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Le pivot américain accepte la Thaïlande telle qu’elle est

Washington a modifié son attitude à l’égard de Bangkok en appuyant le nouveau gouvernement. La raison : la peur de laisser la Thaïlande filer dans le camp chinois.

Lors de son passage à Bangkok le 18 novembre 2012, Barack Obama est allé saluer le roi de Thaïlande qui lui a accordé une audience dans l’hôpital où il séjourne depuis longtemps. Plus surprenant, le chef de l’Etat américain a accordé un appui public à Yingluck  Shinawatra, premier ministre depuis 2011 et sœur cadette de Thaksin. Yingluck est pourtant considérée comme étroitement dépendante de son frère, personnage controversé et qui n’a guère la cote à Washington.

Professeur d’histoire de l’Asie du Sud-Est à l’université de Queensland,  Patrick Jory offre une explication sur le site australien de l’East Asia Forum. «Les Etats-Unis, écrit-il, veulent un gouvernement stable, pro-américain en Thaïlande. Aussi est-il possible qu’ils en viennent à accepter que Thaksin et ses gouvernements populairement élus, plutôt que la monarchie, offrent un meilleur pari à long terme en ce qui concerne la stabilité politique, en particulier compte tenu de la succession royale à venir.»

Washington ferait donc le constat suivant : voilà douze ans qu’à l’occasion de chaque vote, Thaksin, ses partisans, ses partenaires et leurs succédanés, emportent les élections. Premier ministre de 2001 à 2006, chassé du pouvoir par l’armée, en exil volontaire en raison d’une condamnation en 2008 pour abus de pouvoir, Thaksin demeure populaire. Dont acte. Barack Obama et Hillary Clinton auraient décidé que, dans le cadre du « pivot » américain vers l’Est, il fallait accepter cette donnée, comme il a fallu encourager le nouveau gouvernement de Birmanie à s’ancrer et à conserver les distances prises dès ses débuts, en 2011, à l’égard de Pékin.

Les Etats-Unis se retrouvent donc assez loin de leur position en 2006, estime Patrick Jory. Des câbles publiés par Wikileaks avaient révélé que l’ambassade américaine à Bangkok avait alors estimé qu’à la suite du coup d’Etat, la nomination annoncée comme premier ministre de Surayud Chulanont, un ancien chef de l’armée de terre, était «un développement très positif » aussi bien pour la Thaïlande que pour les relations bilatérales.

Au fil des décennies, Washington a établi des relations très étroites avec l’élite thaïlandaise. Des générations d’officiers thaïlandais ont été formées dans les académies militaires américaines. La Thaïlande a servi de porte-avions à l’intervention militaire au Vietnam. Aujourd’hui, il est clair que Thaksin demeure toujours assez populaire pour appartenir durablement au paysage politique thaïlandais. «Si les Etats-Unis continuent de soutenir leurs vieux alliés de la Guerre froide en Thaïlande – la monarchie et l’armée – Thaksin n’aurait apparemment que le choix de se retourner vers la Chine», estime Patrick Jory. Washington aurait donc au moins choisi de ménager tout le monde.

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Thaïlande : Abhisit est officiellement inculpé de meurtre

L’ex-chef de gouvernement Abhisit Vejjajiva et son vice-Premier ministre Suthep Thaugsuban sont interrogés en liaison avec la répression des manifestations de 2010.

L’interrogation dans le cadre d’un meurtre de l’ex-Premier ministre et de l’ancien vice-Premier ministre est une première en Thaïlande. Dans un pays qui a connu une vingtaine de coups d’Etat et plusieurs confrontations meurtrières entre les militaires et la population civile, jamais un dirigeant n’avait été mis juridiquement en cause pour une opération de répression. Les deux politiciens, qui sont actuellement dans l’opposition, sont inculpés pour avoir ordonné à l’armée de « nettoyer » en mai 2010 le quartier commercial de Bangkok occupé depuis plusieurs mois par les Chemises rouges, c’est-à-dire les partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, très populaire auprès des paysans de province. L’opération militaire avait débouché sur la mort de plusieurs dizaines de manifestants. Plus précisément, cette interrogation est une conséquence directe du résultat de l’instruction judiciaire sur la mort d’un chauffeur de taxi, Phan Kamkong, tué par les militaires en mai 2010.

