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Jakarta, Hochiminh-Ville, Bangkok,… la menace des inondations

Les mégapoles d’Asie du sud-est comptent parmi les ensembles urbains les plus menacés de la planète par les inondations et les intempéries.

En ce moment, avec les pluies qui se renforcent sur Java, des quartiers de Jakarta sont déjà sous l’eau. Comme chaque année. Un jour, le niveau de l’eau baisse, passe de 40 cm à 20 cm. Mais il suffit d’un bel orage pour qu’il remonte. C’est de saison. Les canaux de la capitale de l’Indonésie sont mal drainés quand ils ne sont pas bouchés. Ils servent de poubelle. Mégapole de dix à douze millions d’habitants, Jakarta continue, en prime, de s’enfoncer car sa nappe phréatique se vide avec la multiplication des puits à pompe.

Situé dans une boucle du Fleuve rouge, le centre de Hanoï, la capitale du Vietnam, est beaucoup plus rarement inondé. Il est protégé contre les débordements du fleuve par une digue de quatorze mètres de hauteur. Ces dernière années, en raison du boom de l’immobilier, la mairie de la capitale du Vietnam (dix millions de gens) a dû intervenir à plusieurs reprises pour faire démolir des habitations construites sur la digue, ou sur ses flancs, au risque de provoquer des brèches ou des affaissements. Des digues assurent également la protection de Bangkok : le long du Chao Phraya, elles prennent des centimètres chaque année et sont constamment renforcées. Toutefois, lors des très fortes pluies de 2011, ce dispositif n’a pas réussi à prévenir l’inondation massive, pendant plusieurs semaines, de plusieurs quartiers de la capitale de la Thaïlande, des quartiers sacrifiés pour épargner le centre ville.

Hochiminh-Ville (dix millions d’habitants) commence également à connaître des inondations plus faibles mais saisonnières sur les berges de la rivière de Saigon qui se jette dans le Dong Nai. Le seul secteur durablement à l’abri des inondations est le «plateau»,  partie un peu surélevée et où avait été aménagé une bonne partie de la ville française, avec sa cathédrale de briques rouges. Rangoon, la grande métropole de la Birmanie (Myanmar) à la frange du delta de l’Irrawaddy, mal équipée, a connu sa part de dévastations, quand le cyclone Nargis a balayé le secteur en 2008.  Quant à Manille, capitale des Philippines, qui compte de huit à dix millions d’habitants, elle est régulièrement inondée, parfois à plusieurs reprises, pendant la saison des cyclones, en septembre-octobre.

Réchauffement climatique, montée des mers, catastrophes naturelles, soulignent déjà la vulnérabilité de ces mégapoles d’Asie du sud-est qui ne cessent de s’étendre sans toujours se protéger. Dès 2007, un rapport de l’Ocde a estimé que Hochiminh-Ville, Bangkok et Rangoon figureraient en 2070 parmi les vingt ports les plus exposés de la planète à des inondations côtières. La raison : à cette date, estimait également le rapport, le niveau des mers aura monté d’un demi-mètre.

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Politique Société Viêtnam

Vietnam : les catholiques dénoncent l’évolution du régime

Condamnations injustes, répression des libertés et des religions, violences, l’Eglise catholique estime que le parti communiste a la main de plus en plus lourde.

La Commission ‘Justice et Paix’ de l’Eglise catholique estime que «l’arbitraire» dans l’application de la loi, déjà relevé dans un premier rapport en mai 2012, se poursuit : condamnations «irrationnelles et totalement injustes» de trois jeunes chrétiens (à Vinh, dans le centre-nord du Vietnam, 20 septembre 2012) et de trois blogueurs (quatre jours plus tard). En outre, «les plaintes collectives pour spoliations de terrains se prolongent sans être réglées» parce que les autorités «protègent les intérêts d’investisseurs ou de différents groupes privilégiés».

Selon ce rapport, qu’Eglises d’Asie, site des Missions Etrangères de Paris, vient de traduire en français, les autorités recourent à des «voyous» pour «réprimer aussi bien des individus que des groupes de personnes, comme par exemple un cortège funéraire, un rassemblement de personnes spoliées de leurs biens ou encore une manifestation». Par ailleurs, poursuit la Commission catholique, l’enrichissement d’«un groupe de privilégiés» se fait, «ces derniers mois», aux «dépens du reste de la population». En 2012, « 40.000 entreprises ont cessé leurs activités». Dans un pays parmi «les moins transparents» du monde, «la corruption, qui est devenue un fléau national, a pour moteur essentiel les organes dirigeants».

