YANGON – L’armée birmane a annoncé mardi qu’elle avait mis en place un Conseil administratif d’État présidé par le commandant en chef Min Aung Hlaing, qui s’est emparé des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires après le coup d’État de lundi.
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YANGON – La télévision birmane, appartenant à l’armée, a déclaré lundi que son commandant en chef Min Aung Hlaing avait pris le contrôle du pays dans ce qui équivaut à un coup d’État militaire.
Une enquête officielle a été ouverte sur les agissements de l’ancien ministre des Télécommunications.
Les détails sont rares mais l’enquête pour corruption dont est l’objet l’ancien ministre Thein Tun apparaît comme une première en Birmanie (nom officiel : Myanmar). Le ministre qui détenait le portefeuille des Télécommunications, du Télégraphe et des Postes sous la junte birmane jusqu’en mars 2011, puis dans le gouvernement civil du président Thein Sein, a dû, selon le webzine Irrawaddy, démissionner à la mi-janvier. Des officiels ont confirmé à l’Irrawaddy qu’une enquête était ouverte à l’encontre de Thein Tun et d’une douzaine d’employés du ministère, parmi lesquels des ingénieurs. Des documents indiquant des transferts financiers importants sur des comptes bancaires apparemment détenus par l’ancien ministre ont fait leur apparition ces derniers jours sur plusieurs sites internet, sans que l’on sache si ces documents sont authentiques et qui les a postés.
Thein Tun apparaît ainsi comme la première cible de l’équipe anti-corruption mise en place par le président Thein Sein début janvier 2013. Dans le classement de l’organisation anti-corruption Transparency International, la Birmanie arrive au 172ème rang en termes de corruption sur une liste de 176 pays. Thein Sein, qui a engagé des réformes pour ouvrir l’économie du pays aux investisseurs étrangers, veut améliorer la réputation du pays. En décembre dernier, il a fustigé l’inefficacité de la bureaucratie et la corruption rampante qui règne dans ses rangs.
Le secteur des télécommunications, où les monopoles étaient la règle jusqu’à tout récemment, constituait un secteur particulièrement lucratif pour les hommes d’affaires proches des militaires. A la fin des années 1990, rappelle l’Irrawaddy, une firme liée à la famille de l’ex-dictateur Ne Win avait mis en place un réseau GSM dans le pays et vendait des cartes SIM au prix astronomique de 3.300 dollars. A l’heure actuelle, les cartes SIM sont vendues au prix de 250 dollars, ce qui reste très supérieur aux prix pratiqués dans les pays voisins. Fin 2011, Thein Sein a annoncé le lancement d’un projet visant à vendre 30 millions de cartes SIM à bas prix entre 2011 et 2016. Parmi les 23 firmes impliquées dans le projet, plusieurs étaient étroitement liées à l’ancienne junte, comme E-Lite Tech, dirigée par le « crony » Tay Za, et la société IGE, dirigée par les fils du ministre de l’Industrie Aung Thaung. A la mi-janvier 2013, le gouvernement a invité les investisseurs locaux et étrangers à faire des propositions pour mettre en place des services de télécommunications à travers le pays.
Le débat sur l’utilisation des termes Birmanie ou Myanmar pour désigner le pays se poursuit alors même que celui-ci s’ouvre au monde.
Choisissez votre terme et chacun saura dans quel camp vous vous situez. Du moins, c’est la perception qui a prévalu entre le moment où la junte a officiellement changé le nom international du pays de Birmanie à Myanmar en 1989 et le début de l’ouverture politique à la mi-2011. Pour les opposants à la dictature, persister à nommer le pays “Birmanie” était une façon subtile de mettre en cause la légitimité du régime. Le fait que l’opposante Aung San Suu Kyi ait toujours insisté sur sa préférence pour “Birmanie” renforçait le caractère politique de ce choix sémantique.
Maintenant que le pays, sous l’égide d’un gouvernement civil issu d’une élection en novembre 2010 contestée par la communauté internationale, se libéralise, le débat sur l’utilisation de l’un ou l’autre terme devient plus complexe. Et les leaders en visite doivent parfois se livrer à des exercices de haute-voltige linguistique pour ménager les différents acteurs politique du pays.
Ainsi, rappelle le quotidien Los Angeles Times, lequel consacre un long article à ce sujet dans son édition du 24 décembre, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a réussi à ne prononcer aucun des deux termes, lors de sa visite historique en 2011, optant pour l’appellation neutre de “ce pays”. Plus hardi, le président Barack Obama a semé quelques “Myanmar” lors de sa venue en novembre 2012, usant toutefois du mot “Birmanie” lors de ses contacts avec Aung San Suu Kyi et les autres membres de l’opposition. Selon le quotidien américain, les deux termes dérivent d’un mot commun, la seule différence véritable étant que “Myanmar” est plus formel et plus littéraire alors que “Birmanie” est un terme vernaculaire. La jeune génération, qui n’a connu que le régime militaire, utilise généralement “Myanmar” (Myanma en birman), alors que quelques anciens et les Birmans exilés tendent à préférer “Birmanie” (Bama en birman). Le quotidien en conclut que les deux termes coexisteront durant de nombreuses années, avant que “Myanmar” finisse par s’imposer.
