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Indonésie : le risque terroriste demeure dix ans après Bali

Les extrémistes aux méthodes violentes sont «faibles et divisés, mais toujours actifs», estime l’International Crisis Group (ICG) dans un nouveau rapport.

Auteur du rapport et experte reconnue du terrorisme en Asie du sud-est, Sidney Jones a déclaré à l’Australian que, «heureusement pour l’Indonésie, ces terroristes potentiels ont été particulièrement ineptes». «Mais, a-t-elle ajouté, des signes indiquent que certains d’entre eux, au moins, tirent les leçons de leurs erreurs. Le danger n’est pas levé».

L’attentat de Bali, qui avait fait voilà dix ans 202 morts, dont de nombreux étrangers, avait été le premier d’une série qui avait secoué l’Indonésie. Avec l’aide des Etats-Unis et de l’Australie, Jakarta avait formé le Détachement 88, une unité anti-terroriste aux méthodes expéditives. L’ICG estime qu’aujourd’hui, «face à la forte pression policière, [les terroristes] trouvent des moyens  de se regrouper dans leur fuite, en prison et à l’aide de forums sur la Toile, de camps d’entrainement militaire et de mariages arrangés».

Ces dernières années, le «revers le plus grave» pour les terroristes a été, estime l’ICG, la découverte par les autorités, début 2010,  d’un camp d’entrainement à Atjeh, à la pointe nord de Sumatra. Plusieurs dirigeants terroristes ont été alors tués ou capturés, ce qui a permis d’arrêter et de juger «environ deux cents individus». Mais les opérations de police ont contribué à entretenir «un désir de revanche» et à relancer certaines activités terroristes, estime l’ICG.

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Indonésie: contre les dynasties politiques

Un projet de loi a été déposé en vue d’empêcher la formation de dynasties politiques. Il pourrait être voté par le Parlement indonésien fin 2012.

Avec la décentralisation appliquée depuis plus d’une décennie, l’Indonésie élit ses 33 gouverneurs de province et les dirigeants de ses 560 municipalités et régences (districts). Le risque est donc important de voir des dynasties familiales se développer à l’échelon local : un maire, par exemple, sera tenté de confier sa succession à l’un de ses enfants et de l’organiser alors qu’il exerce encore son propre mandat.

Le projet de loi déposé à la mi-juillet devant le Parlement de Jakarta prévoit que tout parent candidat à la succession d’un élu sur le départ devra attendre cinq ans pour pouvoir se présenter. Il suggère également, selon le Sunday Times de Singapour, que tout candidat aux fonctions de régent, de maire, ou à celles de leur adjoint, ne peut être un parent du gouverneur sortant. Ainsi, époux, enfants, petits-enfants ou parents de tout élu terminant son dernier mandat électif  devront attendre pour se lancer en politique (et ne pourront pas utiliser les avantages, y compris financiers, d’un parent encore en fonction). A Banten, municipalité proche de Jakarta, huit parents du gouverneur actuel occupent des fonctions. A Sulawesi-Sud, c’est le cas également de quatre parents du gouverneur.

Le projet est populaire et pourrait être adopté en décembre, donc à temps pour les élections locales de 2013. Il pourrait être également appliqué à l’échelon national, les président et vice-président de la république étant élus au suffrage universel depuis 2004. Si tel est le cas, les spéculations sur une candidature en 2014 d’Ani Yudhoyono à la succession de son époux, élu en 2004 et réélu en 2009, n’auraient plus lieu d’être.

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Indonésie : l’adjudication du Coran est sujette à corruption

Nouveau scandale à Jakarta. Un député, qui serait intervenu dans l’attribution du Coran, a été déclaré «suspect» par la KPK (Commission anti-corruption).

Le marché du Coran – environ deux millions de copies par an – représente quelques millions d’euros en Indonésie et les droits de l’imprimer et de le publier sont accordés par le ministère des Affaires religieuses. Zulkarnain Djabar, député du Golkar (parti membre de la coalition au pouvoir), est soupçonné d’avoir favorisé l’adjudication du livre sacré à certaines sociétés, dont l’une dirigée par son propre fils.

Zulkarnain est membre de la Commission des affaires religieuses et sociales ainsi que de la Commission du budget de l’Assemblée nationale. Un rapport de la KPK, publié en 2011, a estimé que le ministère des Affaires religieuses était la plus corrompue parmi les 22 agences gouvernementales soumises à l’époque à enquête. Les irrégularités les plus graves, selon la KPK, ont été relevées fin 2010 dans la gestion, par ce ministère, des pèlerinages à la Mecque, rapporte le Straits Times de Singapour.

Près de 90% des 240 millions d’Indonésiens se réclament de l’islam et sont particulièrement choqués quand la corruption porte sur le domaine du sacré. «Un déchirement», a déclaré Amidhan Shaberah, président du Conseil des oulémas. En revanche, le FPI ou Front de défense de l’islam, milice islamiste qui n’hésite pas à saccager bars et autres lieux de plaisir, ne s’est pas ému outre-mesure. «Ce n’est pas un problème religieux, ce n’est pas le livre sacré qui a été corrompu», a déclaré, selon le Jakarta Globe, son porte-parole à Jakarta.