Après avoir entendu la lecture des chefs d’accusation par un officier du Département des enquêtes spéciales (DSI, l’équivalent du FBI), l’ancien Premier ministre Abhisit et l’ex-vice Premier ministre Suthep les ont formellement niés. Ils ont expliqué n’avoir fait que leur devoir en essayant de mettre un terme à la violence illégale dans la capitale. Abhisit Vejjajiva a souligné aussi le caractère, selon lui, politique des poursuites dont il est l’objet, le DSI semblant agir sous l’influence du gouvernement actuel soutenu par les Chemises rouges. Force est de reconnaître qu’il est quelque peu étrange que l’actuel chef du DSI Tarit Pengdith siégeait déjà, en 2010,  aux côtés d’Abhisit et de Suthep au sein de l’organisme officiel qui était chargé en 2010 d’organiser les opérations contre les manifestants.

A la suite de cette interrogation et de l’enquête de la DSI, il appartiendra au bureau du procureur de décider d’inculper ou non les deux politiciens.

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Chronique de Thaïlande : Siam Pitak, la tête et les jambes

Le mouvement Siam Pitak, dernier avatar du mouvement anti-Thaksin, est socialement diversifié et mené par le réseau des militaires à la retraite.

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Des heurts lors de manifestations en Thaïlande

La manifestation anti-gouvernementale du 24 novembre à Bangkok s’est déroulée pour l’essentiel dans le calme, malgré quelques heurts entre policiers  et militants.

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Thaïlande: loi d’urgence à Bangkok

Le gouvernement thaïlandais a décidé d’imposer la Loi sur la sécurité intérieure dans une partie de Bangkok en prévision d’une manifestation de ses opposants.

Le Conseil des ministres a décidé de mettre en vigueur la Loi sur la sécurité intérieure (ISA) dans trois districts de Bangkok – Dusit, Phra Nakhorn et Pomprap Sattruphai – pour se préparer à la manifestation anti-gouvernementale organisée par le mouvement Siam Pitak le 24 novembre. La loi sera appliquée dès le 22 novembre et son application levée le 30 novembre si la situation est calme. Selon le quotidien The Nation, cette loi permettra au gouvernement de Thaïlande de faire appel aux forces armées si la police ne parvient pas à contrôler la foule. Le Bangkok Post rapporte de son côté que la décision de recourir à cette loi d’urgence a été prise sur proposition du Conseil national de sécurité et sur la base de rapports des services de renseignements, selon lesquels la manifestation pourrait mettre en danger la vie des personnes et provoquer des dégâts matériels.

La dernière fois que la Loi sur la sécurité intérieure a été décrétée à Bangkok remonte à avril-mai 2010, quand le gouvernement d’Abhisit Vejjajiva faisait face à des manifestations de dizaines de milliers de Chemises rouges, partisanes de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra. La cheffe actuelle du gouvernement, Yingluck Shinawatra, sœur cadette de Thaksin, doit expliquer à la télévision le 22 novembre dans la soirée les raisons de la mise en vigueur de cette loi. Le mouvement Siam Pitak rassemble les Chemises jaunes et les Chemises multicolores, émanations de l’establishment conservateur et des élites urbaines.

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Remaniement ministériel en Thaïlande : seuls les Shinawatra

Une réorganisation du gouvernement de Yingluck Shinawatra confirme le poids dominant de la famille Shinawatra.

Le roi Bhumibol Adulyadej de Thaïlande a approuvé le 28 octobre la nouvelle liste des ministres présentée par la cheffe du gouvernement Yingluck Shinawatra. Pour la première fois depuis mai dernier, date de la fin de leur interdiction d’activités politiques prononcée par la Cour constitutionnelle en 2007, plusieurs lieutenants de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra font leur entrée dans le gouvernement dirigé par sa sœur cadette. Ainsi Pongthep Thepkanchana, fidèle d’entre les fidèles, devient vice-Premier ministre et ministre de l’Education et Pongsak Raktapongpaisal ministre de l’énergie. L’influence de la sœur de Thaksin, Yaowapha Wongsawat (dont le mari, Somchai Wongsawat avait été Premier ministre en 2008), se fait aussi sentir au travers de l’arrivée de Boonsong Teriyapirom au ministère du Commerce et de Woravat Au-apinyakul à celui des Sciences.

