Catégories
Birmanie Politique

Le Parlement de Birmanie s’en prend à un blogueur

Un comité d’enquête est formé pour prendre des mesures contre un blogueur critique envers le comportement des parlementaires.

Le docteur Seik Phwa, nom sous lequel écrit le blogueur, avait fustigé le fait que le Parlement se soit octroyé des pouvoirs supplémentaires lors d’un récent bras de fer avec le président Thein Sein concernant la Cour constitutionnelle. « Est-ce que le Parlement est au-dessus de la loi ? », s’était-il interrogé, selon le site internet de la Democratic Voice of Burma. Seik Phwa avait poussé l’ironie jusqu’à écrire à la fin de son article qu’il fallait ajouter à la Constitution un nouvel article, lequel stipulerait : «Peu importe ce que dit la Constitution, une décision approuvée par les présidents des chambres du Parlement et par leurs collègues doit être suivie». La querelle entre l’exécutif et le législatif en Birmanie s’était soldée par le limogeage des neuf juges constitutionnels en septembre 2012.

Le parlementaire qui a proposé de sanctionner le blogueur, Soe Yin du parti majoritaire USDP formé par l’ex-junte, a estimé que le docteur Seik Phwa avait « trompé le public et la communauté internationale » et « diffamé le Parlement ». La motion visant à créer le comité d’enquête et d’action a été votée à une large majorité. Cette mesure intervient alors que la crise autour de la Cour constitutionnelle se poursuit. Le Parlement tente désormais de contrôler la nomination des neuf nouveaux juges constitutionnels, lesquels, selon la Constitution doivent être nommés par le président de la République et les présidents des deux Chambres, à raison de trois juges chacun. Selon des analystes, ces tensions reflètent le mûrissement de la démocratie birmane, mais aussi un conflit politique entre le président Thein Sein et le président du Parlement Thura Shwe Mann.

Catégories
Analyse Politique Thaïlande

Chronique siamoise : une société bloquée en quête de nouveaux appuis

La décision de la Cour constitutionnelle du 13 juillet, rejetant les accusations de renversement de la monarchie absolue à l’encontre du parti Peua Thaï au pouvoir en Thaïlande, n’a fait qu’apporter un répit.

Catégories
Politique Thaïlande

Thaïlande : la Cour constitutionnelle choisit la voie moyenne

La Cour constitutionnelle a pris une décision qui satisfait le parti Peua Thai au pouvoir. Elle estime en effet que son projet de réforme de la constitution ne menace pas la monarchie.

Quelques heures avant le jugement de la Cour constitutionnelle le 13 juillet en début d’après-midi, certains évoquaient encore la possibilité d’une guerre civile. Finalement, les huit juges ont décidé de rejeter les recours déposés par l’opposition allégeant que le parti gouvernemental voulait renverser la monarchie absolue en changeant la constitution. La Cour a motivé sa décision en précisant que cette accusation était basée sur un procès d’intention. Dans la foulée, les juges ont estimé que le rejet de ces recours rendait caduque la demande de dissolution du parti Peua Thai. Ces décisions ont provoqué la joie des Chemises rouges, les partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, dont la sœur cadette Yingluck est actuellement à la tête du gouvernement. Ce dernier ainsi que plusieurs leaders du parti Peua Thai se sont dits satisfaits aussi de ce verdict.

Deux des leaders des Chemises rouges, Jatuporn Prompan et Thida Thavornseth, ont toutefois exprimé un certain mécontentement, car la Cour a aussi estimé que la majorité parlementaire ne pouvait pas convoquer une assemblée constituante pour réécrire une nouvelle constitution sans un référendum préalable. Leur argument est que, comme la constitution de 2007, mise en place après le coup d’Etat de septembre 2006, a été approuvée par un référendum, seule une consultation similaire peut ouvrir la voie à un changement de constitution. Selon les juges, les articles de la constitution «qui posent problème» pourront toutefois être amendés un par un par la voie parlementaire.

Ce jugement a permis d’apaiser les tensions qui s’étaient accumulées ces dernières semaines autour de ce projet de loi d’amendement constitutionnel. La crise politique, qui voit s’affronter les élites conservatrices et les forces favorables à une plus grande égalité sociale, n’est pas réglée pour autant.

Catégories
Analyse Politique Thaïlande

Chronique siamoise : où sont les arbitres ?

L’absence de médiateurs respectés en Thaïlande laisse libre cours à des déchirements politiques qui frisent l’absurde.

Dans les années 60, des anthropologues anglo-saxons avaient identifié l’évitement des conflits comme étant une caractéristique fondamentale de la «société faiblement structurée» qu’était, à leurs yeux, la Thaïlande. Revers de ce trait sympathique relevé par les mêmes observateurs : la perte de tout contrôle de soi, de toute mesure, de tout sens du justifié et de l’injustifié quand un conflit est déclaré malgré les efforts pour l’étouffer dans l’œuf. Outre la question de la perte de face qui ne peut se compenser que par une destruction absolue du fautif, il faut y ajouter la difficulté à distinguer entre acteurs du conflit, simples observateurs et ceux qui essaient d’apaiser les tensions. Le désordre politique actuel autour de la question de la réforme constitutionnelle illustre cette propension à qualifier toutes les parties impliquées comme étant partiales (khao khrang).

