Catégories
Viêtnam

Montée des eaux: le delta du Mékong souffre

Montée des eaux, érosion des sols, effondrement de berges, les populations du delta du Mekong vivent des jours plus difficiles. Et ce n’est qu’un début.

A Ca Mau, la province qui occupe la pointe méridionale du Vietnam, les autorités ont relevé une montée régulière des eaux : 15 cm en 2007 (4.890 hectares de terres arables endommagées) ; 16 cm en 2008 (10.600 ha) ; 21 cm en 2011 (19.700 ha). Si le niveau de la mer continue de s’élever à cette vitesse, 90.000 hectares de terres de la province seront menacés d’être inondés, rapporte le site Vietnamnet.net en citant Tô Quôc Nam, directeur adjoint du Département provincial de l’agriculture et du développement rural. Nam ajoute que l’érosion affecte dix km de la côte de la province.

La salinisation progressive des eaux rend les terres impropres à la culture et les régions côtières en sont les premères victimes. Les populations comptent sur des financements de l’Etat pour pouvoir élever des digues, surtout le long de la Mer de Chine du Sud. Mais l’érosion et des effondrements de terrains se produisent également à l’intérieur des terres, le long des canaux, des rivières et des principaux bras du Mékong. Ainsi, dans la province de Dông Thap, l’érosion affecte déjà deux cent km de berges.

Selon un rapport du ministère vietnamien des ressources naturelles et de l’environnement, en l’espace d’un demi-siècle, le niveau de la mer a monté de 12 cm. Selon les projections du ministère, il devrait monter de 12cm d’ici à 2020, de 17 cm en 2030, de 30 cm en 2050 et de 75 cm à la fin du siècle. De quoi s’inquiéter.

Catégories
Analyse Asie Philippines Viêtnam

Loi du plus fort en mer de Chine du Sud

La Chine poursuit son grignotage en mer de Chine du Sud, quelles que soient les objections avancées par les autres pays riverains, beaucoup plus faibles.

Voilà quelques jours, à proximité de Scaborough, petit ensemble de bancs de sable et de récifs situé à proximité de Luçon, donc largement à l’intérieur de la zone économique exclusive des Philippines, un face-à-face s’est terminé de façon édifiante. Huit bateaux de pêche chinois ont pu repartir, leurs soutes pleines de poissons et coquillages, sous la protection de trois bâtiments chinois armés, dépendant officiellement d’un service chinois chargé de l’«application de la loi sur la pêche.» Manille ne fait pas le poids.

La position officielle de Pékin : plus de 80% des eaux de la mer de Chine du Sud nous appartiennent et nos bateaux ont le droit de pêcher où bon leur semble. Résultat : les eaux poissonneuses des Philippines sont pillées ; faute de moyens, un petit voisin de la grande Chine est contraint à une retraite qui n’est pas la première. Ironie de l’affaire : les manœuvres conjointes auxquelles participent ces jours-ci, sur la grande île philippine de Palawan, six mille soldats, dont quatre mille américains, n’ont pas empêché Pékin de poursuivre ses provocations.

Forte d’un budget militaire officiellement, cette année, de plus de 70 milliards d’€, la Chine continue son grignotage en mer de Chine du Sud. Le Vietnam est exaspéré : les bâtiments armés du service chinois de la pêche saisissent ses bateaux, avec leurs équipages, et les hommes arrêtés ne sont rendus que «contre rançon». Le 3 mars, la Chine a arraisonné deux bateaux de pêche vietnamiens dans les eaux de l’archipel des Paracels, à la hauteur du port de Da-Nang (Vietnam central), avec 21 hommes à bord, originaires du district de Ly Son, province de Quang Ngai. Les prisonniers ont rejoint dans les geôles chinoises 170 autres pêcheurs, originaires du même district, arrêtés en 2011 à bord de leurs onze bateaux.

Hydrocarbures

La Chine a fait objection à la signature, le 5 avril, d’un contrat entre le géant russe Gazprom et PetroVietnam concernant l’exploration conjointe de deux blocs qui se trouvent dans le bassin de Nam Con Son (Poulo Condore), soit au large du delta du Mékong et entièrement dans la zone économique exclusive du Vietnam. En 2009,  en dépit d’un accord avec Hanoi, British Petroleum avait renoncé à explorer ces deux blocs. Des câbles diplomatiques américains, diffusés par Wikileaks, ont révélé que les compagnies pétrolières occidentales présentes en Chine faisaient l’objet de fortes pressions chinoises pour ne pas intervenir en mer de Chine du Sud à la suite d’un contrat avec le Vietnam. En revanche, l’ONGC, compagnie d’Etat indienne, n’a pas renoncé à l’accord de coopération avec PetroVietnam signé en novembre 2011 et aussitôt dénoncé par Pékin.

