Catégories
Birmanie Politique

Un proche de l’ex-chef de la junte nominé vice-président de Birmanie

Les députés militaires ont nominé le 10 juillet Myint Swe, un général à la retraite proche de Than Shwe, l’ancien leader de la junte, pour prendre le poste de vice-président.

L’image de Myint Swe, qui va très probablement devenir le nouveau vice-président de Birmanie, est contrastée. Il est considéré comme relativement propre, notamment quand on le compare à son prédécesseur le très corrompu Tin Aung Myint Oo, lequel avait démissionné au début mai pour raisons de santé. Mais Myint Swe, âgé de 60 ans, a aussi été l’officier en charge de la sécurité dans la région de Rangoon lors de la répression de la «révolution safran» à la fin de l’été 2007. Selon le magazine Irrawaddy, basé en Thaïlande, «il a été directement impliqué dans la répression condamnée internationalement» et «sa campagne pour pacifier les bonzes en leur offrant de l’argent a échoué».

Dans les années 2000, Myint Swe a collaboré étroitement avec les généraux Than Shwe et Maung Aye, deux des leaders du régime militaire. Il est aussi l’organisateur de deux opérations délicates : l’arrestation des membres de la famille de l’ancien dictateur Ne Win en 2002 (soupçonnés de fomenter un coup d’Etat) et l’arrestation de l’ex-chef des services de renseignements militaires Khin Nyunt en 2004. Malgré son rôle lors de la révolte des bonzes, Myint Swe passe, auprès de certains observateurs, pour un homme pragmatique, qui pourrait jouer un rôle de pont entre les partisans d’une ligne dure et les réformateurs – un profil assez proche de celui du président Thein Sein.

Un quart des sièges au Parlement de Birmanie est occupé d’office par des militaires, auxquels revient le droit de nominer le vice-président.

Catégories
Analyse Politique Thaïlande

Chronique siamoise : le pouvoir mystérieux des mots

En Thaïlande, l’emploi d’expressions alambiquées pour évoquer des réalités dangereuses est un moyen de neutraliser leur pouvoir maléfique.

Le président du Parlement de Thaïlande Somsak Kiatsuranont s’est retrouvé en position embarrassante après la mise en ligne sur internet début juillet d’une allocution qu’il a prononcée devant ses partisans politiques lors d’une rencontre privée. Dans ce clip audio de cinq minutes, il indique avoir discuté à maintes reprises des débats parlementaires sur le vote d’amendements constitutionnels avec «une personne qui se trouve au loin» (khon tang klai). Tout le monde sait, bien sûr, à qui Somsak fait allusion, mais même dans ce cadre privé, le politicien a préféré ne pas prononcer le nom de l’ancien premier ministre Thaksin, exilé à Dubai depuis 2008.

L’histoire politique thaïlandaise est émaillée de ces formules soigneusement concoctées pour évoquer une réalité mystérieuse en évitant de la cerner de trop près. Dans une région donnée, le «pouvoir de l’ombre» (amnat meut) est l’expression consacrée pour désigner le parrain mafieux local. Quand les militaires agissent dans les coulisses du monde politique pour influencer le cours des évènements, on parlera de «main invisible» (meu thi mong mai hen) ou, si le journaliste ou l’orateur est plus audacieux, «d’hommes en uniforme». Le roi Bhumibol Adulyadej sera déguisé sous l’appellation neutre «d’institution» (sathabaan), expression d’origine sanskrite que l’on accompagne volontiers d’un mouvement des yeux vers le plafond à la manière de Louis de Funès dans Les gendarmes de Saint Tropez quand il évoque le grand homme de la Ve République.

