Selon les sondages, les institutions les plus corrompues d’Indonésie sont la police, la justice et le Parlement. Les élus semblent désormais l’emporter.
Les statistiques de la Commission pour l’éradication de la corruption (KPK) de l’Indonésie montrent qu’en 2012, «les législateurs sont en tête de la liste des gens inculpés pour avoir contrevenu à la loi et arrêtés en tant que suspects de corruption», rapporte le 8 mai le Jakarta Globe. «Six membres de la Chambre des députés et de celle des représentants de régions» sont actuellement impliqués dans des affaires de corruption, a déclaré Johan Budi, porte-parole de la KPK à Jakarta.
Le deuxième contingent de personnes inculpées pour corruption est fourni par les institutions privées. Le troisième est formé par les hauts-fonctionnaires et les autorités élues de province, comme les gouverneurs ou les maires. Pendant les quatre premiers mois de l’année, la KPK a récupéré l’équivalent de quelque deux millions d’€ volés à l’Etat.
A la suite de la réélection en 2009 de Susilo Bambang Yudhoyono (SBY), il y avait eu un débat public sur une «maffia judiciaire» de connivence avec des officiers de police. Peu de sanctions avaient été prises et le débat était retombé. Les deux Chambres ont été accusées, de leur côté, de dépenses inconsidérées, y compris dans des «voyages d’études» à l’étranger. Ces développements, ainsi que l’inaction de SBY, expliqueraient une désaffection croissante à l’égard des élites politiques.
Incidents multiples et ambiance délètère ont entaché récemment l’image du parlement en Thaïlande, une institution qui n’est généralement guère tenue en haute considération par la population…
La première réunion d’un Parlement thaïlandais s’est déroulée au début de 1933 sous les dômes de style baroque de la salle du trône Ananta Samakhom, que le roi Rama V avait fait construire initialement pour célébrer la gloire de la monarchie absolue. En 1974, il a été décidé qu’un Palais était trop luxueux pour les représentants du peuple : députés et sénateurs ont été déménagés dans des immeubles au design vaguement postmoderniste à quelques centaines de mètres de là. Il est maintenant question de les expédier dans une banlieue éloignée. Entre ces deux dates, dix-sept constitutions se sont succédées les unes aux autres. La sacralité de la charte fondamentale et l’opinion des Thaïlandais vis-à-vis de leurs représentants ont dégringolé en proportion.
Chaque Parlement a ses excentricités. La drague des attachées parlementaires est un sport bien connu au Palais Bourbon. Les échanges de coups au sein du Parlement de Taiwan sont légendaires. Les députés (et ministres) thaïlandais ont toutefois produit des efforts considérables pour remonter en haut du listing des chambres de mauvaise réputation. Que le vice-Premier ministre Chalerm Yoobamrung, apparemment ivre, ait failli dégringoler les pas des escaliers de la chambre basse vient peut-être, comme il l’a affirmé, d’un problème de « déséquilibre dans les tympans auditifs ». Qu’un député du Parti démocrate regarde des images érotiques sur son téléphone portable pendant les débats pourrait résulter de ce qu’il a reçu, à sa grande surprise, ces images d’un ami égrillard. Mais quand il est montré que des députés votent à la place de collègues en leur absence, on commence à avoir des doutes. Ceux-ci deviennent aigus en entendant un autre député crier à trois reprises « Heil Hitler ! » en faisant le salut nazi au milieu d’une séance parlementaire. Sans doute, ce député avait-il été échaudé par le fait que le président de la chambre avait coupé son micro. Mais le parlementaire avait tout loisir de piocher dans le registre particulièrement riche et merveilleusement imagé des jurons thaïlandais (un exemple parmi d’autres : « Espèce de pénis décalotté rongé par les écureuils », qu’il est conseillé de tester auprès des gardes de sécurité du métro aérien de Bangkok).
La médiocrité de la classe politique thaïlandaise tient en partie à la primauté absolue des clans liés à un chef personnel sur les familles d’idées. Même si, ailleurs, les « principes » sont souvent un camouflage des intérêts bien compris, ils contribuent néanmoins à « élever le débat » intellectuellement. Mais en Thaïlande, les « idées » ou les théories n’ont guère droit de cité si elles n’aboutissent pas très vite et très concrètement à un résultat pratique.
L’expression thaïe len kan muang – jouer à la politique – pour désigner les activités politiques semble associer la vie démocratique à un soap opera où tout est pardonnable parce que personne ne le prend au sérieux. Sauf bien sûr, les politiciens qui empochent les dividendes de ce casino national. Au final, les élections parlementaires semblent avant tout être une procédure formelle inévitable pour la prise du pouvoir par le chef d’un clan dominant. Ce qui se passe après au sein du Parlement n’est plus que divertissement télévisuel. Même la compétition pour l’acquisition des budgets provinciaux se déroule bien plus en coulisses que sur la scène. Ni Thaksin Shinawatra quand il était premier ministre, ni sa sœur cadette Yingluck qui l’est actuellement, n’ont jugé d’ailleurs utile de donner le change en assistant régulièrement aux débats de la chambre basse, dont les pupitres sont le plus souvent désertés par ses honorables membres.
Max Constant
«Chronique siamoise» porte un regard décalé sur l’actualité politique de la Thaïlande, mêlant des récits d’anecdotes et une lecture culturelle des événements.