La Chine continue de pousser ses pions en mer de Chine du Sud en se contentant de références historiques controversées. En 1974, donc avant la victoire communiste vietnamienne de 1975, l’armée chinoise avait chassé manu militari de l’archipel des Paracels une garnison sud-vietnamienne. Depuis ce raid accueilli par les Vietnamiens comme un coup de poignard dans le dos, Pékin a aménagé les Paracels et, plus récemment, intégré cet archipel dans son administration.

Dans l’archipel des Spratleys, plus au sud, sont présents cinq Etats : Chine, Vietnam, Philippines, Malaisie et Taïwan. Aucun règlement négocié ne se profile à l’horizon : comme l’Asean s’avère incapable d’adopter une position commune sur le différend, notamment en raison des pressions exercées par la Chine sur quelques membres, Pékin poursuit son grignotage. Jusqu’au jour où un incident plus grave que les autres incitera les Etats-Unis, qui ont déjà manifesté leur préoccupation en 2010, à s’intéresser de plus près à ce qui est déjà le plus grave contentieux maritime en Asie du sud-est.

Jean-Claude Pomonti

 

Catégories
Viêtnam

Dans le delta du Mékong, les bons offices de dame Xu

A proximité de Chau Dôc, dans le delta du Mékong, une « sainte » fait l’objet d’un culte vibrant. La légende de Dame Xu est très populaire. Reportage.

Fin d’après-midi ordinaire au pied du mont Sam, à dix minutes de Châu Dôc, bourg vietnamien qui trempe dans le Mékong sur la frontière avec le Cambodge. Un temple, le Miêu Ba Chua Xu grouille de monde. Sous des chandeliers géants accrochés au plafond, une large table accueille des plateaux qui regorgent de fruits, de cochons de lait laqués, de paniers débordant d’offrandes. Les familles se pressent, jeunes et vieux, en majorité des femmes, bâtons d’encens fumants tenus à deux mains. L’atmosphère est bon enfant, le recueillement individuel total.

Objet d’autant de courbettes intenses, le personnage dont la statue trône sur le principal autel est une femme, richement vêtue, au visage noiraud. Une « sainte », une grande dame, qui répond au nom de Xu. Une légende dit que la statue de Ba Chua Xu était installée au sommet du mont Sam (260 mètres) et que les Siamois, lors d’une invasion au début du XIX° siècle, tentèrent de la ramener chez eux. Mais, au fur et à mesure de la descente, la statue devint si lourde qu’ils furent obligés de l’abandonner en chemin. Une autre fois, des habitants partis ramasser du bois retrouvèrent la statue et décidèrent de la ramener dans leur village et de lui construire un temple. Mais elle était toujours trop lourde.

 

Apparût plus tard une jeune femme possédée par les esprits, qui dît être dame Xu, déclara aux habitants que quarante vierges se présenteraient et transporteraient la statue.
Quand les vierges atteignirent le bas de la colline, la statue redevînt trop lourde pour être soulevée et les habitants du lieu en conclurent que Dame Xu avait choisi le pied du mont Sam pour y reposer. Un abri fut aménagé dans les années 1820. L’ensemble actuel, réalisé en 1972, compte plusieurs salles. Il est doublé d’un vaste bâtiment réservé au repos des pèlerins. Les derniers jours du quatrième mois du calendrier lunaire, s’y retrouvent des dizaines de milliers pèlerins, dont une majorité de Chinois venus de divers horizons.

Le culte de dame Xu se traduit, comme beaucoup d’autres, par un mélange d’actions de grâce et de requêtes. La remercier pour avoir exaucé un vœu : le succès d’un enfant à un examen, une bonne transaction, une guérison ou, plus simplement, s’enrichir. Ou bien, lui demander son aide pour que le vœu émis se réalise. Les superstitions sont fortes au Vietnam et particulièrement répandues dans le delta du Mékong. Dame Xu est censée réaliser des miracles et l’intense atmosphère de dévotion à l’intérieur du temple contraste, comme souvent dans la région, avec la nonchalance des gens qui bavardent sur des banquettes en ciment dans la cour du temple. Une fois offrandes et prières terminées, les cochons de lait laqués sont remportés au domicile pour y être dégustés. C’est une pratique courante au Vietnam. Parfois, ils se revendent ou, même, se louent. Seul compte le symbole.

(Photos : Nicolas Cornet)