Étiquette : Mékong
De grandes familles thaïlandaises ont bâti leurs empires sur la vente d’alcool, souvent grâce à des complicités avec les autorités fiscales et la bureaucratie.
Chaque année, peu après le Nouvel an chinois, un attroupement de centaines de policiers entrave la circulation face à une enceinte protégée par des hauts murs à l’angle de la rue Surawong et de la rue Pramot dans le centre de Bangkok. C’est le moment où Charoen Sirivadhanabhakdi, patron de la firme Thai Beverage (productrice, entre autres, du whisky Sang Som et de la bière Chang) et troisième fortune de Thaïlande, distribue ses “cadeaux” aux loyaux serviteurs de l’ordre public.
La générosité de Charoen, qui est à la tête d’une fortune estimée en 2012 par le magazine Forbes à 6,2 milliards de dollars, l’a rendu très populaire, à tel point qu’on dit de lui qu’il “repaie toujours la sympathie dont on a fait preuve envers lui”.
Charoen a d’ailleurs reçu une série d’importantes décorations royales, comme le grand cordon de chevalier de l’ordre le plus exalté de l’éléphant blanc et la grande croix de chevalier de l’ordre le plus admirable de Direkgunabhorn.
C’est un paradoxe, mais dans un pays à 95 % bouddhiste, vendre de l’alcool peut vous mener loin et vendre beaucoup d’alcool vous propulse au pinacle de la société. Charoen n’est pas le seul à avoir construit sa fortune et celle de sa famille en aidant ses compatriotes à se saouler. L’aristocratique famille Bhirom Bhakdi, qui a établi la première brasserie de Thaïlande en 1933 et dominé pendant six décennies le marché thaïlandais de la bière avec sa Singha, dispose d’un patrimoine de 2,4 milliards de dollars. La plupart des grandes familles thaïlandaises – Lamsam, Tejapaibul, Sarasin, Srifuengfung, Ratanarak, Sophonpanich,… – ont, à un moment ou à un autre de leur ascension, trempé dans les spiritueux (1).
Au début du XXème siècle, le roi de Thaïlande accordait des “droits de fermage” à certaines familles pour la production d’alcool dans des régions déterminées. Après la Seconde guerre mondiale, ce système a pris la forme de concessions gouvernementales accordées pour une période limitée, souvent une quinzaine d’années. De très nombreuses familles d’affaires, aujourd’hui richissimes, ont bénéficié de ces concessions, achetées à prix fixe, au détriment des “bouilleurs de cru” villageois dont les produits avaient souvent la même qualité mais qui s’étaient vu interdire légalement la pratique de leur art.
Dans l’éventail des rois de l’alcool, Charoen tient toutefois une place à part. Fils d’un petit restaurateur du quartier de Yaowaraj, il quitta l’école après les quatre années obligatoires du primaire pour aider l’entreprise familiale. Grâce à un mariage avec la fille d’un fabriquant de capsules de bouteille et à une grande habileté dans l’établissement de bonnes relations avec les autorités fiscales et le secteur de l’industrie, il parvint au début des années 1980 à la tête d’un conglomérat de production de liqueurs, qui produisait les “whiskies” Sang Som et Hong Thong, concurrents des très populaires Mekong et Kwang Thong, fabriqués par la firme rivale Bangyikhan. La crise économique de 1984-1985 poussa le gouvernement à forcer une concentration dans l’industrie des liqueurs, tellement endettée qu’un défaut de paiement aurait mis en cause la stabilité financière du pays. Charoen est celui qui profita le plus de l’opération. A la tête d’un monopole dans le secteur des liqueurs et avec des conditions financières très avantageuses, il se hissa, durant les années du “boom économique thaïlandais”, parmi les hommes d’affaires dominants du pays.
La crise de 1997 ne fit que l’égratigner, notamment parce qu’il avait très peu emprunté aux banques étrangères, lesquelles se méfiaient de lui à cause du manque de transparence de son entreprise, et il effectuait la plupart de ses transactions en espèces. Il tira aussi parti de la libération du secteur des liqueurs au début des années 2000 en parvenant à perpétuer sa domination du secteur grâce à son solide réseau de relations dans les milieux politiques, bureaucratiques et militaires.