Traditionnellement, les deux parties à un conflit étant incapables d’agir raisonnablement, on fait appel à un médiateur (khon klang), une personne reconnue pour sa séniorité et son caractère impartial. Dans le passé, l’abbé de la pagode, parfois un chef de village particulièrement respecté ou un oncle vénérable remplissaient souvent ce rôle. Dans le contexte de la politique nationale, cette fonction est essentiellement dévolue au roi, garant de l’unité du pays et donc de l’harmonie entre tous les Thaïlandais. Depuis 2006, le roi Bhumibol, âgé alors de 79 ans et dont la santé est déclinante, a paru dépassé par les événements ou à tout le moins réticent à jouer un rôle d’arbitre et a clairement poussé les tribunaux à s’en saisir. Ce volontarisme de l’appareil judiciaire a été désastreux. Il a plus abouti à une politisation de la justice qu’à une judiciarisation du monde politique. Protégé par des lois proches de celles réprimant le crime de lèse-majesté, les juges ont multiplié les décisions partiales sans pouvoir être critiqués. Quelques juridictions professionnelles ont émergé avec les honneurs de ce marasme, notamment les Cours administratives de création relativement récente, mais beaucoup d’autres ont perdu tout crédit aux yeux de la population.

A cet égard, l’attitude de la Cour constitutionnelle, qui a décrété le 1er juin une injonction pour suspendre le débat parlementaire sur la réécriture d’un article de la constitution, laquelle aurait permis la réforme de cette même constitution, est parlante. Interprétant l’article 68 de la charte en dépit du bon sens, la Cour constitutionnelle s’est arrogé le pouvoir de suspendre un débat parlementaire sur la simple présomption d’un futur complot pour renverser la monarchie constitutionnelle. La torsion des alinéas pour en retirer ce que l’on recherche n’est pas nouvelle. Les codes de lois écrites ont à peine un siècle en Thaïlande et, sauf pour les lois sur la famille, ils ont été une importation directe de l’Occident. L’esprit de la loi n’a pas encore beaucoup de poids dans un pays où d’innombrables esprits, bien plus malicieux, ont leur logis dans les jardins, au bord des virages dangereux et au fin fond des forêts. Quelles sont les «mains invisibles» qui agissent derrière la Cour ? L’argument du renversement de la monarchie est celui de tous les faiseurs de coup d’Etat. Qu’un expert juridique tel que Meechai Ruchupan, scribe des putschistes depuis des décennies, insiste sur la justesse de l’attitude de la Cour ne peut qu’éveiller des soupçons. Au royaume du clientélisme, il n’existe pas – ou du moins très peu – d’experts, pas plus en matière de droit que de mesures anti-inondations ; il n’existe que des aboyeurs qui défendent leur maître respectif.

La réaction des Chemises rouges après l’injonction de la Cour constitutionnelle confirme la faillite du système. Elles ont demandé le limogeage des sept juges qui ont voté pour l’injonction, c’est-à-dire des sept juges qui ont statué contre leurs intérêts. Elles menacent de mobiliser leurs troupes pour faire prévaloir la force sur le droit. Mais quel droit ? Ou plutôt : le droit de qui ? A tort ou à raison, il n’y a plus de respect de l’appareil judiciaire, plus de médiateurs, plus de croyance dans des principes supérieurs, mais simplement une lutte implacable, becs et ongles, pour vaincre et dominer. Et, passé un certain niveau de progression, il risque d’être difficile de stopper cette tumeur malsaine.

Catégories
Politique Thaïlande

Thaïlande : galimatias juridique autour de la réforme constitutionnelle

Le Bureau du procureur général a contredit le 7 juin la Cour constitutionnelle, laquelle avait ordonné la suspension d’un débat parlementaire.

La guerre de tranchées engagée, en Thaïlande, entre le Bureau du procureur général et la Cour constitutionnelle devrait passionner les étudiants en droit public. Le bureau du procureur général a indiqué qu’il ne donnait pas suite aux pétitions déposées par des députés du Parti démocrate d’opposition, lesquelles demandaient de suspendre le débat parlementaire sur un projet de loi d’amendement de la Constitution. Cette déclaration a pris le contre-pied de la position adoptée depuis une semaine par la Cour constitutionnelle, laquelle a examiné ces mêmes pétitions et ordonné la suspension du débat parlementaire. Pour bien montrer qu’elle persistait dans sa position, la Cour constitutionnelle a immédiatement réagi à la déclaration du bureau du procureur général, indiquant que cette dernière n’avait «aucun rapport» avec la décision de la Cour d’engager un examen juridique du projet de loi.

Ce bras de fer entre les deux organes juridiques se joue sur fond de forte tension entre le Peua Thai, principal parti de la coalition gouvernementale, et le Parti démocrate d’opposition. Ce dernier veut bloquer toute tentative de réforme de la Constitution instaurée en 2007 après un coup d’Etat un an auparavant. La confusion sur les pouvoirs respectifs de la Cour constitutionnelle et du Bureau du procureur général repose sur l’interprétation d’un passage de l’article 68 de la Constitution, lequel stipule : la personne qui a connaissance d’actes (visant à renverser la monarchie constitutionnelle) «a le droit de demander au procureur général d’enquêter sur les faits et de soumettre une motion à la Cour constitutionnelle pour qu’elle ordonne la cessation de tels actes». C’est la question de savoir qui peut «soumettre la motion» à la Cour qui donne lieu à différents avis.