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Social Thaïlande

Bonnet d’âne pour les écoliers du sud de la Thaïlande

Les élèves des écoles de la région déstabilisée par une insurrection sont classés au bas de l’échelle nationale.

Les assassinats d’enseignants dans le sud à majorité musulmane de la Thaïlande font régulièrement les gros titres des journaux. Près de 160 d’entre eux, à 80 % de confession bouddhiste, ont été tués depuis la résurgence de l’insurrection séparatiste en janvier 2004. Selon le Straits Times de Singapour, un des effets de cette violence contre les enseignants dont on parle peu est le mauvais résultat des élèves des écoles du Sud dans le classement national. En 2012, les écoliers des trois provinces frontalières de la Malaisie – Pattani, Yala et Narathiwat – se retrouvent à nouveau dans le bas du tableau national.

Selon Prasit Meksuwan, ancien président de la Confédération des enseignants du sud cité par le quotidien, les assassinats d’enseignants ont un impact psychologique important sur l’état d’esprit des élèves, les décourageant d’apprendre. Toutefois, ce sont surtout les conditions culturelles qui désavantagent les écoliers du sud, lesquels sont dans leur immense majorité issus de familles malaises (qui parlent le jawi, un dialecte malais, à la maison) et donc ne rentrent en contact avec la langue thaïe que lors de leur entrée dans le cycle primaire.

En outre, parallèlement à leur cursus à l’école publique, ces enfants suivent presque toujours une éducation religieuse à l’école coranique, où des textes écrits en arabe sont appris par cœur sans véritable compréhension du contenu. Selon plusieurs experts, cette double éducation les désavantage par rapport à leurs camarades thaïs bouddhistes. Le Straits Times estime que le risque de ces handicaps cumulés est la condamnation des jeunes Malais musulmans “à une vie d’échecs”.

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Politique Société Thaïlande

Thaïlande : 1200 écoles en grève dans l’extrême sud

Une grève de 48 heures des enseignants a été déclenchée à la suite de l’assassinat de deux d’entre eux par des insurgés islamistes d’origine malaise.

Les enseignants se sont remis en grève à la suite de l’assassinat de deux d’entre eux le 11 décembre. Cette fois, le mouvement affecte 1.200 écoles de l’enseignement public dans trois provinces (Narathiwat, Yala et Pattani) où sévit à nouveau, depuis 2004, une insurrection. Le président de la Confédération des enseignants dans l’extrême sud de la Thaïlande, Boonsom Srithongprai, a annoncé que la grève de 48 heures, les 13 et 14 décembre, intervenait pour permettre aux forces de sécurité, selon le Bangkok Post, d’organiser «la protection des enseignants et de pourchasser les assaillants».

Boonsom a déclaré que les nouvelles mesures de sécurité devraient être en place au plus tard le lundi 17 décembre. Bangkok a annoncé, de son côté, que quatre mille policiers seraient envoyés en renfort à partir d’avril 2013 dans cette région où la reprise des troubles a fait en l’espace de neuf ans plus de 5000 victimes, dans leur grande majorité civiles. Sermsak Pongpanich, vice-ministre de l’éducation, a déclaré au Nation que des enseignants bouddhistes «en grand nombre» ont demandé leur transfert hors de la région. Leur moral serait au plus bas car 80% des 157 enseignants assassinés depuis 2004 seraient de confession bouddhiste.

La première ministre Yingluck Shinawatra était attendue le 13 décembre à Pattani, puis à Yala, où elle doit inaugurer un pont sur un barrage. La population des trois provinces est en majorité d’origine malaise et de confession musulmane. Depuis 2004, les gouvernements de Bangkok ont renvoyé à plusieurs reprises des renforts militaires et policiers. Dans son dernier rapport sur le conflit, diffusé le 11 décembre, l’ICG (International Crisis Group, Bruxelles), a estimé que Bangkok doit amorcer la démilitarisation du secteur, «abroger les lois draconiennes concernant la sécurité et mettre un terme à l’impunité des forces de sécurité ». L’ICG estime également nécessaire «une décentralisation du pouvoir politique».

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Politique Société Thaïlande

Thaïlande : 2 attaques, 7 civils tués dans l’extrême sud

Deux attaques ont fait sept victimes civiles dans l’extrême sud du royaume, où la reprise d’une insurrection islamiste et irrédentiste a presque neuf ans.

