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L’escale d’Obama en Thaïlande : renforcer les points de repère

Barack Obama a entamé en Thaïlande le premier voyage à l’étranger de son deuxième mandat. Américains et Thaïlandais sont de vieilles connaissances.

Peu après la Deuxième guerre mondiale, il y a eu le repli sur le Triangle d’or, donc aux frontières entre la Birmanie, le Laos et la Thaïlande, des divisions vaincues du Kuomintang. Cette zone a alors été une sorte de no man’s land sillonné par les agents de Taïwan et des Etats-Unis. Cette époque a coïncidé, dans l’Amérique des années 1950, avec la chasse aux sorcières du McCarthysme et le soutien aveugle à des galonnés thaïlandais anti-communistes.

Pendant la décennie suivante, la Thaïlande s’est transformée en un porte-avions de la deuxième guerre du Vietnam, l’américaine. Une base arrière pour les avions chargés de déverser des tapis de bombes sur le Laos et le Vietnam. En outre, les Gis venaient en Thaïlande en «rest & recreation», de courtes vacances débridées qui ont ancré les quartiers rouges de Bangkok et ceux de Pattaya. Ces présences ont contribué à lancer le tourisme et, surtout, à accélérer le développement du royaume.

Une division thaïlandaise a fait ses classes au Vietnam du Sud, aux côtés de soldats américains mais aussi australiens et sud-coréens. Des générations d’officiers thaïlandais ont fréquenté les écoles militaires américaines. Enfin, depuis le désengagement militaire d’Indochine, soit au cours des quatre dernières décennies, les relations sont demeurées étroites : la Thaïlande a servi de relais quand le président Bush (le père, 1988-1992) a monté une vaste opération militaire pour chasser les troupes de Saddam Hussein du Koweït, ou quand il a fallu organiser les secours lors du tsunami de décembre 2004, qui a fait 230.000 victimes sur les côtes de l’Océan indien.

Les Américains sont assez familiarisés avec le terrain pour savoir qu’en Thaïlande, le pouvoir est souvent fractionné et que la main gauche ignore parfois ce que fait la main droite ; et enfin, qu’il ne sert à rien de bousculer les gens car les certitudes du jour ne sont pas forcément un gage sur le futur.

C’est en tenant compte de ce contexte que Barack Obama a visité un temple avant d’aller présenter ses respects à un roi qui ne circule plus qu’en chaise roulante. Venu en éclaireur, le secrétaire à la Défense américain s’était assuré, au préalable, que l’alliance stratégique bilatérale demeure une base relativement solide. Et Obama s’est contenté d’avancer quelques pions dans la perspective du «Partenariat trans-Pacifique», sachant que cette initiative américaine, en vue de l’établissement d’une vaste zone de libre-échange, est accueillie avec tiédeur à Bangkok. Yingluck Shinawatra, premier ministre et qui ne représente qu’une part de pouvoir, lui a fait comprendre que, dans cette affaire, mieux valait ne pas la bousculer. Le 18 novembre au soir, Yingluck s’est envolée pour Phnom Penh. De son côté, après avoir rencontré des compatriotes autour d’un verre, Obama s’est préparé pour l’étape cruciale de son voyage, la Birmanie.

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Histoire Viêtnam

Vietnam : contamination par la dioxine plus grave que prévu

Des analyses de sang effectuées à Danang se sont toutes révélées positives à la dioxine. L’aéroport local avait abrité un dépôt d’agent orange pendant la guerre.

Les tests de 62 individus choisis au hasard dans une zone qui jouxte l’aéroport, où se trouvait l’aire de stockage de l’agent orange, ont tous été positifs à la dioxine, qui est à la base du très puissant défoliant dont les avions américains ont, selon Hanoï, déversé 80 millions de litres sur la moitié sud du Vietnam de 1961 à 1971.

Aucun des individus testés entre 2006 et 2012 n’a participé à la guerre ou n’a vécu dans les zones où l’aviation américaine a déversé le défoliant. Leurs seuls points communs, selon le quotidien Thanh Nien : ils étaient âgés de plus de 18 ans lors des tests et résident depuis au moins cinq ans à proximité de l’aéroport où l’agent orange a été stocké. L’un d’entre eux, Vo Duoc, âgé de 58 ans, a déclaré que les 18 membres de sa famille élargie vivaient près de l’aéroport et que les résultats pourraient signifier «une catastrophe pour les enfants». Ces résultats ont déjà provoqué une vive inquiétude dans un secteur où résident des milliers de gens.

