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Analyse Asie Politique

L’Asem au Laos : un sommet pour pas grand-chose

Le 9ème sommet de l’Asie-Europe, ou Asem, s’est déroulé à Vientiane les 5 et 6 novembre. Un rendez-vous sympathique, sans véritable enjeu et passé un peu inaperçu.

Les Européens intéressent les Asiatiques et vice-versa. Mais l’Europe n’intéresse guère l’Asie. Avec ses difficultés financières, elle n’est plus un modèle mais un navire menacé de sombrer, du moins elle tend à être perçue ainsi en Asie, provisoirement. Certes, les 49 pays de l’Asem représentent plus de 50% du PIB mondial et 60% des échanges internationaux ; et abrite près de 60% de la population mondiale. Mais, aux yeux des Asiatiques et de leurs gouvernants, sur le plan stratégique, l’Europe n’existe guère.

Aussi, fondée en 1996 à Bangkok, l’Asem a eu beau ancrer un dialogue continu, à plusieurs niveaux et dans plusieurs secteurs, entre les deux continents, ses sommets tous les deux ans demeurent plutôt informels et sans objectif précis. Certes, c’est une bonne occasion de faire des rencontres et de prendre la température. Mais tout le monde ne s’y rend pas, comme l’ont montré deux ténors européens, Angela Merkel et David Cameron. En outre, le calendrier n’a pas favorisé l’Asem : le scrutin présidentiel américain a coïncidé et le Congrès du PC chinois s’ouvre le 8 novembre.

Sur le départ et égratigné en fin de parcours par les révélations du New York Times sur l’enrichissement de membres de sa famille, le premier ministre chinois Wen Jiabao n’avait sans doute pas de mandat pour rencontrer son homologue japonais, Yoshihiko Nada, et discuter avec lui de leur contentieux en mer de Chine en dépit d’une relative accalmie. Ils ne se sont pas vus en-dehors de la séance plénière.

François Hollande a, lui, fait le long voyage et, en l’espace d’une journée, découvert quelques interlocuteurs asiatiques, entre autres le Premier ministre du Vietnam et celui de la Malaisie. Il a revu le président de l’Indonésie, qu’il connaissait déjà (le G20). Le chef de l’Etat semble un peu hésiter : il veut avoir une politique asiatique dynamique  – c’est clair – mais il éprouve du mal à la formuler ou ne sait pas trop comment s’y prendre. Ce n’était peut-être pas une raison pour reprendre une antienne de François Mitterrand (en bref, les Asiatiques doivent jouer le jeu, pas de dumping, pas de manipulation de la monnaie, des salaires plus sociaux). Ni une raison, même s’il était pressé, pour ne pas aller s’incliner devant la dépouille mortelle d’un grand ami asiatique de la France, Norodom Sihanouk. Phnom Penh est à moins d’une heure d’avion de Vientiane.

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Mer de Chine du Sud : la France entre dans la danse

Peu avant l’arrivée de François Hollande au Laos, Manille a annoncé acheter cinq  patrouilleurs maritimes à Paris. Le geste français est forcément politique.

Angela Merkel, la chancelière allemande, et David Cameron, le premier ministre britannique, ne viendront pas. François Hollande sera donc, du côté européen, le ténor au sommet de l’Asem – pour Asie-Europe – qui se réunit à Vientiane, capitale du Laos, les 5 et 6 novembre (après tout, c’est logique : l’Asem, qui tient un sommet tous les deux ans, est une initiative franco-asiatique, lancée en 1996 par Jacques Chirac avec la complicité de Singapour). Mais un leader pressé : le président français ne devrait y rester, au mieux, qu’une journée et n’envisagerait pas d’en profiter pour se produire chez des voisins, lors de cette première avancée présidentielle en Asie.

Que font les Français dans la région ? Jean-Marc Ayrault (pourquoi lui ?) s’est rendu à Singapour,- un partenaire, bien évidemment, stratégique -, et surtout à Manille, à la mi-octobre, pour y vendre notamment des armes. Les Philippines, en pleine relance économique, ont peur de la mainmise de la Chine sur des îlots et des récifs proches de leurs côtes (dans des eaux que Manille vient de baptiser officiellement «Mer occidentale»). Même s’il dément tout lien avec de telles craintes, l’archipel a acheté cinq patrouilleurs garde-côtes français, d’une valeur de 90 millions d’€, livrables en 2014, selon le contre-amiral philippin en charge, repris par le Philipine Daily Inquirer.

Bien entendu, il ne s’agit pas que de prendre sa part dans la course régionale aux achats de matériel militaire (les Russes vendent des sous-marins au Vietnam et les Allemands des blindés à l’Indonésie). Les Français savent que Pékin s’agace mais ils sont passés outre aux mises en garde. Selon Le Monde, après les ratés de l’époque Sarkozy, l’Elysée et le Quai d’Orsay réfléchissent à une reformulation de la politique chinoise de la France, laquelle «pourrait s’articuler autour d’une formule censée introduire de la stabilité dans le rapport bilatéral». Cette formule s’intitule «les trois R» (respect mutuel, responsabilité, réciprocité).