Cinq personnes ont été tuées le 11 décembre au petit matin dans la province de Narathiwat lorsque des hommes armés de fusils d’assaut M-16 et AK-47, arrivés à bord d’un pick-up, ont arrosé de balles des consommateurs de thé assis dans une échoppe ouverte. Quatre adultes et un bébé âgé de onze mois ont été tués, a rapporté la police. Quatre autres personnes, dont un bébé de dix mois, ont été blessées. Le propriétaire de l’échoppe occuperait des fonctions officielles dans le village où l’opération a eu lieu.

La deuxième attaque a eu lieu le même jour dans la province voisine de Pattani en fin de matinée. Des hommes armés et vêtus d’uniformes de la police ont pénétré dans les locaux d’une école. Selon le Bangkok Post, ils en ont tué le directeur ainsi qu’un enseignant avant de s’enfuir à bord d’un pick-up volé à un autre enseignant. Les classes avaient repris le matin même à Narathiwat dans 378 écoles publiques fermées à la suite d’une grève des enseignants qui réclamaient des mesures plus strictes de sécurité. Au total, 157 enseignants ont été assassinés depuis la reprise de l’insurrection en janvier 2004.

En l’espace de près de neuf années, le conflit a fait plus de cinq mille victimes. A ce jour, «les capacités des insurgés malais et musulmans dans le sud profond de la Thaïlande prennent de vitesse les contre-mesures des gouvernements successifs de Bangkok», estime un rapport de l’ICG (International Crisis Group, Bruxelles) publié le 11 décembre*. L’ICG ajoute que tous ces gouvernements «sont embourbés dans la suffisance et dans des disputes politiques qui traînent au niveau national».

* ICG, Thailand: The Evolving Conflict in the South  (http://www.crisisgroup.org/ )

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Politique Thaïlande

Sud de la Thaïlande : le ras le bol des enseignants

A la suite de l’assassinat d’une directrice d’école, le corps enseignant de la province de Pattani s’est mis en grève pour une durée indéterminée.

Une nouvelle fois, les enseignants de l’extrême sud de la Thaïlande en ont assez de faire les frais de la guerre civile relancée en janvier 2004 dans l’extrême sud du royaume, frontalier de la Malaisie, après plusieurs années de relative tranquillité. A Pattani, l’une des trois provinces affectées, 332 écoles ont été fermées par le syndicat régional des enseignants pour obtenir des autorités des mesures de sécurité plus efficaces. Nanthana Kaewchan, directrice d’école, a été assassinée par balles alors qu’elle retournait, au volant de sa voiture, à son domicile. Ce genre d’attaque est fréquent.

Selon le Bangkok Post, 66 enseignants ont été tués et 46 blessés dans la province de Pattani au cours des huit dernières années. Les enseignants de Pattani ont demandé à leurs collègues de Yala et de Narathiwat, les deux autres provinces affectées par l’insurrection et peuplées en majorité de musulmans d’origine malaise, de se joindre à leur mouvement de grève. Les écoles publiques sont des cibles privilégiées des militants armés qui appartiennent à des mouvements irrédentistes et parfois islamistes, dont la direction est mal connue.

L’insurrection s’était calmée pendant une quinzaine d’années grâce à la mise en place de canaux de communication avec la forte communauté musulmane et d’origine malaise. Mais la dégradation de la situation sous la houlette de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra (2000-2006), réfugié depuis 2008 à l’étranger et dont la sœur cadette dirige actuellement le gouvernement de Bangkok, a précédé une reprise de combats qui ont fait plus de cinq mille victimes depuis 2004.

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Politique Thaïlande

La Thaïlande promeut le dialecte malais du Sud

Bangkok va soutenir des médias audio-visuels en langue malaise de Pattani et poursuivre un programme scolaire pilote axé sur la promotion du dialecte.

L’Etat thaïlandais a toujours eu une politique, au mieux timide, au pire hostile, vis-à-vis de la langue malaise en cours à Pattani et de son écriture, le jawi, basée sur l’alphabet arabe avec quelques lettres des alphabets persan et urdu. Ce dialecte malais est parlé par les Malais musulmans qui constituent 90 % de la population des trois provinces méridionales de Pattani, Yala et Narathiwat. En 2006, la proposition de la Commission nationale de réconciliation, mise en place par le Premier ministre de l’époque Thaksin Shinawatra en 2004 pour trouver une solution pacifique au conflit du sud à majorité musulmane, avait suggéré de faire du malais de Pattani une «seconde langue de travail» à côté du thaï. Mais même cette suggestion de portée limitée avait été rejetée immédiatement par le président du Conseil privé du roi, Prem Tinsulanonda.