Dans ce registre, un exemple frappant d’amortissement verbal de réalités trop abruptes a été le titre d’un article du Bangkok Post, publié le 19 juin : «Military bullets killed civilians». L’article nous apprend que l’enquête de la police a conclu que cinq des six personnes tuées le 19 mai 2010 dans l’enceinte de la pagode Pathum Wanaram, durant la répression des manifestations des Chemises rouges à Bangkok, ont été tuées par des balles provenant d’armes utilisées habituellement par l’armée thaïlandaise et que ces balles avaient été tirées «d’une position en hauteur». Il se trouve qu’une section de militaires thaïlandais a été photographiée par les médias alors qu’ils faisaient feu à partir du viaduc du métro aérien de Bangkok en direction de la pagode au moment même où les six victimes ont été tuées. Mais personne, du moins du côté des médias et des officiels, ne joint les pointillés. Et donc, ce sont des «balles militaires qui ont tué des civils». Pour faire le saut et déclarer que ce sont effectivement les militaires qui ont tué ces six malheureux dans l’enceinte du temple, il aurait sans doute fallu plusieurs témoins affirmant avoir vu les balles sortir du canon des armes tenues par les militaires, les avoir suivies durant toute leur trajectoire, puis les avoir vues se ficher dans la chair des victimes. En fait, tout le monde sait depuis le début ce qui s’est passé, mais tous (sauf les familles des victimes) admettent que cela ne suffit pas pour le dire. Les mots sont dangereux.

Peut-être du fait de la culture bouddhique mais vraisemblablement pour des raisons plus pragmatiques, les Thaïlandais tendent à croire qu’évoquer trop directement des phénomènes ou des personnages importants ou controversés entraîne des périls, car les humeurs de ces derniers sont changeantes. En revanche, enrober ces réalités d’un épais tissu de mots neutralise leur pouvoir potentiellement maléfique. Dans la Thaïlande traditionnelle, prononcer le nom d’un esprit versatile était le meilleur moyen de s’en attirer les foudres. Et il est courant qu’un Thaïlandais change son prénom officiel s’il le juge trop clinquant, de peur d’offenser des puissances du passé.

Prendre ses précautions vis-à-vis des mots peut être vu comme une attitude sage. Le philosophe anglais John Locke n’écrivait-il pas dès le XVIIe siècle qu’il fallait «prendre les mots pour ce qu’ils sont, des signes de nos idées seulement, et non pour les choses elles-mêmes» ? Mais à trop enrober, on accumule aussi les malentendus. Et ces malentendus peuvent parfois déboucher sur des explosions.

Bouffée d’air salutaire dans ce monde en demi-teintes, il y a aussi les Thaïlandais qui mettent les points sur les «i», comme le politicien Chuwit Kamolwisit avec son gros marteau sur l’épaule. Ex-patron d’une chaîne de massages coquins, Chuwit tire sa force de sa réputation de mauvais garçon. Il n’a donc pas à faire attention à son langage. Début juillet, lors d’un raid organisé par ses soins sur un casino clandestin protégé par la police, il a déclaré devant la presse : «Les casinos clandestins représentent la forme la plus visible de la corruption de la police.Vous les voyez partout». Ceux qui ont l’audace d’appeler un chat un chat, fût-il siamois, vivent dangereusement, mais ils acquièrent un certain respect notamment de la part des petites gens. Car l’emploi des circonvolutions et des euphémismes est le plus souvent le signe de la peur imposée par les puissants à ceux qui sont en bas de l’échelle.

Catégories
Analyse Thaïlande

Chronique siamoise : la Nasa jette l’éponge en Thaïlande

L’agence spatiale américaine a décidé le 28 juin d’annuler une série d’études scientifiques sur le climat en Thaïlande devant les controverses politiques provoquées par son programme.

En Thaïlande, le mot Nasa renvoie un écho familier. Le terme évoque dans les esprits une célèbre discothèque de la rue Ramkhamhaeng, rendue sulfureuse par une rumeur selon laquelle le propriétaire en serait un membre de la famille royale thaïlandaise. Mais ces dernières semaines, une autre Nasa, moins délurée, plus austère, a envahi les discours des politiciens et la Une des journaux. La vraie, l’Agence spatiale américaine, celle des navettes et des cosmonautes. Au départ, la situation est simple.

La Nasa souhaite mettre en place un projet d’études climatiques sur la région qui serait basé à l’aéroport militaire d’U-Tapao, à 140 kilomètres au sud-est de Bangkok. Plus spécifiquement l’agence spatiale américaine souhaite étudier l’influence des émissions de gaz sur les nuages, le climat et la qualité de l’air en Asie – un projet baptisé de l’acronyme un peu barbare SEAC4RS. La Thaïlande a été choisie du fait de sa localisation centrale en Asie du Sud-Est. SEAC4RS est un projet scientifique qui doit apporter des données précieuses pour la communauté des climatologues thaïlandais, et, bien sûr, un peu d’argent pour les militaires. La demande a été faite il y a un an par l’agence américaine.

