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Indonésie : le candidat du changement élu gouverneur de Jakarta

Joko «Jokowi» Widodo a été élu, le 20 septembre, gouverneur de Jakarta contre le candidat du pouvoir, Fauzi Bowo, avec de 53% à 54% des suffrages.

La victoire de Jokowi ne constitue pas une énorme surprise et Bowo a aussitôt reconnu son échec. Réélu triomphalement maire de Solo en 2010, Jokowi a un profil de ‘Monsieur Propre’. Il a remis un peu d’ordre dans sa ville de Java central. Gouverneur sortant de la capitale de l’Indonésie, Bowo n’a guère fait d’étincelles pendant son mandat. Il a été soutenu par le Parti démocrate du président Susilo Bambang Yudhoyono, une formation rongée par la corruption et qui est en passe de perdre sa figure de proue puisque SBY, qui termine son second mandat, ne peut pas se représenter à la présidence en 2014.

Pour la coalition gouvernementale, en dépit de la bonne santé de l’économie, la situation est plutôt délicate. En réduisant ses efforts dans la lutte contre la corruption – son slogan électoral – SBY a perdu une partie de son audience. Allié de SBY, Aburizal Bakrie, patron du mouvement Golkar et son candidat officiel à l’élection présidentielle dans deux ans, se retrouve, du coup, dans une situation plus difficile. Peu populaire, millionnaire qui a, ces temps-ci, des soucis financiers, Bakrie n’est plus certain que le Golkar, censé être une machine électorale efficace, ne renonce pas à tenter de le porter à la présidence.

En revanche, l’opposition se frotte les mains. Jokowi a bénéficié du soutien du populaire Prabowo Subianto, un général à la retraite ouvertement candidat à la succession de SBY, ainsi que du PDI-P, le parti de Megawati Sukarnoputri, ancienne présidente (2001-2004) et fille aînée du père de l’indépendance. Si Jokowi entame bien son mandat de gouverneur, il pourrait se révéler un atout maître pour Subianto, Megawati ayant apparemment renoncé à se représenter à la présidence.

La campagne a été dure et très suivie, les arguments ethniques ou religieux n’ont pas fait grand effet. Le colistier de Jokowi, donc le futur gouverneur adjoint, est un chrétien d’origine chinoise. Les dix millions d’habitants de Jakarta veulent que les choses bougent un peu. La Commission électorale doit publier les résultats officiels le 3 octobre et la prise de fonctions du nouveau gouverneur a été fixée au 6 octobre.

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Analyse Indonésie Politique

Indonésie : l’élection cruciale du gouverneur de Jakarta

Le 20 septembre a lieu l’élection du gouverneur de Jakarta. Un ‘Monsieur propre’, soutenu par un général à la retraite ambitieux, est capable de l’emporter.

Fauzi Bowo, le sortant, soutenu par le gouvernement, se retrouve au deuxième tour de l’élection du gouverneur de Jakarta face à Joko ‘Jokowi’ Widodo. Jokowi est appuyé par l’opposition, notamment par Prabowo Subianto, général à la retraite et au passé sulfureux mais qui figure dans les sondages en tête des candidats à la présidentielle de 2014.

De prime abord, Jokowi ne semblait avoir aucune chance : il est maire de la ville de Solo (Surakarta) à Java central alors que Bowo est un Betawi, un natif de Jakarta. Le colistier de Jokowi est un chrétien d’origine chinoise. Les Indonésiens d’origine chinoise ne représentent que 5% de la population d’une capitale dont 85% des dix millions d’habitants sont musulmans.

Pourtant, lors du premier tour en juillet, à la surprise générale, Jokowi a obtenu 43% des suffrages contre 34% seulement à Bowo.  «Sauf miracle, estime l’Economist, le sortant est fini.» Car Jokowi, 52 ans, est un candidat redoutable : il a été réélu par un raz de marée en 2010 à la mairie de Solo pour avoir promu les affaires et la lutte contre la corruption. Il est généralement reconnu comme le meilleur maire d’Indonésie. Il propose aujourd’hui ses services à Jakarta, capitale apparemment ingouvernable et seule mégapole d’Asie du Sud-Est à ne pratiquement pas disposer de transports en commun.