Le site Irrawaddy relate l’importance stratégique croissante de la Birmanie pour Pékin et pourquoi le président Thein Sein est contraint de composer avec la Chine.
L’AIE (Agence internationale de l’énergie, basée à Paris et créée en 1974 par l’OCDE), a calculé que les importations de pétrole irakien par la Chine pourraient passer de 275.000 barils/jour en 2011 (ils ne représentaient alors que 5% des importations de Pékin) à 8 millions de barils/jour en 2035. La CNPC (China National Offshore Oil Corporation) investit des milliards de dollars dans les champs de pétrole irakiens. Si des problèmes d’insécurité ne s’en mêlent pas, l’Irak pourrait devenir le premier producteur mondial de pétrole, devant l’Arabie saoudite, avec, pour comme plus gros client, la Chine.
Pour alimenter ses raffineries, Pékin construit donc actuellement un oéloduc à travers la Birmanie (Myanmar) afin de rattacher l’océan Indien au Yunnan chinois. Cet oléoduc sera opérationnel à partir de la mi-2013. En incluant la construction d’un terminal de transbordement dans le port birman de Kyaukphyu (Etat Rakhine), la CNPC évalue le coût global de l’oléoduc à 4,7 milliards de dollars. Sa capacité sera de 23 millions tonnes/an, ce qui est limité, et il traversera, dans le nord birman, des régions où sont installées des minorités ethniques encore armées. Toutefois, si l’expérience est jugée satisfaisante, «il est fort probable que les compagnies pétrolières chinoises voudront construire d’autres oléoducs à travers le pays», estime Collin Reynolds, un analyste indépendant, dans un entretien publié par l’Irrawaddy.
Le problème de la Chine n’est pas de réduire le coût du transport. Dans l’objectif d’une augmentation drastique des importations de pétrole du Proche-Orient, il s’agit pour Pékin d’éviter de passer par le Détroit de Malacca, très encombré, très étroit, qui pourrait être bloqué, en cas de crise politique ou régionale, par l’un des Etats riverains qui sont l’Indonésie, la Malaisie et Singapour.
La production chinoise de pétrole devrait culminer à 220 millions de tonnes/an en 2020. Et si le taux d’expansion de l’économie continue d’être égal ou supérieur à 7%, les besoins chinois en pétrole s’élèveront alors à 650 millions de tonnes/an. La Chine se rend donc compte qu’elle risque d’être de plus en plus dépendante de ses importations du Proche-Orient et de leur transfert via la Birmanie, un pays où son image est impopulaire.
Les ONG locales se plaignent des méthodes chinoises (déplacements forcés de populations, droits de transit peu élevés). Selon l’Irrawaddy, les Chinois ont pris leurs précautions en signant des «contrats secrets» avec les Birmans qui leur accordent de fortes compensations en cas d’abandon d’un projet. Ce serait notamment le cas à propos de la mine de cuivre de Monya où des manifestants, qui en refusaient l’expansion, ont été brutalement dispersés. Cette mine est la copropriété d’une compagnie birmane et de la firme chinoise Wanbao. Aung Min, un ministre birman, aurait reconnu devant les manifestants que son gouvernement hésitait à toucher aux intérêts économiques des Chinois en raison de possibles «conséquences financières». Cela avait également été le cas en ce qui concerne le barrage hydroélectrique de Myitsone, un chantier dont le président Thein Sein avait néanmoins décidé la fermeture en 2011.
Dans un discours historique à l’université de Rangoon, le président américain estime le changement en Birmanie « irréversible ».
Devant une assemblée de VIP, en tête desquels Aung San Suu Kyi et la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, Barack Obama a prononcé un discours subtilement dosé, dans lequel il a mis à la fois en valeur les efforts de réforme du gouvernement actuel tout en saluant la longue lutte contre la dictature militaire et la « farouche dignité » d’Aung San Suu Kyi et de l’opposition. « Je viens offrir une main amicale et aider à créer des opportunités pour le peuple de ce pays », a-t-il indiqué au début de son allocution.
Son discours, qui a duré moins d’une demi-heure, a touché à de nombreux sujets sensibles, des prisonniers politiques encore en détention aux tensions intercommunautaires entre Rohingyas musulmans et Rakhines bouddhistes dans l’Ouest de la Birmanie, en passant par le conflit en cours entre l’armée gouvernementale et la rébellion des Kachins dans le nord-est du pays. Le président a été applaudi quand il a indiqué que le « processus de démocratisation ne pouvait pas réussir sans réconciliation nationale ». Il a fait preuve à la fois d’audace et de tact en parlant des Rohingyas musulmans, contre lesquels certains nationalistes birmans de confession bouddhiste, menés par des bonzes, ont manifesté à plusieurs reprises. « Les Rohingyas ont le droit à la même dignité que vous et moi », a-t-il dit, ajoutant un peu plus tard qu’autrefois, aux Etats-Unis « la couleur de sa peau l’aurait empêché de pouvoir voter ».