Le projet, dans lequel s’inscrivent les tests, est parrainé par la Fondation Ford et Hatfield Consultants, une société environnementaliste canadienne. 25 parmi les individus testés vont être envoyés dans un hôpital militaire de Hanoï pour y bénéficier, gratuitement, d’un traitement déjà testé sur des anciens combattants.

L’aéroport de Danang, dans le centre du Vietnam, est la première de trois anciennes aires de stockage de l’agent orange que les Américains ont commencé à décontaminer le 9 août dernier en collaboration avec l’armée vietnamienne. Les deux autres aires sont les anciens aéroports de Bien Hoa, près de Hochiminh-Ville, et de Phu Cat, dans la province de Vinh Binh (au sud de Danang).

De 2,1 millions à 4,8 millions de Vietnamiens ont été directement exposés à l’agent orange et à d’autres produits chimiques liés à des cancers, à des malformations à la naissance ou à des maladies chroniques, notamment respiratoires. Depuis la fin de la guerre, la dioxine représente un danger supplémentaire en raison de l’influence de la contamination de sols sur la chaîne de consommation alimentaire. Un organisme américano-vietnamien a estimé à 450 millions de dollars le montant nécessaire à l’élimination de la dioxine et à l’aide aux victimes.

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Histoire Politique Viêtnam

Vietnam : la dépollution de l’agent orange commence

Les Etats-Unis ont entrepris le 9 août la dépollution, dans l’enceinte de l’aéroport de Danang, d’une ancienne aire de stockage de l’agent orange.

Hanoï  estime que des avions américains ont déversé «80 millions de litres» du très puissant défoliant à base de dioxine sur la moitié sud du Vietnam de 1961 à 1971. L’agent orange a «détruit l’environnement, fait des millions de victimes parmi la population vietnamienne et a eu des effets terribles sur des millions d’autres Vietnamiens qui souffrent de maux incurables», a affirmé en mai Hoang Tuân Anh, ministre vietnamien de la culture, des sports et du tourisme, dans une lettre de protestation au Comité international olympique contre le parrainage des Jeux de Londres par Dow Chemical Cy, l’un des principaux fabricants, à l’époque, de l’agent orange. Anh a ajouté que «quelques centaines de milliers d’enfants de la quatrième génération sont nés avec de sévères déformations congénitales».

Sur l’ancienne base militaire américaine de Danang, dans la partie où l’agent orange était entreposé, 70.000 mètres cubes de terre contaminée vont être nettoyés en recourant à leur surchauffe au cours des trois prochaines années. Des opérations similaires auront également lieu dans d’autres anciens entrepôts, notamment dans les aéroports de Bien Hoa et de Phu Cat dans le sud.

S’infiltrant dans l’eau et dans le sol, où elle peut stagner pendant des décennies, la dioxine est un produit chimique qui peut provoquer cancers et malformations congénitales. Dans le sud du Vietnam, les défoliants déversés par les Américains ont décimé deux millions d’hectares de forêts et deux cent mille hectares de récoltes. Les Etats-Unis vont consacrer près de 40 millions d’€ à l’opération de dépollution amorcée le 9 août.

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Histoire Viêtnam

L’ex-RC4, six décennies après la débâcle française

La défaite militaire française en Indochine s’est amorcée en 1950, avec l’abandon de la Haute région du nord vietnamien. Images de paix sur une frontière tragique.

A trois kilomètres au nord du petit bourg vietnamien de Dông Dang, le long d’une voie ferrée à double écartement, fruit d’un compromis entre Chinois et Vietnamiens, le poste frontière somnole. Sur le coup de midi, les commerces sont fermés et la circulation inexistante. A deux pas de là, donnant l’impression de sortir de nulle part, des motocyclistes aux engins surchargés débouchent sur la chaussée. Disparaissant derrière la pile de cartons ficelés les uns aux autres sur le siège arrière, dans un équilibre précaire, d’habiles chauffeurs filent vers les petits entrepôts de Dong Dang ou ceux, plus vastes et à une quinzaine de kilomètres plus loin, du marché de Lang Son. Noria de contrebande qui, à travers toutes les frontières de la région, ne semble s’arrêter que de nuit.