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L’Indonésie, dangereuse pour les femmes

L’Indonésie n’est pas le meilleur endroit pour être une femme. Le pays se classe en 17° position parmi les 19 principales économies de la planète.

Devant l’Arabie saoudite et l’Inde (les deux derniers pays) mais derrière l’Afrique du Sud et le Mexique. Tel est le résultat d’un sondage effectué auprès de 370 spécialistes par la Fondation Thomson Reuters. Ce sondage, dont les résultats sont rapportés par le Jakarta Globe, se fonde sur les critères d’égalité des sexes, de protection contre la violence et l’exploitation, ainsi que d’accès aux services de santé. Il attribue le prix d’excellence au Canada.

Ce qui rend l’Indonésie «dangereuse pour les femmes», affirme le site de la Fondation, est «la violence, le mariage de mineurs, le trafic sexuel, le harcèlement et l’exploitation, ainsi que la médiocrité des services de santé». 90% des femmes indonésiennes auraient rapporté avoir souffert de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. En outre, le nombre de femmes décédées pendant un accouchement est une par heure.

Les spécialistes consultés représentent 63 nationalités et les cinq continents. Ils ont été invités à classer les 19 pays membres du G20 (le vingtième membre étant l’Union européenne). Jakarta a ratifié de nombreuses conventions internationales mais leur application laisse souvent à désirer, notamment dans le cas de la Loi contre la violence domestique.

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Nouvelle bouffée de violence en Papouasie indonésienne

Le meurtre le 15 juin par la police d’un militant indépendantiste papou a provoqué des réactions violentes de la communauté papoue dans cette province indonésienne.

Mako Tabuni, le vice-président du Comité national pour la Papouasie occidentale, était soupçonné par la police d’être impliqué dans des émeutes qui ont déstabilisé cette province de l’Indonésie au début de juin. Le 15 juin, la police l’a abattu lors d’une opération lancée sur un complexe résidentiel de Jayapura, le chef-lieu de la province. Selon le chef de la police de Papouasie occidentale, Mako Tabuni aurait essayé de résister à son arrestation. Dès que la nouvelle de la mort du militant s’est répandue, une foule de Papous, armés de machettes, d’arcs et de flèches ainsi que de bombes artisanales, ont incendié des commerces de Jayapura et attaqué des immigrants d’autres provinces indonésiennes, provoquant, selon la police, la mort d’une personne et en blessant quatre autres. En fin de journée, le calme est revenu dans la ville.

Cette nouvelle bouffée de violence intervient après un sérieux incident dans la région de Wamena, au centre de la province, au début du mois de juin. Le 6 juin, des Papous avaient poignardé un militaire indonésien après que celui-ci eut renversé un enfant. En représailles, des centaines de militaires s’en étaient pris aux villageois, les frappant et incendiant leurs maisons. Selon l’organisation de protection des droits de l’Homme Human Rights Watch, un fonctionnaire Papou aurait été tué à coups de baïonnette et sept autres personnes hospitalisées. Le porte-parole militaire de la province avait au départ démenti l’intervention de  l’armée  mais le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a par la suite reconnu que l’armée avait «sur-réagi». Human Rights Watch a demandé, dans un communiqué, que Jakarta permette l’accès de la province aux journalistes étrangers ainsi qu’aux rapporteurs spéciaux des Nations unies, estimant que cela «permettrait de réduire les rumeurs et la désinformation qui, souvent, provoquent des violences».

Ancienne colonie néerlandaise très riche en minerais et en ressources énergétiques, la Papouasie occidentale (ex-Irian Jaya) a été annexée de facto par l’Indonésie en 1963. Cette annexion a été «entérinée» par un «référendum» organisé par les militaires indonésiens et parrainé par les Nations unies en 1969. Un des principaux leaders indépendantistes, Theys Eluay, a été étranglé dans sa voiture en novembre 2001 par des militaires des forces spéciales indonésiennes qui l’avait invité à dîner. La province est peuplée de deux millions d’habitants, dont la moitié est désormais constituée de migrants venus des autres îles de l’Indonésie.

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Liem Sioe Liong (1915-2012), symbole d’une époque

Décédé à Singapour le 10 juin, à l’âge de 96 ans, Liem Sioe Liong restera le meilleur exemple de la réussite des hommes d’affaires proches de Suharto.

Comme le rappelle le Jakarta Post, Liem, qui était d’origine chinoise, a été l’homme «le plus riche » d’Indonésie. Il a fait fortune grâce à «ses relations étroites avec Suharto, l’homme fort de l’Ordre nouveau». En 1998, quand l’autocrate a été obligé de se retirer et que des émeutes antichinoises ont eu lieu à Jakarta et dans d’autres villes de l’archipel, le domicile de Liem à Medean a été saccagé et ce dernier s’est réfugié à Singapour où il a vécu jusqu’à sa mort.