Le rapport estime que, de nos jours, «la liberté, l’indépendance et la souveraineté nationale sont dangereusement menacées par les provocations militaires et les empiétements de la Chine voisine» car «la population n’est pas informée du véritable contenu des ‘arrangements’ et des ‘pactes’ conclus entre les autorités des deux pays». La Commission rappelle avoir  écrit en mai : «Ce qui est encore plus difficile à comprendre, c’est la répression sévère infligée par les autorités aux organisations et aux individus qui, par patriotisme, protestent contre le cynisme des envahisseurs. Les hésitations et l’irrésolution manifestées par les dirigeants vietnamiens au sujet de la délimitation des zones frontalières et la protection de la souveraineté nationale en mer d’Orient [mer de Chine du Sud] ont provoqué du mécontentement dans l’opinion publique».

Dans son rapport soumis à la Conférence épiscopale réunie au siège de l’évêché de la province de Thanh Hoa le 1er novembre, la Commission ‘Justice et Paix’ estime que l’ensemble des médias, lesquels «appartiennent strictement à l’Etat», «est censuré et contrôlé très sévèrement». En ce qui concerne la Toile, « les mesures qui ont été prises pour contrôler, interdire, voire détruire les sites Internet ou les blogs individuels, mais surtout les arrestations et les condamnations des blogueurs, ont constitué une très grave violation des droits de l’homme». Enfin en ce qui concerne la liberté des religions, inscrite dans la Constitution, dans certains communes et districts, les catholiques «rencontrent de multiples difficultés» dans «la restauration des chapelles, l’organisation de réunions de prière».

L’Eglise catholique compte près de 7 millions de fidèles dans un pays de 86 à 87 millions d’habitants. Depuis le début du XX° siècle, les négociations entre Hanoï et le Vatican en faveur de l’établissement de relations diplomatiques progressent lentement.

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Obama en Birmanie : le double signal de l’Amérique

Le dessin de Stephff

Selon le Washington Post, la visite d’Obama en Birmanie illustre sa détermination à continuer de pivoter vers l’Asie et adresse un message aux Etats-voyous.

La Maison blanche établit «avec une rapidité étonnante» des liens avec un pays qui a été longtemps un «paria international» et «vient juste d’entreprendre des réformes», relève le quotidien de Washington. Sans précédent. Entre le moment où le gouvernement de Pretoria a tourné le dos à l’apartheid (1990) et la première visite d’un président américain (Bill Clinton, 1998), huit années se sont écoulées. Depuis le renversement du président Slobodan Milosevic, aucun président américain n’a visité la Serbie. Depuis la décision de la Libye d’abandonner son programme nucléaire (2003), aucun chef d’Etat américain ne s’est rendu sur place.

Dans le cas de la Birmanie (Myanmar), vingt mois seulement se seront écoulés entre le premier signal fort annonçant la fin du régime militaire (mars 2011) et la visite attendue de Barack Obama le 19 novembre. Les sanctions les plus accablantes ont été levées entre-temps. A titre de comparaison régionale, après la défaite de 1975 au Vietnam, Washington a attendu dix-neuf ans pour mettre fin à son embargo économique et vingt ans pour établir des relations diplomatiques avec Hanoï.

Toutefois, de nos jours, donc à une époque où l’Amérique «pivote» vers l’Asie, Washington aurait probablement reconnu le régime communiste vietnamien beaucoup plus vite. En tout cas, le Washington Post estime que le renforcement rapide de la collaboration avec le nouveau régime birman est «largement» lié au «pivot» américain vers l’Asie, lui-même l’expression de la gestion américaine de la montée en puissance de la Chine. La Birmanie a fait un geste décisif en prenant, dès 2011, des distances à l’égard de son ancien protecteur chinois. Le Washington Post évoque l’«effort» américain «pour intégrer les pays de l’Asie du sud-est, qui ne sont pas enthousiasmés par l’influence croissante de la Chine mais ont besoin d’un peu d’aide pour s’unir contre le géant qui est leur voisin».