Si Jokowi est élu, et s’il parvient à réduire la corruption à Jakarta – ce qu’il a fait à Solo – la configuration politique en Indonésie pourrait changer. Comme le président Susilo Bambang Yudhoyono ne peut pas se représenter et que, de toute façon, sa popularité est en baisse, la coalition gouvernementale actuelle devra trouver un candidat de qualité pour faire face à l’éventuelle candidature à la présidence en 2014 de Prabowo Subianto, dont Jokowi pourrait être le colistier.

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L’Apec et le (re)tour de Vladimir Poutine

La Russie se tourne vers l’Est : tel est le message de Vladimir Poutine à l’occasion d’un sommet de l’Apec dont il vient d’être l’hôte à Vladivostok.

Quelques mois après avoir retrouvé le Kremlin et un mois après l’adhésion de la Russie à l’OMC, Vladimir Poutine a fait sa rentrée asiatique en accueillant à Vladivostok le gratin de l’Asie-Pacifique. Seul manquait à l’appel Barack Obama, retenu par sa campagne pour un deuxième mandat présidentiel. Rentrée russe qui n’a pas manqué d’allure : un centre de conférence futuriste sur l’île Russki désormais rattachée à Vladivostok par un spectaculaire pont d’un coût de près d’un milliard d’€. Poutine en a profité pour présenter son pays comme l’intermédiaire évident entre l’Asie et les marchés européens.

L’Apec (Asia-Pacific Economic Cooperation) est un forum commercial de 21 Etats ou entités (Hong Kong et Taiwan en font partie) créé en 1989 à l’initiative de l’Australie. Son sommet annuel présente l’avantage de réunir les principaux dirigeants d’une région de plus en plus influente, qui abrite les deux cinquièmes de l’humanité, 54% de l’économie mondiale et 44% du commerce international. A l’issue de 48 heures d’échanges et de réunions, le premier ministre néo-zélandais John Key a résumé le sentiment général en estimant que «l’économie mondiale est encore fragile» mais que la «confiance» l’emporte en ce qui concerne la possibilité de traverser la crise et d’en sortir.

Alors que ce sommet a souligné le virage de la Russie en direction de l’Asie, peu de temps après celui  des Etats-Unis, le président Susilo Bambang Yudhoyono en a profité pour lancer un appel à investir dans les projets d’infrastructure en Indonésie, lesquels représenteront la bagatelle de 400 milliards d’€ de fonds publics et privés d’ici à 2025. L’Indonésie assurera la présidence tournante de l’Asean en 2013 et accueillera à Bali le prochain sommet de l’Apec. Ce sera ensuite le tour de la Chine (2014), puis des Philippines (2015).

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Indonésie : un parti influent prône le déni de mémoire

Si le public indonésien se pose de sérieuses questions sur les massacres de 1965, le Golkar, parti en tête dans les sondages, refuse ce devoir de mémoire.

«Que veulent-ils de plus ? Cela suffit, non ?». Telle est la réponse, selon le Jakarta Globe, de Leo Nababan, secrétaire général adjoint du Golkar, à propos des survivants des massacres de 1965-1966 en Indonésie (plus d’un demi-million de victimes) dont les droits civiques ont été progressivement restaurés depuis la chute de Suharto en 1998. Leo Nababan s’oppose à ce qu’un suivi officiel soit donné au rapport de Kommas HAM, la Commission nationale des droits de l’homme, qui a conclu quatre années d’enquête en estimant que la persécution et les meurtres des membres présumés du PKI (PC indonésien) en 1965-1966 représentent «une grossière violation des droits de l’homme».

Au nom de la lutte contre le communisme, a relevé Kommas HAM, de nombreux crimes ont été commis par les militaires : meurtres, expulsions, torture, viols et autres abus. Leo Nababan rétorque que les enseignements du communisme (et le PKI) étant toujours officiellement bannis depuis 1966, il n’y a aucune raison qu’une suite soit donnée au rapport de Kommas Ham par des services de l’Etat, contrairement à l’ordre donné par le président Susilo Bambang Yudhoyono à l’Attorney general.