Comment ce projet sain a-t-il pu provoquer une tempête telle qu’elle a abouti à l’annulation pure et simple par la Nasa du SEAC4RS ? Il y a fallu tout le savoir-faire du monde politique thaïlandais combiné à la grande compétence des hommes en uniforme dans la création et l’entretien de rideaux de fumée. Les premiers signes étaient apparus début juin : le chef de l’armée de terre, le général Prayuth Chan-Ocha avait marmonné que ce projet risquait d’inquiéter «les pays voisins» ; pire, il risquait d’affecter la «souveraineté thaïlandaise».

Quels pays voisins ? La Chine prendrait-elle ombrage de quelques avions mesurant le taux d’humidité des nuages au-dessus de Pattaya ? Quelle souveraineté ?

La Nasa aurait-elle trouvé le moyen de prendre des clichés du précieux territoire thaïlandais avec une meilleure définition que celle de Google Earth ? Quelles sombres manœuvres avaient germé dans ces cerveaux d’outre-Pacifique ? Ne seraient-ils pas en train de projeter l’établissement de relevés du temple controversé de Preah Vihear avec quelque noir dessein en tête ?

En «bons politiques», les dirigeants du Parti démocrate d’opposition ont sauté à pieds joints sur l’occasion, en en rajoutant sur le thème, toujours porteur, de la souveraineté menacée. Oubliez les hordes birmanes et les guerriers Khmers, la Nasa est à nos portes, prêtes à avaler notre territoire ! Après avoir observé pendant trois semaines ces enfantillages, la Nasa a décidé d’annuler le projet, alors même que le gouvernement a prévu en août un débat au parlement pour «discuter la requête (de l’agence américaine) dans l’intérêt du pays».

Amateurisme, manque de fiabilité, opportunisme déconcertant sont les mots qui viennent à l’esprit pour qualifier ce fiasco. On ne peut être que frappé par une sorte de déconnection entre les propos échangés sur la scène politique et la réalité, un peu comme si l’on écoutait des enfants qui se glissent par jeu dans des rôles d’adulte. Cette déconnection n’est pas flagrante si on la voit à partir d’un environnement thaïlandais, mais elle le devient dès qu’il y a confrontation avec le monde extérieur.

Une étude climatique ne nécessite pas habituellement d’être approuvée par une session conjointe des deux chambres du Parlement, sauf, peut-être, s’il s’agit de simuler un tsunami qui pourrait engloutir le sous-continent. La cheffe du gouvernement Yingluck Shinawatra a insisté sur le fait qu’il fallait «tout expliquer à la société».

L’armée craint une «mauvaise compréhension du public». Le Conseil national de sécurité évoque la période de la guerre du Vietnam et le possible retour en force des Etats-Unis dans la région. D’une étude scientifique sur les effets des émissions sur le climat, on est passé à la réémergence d’un ogre américain avide de reconquête. Le communiqué de la Nasa, laquelle justifie l’annulation par «l’absence des approbations nécessaires de la part des autorités régionales dans le cadre du calendrier nécessaire pour soutenir la mission de déploiement prévu et la fenêtre d’observation scientifique» est comme la claque sèche d’une maman fâchée qui ramène son bambin à la dure réalité.

Une autre leçon à tirer pourrait être celle portant sur les limites de l’opportunisme politique. Le cynisme des politiciens du Parti démocrate à cet égard vaut son pesant de riz gluant. Tout ce qui alimente le feu est bon à brûler et advienne que pourra. La grande perdante de ces petits calculs politiciens est la Thaïlande et notamment la communauté scientifique. On peut gager que la Nasa va désormais se tourner vers d’autres pays de la région jugés plus fiables. Les Thaïlandais paient, une nouvelle fois, pour l’immaturité de leurs «élites».

Catégories
Asie Thaïlande

Visées américaines sur l’aéroport thaïlandais d’U-Tapao

La demande américaine d’utiliser l’aéroport militaire d’U-Tapao pour deux projets suscite le mécontentement de l’opposition et de l’armée en Thaïlande.

