprès des élites enrichies de la région.

Au lieu de stimuler ces efforts, les pouvoirs publics français semblent s’en désintéresser comme si l’Asie du sud-est ne figurait plus dans leur champ d’optique. Huit ans après la débâcle de Diên Biên Phu, de Gaulle avait renoué avec l’Asie en rétablissant le lien avec Pékin. Au lendemain de la chute du Mur de Berlin, Paris avait joué un rôle dans l’ouverture des ex-Etats indochinois. Qu’en reste-t-il ? C’est difficile à dire. Peut-être, une image floue. De plus en plus floue ?

Jean-Claude Pomonti

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Birmanie Politique

Birmanie: un ancien Premier ministre interrogé

L’interrogation par des officiels de l’ancien Premier ministre birman Khin Nyunt souligne à quel point la Birmanie demeure en liberté surveillée.

Libéré le 13 janvier, Khin Nyunt a été interrogé par des officiels  pour avoir déclaré au Bangkok Post (8 avril 2012) qu’il avait «sauvé»  Aung San Suu Kyi en 2003, lorsque le convoi dans lequel elle se trouvait avait été attaqué (50 morts).  Chef du renseignement militaire pendant vingt ans, puis assigné à résidence pendant huit ans, Khin Nyunt a démenti avoir tenu de tels propos. Selon l’Irrawaddy , le magazine et site qui rapporte cette information, cette affaire pourrait conduire à une réassignation à résidence de celui qui fût Premier ministre pendant treize mois en 2003-2004.
«Des officiels de haut rang seraient furieux», rapporte l’Irrawaddy, «et disent redouter des représailles de la part de Than Shwe, l’ancien chef de la junte ». Il a «sorti le tigre de son sommeil», aurait déclaré l’un de ces officiels, à propos de la réaction de Than Shwe, qui ne se manifeste plus en public depuis qu’il s’est retiré.

Ce genre d’incident fait l’effet d’un rappel aux réalités. Les prisonniers politiques, y compris d’anciens collaborateurs de Khin Nyunt, se compteraient encore par centaines. Une fraction importante de la caste militaire, qui conserve le pouvoir, surveille de près les pas accomplis par le tandem formé par le président Thein Sein et Mme Suu Kyi, qui se sont de nouveau rencontrés le 11 avril à Naypyidaw. La Birmanie demeure en liberté surveillée.

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Birmanie

Khin Nyunt, le Birman énigmatique

Récemment libéré, l’ancien Premier ministre du Myanmar commence à parler. Il n’en demeure pas moins une énigme en Birmanie.

La grande surprise, lors des libérations du 13 janvier 2012, a été de voir Khin Nyunt sortir de son domicile, à Rangoon pour une brève excursion dans la rue. Ancien officier d’ordonnance du dictateur Ne Win, ancien «secrétaire N°1» de la junte qui a pris le pouvoir en 1988, ancien chef du renseignement militaire (1984-2004), ancien Premier ministre (pendant treize mois), Khin Nyunt n’avait rien d’un dissident.

«Placé sous protection» (arrêté) le 18 octobre 2004 et condamné, le 21 juillet 2005, à 44 ans de prison pour «corruption» et «désobéissance». En bref, il avait été limogé et mis au frais pour le restant de ses jours. Seul geste de clémence, mais important : son assignation, dans la foulée, à résidence.

C’est le comédien Zarganar, lui-même emprisonné à plusieurs reprises au cours des vingt-cinq dernières années, dont deux fois sur ordre de Khin Nyunt, qui a demandé au président Thein Sein sa libération.

«Absence de rancune »

Pourquoi ? «Absence de rancune », a déclaré le comédien dans un entretien au site www.mizzima.com le 19 janvier 2012, après avoir rendu visite au général à la retraite que des médias avaient baptisé le «prince du mal» et qui a affirmé, à sa sortie de prison, qu’il resterait à l’écart de la politique. A l’âge de 71 ans, le prix léger de la liberté ?

Lee Kuan Yew, le patriarche de Singapour, considérait Khin Nyunt comme le seul général birman avec lequel discuter avait un sens. L’ancien officier affirme aujourd’hui qu’il a sauvé la vie d’Aung San Suu Kyi en mai 2003, quand le cortège de la très populaire birmane a été attaqué de nuit (50 morts).

«J’ai envoyé mes hommes pour l’extraire de la foule et la déposer à l’abri dans un cantonnement militaire du voisinage», affirme-t-il dans un entretien publié par le Bangkok Post le 8 avril 2012. Il lui aurait donc sauvé la vie, ce qui pourrait expliquer pourquoi il a été lui-même arrêté l’année suivante : il n’avait pas les moyens de tenir tête à la faction militaire la plus dure.

D’autres pensent que Khin Nyunt avait fait du Renseignement militaire un Etat dans l’Etat ou, plus exactement, au sein d’une caste fermée, un clan qui monopolisait de bonnes affaires, notamment la contrebande aux frontières. Et quand il a été arrêté, le Renseignement a été démantelé et les officiers qui dirigeaient ce service emprisonnés. Khin Nyunt dément le tout aujourd’hui, affirmant au Bangkok Post qu’il n’avait jamais «abusé des pouvoirs qui lui avaient été confiés ni bâti une fortune personnelle».

La conscience tranquille

Khin Nyunt revendique la paternité des négociations avec les dix-sept minorités ethniques qui ont abouti à des cessez-le-feu sur place. Il rappelle qu’il a qualifié Mme Suu Kyi de «petite sœur» et qu’il a lancé le programme de «démocratisation». Sa marge de manœuvre était-elle limitée ? Toujours est-il qu’il n’a jamais libéré un prisonnier politique et que ses rares rencontres avec Mme Suu Kyi n’ont jamais débouché sur des réformes.

La Birmanie, rebaptisée Myanmar, est entrée dans un nouveau cycle de vie et tous les repères ont changé. Se clamant «la conscience tranquille», Khin Nyunt dit se consacrer à la gestion d’une petite organisation caritative dans son bourg natal, à 50 km de Rangoon. Il vient, a-t-il dit au Bangkok Post, d’offrir mille robes de bonze à l’occasion du 75ème anniversaire de l’un de ses maîtres en religion. S’exerçant à réhabiliter son image de marque – ou à réécrire l’histoire, selon ses adversaires –, Khin Nyunt parle un peu et l’essentiel de l’énigme qui l’entoure subsiste.

Jean-Claude Pomonti