Une famille birmane regardant le discours à la télévision a vivement applaudi à la fin, soulignant que ces paroles apportaient de l’espoir pour le pays. « Il reste à voir comment les choses vont se dérouler dans le futur. Cela prendra peut-être deux générations pour que l’Etat de droit soit vraiment enraciné au Myanmar (Birmanie) », a estimé toutefois Anegga, un membre de cette famille.
Les autorités birmanes avaient bloqué la circulation depuis le début de la matinée dans l’ensemble du quartier de l’avenue de l’Université où se trouvent à la fois l’université de Rangoon, l’ambassade des Etats-Unis et la maison d’Aung San Suu Kyi. Cela n’a toutefois pas empêché environ 10.000 Birmans de marcher pendant plusieurs kilomètres pour saluer la limousine présidentielle en brandissant des drapeaux américains et des portraits d’Obama, d’Aung San Suu Kyi et parfois du président Thein Sein. « Je me sens fière. Obama a une relation très proche avec Aung San Suu Kyi et il peut donc aider notre pays à se démocratiser », estimait une Birmane d’une soixantaine d’années, un petit fanion américain à la main devant la maison d’Aung San Suu Kyi.
La population de Rangoon s’apprête à faire un accueil triomphal à Barack Obama. Ambiance sur place.
Oubliez le pivotement des Etats-Unis vers l’Asie ou la rivalité Pékin-Washington, les habitants de Rangoon n’ont qu’un mot pour saluer la visite, le 19 novembre en Birmanie, du président américain Barack Obama : « Bienvenue ». Ce mot s’étale en couleurs vives dans les graffitis peints à la hâte, pendant la nuit, par des jeunes enthousiastes. Quelques magasins se sont mis du jour au lendemain à imprimer des tee-shirts à l’effigie du président récemment réélu et à fabriquer en masse des bannières étoilées. « C’est un grand honneur qu’il vienne ici. Il est le leader d’un très grand pays, donc je pense qu’il peut nous aider à améliorer notre pays », estime Aung Kyaw, un étudiant âgé de 20 ans à l’université de Rangoon, où le président américain doit prononcer un discours.
Même dans le marché Bogyoke Aung San, les commerçants font preuve d’un certain intérêt pour cette première visite dans l’histoire d’un chef d’Etat américain en Birmanie. « Obama a changé le monde. Et nous, nous sommes en train de changer selon la façon voulue par Obama. Nous pouvons donc attendre beaucoup d’aide des Etats-Unis », indique Kyi Thein, un changeur du marché assis sur un tabouret, une sacoche bourrée de devises diverses en bandoulière. En termes plus mesurés, les membres du gouvernement dirigé par le président Thein Sein se réjouissent aussi de ce rapprochement fulgurant : il s’est écoulé seulement une vingtaine de mois entre le début de l’ouverture birmane et la venue du président américain. Il est probable que peu de résultats tangibles interviennent dans la foulée de cette visite, d’une portée avant tout symbolique. « Peu importe ce qu’Obama dira dans son discours à l’université, ce sera de toutes façons un événement significatif », affirme l’analyste politique Khin Zaw Win.
Le gouvernement birman a rejeté l’offre de l’Asean d’organiser des pourparlers tripartites dans l’objectif d’apaiser les violences entre Rakhines et Rohingyas.
A la demande du secrétaire général de l’Asean, Surin Pitsuwan, le ministre cambodgien des Affaires étrangères Hor Namhong (le Cambodge assure la présidence annuelle de l’Asean), a écrit à ses homologues des pays membres pour proposer « une rencontre sur la question des Rohingyas ». Mais, a indiqué Surin Pitsuwan, lors d’une conférence de presse le 30 octobre en Malaisie, cette demande s’est heurtée à une fin de non-recevoir de la part des autorités de Birmanie (Myanmar), lesquelles considèrent que le problème posé par les Rohingyas musulmans est « une question interne ». Selon l’agence de presse malaisienne Bernama, Surin a toutefois mis en garde Naypyidaw (capitale de la Birmanie), en lançant : « Le Myanmar estime qu’il s’agit d’une affaire interne, mais votre affaire interne peut devenir la nôtre un jour prochain si vous ne faites pas attention ».
Le secrétaire général de l’Association souhaitait l’organisation de pourparlers entre les pays membres de l’Asean (dont la Birmanie), les Nations unies et les autorités birmanes pour apaiser les affrontements entre Rohingyas musulmans et Rakhines bouddhistes, qui ont fait plus de 150 morts depuis juin dernier dans l’Etat Rakhine, dans le nord-ouest de la Birmanie, près de la frontière du Bangladesh. Surin a estimé que sa démarche n’avait pas été un échec complet car certains Etats-membres de l’Asean avaient indiqué leur accord avec sa proposition.