Aussi, les quelques pas faits par l’Institut Royal de Thaïlande, le très officiel établissement qui fixe les canons de la langue thaïe, pour promouvoir le malais de Pattani sont significatifs. Confirmant cette orientation, Niwattumrong Boonsongpaisan, un ministre auprès du Premier ministre, a indiqué le 16 octobre, selon le quotidien singapourien The Straits Times, que des programmes d’information sur des radios et des télévisions en langue malaise seraient renforcés avec le soutien du gouvernement. Jusqu’à présent, il existe quelques programmes en malais, gérés par des journalistes et des intellectuels du Sud, sur des radios locales avec un soutien très limité du gouvernement.

Parallèlement, un programme pilote consistant à enseigner le malais de Pattani en utilisant l’alphabet thaï, mis en place dans 15 écoles du Sud par l’université de Mahidol, va être étendu à plusieurs dizaines d’écoles. Toujours selon The Straits Times, une évaluation de ce programme a montré que, dans le Sud, les écoliers de ces établissements affichaient des  performances scolaires nettement supérieures à ceux étudiant dans des écoles où seul le thaï est enseigné. Très peu de Malais musulmans de la jeune génération savent lire et écrire le jawi, utilisé principalement dans le cadre de l’instruction religieuse.

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Analyse Thaïlande

Chronique de Thaïlande : vents du Sud

Plusieurs événements récents peuvent donner l’impression que les choses bougent concernant le sud à majorité musulmane, mais ces mouvements restent superficiels.

Entre 1961 et l’accord de «Good Friday» en 1998, le conflit entre nationalistes et unionistes en Irlande du Nord a provoqué la mort de 3.500 personnes lors d’attentats en série et de campagnes féroces de répression, devenant le dossier prioritaire pour tous les Premiers ministres britanniques de cette période. Entre 2004 et 2012, le conflit entre les séparatistes malais musulmans du Sud thaïlandais et l’Etat central a causé la mort de 5.200 victimes de part et d’autre, lors d’embuscades, de décapitations, d’attentats à la bombe ou de raids meurtriers par des paramilitaires sur des mosquées. Si l’on s’en tient à une arithmétique macabre, le conflit du Sud thaïlandais est sept fois plus meurtrier en moyenne annuelle que n’a été celui d’Ulster. Lors d’un récent colloque, Duncan McCargo, professeur à l’université de Leeds et auteur de plusieurs ouvrages sur les trois provinces du sud du royaume, a expliqué que les troubles de Pattani, Yala et Narathiwat constituent le conflit le plus meurtrier à l’heure actuelle après ceux d’Irak et d’Afghanistan. Et pourtant, la situation du Sud profond n’éveille presqu’aucun intérêt international, si ce n’est une visite occasionnelle d’une délégation de l’Organisation du Conseil Islamique (OCI) ou de la Ligue arabe.

Plus incompréhensible encore : elle semble reléguée au dernier rang des préoccupations du gouvernement thaïlandais actuel. Depuis quatorze mois qu’elle a accédé au pouvoir, la cheffe du gouvernement Yingluck Shinawatra ne s’est rendue qu’à deux occasions dans le Sud – les deux fois pour une seule journée. Cette absence de politique gouvernementale sur un problème crucial pour le royaume n’est pas dans la lignée de l’attitude des gouvernements précédents. Tous les gouvernements, depuis le coup d’Etat de septembre 2006, ont tenté, tant bien que mal, de chercher une solution au conflit inextricable qui a enflammé de nouveau, en 2004, les vieilles tensions entre l’Etat central et les populations locales. Le général Surayudh Chulanont, Premier ministre nommé par les putschistes, avait reconnu «l’injustice historique» faite par l’Etat central aux Malais musulmans du Sud et rétabli certains des organes – notamment le Southern Border Provincial Areas Council ou SBPAC – abolis par Thaksin Shinawatra (le Premier ministre renversé par le Coup). Abhisit Vejjajiva, chef du gouvernement de décembre 2008 à juillet 2011, s’était concentré sur le développement économique de la région et sur une meilleure application de la justice. Quant à Yingluck Shinawatra, on serait bien en mal de définir sa politique pour le Sud, au-delà de références à «l’approche adoptée par le roi de Thaïlande» et de la carte blanche laissée à l’armée.