Le Washington Post ajoute que le gouvernement de Barack Obama «voit peut-être aujourd’hui une ouverture pour affirmer son leadership régional, à un moment où les approches diplomatiques de la Chine demeurent peu convaincantes». Le quotidien de Washington estime qu’en précipitant la détente avec la Birmanie, la Maison Blanche adresse «un autre message» aux Etats «voyous» : «ceux qui s’ouvriront pourraient s’attendre à des récompenses de la part des Américains, et promptement».  Certes, les relations de l’Amérique avec, par exemple, l’Iran sont beaucoup plus difficiles à gérer. «Vous pouvez tout de même vous demander, conclut le Washington Post, comment tout cela est vu de Caracas, de Riad et même de Téhéran».

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Politique Viêtnam

Vietnam : deux députés réclament la démission du premier ministre

En séance plénière de l’Assemblée nationale, deux députés ont réclamé la démission de Nguyên Tân Dung, chef du gouvernement depuis 2006. Le fait est sans précédent.

Duong Trung Quôc, député de la province de Dông Nai, limitrophe de Hochiminh-Ville, a demandé si le premier ministre jugeait nécessaire ou non d’amorcer une «culture de démissions» concernant les officiels de haut rang et les dirigeants de l’Etat, selon le quotidien anglophone Vietnam News. Historien qui appartient à la petite minorité de parlementaires non-communistes, Quôc aurait ajouté, selon le Bangkok Post, qu’il était temps que Nguyên Tân Dung « prenne vraiment ses responsabilités et ne se contente plus de s’excuser». «Les gens se demandent pourquoi il semble que le premier ministre n’attache pas autant d’importance à ses responsabilités vis-à-vis du peuple qu’à l’égard du Parti», aurait-il dit.

Ces remarques publiques, au cours d’une séance plénière de l’Assemblée nationale à Hanoï le 15 novembre, se sont répandues sur la Toile comme une trainée de poudre. Un autre député, Nguyên Ba Thuyên, originaire du Sud, ce qui est également le cas de Dung et de Quôc, a déclaré de son côté que l’incapacité du premier ministre à régler les problèmes économiques du Vietnam a mis en cause la crédibilité de la direction communiste.

Les attaques publiques et frontales sont très rares au Vietnam. En octobre, à la suite de plusieurs scandales financiers et d’arrestations de dirigeants dans les milieux bancaires et les entreprises publiques, un plénum du Comité central du PC s’est réuni pendant quinze jours, une longueur exceptionnelle. A la suite de ces discussions, le premier ministre a présenté, devant l’Assemblée nationale, des excuses pour les manquements et les faiblesses de sa gestion économique. Les interventions des deux députés laissent toutefois penser que la crise politique n’a pas pris fin avec l’autocritique du chef du gouvernement.

Nguyên Tân Dung a répondu avec calme qu’il n’avait pas caché les insuffisances de sa gestion et que c’est le parti qui lui avait donné pour mission, en 2011, de continuer dans les fonctions de premier ministre. Pendant des années, le Vietnam a connu un taux de croissance annuel moyen de 8%. Mais ce taux a nettement baissé et ne serait que de 5,2% en 2012. Des milliers de petites entreprises ont fait faillite ou sont menacées de banqueroute. Le secteur immobilier est en crise. Enfin, plusieurs entreprises publiques affichent d’énormes dettes et des déficiences apparemment liées à la corruption.

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La victoire d’Obama : l’Asie du Sud-Est plutôt contente

Les gouvernants de la région ne le diront pas trop mais, à de rares exceptions près, ils sont satisfaits de voir Barack Obama demeurer à la Maison blanche.

Ils ne le diront pas trop haut, pour ne pas froisser leurs voisins chinois, lesquels n’éprouvent guère de sympathie pour ce président américain qu’ils accusent de vouloir contenir la Chine, donc au moins de contester la prééminence chinoise en Asie. Mais, au fond d’eux-mêmes, les élites d’Asie du Sud-Est se réjouissent, dans l’ensemble, du «pivot» imposé par Obama en direction de l’Asie-Pacifique tout en souhaitant que cette manifestation de fermeté américaine ne dégénère pas et assure la paix.

