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Analyse Société Thaïlande

Chronique siamoise : le pavé dans la Chao Phraya de Lady Gaga

La chanteuse américaine, en tournée en Asie, a choqué de nombreux Thaïlandais en parlant des fausses montres vendues à Bangkok.

La saga Lady Gaga va-t-elle rendre les Thaïlandais gogo ? Ou faut-il se gausser tout de go des dégâts provoqués par Lady Gaga ? La réponse à cette question demande que l’on se penche sur le rapport des Thaïlandais à l’image extérieure de leur pays. Car ce qui a choqué en Thaïlande ne sont pas, comme en Corée du Sud, aux Philippines ou en Indonésie, les tenues ultra-sexy de la méga-star, mais le fait qu’elle ait annoncé, sur son compte twitter, qu’elle allait acheter une fausse Rolex, puis qu’elle ait visité un cabaret de spectacles transgenres lors de sa première soirée bangkokienne. Que les fausses montres et les transgenres abondent à Bangkok relève de l’évidence. Que les spectacles de cabaret et les concours de beauté transgenres fascinent les Thaïs (et bien sûr les étrangers de passage) est bien connu. Les médias thaïlandais consacrent régulièrement de longs articles à ces phénomènes économiques, culturels et sociaux. La littérature universitaire sur la transsexualité et l’homosexualité en Thaïlande est d’une richesse étonnante. Ce n’est donc pas la réalité de ce qu’a mis en relief Lady Gaga – l’ambiguïté sexuelle et intellectuelle – qui est en cause, ni même le fait que cette réalité soit largement exposée. Mais le fait qu’à cause de la renommée mondiale de la chanteuse et des 25 millions d’abonnés à son compte twitter, cette exposition ait eu immédiatement un retentissement mondial.

La firme britannique de dictionnaires Longman s’était heurtée au même écueil en 1993 quand elle avait défini dans son dictionnaire de la langue et de la culture anglaises le mot Bangkok comme suit : «Ville réputée pour ses pagodes bouddhistes et où il y a beaucoup de prostituées». Tous les exemplaires du dictionnaire impie avaient été immédiatement retirés des librairies du royaume et le gouvernement avait menacé d’interdire l’ensemble des publications de la firme.

En Thaïlande, la valeur de la vérité est souvent relative à sa coloration négative ou positive. Une vérité qui renforce une image positive est une vérité bonne à propager. Une vérité qui met le doigt sur certaines faiblesses est à proscrire. Une vérité n’est pas «bonne» en soi, en tant que calque fidèle de la réalité. Il y a une certaine sagesse dans cette attitude qui évite de mettre sur un piédestal une perspective sur la réalité qui n’en est qu’une parmi une infinité d’autres possibles. Comme l’authenticité des montres et l’identité sexuelle, la vérité est un concept à géométrie variable selon les circonstances. Bien sûr, cette discrimination existe partout : qui apprécie qu’on lui jette ses «quatre vérités» à la figure ? Mais le phénomène de remise en question, l’effort pour corriger ses fautes, lié à l’éthique chrétienne, n’est pas enraciné dans un environnement culturel bouddhiste où, stricto sensu, il n’est pas possible de se réformer au cours de l’existence présente.

Cette obsession de l’apparence se fonde aussi sur l’importance de la face. Celle-ci n’est pas une projection de la personnalité intérieure, qui reste dans le domaine privé, mais une sorte de masque plaisant dont l’objectif est de préserver l’harmonie de l’ensemble social. Par ses commentaires et son attitude, Lady Gaga a troublé cette surface paisible. En quelques mots, elle a condensé sa vision – la vision d’une star internationale et donc, pour les Thaïlandais, représentative de celle de l’Occident – de la Thaïlande : «le pays des fausses Rolex et des transsexuels». Le paradoxe est que la séduction qu’exerce Lady Gaga sur ses fans, lesquels sont très nombreux en Thaïlande, vient de ce mélange savamment dosé de provocation, de brutale sincérité et d’irrespect des formes. En somme, d’une certaine fraîcheur. Lady Gaga n’est sûrement pas reap roy (convenable, d’une conduite appropriée), mais elle est sans conteste sanouk (délurée), voire ding-dong (fofolle).

Max Constant

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Indonésie Société

Lady Gaga et l’Indonésie: la polémique enfle

L’artiste au style peu conventionnel doit se produire dans un grand stade de Jakarta le 3 juin. Une milice islamiste lui reproche le «culte de Satan».

Plus de 30.000 billets – au prix de 35€ à près de 180€, ce qui est très cher en Indonésie – ont déjà été vendus pour le concert du 3 juin. Mais le FPI, ou Front pour la défense de l’islam, l’accuse de faire «la promotion du culte de Satan.» « Si vous voulez le chaos à Jakarta, maintenez le concert», menace Rizieq Shihab, patron du FPI, milice notamment connue pour avoir saccagé, voilà une dizaine d’années, les bars de la capitale.

Rizieq a fait de la prison. Mais il dispose de quelques appuis, notamment parmi des officiers à la retraite. En général, la police laisse le FPI prendre la loi entre ses mains : l’interdiction, par exemple, de réunions de chrétiens. Quant au gouvernement, la plupart du temps, il ne dit rien. Les miliciens du FPI, en robe blanche, sont de plus en plus impopulaires. Mais, jusqu’ici, dans un pays qui compte près de 90% de musulmans,  modérés dans leur immense majorité, le FPI bénéficie paradoxalement d’une quasi-impunité.

Que va-t-il se passer ? Les islamistes décrètent que les concerts de Lady Gaga sont «haram». Ils lui reprochent «son soutien aux homosexuels, aux lesbiennes, aux transsexuels». Comment vont réagir les «petits monstres», les fans de Lady Gaga, très nombreux en Indonésie ? Pour l’instant, ils «ronchonnent», rapporte le Jakarta Post. Le FPI s’est engagé, de son côté, à ne pas laisser sortir de l’aéroport l’artiste, qui vient d’entamer à Séoul une tournée de six mois. L’étape de Jakarta demeure néanmoins au programme.