En ce qui concerne le Japon, Le Monde rappelle que cet autre pilier de l’Extrême Orient avait été désigné comme une priorité par François Hollande lors de son discours, fin août 2012, devant les ambassadeurs français réunis à Paris. Un pays, avait-il dit, qui est «la troisième puissance économique du monde» et qui «n’a pas reçu toute l’attention qu’elle méritait ces dernières années». Le Monde indique que le chef de l’Etat réservera «sans doute» au Japon «son premier voyage bilatéral en Asie en 2013».

Ces initiatives laissent penser que François Hollande a saisi l’intérêt que représente au XXIème siècle l’Asie, où les opérateurs français sont de plus en plus nombreux, y compris en Asie du sud-est. La «responsabilité », « deuxième R» de la diplomatie présidentielle, signifie que «chaque Etat doit agir conformément à son rang et à ses capacités». Cela peut vouloir dire que la Chine doit obéir aux règles de la grande puissance. Ce qui voudrait dire également que Paris, de son côté, s’apprêterait à prendre sa part, même modeste, de responsabilités.

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Birmanie Politique

Aung San Suu Kyi entame sa tournée en Europe

Suisse, Norvège, Irlande, Grande-Bretagne et France seront les étapes du premier voyage en Europe d’Aung San Suu Kyi depuis 1988. Elle est arrivée le 13 juin à Genève.

Quand elle est partie d’Oxford pour se rendre en Birmanie au début de 1988, Aung San Suu Kyi devait seulement faire un aller-retour afin de visiter sa mère, Daw Khin Kyi, malade à Rangoon. Ce séjour aura finalement duré près de 24 ans, dont quinze passés par Aung San Suu Kyi comme prisonnière dans sa propre résidence de ce qui était alors la capitale de la Birmanie.

Devenue la principale figure du mouvement démocratique dès l’été 1988, Aung San Suu Kyi n’avait ensuite jamais voulu quitter la Birmanie, même lorsque son mari était atteint d’un cancer en stade terminal. Elle savait que la junte militaire ne lui permettrait pas de revenir.

Avec l’avènement d’un gouvernement civil l’an dernier et l’amorce d’une ouverture politique, la donne a soudainement changé. Aung San Suu Kyi peut de nouveau voyager et elle a franchi une première fois les frontières de la Birmanie début juin pour se rendre en Thaïlande. Chaque étape de son séjour européen sera hautement symbolique.

Sa visite au siège l’Organisation internationale du travail (OIT), à Genève, vise à saluer le travail persistant de cette agence onusienne contre le travail forcé en Birmanie. En Norvège, elle va recevoir le prix Nobel de la paix qui lui avait été attribué en 1991. Elle prononcera à Oslo, avec 21 années de retard, son discours d’acceptation. En Irlande, elle assistera à un concert intitulé «Electric Burma» organisé en son honneur par le chanteur de U2 Bono, un admirateur fervent d’Aung San Suu Kyi.

L’étape la plus émotionnelle sera celle de Grande-Bretagne, où Aung San Suu Kyi a longtemps vécu, à Oxford, aux côtés de son mari Michaël Aris, mort en 1999, et de ses deux enfants. A Londres, elle s’adressera – honneur rare – aux deux chambres réunies du Parlement.

C’est aussi en Grande-Bretagne qu’elle célèbrera le 19 juin, avec sa famille et des amis, son 67ème anniversaire. A Paris, Aung San Suu Kyi, qui apprend le français depuis de nombreuses années, sera l’invitée d’honneur d’un diner offert par le président François Hollande à l’Elysée. Elle rencontrera aussi les représentants de plusieurs organisations françaises militant pour l’instauration de la démocratie en Birmanie.

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Asie Expatriés Politique

Paul Jean-Ortiz, un Asiate nommé sherpa à l’Elysée

François Hollande a nommé son conseiller diplomatique : Paul Jean-Ortiz, qui a effectué une partie de sa carrière en Asie. Il a également été en poste à Madrid.

Le successeur de Jean-David Levitte aux fonctions de sherpa à l’Elysée est une figure familière en Asie de l’Est. Début mars, en tant que directeur d’Asie et d’Océanie (2009-2012) au Quai d’Orsay, il s’était encore rendu à Bangkok pour y présider une réunion des ambassadeurs français en Asie de l’Est. Paul Jean-Ortiz a été également premier conseiller à Hanoi (1995-1997). En outre, licencié ès lettres en chinois et sinologue distingué, il a été à trois reprises en poste en Chine : troisième secrétaire à Pékin (1987-1988), consul général à Canton (1993-1995), ministre-conseiller à Pékin (2000-2005).