Dans l’immédiat, cela voudrait vouloir dire qu’un chef de d’Etat américain participera au sommet de l’Asie de l’Est prévu, du 18 au 20 novembre, à Phnom Penh au Cambodge, siège de l’un des gouvernements peut-être les plus réticents en Asie du Sud-Est à l’égard du réélu. Lors de ce qui pourrait être son premier voyage à l’étranger depuis sa réélection, Obama se retrouvera aux côtés d’un représentant de la nouvelle direction chinoise, qu’il s’agisse de Li Kequiang (premier ministre présumé) ou, plus probablement, de Xi Jinping (chef d’Etat présumé).

Un changement va avoir lieu : Hillary Clinton n’a pas l’intention de demeurer secrétaire d’Etat car elle pourrait briguer la succession d’Obama en 2016 (le deuxième mandat de ce dernier, parrainé par le populaire Bill Clinton, pourrait lui servir de tremplin). Or, pendant les quatre dernières années, Mme Clinton a sillonné le Sud-Est asiatique, se rendant à Jakarta, Nyapyidaw, Bangkok, Hanoi, etc., pour y clamer que l’Amérique est de retour, y assurer l’intérêt de son gouvernement envers un règlement pacifique en mer de Chine du sud, y gérer un engagement à l’égard de la Birmanie (Myanmar) et, enfin,  y poursuivre la normalisation avec un ancien adversaire, le Vietnam.

Les dirigeants chinois ont un a priori favorable à l’égard des Républicains américains puisque l’un d’entre eux, Richard Nixon a été le premier chef d’Etat américain à leur rendre visite en 1972. Mais ils ne savaient trop que penser de Mitt Romney, qui a tenu des propos (de campagne électorale) sévères à leur égard. Ils devront donc s’accommoder d’Obama (sans Mme Clinton, qu’ils ont reçue froidement lors de son dernier passage à Pékin). De toute façon, ils savent, comme leurs homologues d’Asie du Sud-Est, que la marge de manœuvre d’un président américain est limitée en raison du poids pris par le Congrès, lequel demeure apparemment divisé.

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Politique Viêtnam

Vietnam : nababs en faillite

La crise financière au Vietnam fait des ravages dans les milieux d’affaires privés. Faute de crédits, ils ne peuvent pas rembourser leurs dettes.

Le marché de l’immobilier, au Vietnam, est gelé depuis 2010 et cela fait très mal. Voilà cinq ans, rapporte le site VietnamNet, Hoang avait fait fortune dans la production d’engins mécaniques. «Il était le ‘rêve’, le ‘modèle’ de beaucoup de gens car, à l’âge de 40 ans, il valait des dizaines de millions de dollars». Quand les Bentley étaient encore très rares dans les rues de Hanoi, Hoang avait la sienne, achetée «un million de dollars». A l’occasion du Têt, le nouvel an vietnamien, il se rendait en famille à l’étranger, «en Asie, en Europe».

Mais Hoang, «confiant dans ses capacités»,  avait investi à tour de bras dans des projets immobiliers en 2008-2009, y compris dans un parc industriel «de plusieurs centaines d’hectares» dans la grande banlieue de la capitale. Pour financer ses investissements, il a vendu sur plan, notamment des immeubles d’appartements alors qu’ils n’avaient pas encore été approuvés et que la construction n’avait pas démarré. Quand l’immobilier s’est effondré au point d’être gelé, clients et investisseurs ont réclamé leur remboursement. «Hoang, écrit VietnamNet, a dû vendre sa Bentley et d’autres biens pour payer ses dettes. Ses bureaux ont dû quitter le centre de Hanoï pour la banlieue. Chassé par ses créanciers, combien de temps ce patron pourra-t-il tenir ?».

VietnamNet estime que «des dizaines de milliers d’affaires ont fait faillite au Vietnam» en 2012. Le site rapporte que Phuoc Sang, «producteur connu de films et homme d’affaires», a été accusé par un ami, lui aussi dans les affaires, de n’avoir pas remboursé «plusieurs centaines de milliers de dollars» qu’il lui avait empruntés. Sang a expliqué à la presse que son argent était actuellement bloqué dans l’immobilier et qu’il ne pouvait rien faire.