Catégories
Thaïlande

Sondage : les jeunes Thaïlandais aiment la corruption et les militaires

Selon un sondage de l’institut Abac, plus des deux-tiers des jeunes Thaïlandais interrogés considèrent la corruption comme acceptable si celle-ci leur profite personnellement.

Les sondeurs considèrent qu’il s’agit d’une «tendance inquiétante». Selon une enquête d’opinion de l’institut Abac (lié à l’université économique Assumption de Bangkok), 68 % des Thaïlandais âgés entre 20 et 29 ans disent qu’ils accepteraient volontiers un gouvernement corrompu s’ils en retirent des bénéfices.

Cette tendance ne fait que confirmer plusieurs sondages effectués au cours des cinq dernières années. Au sein de la population adulte, la proportion de ceux qui plébiscitent la corruption est légèrement plus faible : 63 %. Les femmes (62,5 %) sont moins enthousiasmées par les pots-de-vin et la prévarication que les hommes (66 %). La corruption est un problème de longue date en Thaïlande et concerne particulièrement les ministères du transport et des télécommunications, de l’énergie et de l’intérieur.

Selon les confidences d’un vice-président d’une grande entreprise publique à Asie-Info, les décisions du conseil d’administration des sociétés publiques ne sont pas prises en fonction d’une «logique stratégique», mais de la répartition des prébendes. Une étude avait montré en 2011 que 80 % des hommes d’affaires du secteur privé avaient déjà payé des dessous-de-table durant leur carrière.

En juin 2011, le président de la Chambre thaïlandaise de commerce, Dusit Nontanakorn, avait formé une «coalition anti-corruption» afin de mobiliser les entrepreneurs du secteur privé contre ce cancer qui ronge le pays de l’intérieur. M. Dusit était décédé quelque mois après le lancement de la campagne, et personne n’avait repris le flambeau.

Le sondage d’Abac s’est aussi intéressé aux sentiments des Thaïlandais vis-à-vis des militaires. 68 % des personnes interrogées ont dit être satisfaites du rôle des militaires, mais 71 % ont affirmé ne pas vouloir d’un nouveau coup d’Etat.

L’image de l’armée thaïlandaise avait été écornée après que celle-ci eut réprimé dans le sang les manifestations anti-gouvernementales d’avril-mai 2010, mais elle a été quelque peu réhabilitée après que les militaires se sont montrés très actifs dans l’assistance aux victimes des inondations de l’an dernier. Le sondage a été effectué du 1er au 9 juin auprès de 2.142 personnes de plus de 18 ans réparties dans douze provinces de Thaïlande.

Catégories
Indonésie Politique

Violences en Papouasie indonésienne : 13 morts

La Papouasie occidentale est sous la coupe des militaires et, quand ces derniers s’énervent, une pluie de mauvais coups s’abat sur les civils.

Les nouvelles de Papouasie occidentale, la moitié de la grande île rattachée à l’Indonésie en 1969 à l’occasion d’un référendum honteux, sont à prendre au conditionnel car le territoire est interdit aux journalistes étrangers. Cette fois-ci, le 6 juin, dans un village proche du chef-lieu de district de Wamena, alors que se déroulaient des funérailles, deux soldats sur une motocyclette ont heurté un petit garçon, qui serait mort. La foule se serait jetée sur les deux soldats et les aurait lynchés, selon Radio Australia, qui précise que ces informations ne peuvent être vérifiées de façon indépendante.

La réaction du bataillon 757, en garnison à Wamena, aurait été brutale. Les soldats se seraient répandus en ville, où ils auraient brûlé, saccagé, tué. On compterait plus d’une dizaine de morts parmi la population civile, selon Radio Australia. Le Jakarta Post n’a pas, sur le moment fait état de victimes. Un porte-parole militaire a démenti tout acte de vandalisme de la part des soldats.

La Papouasie occidentale, ex-Irian Jaya, compte environ deux millions d’habitants, dont la moitié est désormais constituée de migrants venus des autres îles de l’Indonésie. Les Papous sont en passe de devenir la minorité. Ancien territoire hollandais, très riche (minerais, gaz, pétrole, plantations), elle est occupée militairement par les Indonésiens depuis 1963. Elle est le théâtre d’une insurrection indépendantiste sporadique mais tenace. Divisée en deux provinces, elle est censée bénéficier d’une autonomie spéciale mais qui a été bafouée à plusieurs reprises.