La cheffe du gouvernement Yingluck n’en a pas moins obtenu gain de cause à plusieurs égards. Ainsi, elle a maintenu à son poste le ministre des Finances Kittirat na Ranong, fortement critiqué pour ses « mensonges pieux » sur l’économie et a fait remplacer Withaya Buranasiri, généralement considéré comme un ministre compétent, par Pradit Sintawanarong au portefeuille de la santé. Elle a connu Pradit, gros entrepreneur immobilier, lorsqu’elle dirigeait SC Assets, la branche immobilière du conglomérat Shin Corp.

L’un des autres faits saillants de ce remaniement est l’absence de l’un des principaux leaders des Chemises rouges Jatuporn Phromphan. Un autre leader du mouvement, Nattawut Saikuar, jusqu’alors vice-ministre de l’Agriculture devient vice-ministre du Commerce. Le remaniement devrait provoquer des réactions négatives de la part de la frange la plus radicale des Chemises rouges.

 

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Chronique de Thaïlande : le retour de Super-Chalerm

Vétéran de la politique, l’actuel vice-Premier ministre Chalerm Yubamrung tient le haut du pavé malgré une réputation sulfureuse.

Un nouveau soap-opera sur la chaîne 3 de la télévision thaïlandaise captive, depuis plusieurs semaines, l’attention du grand public en Thaïlande. Il s’agit de Hong Sabad Laï (« Le Gang de la Cité », selon une traduction non littérale) qui décrit de manière hautement colorée les péripéties de la vie d’une famille dont le chef est un politicien corrompu et sans scrupules et le fils aime à manier le revolver pour régler ses comptes avec ses rivaux. Plusieurs Thaïlandais m’ont assuré que le vice-Premier ministre actuel Chalerm Yubamrung aurait inspiré en partie le personnage principal de la série, le patriarche véreux. Si cela est vrai, ce serait une consécration pour cet ancien capitaine de police âgé de 64 ans, entré en politique dans les années 1980 et qui a bien failli sombrer dans l’oubli il y a une dizaine d’années.

Chalerm Yubamrung est le prototype du politicien fort en gueule qui anime la scène politique du royaume, une « bombe à retardement ambulante » comme l’a qualifié l’analyste Chris Baker il y a peu. Aux côtés de la cheffe du gouvernement Yingluck Shinawatra, aussi élégante qu’effacée, Chalerm présente un contraste total, avec ses gesticulations et ses coups de gueule, son absence quasi-totale de retenue et ses piques assassines. Mais quels que soient ses travers, force est de reconnaître qu’il joue aujourd’hui un rôle de tout premier plan, cumulant la fonction de Monsieur anti-drogue avec la supervision des opérations de sécurité dans le Sud à majorité musulmane du pays. Sur les écrans et derrière les micros, sur les perrons et dans les salons de réception, on ne voit que lui. D’où lui vient donc cette présence au-delà d’un hyper-activisme qui n’est pas sans rappeler la bougeotte permanente de l’ancien président Sarkozy ?

Chalerm n’a jamais bien été considéré quand il faisait carrière dans la police. Lors d’un entretien en 1994, le général de police Seri Temiyavej (qui deviendra plus tard chef de la police royale) l’avait qualifié d’«officier de très basse qualité». C’est son entrée en politique en 1988 dans le gouvernement de Chatichai Choonhavan qui lui donna un profil national. Nommé ministre auprès du Premier ministre, il fut chargé de superviser le secteur des médias. Déjà, il se distinguait par ses interférences dans la couverture par les journalistes. C’est à cette époque qu’il rencontra Thaksin Shinawatra, alors un homme d’affaires sur la pente ascendante et qui souhaitait mettre un pied dans le secteur audiovisuel. Chalerm s’entendit bien avec cet homme de sa génération qui était aussi un ancien officier de police. Comme Chalerm avait autorité sur l’Autorité Thaïlandaise de Communication de Masse (MCOT), il fit en sorte que cette agence gouvernementale octroie une licence pour une chaîne de télévision câblée à Thaksin. L’amitié était scellée et ne se démentira jamais.