La famille Bhirom Bhakdi a souvent considéré Charoen comme un parvenu inculte. Ayant reçu un titre aristocratique sous Rama VI (rendu héréditaire sous Rama VII), le patriarche de la famille, Praya Bhirom Bhakdi (né Boonrawd Sreshthaputra), fit construire la première brasserie du pays. Ses descendants parvinrent à maintenir le monopole pendant soixante ans jusqu’en 1993. Aussi, les Bhirom Bhakdi n’ont-ils pas ressenti le besoin de cultiver des relations avec les bureaucrates des finances et de l’industrie. Forts de leurs liens avec l’aristocratie, ils maintenaient à distance respectueuse les autres hommes d’affaires. Quand le monopole de Boonrawd Brewery prit fin en 1993, Charoen n’eut toutefois aucune hésitation à s’attaquer au bastion Bhirom Bhakdi. La bière Chang, qu’il fit produire, en faisant habilement construire une brasserie en Thaïlande aux frais de Carlsberg, ciblait les classes populaires. Elle ravagea d’entrée de jeu le territoire occupé pendant si longtemps par Singha. En effet, la Chang était bien moins chère que la Singha, grâce notamment à un système fiscal avantageux dû aux relations de Charoen. Contrôlant 90% du marché de la bière en 1993, Singha n’en conservait que 31 % en 1999 quand il réagit en créant à son tour une “bière populaire”, la Leo.
Ces derniers mois, la bataille des barons thaïlandais de l’alcool, qui sponsorisent diverses équipes du championnat de football anglais, s’est transposée au plan international. Singha a formé une entreprise conjointe avec Carlsberg, l’ancien partenaire de Charoen. Quant à la société de Charoen, Thai Beverage, elle a tenté sans succès de racheter le singapourien Asia Pacific Brewery (APF), qui produit la bière Tiger, mais elle semble n’avoir pas dit son dernier mot et vise à prendre le contrôle de la société mère d’APF, Fraser and Neave. Seule petite défaite pour Charoen, il n’a pas pu faire coter à la bourse thaïlandaise sa société en 2003, car l’ex-politicien et membre de la secte bouddhique ascétique Santi Asoke, Chamlong Srimuang, a pris la tête de dizaines de milliers de manifestants pour s’y opposer. Cela n’empêchera toutefois pas l’alcool de continuer de couler à flot dans les villages et les villes de Thaïlande, même si leur vente n’est autorisée qu’entre 12h00 et 14h00 et de 17h00 à minuit.
(1) Voir Thai Capital after the 1997 Crisis, sous la direction de Pasuk Phongpaichit et Chris Baker, Silkworm Books, Chiang Mai, 2008.
Nguyên Ba Thanh, l’homme qui a fait la fortune de Danang, est chargé de nettoyer les écuries d’Augias du PC. Un honneur plein de risques, une partie de quitte ou double.
Danang, le grand port du Vietnam central est en plein boom. Les ponts futuristes s’alignent désormais sur la rivière Han, qui traverse la ville. De la presqu’île de Son Tra, qui protège une rade exceptionnelle, à la charmante petite ville historique de Hoi An, à trente km au sud, se développe rapidement une riviera dotée d’établissements de grand luxe et d’une autoroute proche de la côte. A Danang même, de véritables palaces, au goût parfois douteux, s’alignent pour accueillir mariages ou autres fêtes de nouveaux riches.
L’auteur de ce miracle économique est Nguyên Ba Thanh, 60 ans, un homme à poigne, très exigeant, qui a planifié le développement de Danang. Cette ville est en voie de devenir le port du nord-est de la Thaïlande avec le projet financé par la Malaisie de construire, à travers le sud du Laos, une voie ferrée rattachant le pont de Savannakhet sur le Mékong à la frontière vietnamienne.
A Danang, Thanh, 60 ans, a fait «du bon travail», estime le chercheur David Koh dans les colonnes du Straits Times. «Mercuriel, autoritaire et décisif, quitte à admonester souvent l’administration urbaine pour son inefficacité», ajoute Koh. Et c’est sans doute la raison pour laquelle le bureau politique l’a choisi pour prendre la tête de la Commission des affaires intérieures du PC, supprimée en 2006 et qui vient d’être ressuscitée. L’objectif : éradiquer la corruption à l’intérieur du parti (ou, du moins, en rayer les aspects les plus négatifs).