Mais il est également un bon connaisseur des affaires européennes. Il a été ministre-conseiller à Madrid (2005-2009) et membre de deux cabinets ministériels, ceux d’Edwige Avice (coopération, 1991-1992) et d’Hubert Védrine (affaires étrangères, 1997-2000). Il est revenu aux affaires asiatiques en 2009, en occupant la direction d’Asie et d’Océanie au Quai d’Orsay.

Le sherpa, qui dirige la cellule diplomatique de l’Elysée, est traditionnellement un diplomate chargé de conseiller le chef de l’Etat dans le domaine réservé de la politique étrangère. Paul Jean-Ortiz est âgé de 55 ans et, pour le moment, il a pour mission d’assurer la transition jusqu’à la venue du gouvernement qui sera formé après les élections législatives.

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Asie Politique

Le président Hollande en Asie du sud-est en novembre 2012

Le nouveau chef de l’Etat français devrait se rendre à Vientiane pour y participer, les 5 et 6 novembre 2012, au neuvième sommet de l’Asem.

La France, aux côtés de Singapour, a joué un rôle crucial dans la fondation de l’Asem, le dialogue Asie-Europe, qui réunit aujourd’hui quarante-six pays et deux organisations régionales (l’Asean et la Commission européenne). C’est Jacques Chirac qui avait donné le coup d’envoi de l’Asem lors de son premier sommet, en 1996 à Bangkok. Depuis, ces sommets ont lieu tous les deux ans et le prochain est prévu à Vientiane.

Sur place, les préparatifs vont bon train car l’Asem est l’un des évènements majeurs dans la capitale du Laos depuis  l’ouverture du pays sur le reste du monde voilà plus d’un quart de siècle. Une cinquantaine de luxueuses villas sont en construction pour accueillir les chefs des délégations. Ces villas s’inscrivent dans un futur ensemble qui, le long du Mékong, comprendra également un hôtel de grand luxe, un centre commercial et une promenade.

Des travaux ont également  été  entrepris à l’aéroport international de Wattay, à trois km de la ville : extension de 260 mètres de la piste d’atterrissage ; aménagement d’une aire de parking susceptible d’accueillir au moins l’équivalent de trente-cinq gros porteurs commerciaux. Les chefs d’Etat français assistent traditionnellement aux sommets de l’Asem. En revanche, il est encore trop tôt pour savoir qui accompagnera le président français et si ce dernier en profitera pour  se rendre dans d’autres capitales de l’Asie du sud-est.

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Analyse Expatriés

Nouvelle présidence, des attentes, de minces espoirs

Elu avec un peu plus de 51% des suffrages, François Hollande pourra-t-il – et voudra-t-il – prendre davantage en considération l’Asie du sud-est ? Ce n’est qu’une question…

L’Asie du sud-est est une région à la croissance robuste. L’Indonésie, sa plus importante économie, siège au G20 et ambitionne de rejoindre le Bric (Brésil/Russie/Inde/Chine) pour en faire un Briic. Même les Philippines et la Birmanie (Myanmar) se mêlent aujourd’hui de la partie. Abritant près de six cent millions d’habitants, cette région-lien entre l’Inde et la Chine attire plus que jamais. Une preuve : les communautés françaises s’élargissent à grande vitesse, notamment à Singapour, en Thaïlande, en Indonésie, au Vietnam. Une dynamique à ne pas négliger.

Certes, dans le domaine de la diplomatie, François Hollande est confronté à d’autres priorités. La première : l’Europe, où un changement de rythme s’amorce avec son élection (et avec la déconfiture électorale des deux grandes formations grecques). Le nouveau président aura également à concilier une politique fiscale et monétaire plus souple avec des réformes structurelles. Le véritable «changement», pour reprendre son slogan électoral, serait aussi de rendre l’industrie française à nouveau concurrentielle.

Mais rien n’empêche d’envisager déjà l’avenir. Tout en manœuvrant pour mettre fin au conflit algérien, de Gaulle songeait déjà à la diplomatie qu’il pourrait développer, notamment en direction de l’Asie, une fois débarrassé de ce boulet. Depuis lors, l’Asie s’est considérablement renforcée et son poids ne se limite pas à la conjugaison entre la Chine et l’Inde.

Il ne s’agit pas de relancer le débat sur «la place de la France» dans le monde, entre un festin et ses miettes, mais d’offrir, comme début, un peu d’élan et de cohésion à sa présence. Le défaitisme ambiant est stupide. Par exemple, quand il s’agit de dépenses minimes, à quoi servirait-il de continuer de rogner sur les crédits de la présence culturelle à l’étranger ? Pourquoi ne pas intégrer, là où il est important (et c’est le cas en Asie du sud-est), le facteur de l’expansion des communautés françaises ? Plutôt que de donner raison à ceux, nombreux, qui n’attendent rien, proposer, pour commencer, un changement d’approche, de mentalité.

Jean-Claude Pomonti