En novembre, le temps est sec, l’eau stagne dans le fond des lits de rivières. Au lendemain des récoltes et avant les labours, ce qui reste dans les rizières après coupe leur donne une apparence jaunâtre, au même titre que les champs de maïs ou de cannes à sucre abandonnés à des buffles peu nombreux à se partager ce qui fait figure de dernières miettes d’un festin. Un temps mort pour ces animaux de trait. A Lang Son, dans le jardin policé d’une église construite en 2004 et dotée de toitures incurvées qui lui donnent l’allure d’une pagode, sans clocher, surmontée seulement d’une modeste croix, des séminaristes disputent une partie de volley-ball à la fraîche, en fin d’après-midi. Le musée voisin est fermé en raison d’une panne d’électricité. Le Vietnam prend son temps.

Peu fréquentée, la route qui relie Cao Bang à Lang Son,- 135 km de bitume en bon état -, est l’ancienne Route coloniale 4, la RC4. Elle traverse des défilés, franchit des cols, se retrouve au pied d’impressionnantes falaises, emprunte la vallée de la rivière Ky Cung, se glisse entre des forêts dégradées sur lesquelles ont empiété les cultures itinérantes sur brûlis des minorités ethniques de la région, en majorité des Nung et des Tày. Ici et là se dressent des pains de sucre, les uns encore arrondis et les autres dentelés par la force des éléments. Partout se dessinent des lignes de crête, parfois à plus de mille mètres d’altitude, qui ferment l’horizon. Paysage grandiose et qui jette, toutefois, une ombre sur l’ambiance bucolique du moment. Il ne s’agit pas que d’un pressentiment.

La guerre bascule

A une heure de Cao Bang sur la route de Lang Son, baptisée aujourd’hui A4, Dông Khê est un bourg aggloméré autour d’un vaste centre scolaire et d’un grand marché pour enfants et gens de la montagne. Un bourg entièrement neuf, comme si toutes les constructions y avaient élevées au cours des dix dernières années. Deux décennies sont aujourd’hui le temps de la paix dans une région chahutée par l’histoire. Le passé en est comme effacé, à un détail près : Dông Khê est également une petite ville garnison. La frontière chinoise se situe, à vol d’oiseau, à une quinzaine de km, une frontière où les canons ne se sont tus qu’en 1989, quand le petit dragon vietnamien s’est résolu à une pénultième courbette dans ses relations difficiles avec le grand dragon chinois.

Plus loin sur la route, avant l’entrée dans une autre bourgade, celle de Thât Khê, à mi-chemin entre Cao Bang et Lang Son, un cimetière aménagé sur un promontoire abrite cent soixante tombes bien alignées. La plupart sont anonymes. Sur une demi-douzaine d’entre elles seulement sont gravés des noms, vietnamiens, et des dates : 1942, 1947, 1950… Morts pour la patrie. 1942, soit un an après la création du Vietminh. 1947 est l’année où le corps expéditionnaire français reprend, sans coup férir, le contrôle des anciens postes sur la frontière chinoise, dont les Français avaient été dépossédés lorsque les militaires japonais les avaient emprisonnés en mars 1945. 1950 est celle où la guerre bascule une première fois : les Français évacuent, dans des circonstances tragiques, la Haute région, le Viêt Bac ou Vietnam septentrional. Une débâcle.

Des colonnes tronçonnées

Ils abandonnent au Vietminh un pan crucial de territoire au moment où l’armée de Mao s’installe sur la frontière entre les deux pays. Adossé à cette frontière, dans une zone d’autant moins vulnérable que l’aviation française dispose de moyens limités d’attaque, le général Vo Nguyen Giap y lève les divisions qui, quatre années plus tard, prendront d’assaut le camp retranché de Diên Biên Phu. Pour le Vietminh, dès 1950, dans une bande qui s’étend du golfe du Tonkin à la frontière laotienne, au nord et à l’ouest du Fleuve rouge, la voie est pratiquement libre.

Cao Bang est une ville sans grand attrait, un peu grise. Collées les unes aux autres, des habitations de deux ou trois étages en étouffent, au moins en partie, la vaste citadelle, véritable forteresse élevée sur une colline, au centre de la ville. Une fois à leur pied, les murailles paraissent énormes. Certains pans en sont doublés, d’autres commencent à s’effondrer. Massif, l’édifice donne l’impression d’être imprenable et il faut une bonne demi-heure pour en faire le tour à pied. Aujourd’hui, l’armée  y campe mais les sentinelles ne sont guère visibles. Le Vietnam a une histoire de citadelles rasées. Celle-là a tenu bon.