C’est dans ce contexte que sont intervenus, coup sur coup, deux petits événements, au début de septembre. Le 7, l’imprévisible vice-Premier ministre Chalerm Yoobamrung a soudainement lancé l’idée d’instaurer un système électif pour les gouverneurs des trois provinces, dérogeant ainsi au rigide système bureaucratique selon lequel le ministre de l’intérieur désigne les gouverneurs. Trois jours après, 93 «séparatistes» se rendaient lors d’une cérémonie officielle à Narathiwat présidée par le général Udomchai Thammasarorach, ayant découvert que leurs objectifs «étaient trop ambitieux» et manifestant la volonté «d’obtenir un travail et de mener une vie paisible». Ce type de reddition est un processus employé à plusieurs reprises par l’armée dans le passé pour mettre un terme à des insurrections, qu’il s’agisse de la rébellion du Parti communiste thaïlandais éteinte au début des années 80 ou du mouvement séparatiste du Sud.

Outre le fait qu’il porte sur un nombre très limité de personnes dont le rôle dans l’insurrection n’est pas clair, ce processus est purement pragmatique : les insurgés déposent les armes et obtiennent une certaine forme de pardon pour leurs crimes. La question de fond – la revendication politique, identitaire et culturelle des Malais musulmans du Sud, produit de décennies de marginalisation par Bangkok – est ignorée. Pourtant, des propositions existent pour engager un processus de résolution du conflit : statut administratif spécial, décentralisation, reconnaissance des droits culturels, promotion du jawi (la langue locale, issue du malais mais écrite avec l’alphabet arabe) comme langue officielle parallèlement avec le thaï… Un processus qui, certes, est complexe et prendra du temps à aboutir, mais, comme à Belfast, à Atjeh ou à Mindanao, il faut bien commencer quelque part.

La proposition de Chalerm va dans le bon sens, mais elle semble formulée d’une manière improvisée, sans même que les autres membres du gouvernement ou du parti gouvernemental Peua Thai aient été consultés, comme un ballon d’essai lancé sur un coup de tête. En tous les cas, l’élection des gouverneurs n’est pas une recette miracle et ne peut-être, au mieux, qu’un élément d’une réforme plus vaste. Il n’est pas à écarter non plus que les rivalités entre politiciens du Peua Thai et militaires expliquent en partie ces coups d’éclat. Engager un processus pour s’attaquer efficacement au «problème du Sud» nécessite un nouvel état d’esprit de la part des autorités de Bangkok. Celui-ci n’est pas encore apparu.

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Politique Thaïlande

Thaïlande: 10 000 rebelles dans le Sud musulman, selon l’armée

L’armée thaïlandaise a publié un manuel en deux volumes où elle explique la structure et les objectifs du mouvement séparatiste qui a refait surface en 2004 dans le Sud à majorité musulmane.

Le titre – « Ordre de bataille » – pourrait annoncer un film d’action à grand spectacle avec des vedettes hollywoodiennes, mais il s’agit plus prosaïquement d’un manuel en deux volumes publié par l’armée thaïlandaise, qui décrit sur 500 pages l’organisation de l’insurrection séparatiste. Selon la journaliste du Bangkok Post spécialisée dans les affaires militaires, Wassana Nanuam, le deuxième volume est le plus frappant : il dresse une liste de quelque 10.000 membres de l’insurrection, allant des politiciens de niveau national aux simples villageois en passant par les chefs d’écoles religieuses locales. Sur ce total, 866 personnes citées sont l’objet de mandats d’arrêt. Le réseau insurrectionnel serait coordonné par un conseil central de 20 personnes, appelé le Dewan Pimpinan, dont le secrétaire-général est, selon le manuel, Sapae-ing Basor, un ancien directeur d’école coranique recherché par les autorités.

Le premier volume décrit l’organisation du réseau insurrectionnel en brossant d’abord un tableau de la rébellion séparatiste avant janvier 2004 et de son évolution après. Une source militaire citée par Wassana Nanuam indique que plusieurs factions séparatistes sont en concurrence au sein de cette nébuleuse. L’insurrection séparatiste avait connu une résurgence en janvier 2004 après un audacieux raid organisé par une nouvelle génération de rebelles sur un camp militaire dans la province de Narathiwat. Depuis, les violences ont causé la mort d’environ 5.200 personnes. Les informations publiées par l’armée dans ce manuel sont à prendre avec certaines précautions. En 2010, l’armée avait publié, au plus fort des tensions entre le gouvernement et les Chemises rouges (adversaires de l’establishment traditionnel), le schéma d’un « réseau anti-monarchiste » – schéma qui s’était révélé par la suite largement fantaisiste.