Dents longues ou pas, une telle promotion tient de l’ordre. Pour l’ancien secrétaire du PC à Danang, elle représente un marchepied incontournable pour accéder au politburo. La tâche s’annonce, toutefois, très délicate car Thanh doit gagner à sa cause une majorité de membres du bureau politique, sans laquelle il ne pourra pas agir. Or, en dépit de la gestion désastreuse de l’économie et des entreprises publiques, aucune tête importante n’a sauté lors du long plénum du PC consacré, en octobre 2012, à la corruption. Les embuscades s’annoncent nombreuses.
Le royaume de Thaïlande se décline de différentes façons. Profusion de couleurs, richesses humaines, beauté de ce qui s’y fait et s’y pratique.
Dans l’observation des sociétés humaines, les pauses nécessaires s’élaborent sans mentir par omission mais avec le recours à la suggestion, à l’arrondissement des angles trop aigus, à la mise en valeur de la myriade de petites choses issues de rencontres heureuses. Les ‘beaux livres’ en offrent l’opportunité et c’est le cas de ce portrait de l’ancien royaume de Siam. Il n’est pas fait de quartiers rouges, de violences, de laideur humaine.
Pour autant, il n’occulte pas. «L’agressivité enfouie», écrit à un détour – et avec justesse – Arnaud Dubus, installé depuis plus de deux décennies en Thaïlande, qui la sillonne régulièrement et y partage son quotidien entre la mégapole de Bangkok et le centre rural du royaume,- un ‘pays’ encore profond mais déjà à la frange de la modernité.
Publié dans une collection très exigeante et aux maquettes de grande qualité, cet ouvrage évoque non un pays ou une société qui seraient des sommes, mais un peu le contraire. Tout est imbriqué, les hommes, les ethnies, les croyances…
Le fleuve qui unit, le Chao Phraya, celui qui sépare, le Mékong, la multitude des tons verts des rizières, selon les dates de piquage ou repiquage, les couleurs, celles des jours de la semaine, des toitures très inclinées et richement décorées des pagodes, des orchidées, des guirlandes de fleurs, des tissus. Un univers de nuances, une société peu tactile, attachée aux apparences, avec un fort souci d’une décoration minutieuse.
Le choix des illustrations contribue à établir les liens entre hier et aujourd’hui, entre rites et activités, comme si les uns et les autres exerçaient des fonctions complémentaires. Il n’y a pas de couches superposées en Thaïlande, tous les éléments se mêlent tout en gardant chacun leur part d’originalité. Chaque chose à une place et sa place. Le regard des auteurs laisse l’impression d’un ordonnancement naturel. Il explique aussi pourquoi les Thaïlandais se sentent si bien chez eux, une affaire de confort, de piments, de relations formelles, de manière de vivre.
Thaïlande, Photos de l’agence Gamma-Rapho et Nicolas Cornet, texte d’Arnaud Dubus (Chêne, collection ‘C’est le rêve’)
Quatre Etats riverains du Mékong étudient un projet de visa unique pour les touristes étrangers. Un cinquième pays pourrait les rejoindre.
Réunis le 14 septembre à Hochiminh-Ville, les ministres du tourisme du Vietnam, de la Birmanie (Myanmar), du Cambodge et du Laos se sont entendus sur le principe d’un visa unique pour touristes internationaux qui circulent sur leurs territoires respectifs. Ces quatre pays sont riverains du Mékong. La Thaïlande, qui forme avec les Etats précités la sous-région du Mékong, pourrait se joindre à eux si le projet d’un visa conjoint entre Bangkok et Phnom Penh s’avère efficace.
Les ministres des quatre pays pensent que le visa unique pourrait contribuer à atteindre l’objectif qu’ils se sont fixés : attirer, selon le site de Saigon Giai Phong, 25 millions de visiteurs internationaux de 2013 à 2015, dont quatre millions qui circuleraient au moins dans deux pays. Hoang Tuan Anh, ministre vietnamien de la Culture, des Sports et du Tourisme, qui présidait la réunion dans l’ex-Saigon, a déclaré que les quatre Etats «avaient accueilli, en 2011, plus de 12,3 millions de visiteurs internationaux, soit une croissance de 14,5% par rapport à 2010». Il a ajouté que, sur ce total, 2,1 millions d’étrangers s’étaient rendus dans plusieurs pays.