Le Golkar (pour Golongan Karya ou «groupes fonctionnels») est le mouvement sur lequel l’autocrate Suharto s’est appuyé pour gouverner. A la fin du règne de Suharto (1966-1998), lequel est considéré comme le principal responsable des massacres de 1965-1966, le Golkar a emporté jusqu’à 70% des suffrages lors d’élections générales strictement contrôlées. Le problème est que le Golkar ne s’est pas effondré après le limogeage de Suharto voilà quatorze ans et que cette machine électorale a assez bien survécu pour se retrouver aujourd’hui en tête, de peu il est vrai, dans les sondages.

Leo Nababan n’est pas le seul à réclamer que cette sinistre page d’histoire soit oubliée. Priyo Budi Santoso, vice-président du Golkar, en a fait autant voilà quelques semaines en demandant au pays d’oublier ces massacres. Une frange politique de l’Indonésie s’oppose donc encore à ce que la lumière soit faite alors que deux générations d’Indonésiens ont été privées de leurs droits civiques, leurs biens étant saisis et les descendants des victimes étant, par exemple, longtemps interdits d’emploi ou même d’école.

Peu après ces massacres, donc avant la tragédie des Khmers rouges au Cambodge (1975-1979), un rapport interne de la CIA américaine avait conclu qu’ils ont été parmi les pires du XX° siècle, à ranger aux côtés des «purges soviétiques des années 1930, des crimes nazis pendant la Deuxième guerre mondiale, et du bain de sang maoïste au début des années 1950». Si le Golkar, qui soutient le gouvernement actuel, revient au pouvoir à l’occasion des élections de 2014 (présidentielle et législatives), le déni de mémoire se prolongera encore au moins quelques années, en dépit de l’indignation affichée par les militants des droits de l’homme.

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Le taisez-vous des Chinois aux Américains

Le ministre chinois des affaires étrangères est en Asie du sud-est jusqu’au 13 août. Au menu : la défense des intérêts de Pékin en mer de Chine du Sud.

Evitant soigneusement le Vietnam et les Philippines, qui contestent le plus vigoureusement la souveraineté chinoise sur les eaux de la mer de Chine du Sud, Yang Jiechi s’est d’abord rendu à Jakarta, où il a été reçu le 10 août par le président Susilo Bambang Yudhoyono, avant de gagner le petit sultanat de Brunei et la Malaisie. L’objectif de cette tournée éclair, qui prend fin le 13 août : solliciter la compréhension de trois membres de l’Asean, surtout celle de l’influente Indonésie, afin de calmer un peu le jeu et de s’assurer que l’Association des nations de l’Asie du sud-est ne se ressoude pas dans une attitude antichinoise.

L’Indonésie joue les médiateurs depuis que neuf Etats membres de l’Asean ont été incapables d’imposer au dixième, le Cambodge, qui assure la présidence annuelle de l’Association et qui est un allié de Pékin, une position commune à l’issue de leur conférence ministérielle de juillet à Phnom Penh. Fin juillet, une médiation de Marty Natalegawa, ministre indonésien des affaires étrangères, a permis la publication d’une déclaration sur le Code de conduite en mer de Chine du Sud, adopté en 2002 en accord avec Pékin mais qui n’a jamais été appliqué, la Chine expliquant qu’il le serait «au moment opportun».

Entre-temps, l’annonce par Pékin de la création d’une garnison chinoise basée dans l’archipel des Paracels a provoqué une réaction de Washington, un porte-parole du Département d’Etat américain estimant, le 3 août, que cette initiative chinoise et la création, au préalable, de la «ville» chinoise de Shansha couvrant les archipels du secteur contribuait à renforcer les tensions en mer de Chine du Sud. La Chine a rétorqué que les Etats-Unis n’avaient pas le droit de se mêler de cette affaire. Le Quotidien du peuple, organe du PC chinois, a même déclaré que la Chine était en droit de demander de « crier aux Etats-Unis ‘taisez-vous’». La mission confiée à Yang Jiechi est donc de s’assurer que le courant continue de passer entre Pékin et certaines capitales de l’Asean tout en réitérant que la souveraineté chinoise sur les eaux concernées demeure «indiscutable».