En raison du marasme, quelques nababs connus ont arrêté de financer des équipes de football. «Certains d’entre eux sont accusés de ne pas payer les salaires des joueurs depuis plusieurs mois», rapporte VietnamNet alors qu’ils accordaient auparavant «des millions de dollars chaque année à leurs équipes».

«Des dizaines de milliers de compagnies ont été dissoutes», affirme le site. Dans une entreprise textile, qui exportait auparavant vers l’Europe et employait «quelques centaines d’ouvriers», il ne reste plus que «le directeur et le portier». Faute de clients, a expliqué le directeur. Des banquiers et des patrons ont été jetés en prison. La crise que traverse le Vietnam est dure à vivre. Pendant les trois premiers trimestres de 2012, le taux d’expansion économique est passé, pour la première fois depuis longtemps, en dessous de la barre des 5%, ce qui est dangereux pour les gouvernants d’une économie émergente. Le gouvernement espère qu’elle repassera au-dessus de cette barre sur l’ensemble de l’année, le quatrième trimestre s’annonçant plus dynamique.

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Le Cambodge et la Chine après Sihanouk : le beau fixe

La disparition de Norodom Sihanouk, grand protégé de la Chine, ne changera rien aux relations entre Pékin et Phnom Penh. Elles sont au beau fixe et le resteront.

En 1970 se nouent des relations privilégiées entre Sihanouk et la Chine. Après sa destitution,- il est alors chef de l’Etat et le trône du Cambodge est vacant -, le prince n’hésite pas longtemps à quitter la France, où il est de passage, pour gagner Pékin via Moscou. De la capitale chinoise, où il est accueilli les bras ouverts et où un palais est mis à sa disposition (il y résidait encore lors de son décès, 42 ans plus tard), il appelle frénétiquement à la résistance contre Lon Nol qui proclame assez rapidement une République khmère portée à bout de bras par Washington.

Dans les pagodes du Cambodge rural, les bonzes branchent sur haut-parleur radio Pékin à l’heure des dithyrambes du demi-dieu qui appelle à marcher sur Phnom Penh. Ils seront massacrés. Sihanouk accepte également de parrainer une alliance lâche entre les partisans de la monarchie abolie et ses ennemis jurés, les Khmers rouges.

La suite est connue : décidés à mettre fin à l’impasse américaine sur le régime communiste chinois, Richard Nixon et Henry Kissinger négocient le retrait du corps expéditionnaire américain du Vietnam. Les Khmers rouges s’installent à Phnom Penh le 17 avril 1975, moins de deux semaines avant la chute de Saigon entre les mains des communistes. Sihanouk commet alors une erreur de jugement en regagnant Phnom Penh : Pol Pot ne veut pas de lui et le laisse croupir dans son palais au milieu d’une capitale vide et fermée.

Entre-temps, le divorce est vite consommé entre Hanoi et Phnom Penh, avec les incessantes incursions frontalières des Khmers rouges, qui veulent récupérer le delta du Mékong. Les communistes vietnamiens s’inquiètent également et tardivement des activités chinoises au Cambodge, notamment de la construction discrète d’une immense piste d’aviation à Kompong Chhnang. Ils réagissent en occupant le pays. Mais ils ne parviennent pas à saisir Sihanouk qui, évacué à temps par les Chinois, a retrouvé son palais à Pékin.

Ulcéré par ce qu’il a jugé comme un écart de l’ancien vassal vietnamien, Deng Xiaoping a entendu lui donner une leçon, avec une attaque ponctuelle en janvier 1979 sur la frontière terrestre avec le Vietnam, opération qui n’a été, au mieux, qu’un demi-succès. Avec l’appui de Moscou, le corps expéditionnaire vietnamien au Cambodge a mis en place un nouveau régime, le seul gouvernement cambodgien à l’égard duquel l’hostilité de Pékin a été totale. Mais quand les troupes vietnamiennes ont évacué le Cambodge, permettant ainsi l’aval par la Chine de la négociation de l’accord de paix signé à Paris en octobre 1991, Pékin a progressivement changé d’attitude.

La réconciliation officielle entre les autorités chinoises et Hun Sen en février 1999, à l’occasion d’une visite du premier ministre cambodgien à Pékin, est intervenue à la suite d’une série d’évènements : le renoncement de Sihanouk à se faire entendre par Hun Sen ; l’échec du mouvement royaliste aux élections de 1998 ; la mort de Pol Pot et le ralliement des  derniers rebelles khmers rouges la même année.