En dépit d’une croissance rapide du tourisme dans ces quatre pays – et des sites exceptionnels dont ils disposent – leurs infrastructures restent encore très en retard par rapport à celles de la Thaïlande. La prochaine réunion ministérielle se tiendra en 2013 au Cambodge.
Le recrutement dans l’enseignement primaire et les jardins d’enfants se heurte à de sérieux obstacles au Vietnam. Le travail est dur et les salaires médiocres.
En vue de l’année scolaire 2012-2013, Hochiminh-Ville, la mégapole méridionale du Vietnam, a besoin de recruter 1000 instituteurs supplémentaires ainsi que 751 personnels en charge des jardins d’enfants. Selon le site VietnamNet, pour y parvenir, la municipalité a reporté la date de dépôt des candidatures et autorisé le recrutement d’enseignants ne disposant que d’un permis de résidence temporaire. Mais le nombre des candidats est insuffisant : 440 pour les crèches et 525 pour le primaire.
Dans le quartier de Tan Phu, où le déficit d’enseignants est déjà chronique, 130 candidats seulement se sont présentés alors que 291 postes sont à remplir. Dans les écoles normales, la majorité des étudiants sont des migrants qui ne disposent même pas de permis temporaire de résidence. En outre, la rotation du personnel enseignant est très forte en raison du bas niveau des salaires et des contraintes du métier.
La situation est également critique dans le delta du Mékong, où les jardins d’enfants ont besoin de recruter 2300 personnels d’encadrement. La seule province d’An Giang a un déficit de 410 enseignants dans le primaire (y compris les crèches). En outre, danns les universités, le nombre des étudiants en pédagogie baisse régulièrement.
Un recent rapport de l’Institut de recherches de l’éducation et de la science souligne que plus de 50% des enseignants regrettent d’avoir choisi leur métier, dont 41% des instituteurs. Les raisons : leurs revenus sont trop maigres pour élever leurs propres enfants et ils doivent trouver d’autres ressources. Plus de la moitié des enseignants ont exprimé leur lassitude. Le nombre d’heures de travail est souvent supérieur de 50% à ce qui est stipulé (40 heures par semaine).
A Hanoi, les jardins d’enfants de l’enseignement public peuvent compter de 50 à 70 enfants. Mais de nombreux parents n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants dans les crèches privées. Les classes sont surchargées. «Les enseignants sont épuisés et les enfants s’ennuient», écrit VietnamNet.
Hillary Clinton se rend à Hanoi et à Vientiane pour y discuter commerce et investissements avant de réunir, à Siem Réap, des hommes d’affaires américains.
Le nouveau chef de l’Etat français devrait se rendre à Vientiane pour y participer, les 5 et 6 novembre 2012, au neuvième sommet de l’Asem.
La France, aux côtés de Singapour, a joué un rôle crucial dans la fondation de l’Asem, le dialogue Asie-Europe, qui réunit aujourd’hui quarante-six pays et deux organisations régionales (l’Asean et la Commission européenne). C’est Jacques Chirac qui avait donné le coup d’envoi de l’Asem lors de son premier sommet, en 1996 à Bangkok. Depuis, ces sommets ont lieu tous les deux ans et le prochain est prévu à Vientiane.
Sur place, les préparatifs vont bon train car l’Asem est l’un des évènements majeurs dans la capitale du Laos depuis l’ouverture du pays sur le reste du monde voilà plus d’un quart de siècle. Une cinquantaine de luxueuses villas sont en construction pour accueillir les chefs des délégations. Ces villas s’inscrivent dans un futur ensemble qui, le long du Mékong, comprendra également un hôtel de grand luxe, un centre commercial et une promenade.
Des travaux ont également été entrepris à l’aéroport international de Wattay, à trois km de la ville : extension de 260 mètres de la piste d’atterrissage ; aménagement d’une aire de parking susceptible d’accueillir au moins l’équivalent de trente-cinq gros porteurs commerciaux. Les chefs d’Etat français assistent traditionnellement aux sommets de l’Asem. En revanche, il est encore trop tôt pour savoir qui accompagnera le président français et si ce dernier en profitera pour se rendre dans d’autres capitales de l’Asie du sud-est.