Mais la carrière politique de Chalerm, souvent accusé d’être propriétaire de casinos clandestins, allait connaître des tournants imprévus. Et comme il s’était fait un certain nombre d’ennemis par ses embardées – qualifiant par exemple l’épouse de l’ex-Premier ministre Chaovalit Yongchaiyud de «boîte à bijoux ambulante» -, ceux-ci ne se prièrent pas pour lui savonner la planche. En 2001, l’un des deux fils de Chalerm, Duangchalerm, jeune officier de police, est impliqué dans le meurtre d’un autre officier de police dans une discothèque. L’accusation est grave : des témoins affirment l’avoir vu tirer une balle dans la tête du policier à bout portant après une querelle. Duangchalerm s’enfuit au Cambodge et son père, alors ministre dans le gouvernement de Thaksin, essaie de temporiser. Après un an de cavale, Duangchalerm rentre au pays et, surprise !, la totalité des témoins refusent de témoigner ou reviennent sur leurs premières déclarations. La cour acquitte Duangchalerm en 2004, alors que de forts soupçons d’ingérences au sein de l’appareil judicaire pèsent sur son père. Chalerm entame une longue traversée du désert, qui ne se terminera qu’en 2011 lorsqu’il entrera au gouvernement de Yingluck Shinawatra.

On peut légitimement se demander comment un politicien qui traine autant de casseroles derrière lui puisse occuper un rôle aussi important dans le gouvernement. Peut-être parce que chaque gouvernement – et particulièrement celui de Yingluck – a besoin d’un « franc-tireur » pour faire reculer les critiques trop agressifs, mais aussi, comme le confie un analyste, simplement parce que personne n’ose s’en prendre à l’ancien capitaine de police qui «connait trop de choses sur trop de monde».

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Politique Thaïlande

Thaïlande : tensions entre le gouvernement et l’armée

Le transfert de trois généraux, occupant de hautes fonctions au ministère de la Défense, témoigne d’un bras de fer  autour du prochain remaniement de la direction des forces armées.

En surface, c’est un simple conflit entre le ministre de la Défense de la Thaïlande et un haut fonctionnaire du ministère à propos d’une nomination. Derrière, il s’agit de la question fondamentale du pouvoir politique des militaires, dans un pays où, sous couvert de « sécurité nationale », les hommes en uniforme s’arrogent des droits très étendus et sans commune mesure avec ceux dont ils jouissent sous un régime démocratique. Le général d’aviation Sukumpol Suwanatat, ministre de la Défense, a transféré le 27 août trois hauts responsables du ministère à des postes subalternes, après que l’un d’entre eux – le général Sathian Phoemthongin – se soit publiquement opposé au choix du ministre pour son remplacement. Non seulement ce général a sollicité par voie de presse la cheffe de gouvernement Yingluck Shinawatra pour qu’elle bloque le nominé du ministre pour le poste de secrétaire permanent du ministère (l’équivalent d’un secrétaire général en France) mais, parallèlement, il a aussi transmis une plainte écrite à deux conseillers privés du roi, les anciens premiers ministres (et ex-chefs de l’armée de terre) Prem Tinsulanonda et Surayudh Chulanont.

La question qui se pose est de savoir pour qui roule l’audacieux Sathian ? Selon le quotidien The Nation, le ministre Sukumpol est un homme-lige de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra, lequel s’est exilé en 2008 quelques mois avant d’être condamné par la Cour suprême pour abus de pouvoir. Il lui aurait même rendu visite récemment pour recueillir ses instructions. Les ennemis les plus tenaces de Thaksin sont clairement identifiés : le chef de l’armée Prayuth Chan-Ocha et les leaders du parti Démocrate d’opposition. Peut-on dès lors en conclure que le général Prayuth soit derrière la rébellion de Sathian ? The Nation semble hésiter à franchir ce pas, alors même que Sathian a déclaré, en apprenant son transfert : « Les chefs des forces armées vont connaître le même sort que moi ». Le remaniement annuel de la direction  des forces armées, annoncé officiellement le 1er octobre prochain, est en train de se jouer. Sans que l’on puisse déchiffrer précisément les manœuvres des uns et des autres, il est clair que, cette année, un bras de fer se joue dans ce cadre entre le « clan Thaksin » et le général Prayuth, un des piliers au sein du camp des adversaires de l’ancien premier ministre déchu, renversé par un coup d’Etat en septembre 2006 et dont la sœur cadette, Yingluck, dirige actuellement le gouvernement.