Ses relations avec Suharto remontent aux années 1950, quand il a été chargé du ravitaillement de la division Diponogoro, à laquelle appartenait le colonel Suharto et qui passera plus tard sous son commandement. Quand Suharto s’empare du pouvoir en 1965-1966, Liem commence à obtenir licence sur licence et monopoles. Il est le seul importateur de farine de blé du pays. Sa banque devient l’une des plus puissantes. Dans les années 1980, il obtient le monopole de l’assemblage et de la distribution de voitures (Suzuki, Volvo, Nissan, Mazda), de camions (Hino) et de motos (Suzuki). Il a également fait fortune dans le ciment.

Né au Fujian en 1915, Liem est arrivé en Indonésie à l’âge de 22 ans. Son nom indonésien était Sudono Salim. Il a créé le groupe Salim (jusqu’à 500 sociétés) et en a cédé en 1992 la direction à l’un de ses fils, Anthony Salim, qui l’a remis en partie sur pied après la débâcle de 1998. En 2005, le 90ème anniversaire de Liem a été célébré à Singapour par deux mille convives au cours d’une fête de quarante huit-heures et qui, selon Today (Singapour), a coûté plus d’un million d’euros.

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L’islamisation légale se renforce en Indonésie

Atjeh est la seule province indonésienne où la charia est légale. Mais des éléments de la loi islamique sont adoptés un peu partout à travers l’archipel.

Tout en évoquant la croyance en un seul dieu, la Constitution indonésienne est séculière. L’Indonésie n’est pas un Etat religieux et la seule province où la charia est légale est, depuis 1999, celle d’Atjeh, à l’extrémité nord de l’île de Sumatra, qui bénéficie d’une autonomie spéciale. Toutefois, depuis le début du siècle, les arrêtés des municipalités et des régences (districts) introduisent des éléments de la loi islamique : port du voile, interdiction d’alcool, autorisation de sortie, etc.

En-dehors d’Atjeh, qui ne regroupe que 5 millions sur les 240 millions d’Indonésiens, le Jakarta Post a recensé, dans ses éditions du 5 juin 2012, 79 de ces arrêtés islamiques, essentiellement sur les grandes îles de Java et de Sumatra. Mais certains ont également été décrétés à Kalimantan (partie indonésienne de l’île de Bornéo),  à Sulawesi (Célèbes) ou dans l’est de l’archipel.

Le gouvernement et le Parlement de Jakarta manifestant une grande passivité, les administrations locales continuent de prendre des mesures contraires à la Constitution. Leur application est plus problématique dans un pays à forte majorité musulmane mais qui compte des minorités religieuses (entre 10% et 15% de la population) dont les aspirations sont de moins en moins respectées. La police évite également d’intervenir.

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L’Indonésie sans Lady Gaga

Le concert de la star américaine, le 3 juin à Jakarta, n’aura pas lieu. La raison invoquée : la sécurité. L’image de l’Indonésie n’en sort pas grandie.

Pendant que Lady Gaga se produisait à Singapour, son projet de concert à Jakarta, le 3 juin, est tombé à l’eau, avec promesse de rembourser les 52.000 billets vendus aux «petits monstres» indonésiens. La vedette s’est dite «dévastée» et a admis que les problèmes de sécurité ont mis fin au projet après des semaines de controverse parsemées de rebondissements et de maladresses.

Des groupuscules de miliciens islamistes se réjouissent. La chanteuse accusée de pratiquer «le culte de satan»  et censée être porteuse de valeurs occidentales rejetées ne mettra pas les pieds en Indonésie. Des miliciens avaient même envisagé de lui barrer la route à la sortie de l’aéroport ou de s’introduire dans les rangs du jeune public pour y semer le désordre au cas où la représentation aurait lieu.

Une fois de plus, le gouvernement indonésien n’est pas monté en première ligne. Les milices islamistes ont pris l’habitude de prendre la loi entre leurs mains et de jouer les polices religieuses. La police nationale laisse faire. Le gouvernement préfère, en général, regarder ailleurs. Le message n’est pas clair et la manœuvre consiste à renvoyer la balle dans le camp adverse. Alors qu’aucune décision n’avait été encore prise, Lady Gaga et son équipe ont obtenu leurs visas indonésiens et les billets, pour le concert, ont été mis en vente.  Puis, l’évidence a été annoncée : la police a refusé de s’engager à assurer la sécurité du concert. L’équipe de Lady Gaga a alors pris la décision pour tout le monde : elle a renoncé.

Mais l’Indonésie n’en sort pas grandie. Le Jakarta Post estime, dans un éditorial le 28 mai, que la décision «correcte» a été prise. C’est possible, à ce détail près qu’aucune décision n’a été prise par les autorités indonésiennes. Et c’est cette pusillanimité à répétition qui offre une médiocre image d’un pays que l’on présente comme l’une des grandes démocraties de la planète. Que gagne la liberté quand un gouvernement élu refuse systématiquement de prendre ses responsabilités ?

Jean-Claude Pomonti