Et pour cause. En 1950, elle n’a pas été attaquée. Le 16 septembre, le général Carpentier, commandant en chef des troupes françaises en Indochine, donne l’ordre d’évacuation au chef de la place, le colonel Charton. Une fois que Thai Nguyên, plus au sud, a été réoccupé, sans difficultés, par le colonel Gambiez au cours d’une opération de diversion, la colonne Charton emprunte la RC4 en direction de Dông Khê, déjà tombé en mai, lors d’un premier « coup de semonce » du Vietminh, avant d’être repris quelques jours plus tard par un bataillon de parachutistes français. Avant d’atteindre Dông Khê, Charton doit retrouver la colonne Le Page, remontée entre-temps de Thât Khê. Une fois leur jonction effectuée, les deux colonnes sont censées se replier ensemble sur Thât Khê puis Lang Son.

L’opération tourne à la catastrophe. En effet, le même 16 septembre, Dông Khê est violemment attaqué par le Vietminh, dont les moyens ont été largement sous-estimés. La position tombe le 18 septembre. Le colonel Le Page reçoit donc, en prime, l’ordre de reprendre Dông Khê. Parti de Cao Bang le 3 octobre avec un retard dû à l’évacuation par la piste aérienne de blessés et de civils alors que le temps est mauvais, Charton est bloqué le lendemain, au bout de 22 km, car la RC4 a été détruite. Il doit saborder les véhicules et engager la colonne sur une piste. Le Page n’a pas pu reprendre Dông Khê. Les deux colonnes réalisent leur jonction le 7 octobre, mais dans des conditions épouvantables. Il n’en reste plus grand-chose.

Le Vietminh est, pour la première fois, doté d’une artillerie lourde. Mais sa guerre demeure, avant tout, une guerre de guérilla, de harcèlement. Les colonnes françaises sont laminées, surprises dans des embuscades, tronçonnées. La nuit tombée sur un environnement hostile de jungle et de forêts humides aux bruits inquiétants, les tabors marocains sont au bord de la panique. Les haut-parleurs du Vietminh les exhortent à la désertion. « Route du feu », dit le Vietminh, « route du sang », disent les Français.

Charton, grièvement blessé, et Le Page sont faits prisonniers. « C’est un désastre », écrit Philippe Franchini dans son histoire des « Guerres d’Indochine » (Tome II, Pygmalion). Les deux camps ont subi de très lourdes pertes. Du côté français, « huit bataillons d’élite sont hors de combat, deux mille hommes ont été tués, trois mille capturés, sur un effectif de six mille ; deux tiers des captifs mourront les mois suivants dans les camps du Vietminh ». L’évacuation de la forte garnison de Lang Son se termine, sans incident, le 18 octobre, abandonnant la Haute région au Vietminh.

L’attaque chinoise de 1979

A part la citadelle de Cao Bang et un pan restauré d’enceinte d’une citadelle élevée au XVIII° siècle à Lang Son,- au pied duquel se trouve encore un énorme canon -, il reste peu de traces de cette époque-là. A l’exception des cimetières. Dans la Haute région qui surplombe le delta du Fleuve rouge, la dernière tragédie s’est déroulée début 1979 quand Deng Xiaoping, pour « punir » le Vietnam d’avoir occupé militairement le Cambodge, y a lancé une série d’attaques sur la frontière commune. Les pertes ont été énormes dans les deux camps et parmi les civils de la région. Les Chinois ont rasé la ville-frontière vietnamienne de Mong Cai, sur le golfe du Tonkin. Mais ils n’ont balancé que des obus sur Lang Son et Cao Bang. Les combats et les échanges de tirs d’obus se sont néanmoins poursuivis pendant dix ans sur la frontière, après la brève incursion chinoise,- une « leçon » qui, au passage, a coûté fort cher à ses auteurs.

Cette page-là est également tournée, même si la présence militaire vietnamienne est plus sensible que dans les autres régions du pays. Au tout petit matin, à Lang Son, venues de leurs villages de montagne, des femmes Nung, toque noire, blouse bleu indigo et pantalons noirs, traversent à pied le pont qui enjambe la Ky Cung. Palanches en équilibre sur l’épaule, elles transportent les fruits et les légumes qu’elles vont vendre au marché, situé sur la berge opposée de la rivière. Ce marché et les commerces qui l’entourent regorgent de produits chinois, invasion d’un autre type mais aux retombées importantes. L’heure est aux petites ou grandes affaires. La région se construit. Sans préjuger de l’avenir, le dynamisme, l’ingéniosité, l’appétit de vivre crèvent les yeux. Après leurs leçons de théologie, les séminaristes peuvent reprendre leur partie de volley-ball. A la fraîche.

(Texte Jean-Claude Pomonti ; photos Nicolas Cornet)