Depuis cette date, et surtout depuis que Sihanouk a renoncé à toute influence en abdiquant une deuxième fois en 2004, le Cambodge a retrouvé son rôle traditionnel de tremplin chinois en Asie du sud-est. Pour Phnom Penh, la présence chinoise de plus en plus importante au Cambodge (investissements, aide) est une garantie face aux deux grands voisins, la Thaïlande et le Vietnam. Les relations entre Pékin et Phnom Penh sont au beau fixe et le resteront.

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Vietnam : une diplomatie multipolaire, Russie comprise

En contrepoids à la puissance de son voisin chinois, le Vietnam a opté pour la multipolarité. Cette stratégie rend une place à la Russie de Vladimir Poutine.

Quelques mois après sa réélection, Poutine a accueilli, début septembre à Vladivostok, le sommet annuel de l’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation) et en a profité pour rappeler que la Russie tenait à son rôle de premier plan en Asie-Pacifique. De son côté, le Vietnam a commencé à se réarmer face à la montée en puissance de la Chine, notamment en Mer de Chine du Sud. Il s’est donc adressé à Moscou, son pourvoyeur d’armes pendant la Guerre froide. En outre, la diplomatie multipolaire de Hanoï est freinée parce que la négociation d’un «partenariat stratégique» avec Washington traine en longueur.

Universitaire américain enseignant à Canberra et considéré comme un observateur averti du Vietnam, Carlyle Thayer estime que le «partenariat stratégique compréhensif», signé, le 27 juillet à Sotchi par Poutine et son homologue vietnamien Truong Tan Sang, s’appuie sur «quatre composantes majeures et de longue date» qui sont : «le pétrole et le gaz ; la coopération énergétique dans le domaine de l’hydroélectricité et du nucléaire ; l’équipement et la technologie militaire ; le commerce et l’investissement». Dans une analyse publiée sur le site d’East Asia Forum, Thayer ajoute trois domaines qu’il juge «importants» : «la science et la technologie ; l’enseignement et la formation ; la culture et le tourisme».

La Russie est ainsi devenue «le premier pourvoyeur d’armes, d’équipement et de technologie» du Vietnam. Les deux pays vont coproduire des missiles de croisière. Le Vietnam devrait commander davantage d’avions d’attaque Sukhoi Su-30. En août dernier, la Russie a lancé le premier des six sous-marins de la classe Kilo commandés par le Vietnam et qui seront livrés d’ici à 2015. Pour procéder à la maintenance du matériel et à la formation des équipages vietnamiens des sous-marins, les Russes auront accès au complexe aéroportuaire de Cam Ranh, aménagé par les Américains et où les Soviétiques se sont installés de 1978 à 2003.

Concernant le pétrole, le gaz et l’énergie, les Russes ont hérité d’une société d’économie mixte formée par les Soviétiques en 1981 : Vietsovpetro est devenue Rusvietpetro. Moscou a également accordé à Hanoï un crédit de près de 8 milliards d’€, dans des conditions avantageuses, pour construire sa premier centrale nucléaire (Ninh Thuan 1).

La Russie est devenue, en 2001, le premier partenaire stratégique du Vietnam . Que «leurs relations bilatérales se soient développées progressivement jusqu’au niveau de partenaires stratégiques compréhensifs est un développement naturel», estime Thayer. Toutefois, après 2001, Hanoï a passé des accords de partenariat stratégique avec plusieurs Etats : «Japon, Inde, Chine, Corée du Sud, Espagne, Royaume-Uni, Allemagne». Surtout, le Vietnam a attendu d’avoir signé, en 2009, un accord de partenariat compréhensif avec son puissant et redouté voisin chinois pour en faire autant avec Moscou.

Ces développements annoncent des manœuvres serrées et délicates. Pour les Russes, Pékin et Hanoï sont de gros clients dans le domaine de l’armement. Mais les Chinois doivent voir d’un mauvais œil Moscou renforcer «les capacités de défense du Vietnam et lui permettre de développer sa propre version de l’interdiction de l’accès à l’archipel des Spratleys», où les deux Etats disposent actuellement de bases (avec la Malaisie et Taïwan, deux autres pays riverains).